Extraits d'un entretien de M. Clément Beaune, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, à France Bleu Provence le 4 mars 2022, sur la position de l'Union européenne face l'agression russe en Ukraine.

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Média : France Bleu Provence

Texte intégral

Q - Clément Beaune, bonjour.

R - Bonjour.

Q - 27 ministres et une préoccupation imposée par Poutine, l'Ukraine. Un mot sur ce qui s'est passé cette nuit : la plus grosse centrale nucléaire d'Europe bombardée par l'armée russe, faut-il redouter le pire, Clément Beaune ?

R - Ecoutez, sur cette situation particulière, on est en train d'examiner exactement ce qui se passe ; vu la gravité de ces opérations de combat en général, il faut être extrêmement prudent, sérieux, mais ce que l'on voit, c'est que malheureusement, nuit après nuit, il y a les attaques qui redoublent, qui s'intensifient, des cibles qui peuvent être extrêmement dangereuses. Donc, on est dans une situation de guerre qui se poursuit, et nous voyons à quel point l'opération et la guerre menée par la Russie est d'une très grande brutalité, d'un très grand danger.

Q - Alors, face à cette brutalité, on fait quoi ? Emmanuel Macron s'est entretenu pendant une heure et demie, hier, avec Vladimir Poutine, troisième coup de téléphone depuis l'invasion de l'Ukraine ; on voit bien, Clément Beaune, que la voie diplomatique ne sert pas à grand-chose pour arrêter Vladimir Poutine.

R - On voit bien que cette voie, elle est très difficile, c'est très clair, mais je veux rappeler, on ne fait pas que ça. D'abord, nous avons mis en place des mesures d'une très grande fermeté, dureté, à l'égard de la Russie, en essayant de cibler le régime, les proches de M. Poutine, le plus possible, des intérêts économiques russes très fortement, on voit d'ailleurs sur la monnaie russe, l'impact que cela a. Je crois que cette réaction européenne occidentale, très unie, est la première des choses.

Q - A quoi ça sert d'appeler Vladimir Poutine, là, aujourd'hui ? Il a décidé qu'il irait jusqu'au bout !

R - Il faut à la fois cette fermeté, d'abord la solidarité avec l'Ukraine, et puis, il faut garder, je sais que ça peut paraître difficile, ça l'est, mais il faut toujours garder parce qu'on peut essayer à chaque fois d'éviter le pire, une étape plus difficile encore, un canal de discussion, sans naïveté, sans illusion ; c'est pour ça qu'avant tout, ce sont les mesures de fermeté contre la Russie que nous prenons mais le Président de la République qui est aujourd'hui président en exercice de l'Union européenne doit mener cette discussion, aussi difficile soit-elle, pour essayer d'avoir, on a quelques minces espoirs, avec de possibles corridors humanitaires, d'acheminer de l'aide, il faut à chaque fois essayer de saisir les occasions...

Q - Mais alors, justement, vous l'avez dit, acheminer de l'aide, c'est ce qu'on peut faire au niveau de l'Europe, il y a cet aspect humanitaire, faciliter l'arrivée des réfugiés ?

R - Absolument. Comme je le disais, fermeté avec la Russie et solidarité avec l'Ukraine. La solidarité, c'est des mesures européennes très importantes qui ont été décidées, ces derniers jours, y compris de la livraison d'équipements militaires, mais aussi, bien sûr, parce que c'est une situation humanitaire dramatique, essayer d'acheminer de l'aide, il y a 26 pays de l'Union européenne, aujourd'hui - nous en discuterons - qui acheminent de l'aide vers l'Ukraine. La France a encore envoyé ces dernières heures d'autres convois d'aide qui vont transiter par la Pologne. C'est difficile d'y accéder, en Ukraine, mais nous le ferons et dans les pays limitrophes, dans les pays voisins aussi, qui font face à un afflux de réfugiés et à qui nous devons aussi cet appui. Donc, cette solidarité européenne à l'égard de l'Ukraine, elle est très concrète aujourd'hui.

Q - Là, vous êtes ministre des affaires européennes, on a l'impression que, quelque part, ça a réveillé l'Europe, c'est le dernier rempart.

R - Oui, vous avez raison, bien sûr, le drame, c'est celui de la guerre et de ses victimes, mais l'Europe a su réagir jusqu'à présent avec une grande force, je pense d'ailleurs une force sous-estimée.

Q - Elle a su réagir, mais elle n'a pas empêché !

R - Bien sûr, il faut être honnête, la situation, c'est celle d'une situation de guerre. On a tout fait, la France en premier lieu, pour essayer de l'éviter. Mais M. Poutine a fait un choix malheureusement qui est celui de ce combat et, dans ce combat, nous avons cette fermeté européenne ; le fait qu'il y ait des sanctions aussi fortes, inédites dans notre histoire qui font mal à l'économie russe, qui font mal aux oligarques russes, au régime de M. Poutine, ça n'a pas eu d'impact immédiat, mais c'est nécessaire, c'est comme ça qu'on marque aussi, je l'espère, un coup d'arrêt à des plans qui pourraient être plus dramatiques encore. Et puis, nous avons aussi une sorte de sursaut européen, parce que nous voyons à travers cette crise que les sujets qui étaient jusque-là parfois tabous - l'Europe de la défense, avoir des capacités militaires, avoir la capacité à défendre l'énergie, on est très dépendant encore de la Russie - toute cette crise nous a réveillés pour montrer qu'on devait être moins dépendant et assurer notre souveraineté, parce que quand on est dépendant, on est plus fragile. (...).


source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 mars 2022