Interview de Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques, à France Info le 15 mars 2022, sur la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires.

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Média : France Info

Texte intégral

MARC FAUVELLE
C'est donc l'heure du dégel pour les 5 millions et demi de fonctionnaires, le gouvernement promet un geste pour leur pouvoir d'achat, leur point d'indice qui était gelé depuis 2017 pourrait être revalorisé dès cet été. Bonjour Amélie de MONTCHALIN.

AMELIE DE MONTCHALIN
Bonjour.

MARC FAUVELLE
Ministre de la Fonction publique. Une annonce à 26 jours de la présidentielle c'est évidemment un hasard du calendrier.

AMELIE DE MONTCHALIN
Non, c'est l'inflation qui revient, juste que les Français comprennent nous n'avons jamais connu une inflation aussi forte depuis 1991 et donc le contexte a beaucoup changé. Et donc ce n'est pas une décision voyez électoraliste, c'est même peut-être même pas une décision politique, c'est d'abord une décision économique, nous ne pouvons pas en tant qu'employeur public laisser le pouvoir d'achat de nos agents décrocher dans cette situation inédite par rapport notamment aux salariés du privé. Nous avons fait du pouvoir d'achat et de sa protection une priorité pendant toute la crise, souvenez-vous il y avait d'abord « le quoi qu'il en coûte », ce n'était pas pour acheter des voix, ce n'était pas pour aller chercher des voix, c'était pour la France, c'était une responsabilité que nous assumons et que nous continuons d'assumer. Vous le voyez le Premier ministre a pris des mesures pour l'ensemble des Français sur le carburant, moi je prends aussi des mesures en tant qu'employeur public, d'ailleurs pour les agents qui roulent beaucoup, leur indemnité kilométrique est aussi revalorisée.

MARC FAUVELLE
Comme celle dans le privé.

AMELIE DE MONTCHALIN
Et nous avons depuis 5 ans pris beaucoup de mesures qui étaient ciblées sur des métiers à revaloriser, les métiers du soin, sur les catégories C les moins rémunérées, sur les inégalités dans la fonction publique, aujourd'hui la situation a changé et donc notre responsabilité, c'est de nous assurer que nous ne laissons pas le pouvoir d'achat, les agents publics décrocher en particulier par rapport aux salariés du privé.

MARC FAUVELLE
Il y a 3 mois encore l'inflation était déjà supérieure à 2% Amélie de MONTCHALIN, vous expliquiez, je vous cite, aux syndicats que c'était une solution de facilité d'augmenter tous les fonctionnaires, qu'il était hors de question de tous les augmenter que ça coûtait trop cher qu'il fallait se concentrer sur les bas salaires, l'inflation, elle était déjà là.

AMELIE DE MONTCHALIN
Elle n'était pas au niveau d'aujourd'hui. Aujourd'hui elle est quasiment 2 fois, 2 fois plus haute que ce qu'elle était à l'époque et oui nous avions à ce moment-là pris là aussi en responsabilité la décision de concentrer nos efforts très conséquents sur les plus bas salaires, sur le 1,2 million d'agents de catégorie C qui ont vu sur leur feuille de paye du mois de janvier la plus forte hausse qu'ils n'ont jamais vu depuis des années parce que c'était un choix là aussi politique, un choix de responsabilité. Vous savez moi je crois qu'il y a quelque chose aujourd'hui qui est très dangereux, ce serait de considérer que la campagne électorale serait une parenthèse. bien sûr qu'il y a un débat, d'ailleurs c'est un moment sacré de relations entre les Français et le personnel politique qui doit ensuite les représenter, mais vous ne pouvez pas penser, en tout cas c'est pas notre vision, qu'on peut mettre sous cloche la réalité parce que c'est notre première contrainte, c'est pas les élections, c'est la réalité, c'est cette inflation qui est au plus haut depuis près de 30 ans.

MARC FAUVELLE
Mais vous faites cette annonce aujourd'hui Amélie de MONTCHALIN, qu'est ce qui empêchera le prochain président ou la prochaine, si ce n'est pas Emmanuel MACRON de revenir dessus ?

AMELIE DE MONTCHALIN
D'abord on prend une décision aujourd'hui, aujourd'hui et maintenant face à une situation…

MARC FAUVELLE
Il faut une loi pour ça.

AMELIE DE MONTCHALIN
…qui est observée, ensuite on va lancer la concertation parce que cette décision elle implique non seulement l'Etat mais aussi les employeurs territoriaux, les maires, les présidents de départements, de régions, les hospitaliers également et donc on doit préparer la mesure. Cette mesure on va donc la préparer, on va la calibrer en fonction de l'inflation qu'on va observer, la calibrer en fonction des autres mesures de pouvoir d'achat et évidemment arrivera le moment où nous pourrons, eh bien nous assurer qu'elle est bien financée, qu'elle est bien de manière transparente actée et donc la mettre en oeuvre.

MARC FAUVELLE
Mais ça c'est bien pour la prochaine majorité puisqu'il faut une Assemblée nationale pour voter un texte comme ça et donc ça se fera après les législatives.

AMELIE DE MONTCHALIN
D'abord le calendrier vous savez, on a plein, je ne vais pas ici revenir sur la mécanique budgétaire, les annonces, il y a un moment donné il faut les financer, il faut les faire acter.

MARC FAUVELLE
Il n'y a plus d'assemblée en ce moment, elle est en vacances pour cause de campagne présidentielle.

AMELIE DE MONTCHALIN
Evidemment, c'est pour cela que je vous dis qu'on doit d'abord concerter avec tous les acteurs et tous les financeurs, tous les employeurs, on doit bien la calibrer, mais surtout ce que je veux dire, c'est que je n'imagine pas que dans cette situation que je vous dis inédite, une inflation qui est au plus haut depuis 30 ans, qui augmente, on le voit mois après mois, quiconque arrive devant les Français, arrive devant les fonctionnaires et considère qu'on n'a pas en responsabilité à agir tel que nous prenons la décision aujourd'hui de le faire.

MARC FAUVELLE
Sauf que les Français, Amélie de MONTCHALIN vont voter pour un programme, un candidat ou une candidate qui dira : j'augmente ou que je n'augmente pas et qui n'aura donc pas les mains liées en quelque sorte par vos engagements. Dégel, ça veut dire quoi, c'est combien ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Alors c'est là où je vous dis qu'il faut qu'on calibre la mesure en fonction de l'inflation réellement constatée, vous voyez que chaque mois…

MARC FAUVELLE
C'est 4 % aujourd'hui. Ce sont les chiffres officiels.

AMELIE DE MONTCHALIN
Les choses changent, la situation est très volatile. Vous avez vu que par ailleurs il y a des mesures générales qui sont prises pour tous les Français et donc il faut que notre mesure elle soit le plus efficace pour protéger ce pouvoir d'achat et il faut qu'elle soit responsable et… budgétairement et donc c'est cet élément d'équilibre qu'il nous faudra trouver par la concertation.

MARC FAUVELLE
Donc ce sera quoi substantiel, ça se chiffrera en milliards.

AMELIE DE MONTCHALIN
Évidemment que c'est une mesure très importante pour les agents publics parce que aujourd'hui quand vous êtes enseignant, quand vous êtes infirmier, quand vous êtes aide-soignante, quand vous êtes policier, vous avez des hausses, vous avez un salaire qui correspond à votre métier et des décisions qui sont prises d'ailleurs très importantes pour chacun de ces métiers, et puis vous avez l'inflation générale qu'il faut prendre de manière générale. ce que je voudrais rajouter, c'est que évidemment cette mesure ne règle pas tout, parce que les fonctionnaires, ils nous l'ont aussi dit au cours des derniers mois dans une conférence sur les perspectives salariales que j'ai ouverte, c'est que le système aujourd'hui il ne leur convenait plus parce qu'il est trop compliqué, parce qu'il n'offre pas de perspective durable dans toute la carrière, parce qu'il fait une trop grande place aux diplômes plutôt qu'aux métiers que vous exercez à un moment donné dans votre vie et vous acquérez des compétences dans toute votre vie. Et donc c'est bien tout le système de rémunération que nous souhaitons revoir avec une négociation que j'ai déjà annoncée, que nous voulons tenir dès que nous pourrons, évidemment là si on a le mandat et la légitimité des Français…

MARC FAUVELLE
Je tente ma chance une dernière fois, Amélie de MONTCHALIN, une augmentation, un dégel de 0,5%, 1%, ça ne passerait pas aujourd'hui.

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais je vous le dis, il faudra qu'on le calibre et qu'on le calibre en responsabilité face à la situation.

MARC FAUVELLE
C'est-à-dire il faut qu'il soit à la hauteur de l'inflation en ce moment.

AMELIE DE MONTCHALIN
Il y a quelques mois l'inflation, on disait qu'elle était à 2,5, on la trouvait très haute et elle était déjà très haute, en janvier elle était un peu plus de 3%. En février elle était à 3,6%, donc vous voyez bien que si je vous annonce un chiffre aujourd'hui, ce ne sera pas forcément celui qui sera adapté. Et deuxièmement je dois le concerter, je le redis en responsabilité, une décision comme celle-là nous la prenons parce que nous pensons que, économiquement, pas pour des raisons électoralistes, pas pour des raisons j'allais dire même politique, nous ne pouvons pas laisser le pouvoir d'achat décrocher, mais on doit le faire en concertant tous ceux qui sont bien sûr impliqués et qui sont mobilisés sur ces questions, en particulier les autres employeurs publics.

MARC FAUVELLE
Merci à vous Amélie de MONTCHALIN


source : Service d'information du Gouvernement, le 23 mars 2022