Texte intégral
S'est donc réuni ce matin le quatrième Conseil Affaires Générales sous présidence française du Conseil de l'Union européenne et, cela fait partie des priorités de la présidence française, une large part de notre conseil a été consacrée à la question de l'Etat de droit. Nous avons aujourd'hui tenu un examen spécifique de la situation de cinq pays : le Luxembourg, la Hongrie, Malte, les Pays-Bas et l'Autriche, au regard de l'Etat de droit. C'est un examen transversal, horizontal, qui, j'insiste, est identique pour tous les Etats membres et qui fait partie du dialogue annuel que nous avons établi sur l'Etat de droit. Ces cinq Etats membres ont été désignés selon un ordre protocolaire des ministres présents en application d'une approche que nous avons définie l'année 2020. C'est le quatrième dialogue de ce type qui est organisé depuis 2020 et je me réjouis qu'il se soit déroulé ce matin à nouveau dans une atmosphère ouverte et constructive.
Cela a permis d'évoquer toutes les dimensions de l'Etat de droit, notamment les questions de fonctionnement des systèmes judiciaires, de lutte contre la corruption, de protection de la liberté des médias et du pluralisme, qui a été fréquemment souligné, et de l'ensemble des conditions et des pratiques juridiques ou politiques qui permettent l'équilibre des pouvoirs dans nos sociétés démocratiques. Nous avons repris et continué cette procédure de dialogue, qui ne remplace pas mais qui vient compléter d'autres outils en matière d'Etat de droit, celui que nous connaissons l'article 7, avec des auditions que nous avons déjà tenues pour un pays et que nous tiendrons pour l'autre dans quelques semaines, et puis avec la procédure sur la conditionnalité. Il y a une boîte à outils sur l'Etat de droit et chaque procédure doit être bien distincte l'une de l'autre, ce dialogue permet d'avoir un examen transversal, progressif, par vagues de la situation de l'ensemble des pays de l'Union.
Nous avons donc fait le choix de la continuité en poursuivant le cycle engagé par les présidences précédentes, en respectant aussi les trois grands principes qui structurent ce dialogue : celui d'objectivité, celui de non-discrimination et le principe d'égalité de traitement entre tous les Etats. Je me réjouis de voir que cet exercice est désormais bien ancré dans les pratiques de l'Union, que tous les Etats se l'approprient et que, à chaque fois, ce dialogue suscite une large discussion entre les Etats membres et beaucoup d'interventions pour répondre ou poser des questions sur chaque pratique nationale. Nous faisons évidemment pleine confiance à la Commission européenne pour le suivi qui sera fait de toutes les remarques formulées aujourd'hui et lors des vagues précédentes par les Etats membres, notamment à l'occasion, mais je sais que Didier Reynders en particulier y reviendra du prochain rapport annuel sur la situation de l'Etat de droit dans l'Union.
Le deuxième grand sujet qui a occupé nos débats ce matin concernait la conférence sur l'avenir de l'Europe. Nous avons tenu encore une session plénière de cette conférence le week-end dernier, vendredi et samedi. Nous sommes dans une phase de finalisation des propositions issues notamment des panels citoyens, il y aura une nouvelle assemblée plénière les 29 et 30 avril et un important événement de conclusion politique de cette conférence le 9 mai prochain, jour à l'occasion duquel sera remis aux trois coprésidents, la Présidente du Parlement européen, la Présidente de la Commission européenne et la Présidence du Conseil, les conclusions de ce processus qui a commencé exactement un an avant, le 9 mai 2021 déjà à Strasbourg dans l'hémicycle du Parlement européen.
Les Etats ont pu faire part d'un certain nombre de commentaires de méthode principalement sur ce processus et sur la suite qui lui sera donné puisqu'après la conclusion politique du 9 mai il appartiendra, dans le cadre de nos procédures, des compétences de chaque institution, de suivre et de mettre en oeuvre les recommandations de cette conférence en choisissant évidemment, dans le respect des compétences de chacune des institutions, les priorités, les recommandations qui suscitent le plus de consensus et seront d'abord mis en oeuvre. Nous aurons désormais dans quelques minutes un déjeuner informel, tardif certes, autour du vice-président Sefcovic, dans ce format original qu'il avait institué il y a maintenant quelques mois dit des "ministres du futur" pour réfléchir aussi à la prospective et aux perspectives de notre Union européenne dans le moment grave que nous vivons. Je crois que les travaux de la conférence sur l'avenir de l'Europe, comme ces réflexions prospectives que nous allons emmener dans les minutes qui viennent, sont aussi nécessaires pour renforcer nos politiques, nos institutions, nos modes de fonctionnement et faire de l'Union européenne aussi une famille d'idées, une famille démocratique encore plus unie, encore plus souveraine et encore plus efficace.
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Q - Bonjour, merci beaucoup. Une question sur la Hongrie, est-ce que vous avez reçu des garanties concernant les inquiétudes que vous avez à l'égard de l'Etat de droit en Hongrie, pluralisme des médias, lutte contre corruption, voilà, est-ce que vous êtes sorti rassurés de ces conversations ? 2e question concernant le mécanisme de conditionnalité, c'est une question technique mais qui se réfère aux commentaires de la ministre hongroise de ce matin, je voudrais savoir si la commission va appliquer le mécanisme de conditionnalité juste sur le nouveau cadre budgétaire 2021-2027 ou si vous allez l'appliquer sur tous les paiements à partir du 1er janvier 2021 même sur paiements liés au dernier cadre budgétaire ? Merci beaucoup.
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R - Simplement un mot complémentaire à ce que vient de dire le commissaire Reynders sur la Hongrie. Ce matin il y a eu un échange général, complet sur différents aspects de l'Etat de droit. Il en ressort encore un certain nombre de préoccupations mais ce dialogue ne se substitue pas, ne remplace pas la procédure de l'article 7, qui est distincte de ce dialogue qui concernait la Hongrie aujourd'hui parce que nous procédons par vagues successives comme nous l'avons rappelé, mais il y a en revanche à côté de cela un processus spécifique qui se poursuit et je rappelle aussi conformément une priorité donnée à l'Etat de droit que la France a repris sous sa présidence semestrielle les auditions au titre de l'article 7, dans ce processus spécifique une première a eu lieu au mois de février concernant la Pologne et la suivante est programmée comme nous l'avions indiqué le mois prochain à l'égard de la Hongrie, je pense qu'il faut bien distinguer les 3 processus qu'on a évoqué parmi d'autres en matière d'état de droit, le dialogue de ce matin qui est beaucoup plus large et transversal et concerne chaque Etat membre, le mécanisme de conditionnalité pour lequel la commission a enclenché une étape et puis la procédure de l'article 7 qui est maintenant engagée depuis plusieurs mois et qui concerne aujourd'hui comme on le sait 2 pays.
Q - Bonjour une question pour M. Beaune, une question pour M. Reynders. Pour M. Beaune, on a observé récemment des divisions assez fortes entre les pays du Pacte de Visegrad notamment entre la Pologne et la Hongrie, est-ce que ces nouvelles divisions sont de nature à accélérer la procédure article 7 ? Et pour M. Reynders, donc on a bien vu que la commission avait enclenché la procédure de conditionnalité contre la Hongrie pas contre la Pologne, est-ce que c'est parce que les manquements et plutôt le lien entre les manquements de la Pologne et le budget communautaire sont difficiles à documenter ou est-ce que c'est le signe d'une certaine mansuétude à l'égard de la Pologne qui pourrait conduire à la validation du plan de relance dans les jours qui viennent ? Merci.
R - Merci beaucoup sur le premier point et les divisions dont vous faites état, d'abord il ne m'appartient pas en tant que présidence en particulier de les commenter, encore moins de les souhaiter, une division au sein de l'Union européenne n'est jamais une bonne nouvelle et le lien entre ce que vous évoquez qui concerne principalement sans doute le rapport à la crise ukrainienne n'a pas de lien ni d'impact sur la procédure de l'article 7 et sur les questions de l'état de droit.
Ceci étant dit quelles que soient les positions de tel ou tel état et quel que soit le contexte international j'allais dire a fortiori nous avons besoin d'être clairs, fermes, engagés sur la question de l'Etat de droit la présidence française a maintenu ses engagements à cet égard car nous pensons que c'est important et j'ai eu l'occasion de le dire je ne me tromperai jamais de priorité, de combat, l'unité européenne d'abord, l'unité européenne face à l'agression russe, la solidarité européenne dans l'accueil des réfugiés en particulier, mais nous sommes je crois une démocratie européenne suffisamment mature pour pouvoir, en même temps que nous affichons une unité profonde dans cette crise et face à cette guerre, être capable d'avoir des réflexions, des débats, parfois des oppositions internes sur des questions qui nous concernent, qui concernent notre modèle et qui restent essentiels comme celle de l'Etat de droit, de nos libertés fondamentales et comme nous l'avons évoqué à d'autres égards de nous projeter aussi sur la réforme de notre Union pour la consolider. Nous devons faire si vous autorisez cette expression tout cela en même temps.
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Q - L'Etat de droit en Hongrie, c'est une procédure qui est en cours depuis des années aujourd'hui et l'OSCE a également des fortes préoccupations, est-ce que cette discussion, ce point a été évoqué pendant la discussion avec les ministres et est-ce que certaines frustrations ont été exprimées parce que finalement on se rend compte que les démarches entreprises n'ont pas vraiment d'impact ?
R - Ce sujet en tant que tel n'a pas été mentionné dans les interventions mais je veux être clair sur ce point qui est parfois de manière opposée évoqué, c'est-à-dire que le verdict des urnes emporterait sur son passage en quelque sorte la procédure de l'Etat de droit. Les deux sont évidemment essentiels, évidemment fondamentaux. Il y a eu des élections en Hongrie, nous avons d'ailleurs respecté le temps électoral, Didier Reynders l'a respecté dans le suivi des procédures européennes, il y a à la fois un résultat clair et, pour un certain nombre d'organismes internationaux, des remarques parfois des critiques qui ont été faites qui devront suivre leur cours.
Cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas avoir des débats sur la question de l'Etat de droit, cela ne veut pas dire que les engagements, que nous prenons au niveau européen et qui eux-mêmes ont été par chaque pays souverainement agréé, ne valent pas et que nous ne devons pas nous poser la question du fonctionnement fondamental des règles de l'Etat de droit dans chacun des états d'ailleurs. Et la procédure que nous avons suivie aujourd'hui montre bien le caractère objectif, non-discriminatoire de ces procédures, de ce dialogue en tout cas, puisque chaque Etat est passé en revue, examiné, au bon sens du terme questionné par ses pairs et par la Commission européenne dans ce dialogue et puis il y a, je l'ai rappelé d'autres procédures, donc je n'opposerai jamais un verdict électoral et le respect de l'Etat de droit. Nous avons dans nos démocraties évidemment les élections comme socle fondamental des choix politiques, nous le vivons dans le pays que je connais le mieux aujourd'hui, en ce moment, mais nous avons un pacte fondamental commun qui s'applique, continue à s'appliquer, continuer à nous engager, tant que nous sommes engagés dans le projet européen.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 avril 2022