Texte intégral
" Je suis très heureux aujourd'hui de présider à nouveau, au nom de la France, le Conseil des ministres de l'Intérieur, en charge particulièrement des questions de l'immigration. On a une journée importante, aujourd'hui, qui va presque conclure les six mois de travail de la présidence française et je remercie d'abord mes collègues ministres de l'immigration et de l'Intérieur pour le travail effectué. Je pense qu'on peut déjà retenir, avec la Commission européenne, la grande réactivité de l'Europe sur la question ukrainienne, la protection temporaire et l'accueil des réfugiés.
Et puis aujourd'hui, sur beaucoup de questions, nous allons avoir des échange, en particulier sur la première étape du pacte migratoire que nous avons proposée lors du Conseil JAI de Lille, il y a quasiment six mois désormais. Donc nous continuerons nos échanges et espérons, qu'aujourd'hui, nous puissions aboutir à quelque chose qui serait assez historique, qui serait l'avancée vers le screening, l'avancée vers Eurodac et l'avancée vers la solidarité entre pays européens.
Q - Avec cette proposition, il y a combien de pays qui la soutiennent ?
M. Gérald Darmanin : Je suis raisonnablement optimiste pour voir qu'une majorité importante des pays de l'Union européenne apporte leur soutien à ces trois textes qui seront discutés aujourd'hui.
Et puis, vous savez bien que dans ces trois textes, il y a notamment la solidarité qui prévoit notamment des relocalisations. D'abord, une solidarité obligatoire pour tous les pays de l'Union européenne, et puis dans cette solidarité, ceux qui voudront faire des relocalisations notamment de personnes sauvées en mer par les pays méditerranéens, évidemment, ou une solidarité financière et humaine. Et donc, une grande majorité de pays se sont montrés très favorables à cette solidarité et plus d'une dizaine de pays se sont montrés favorables à des relocalisations, ce qui est très positif. On a évidemment toute la journée encore pour travailler et pour aboutir, je l'espère, à un accord sur cette première étape du pacte migratoire qui serait une grande avancée alors que, vous le savez, le pacte migratoire est discuté depuis des années sans jamais que, pour l'instant, nous nous mettions d'accord.
Q : (...)
M. Gérald Darmanin : Si aujourd'hui nous nous mettons d'accord, c'est à la fois sur l'adoption du règlement screening et Eurodac, donc les deux règlements qui, du coup, iraient vers le Parlement européen pour aboutir à une vraie législation, et pour tenir les frontières extérieures avec l'enregistrement à l'entrée des frontières de l'Union européenne des personnes et pouvoir refuser ces personnes si elles posent des problèmes de sécurité au continent européen. C'est une grande révolution parce qu'on parle de ce règlement depuis très longtemps sans jamais que nous nous mettions d'accord sur ce point.
Et puis un engagement de solidarité qui, encore une fois, serait obligatoire et qui permettrait très rapidement de se mettre d'accord et donc de permettre à un certain nombre de pays, notamment méditerranéens, d'avoir une solidarité financière ou humaine, comme je l'ai dit, directement dans les autres pays de façon quasiment automatique. Et donc je pense que ce qui change fondamentalement, c'est notre approche très pragmatique. Le pacte migratoire, encore une fois, la France y est très favorable,, mais nous avons considéré devant le blocage de ce qui s'est passé précédemment qu'il fallait pouvoir le proposer par étape, ce qu'on appelle le pacte graduel. Et donc si nous adoptons cette première étape, première étape de responsabilité - Eurodac, screening -, première étape de solidarité - relocalisation volontaire ou soutien financier -, je crois que nous serons enfin très concrets dans la solidarité et la responsabilité de l'Union européenne vis-à-vis de l'immigration.
Q - Qu'est-ce que vous attendez des pays qui ne veulent pas faire partie de cette coalition ? Ça veut dire quoi pour l'aide humanitaire, par exemple ?
M. Gérald Darmanin : L'idée aujourd'hui, c'est que nous adoptions cette solidarité. Il y a des pays qui voudront bien faire les relocalisations, c'est le cas évidemment de la France et je peux dire que nos amis allemands nous aident beaucoup. Et puis il y a des pays qui ne voudront pas faire ces relocalisations parce que, par exemple, ils ont déjà beaucoup de migrants alors que leur population est plus petite ou parce qu'ils ne veulent pas faire, pour l'instant, ces relocalisations. Mais le soutien financier est alors obligatoire et ce sera d'ailleurs un soutien financier qui irait directement aux pays qui accueillent en première entrée les questions migratoires. Donc ce serait une solidarité obligatoire.
C'est évidemment une petite révolution interne dans notre droit et notre volonté européenne. Et donc, aujourd'hui, l'idée c'est de se mettre d'accord, pour une grande majorité d'États, sur l'adoption de ces trois textes. Donc on verra si, aujourd'hui, on y arrive. La présidence française n'est pas finie. Elle est jusque fin juin et donc on peut toujours se réserver, évidemment, le cas de nous voir de nouveau. Mais aujourd'hui, c'est une question très importante que nous allons débattre.
Q - Cette solidarité financière, ça renforce l'idée que les migrants sont un coût pour la société ?
M. Gérald Darmanin : C'est un coût, évidemment, pour les États qui les accueillent. C'est tout à fait normal parce qu'il faut les accueillir, il faut les loger, il faut les intégrer, il faut pouvoir parler la langue. Il y en a qui travaillent, pour une partie d'entre eux, il y a des enfants qu'il faut scolariser. Personne ne doute, à aucun instant, qu'il puisse y avoir un coût dans des déplacements de population.
Simplement, il y a des pays - je pense évidemment aux pays méditerranéens mais aussi des pays qui ont des mouvements secondaires, je pense notamment à la France, à l'Allemagne, à la Belgique, par exemple, à l'Autriche qui, eux aussi, ont beaucoup de migrants qui viennent sur leur sol - il faut que nous accueillons dignement, et il y a des pays qui ont moins de pressions migratoires.
Avec les questions qui se sont posées autour de la Biélorussie et puis maintenant l'Ukraine, tous les pays sont concernés par des vagues d'immigration, et notamment, des vagues de réfugiés. Je pense que ce qui s'est passé avec la Biélorussie et ce qui s'est passé avec l'Ukraine - dans un contexte extrêmement différent évidemment de ce qui se passe en Méditerranée - a créé une sensibilité différente. Chacun est concerné sur le continent européen par ces questions migratoires. Il n'y a pas des pays qui ne seraient pas concernés, d'autres qui le seraient. Malheureusement, avec ces deux évènements, je crois que tout le monde est désormais très sensible à la question migratoire et espérons qu'aujourd'hui nous vivions une journée historique pour l'Union européenne et pour sa solidarité".
Source https://ue.delegfrance.org, le 13 juin 2022