Interview de M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques, à LCI le 29 juin 2022, sur l'augmentation du point d'indice des fonctionnaires, l'avenir de la Fonction publique, le pouvoir d'achat des Français et la vie politique .

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Texte intégral


ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour Stanislas GUERINI.

STANISLAS GUERINI
Bonjour.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup d'être avec nous ce matin, secrétaire général de la REM et ministre de la Fonction publique. Vous le serez toujours dans quelques jours ou pas ?

STANISLAS GUERINI
En tout cas c'est mon souhait le plus cher, quand on fait de la politique c'est pour servir, c'est pour être utile, et j'ai le sentiment qu'il y a des belles choses à faire en étant ministre de la Fonction publique.

ELIZABETH MARTICHOUX
On verra et on en reparlera dans quelques minutes, mais on voit d'abord parlent de ce dossier, l'augmentation du point d'indice, que vous avez confirmée hier, et précisée, 3,5%. Elle concerne tous les fonctionnaires, qu'ils soient titulaires ou contractuels…

STANISLAS GUERINI
Exactement.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça fait 5,7 millions d'agents. Ce sera visible sur la feuille de paie à la fin juillet ?

STANISLAS GUERINI
Non, ce sera visible sur la feuille de paie au mois d'août, parce qu'il faut le temps que les administrations puissent l'intégrer dans les logiciels de paie, c'est aussi bête que ça. En revanche, ce que je souhaite, c'est que ça soit effectif dès le mois de juillet, c'est-à-dire que sur la feuille de paie du mois d'août, il y ait l'augmentation de juillet et d'août, parce que je pense qu'en politique, quand on décide quelque chose, quand on vote quelque chose à l'Assemblée, dans les budgets en l'occurrence, eh bien je pense que c'est utile que ça s'applique dans la vie des gens au même moment, et donc mon souhait c'est que cette augmentation du point d'indice, qui est tout à fait historique, elle soit visible le plus rapidement possible pour les Français, et effective pour le mois de juillet.
ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord, donc pas d'effet, enfin, il faut prévenir une déception éventuelle, fin juillet il n'y aura pas l'augmentation dans les portefeuilles…

STANISLAS GUERINI
Exactement. C'est bien de faire cette pédagogie-là.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais il y aura une double … deux mois, fin août pour la rentrée. Ça sera un bonus…

STANISLAS GUERINI
Voilà. Je pense que chacun peut comprendre qu'on doit intégrer ça dans les logiciels de paie, c'est normal, c'est logique, vous avez rappelé qu'il y a beaucoup d'agents de la Fonction publique dans le pays, certains sont dans des collectivités territoriales, d'autres dans la Fonction publique hospitalière, d'autres dans la Fonction publique d'Etat, donc il faut que ça s'applique à tout le monde, mais une décision effective, dès le mois de juillet, c'est-à-dire qu'on considère l'augmentation pour le mois de juillet.

ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord. J'ai parlé de bonus, ce n'est pas juste…

STANISLAS GUERINI
Ah, ce n'est pas un bonus.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pardon, je finis, parce que ça n'est que justice, il y a une inflation qui est prévue à 5,5% pour l'année, ça c'est l'INSEE. Alors, regardez ce que tweete par exemple une députée d'opposition LFI, Bénédicte TAURINE, à propos de votre annonce hier : " La blague du jour par Stanislas GUERINI : point d'indice des fonctionnaires, + 3,5%, inflation actuelle + 5,5%, inflation prévue en septembre 7% ". Vous comprenez l'intention.

STANISLAS GUERINI
Je trouve ça un peu choquant que l'on puisse parler de blague, quand on vient d'annoncer l'augmentation du point d'indice la plus forte depuis 1985, le début du quinquennat de François MITTERRAND, il y a plus de 37 ans. C'est un effort collectif de 7,5 milliards d'euros. 7,5 milliards d'euros.

ELIZABETH MARTICHOUX
Un point d'indice égale 2 milliards d'euros, 3 points d'indice et demi égale…

STANISLAS GUERINI
7,5 milliards d'euros. Donc c'est tout à fait conséquent, c'est normal, c'est effectivement une mesure de justice, parce qu'elle correspond au moment que nous vivons. Mais je veux être très concret. Moi je pense que ce qui compte c'est l'effet sur la fiche de paie, parce que cette augmentation du point d'indice, 3,5 points, elle vient s'additionner avec les augmentations qu'il y avait, de façon naturelle, l'augmentation moyenne individuelle dans la Fonction publique, qui était de 1,5%.

ELIZABETH MARTICHOUX
En moyenne.

STANISLAS GUERINI
Exactement. Et donc l'augmentation du point d'indice, c'est en plus, Elizabeth MARTICHOUX, ça veut dire qu'il y a 3,5% d'augmentation du point d'indice, qui viennent s'ajouter à 1,5% d'augmentation moyenne dans la Fonction publique. C'est-à-dire que sur la fiche de paie, en moyenne, ce sont 5 % d'augmentation. Prenons un exemple très concret : une sage-femme qui est au milieu de sa carrière, c'est 1 330 € nets par an, le seul impact, augmentation du point d'indice. Donc voyez, c'est tout à fait conséquent. Non, je ne crois pas que ce soit une blague, je pense que notre pays vit un moment difficile, le retour de la vie chère, le retour d'une inflation comme on n'a pas connu depuis des décennies, elle est là, elle est effective, notre pays protège mieux nos concitoyens que certains de nos voisins, on prend des mesures qui concernent tous les Français, le bouclier tarifaire pour empêcher l'augmentation des prix de l'énergie, c'est une mesure totalement inédite dans le monde, mais ces mesures-là elles n'empêchent qu'il y ait aujourd'hui effectivement 5 % d'inflation. Je crois que, ce que nous faisons, hier, ça répond à cette situation, situation que je qualifierais d'urgence, d'urgence sociale, elle n'épuise pas le grand chantier qui est devant nous, et je l'ai dit, tout ça, aux organisations de la Fonction publique, qui est celui de l'attractivité de la Fonction publique.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, attendez, on va trop vite. On y va, on y va, mais les fonctionnaires, les agents qui sont au smic, ils ont cette augmentation…

STANISLAS GUERINI
Bien entendu.

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce qu'ils auront aussi l'augmentation, ça s'ajoute aussi à l'augmentation du smic qui est prévue pour les 2 mois qui viennent.

STANISLAS GUERINI
Mais je vais vous dire mieux, non seulement ça vient s'ajouter et la Fonction publique a bien sûr intégré toutes les augmentations, il y a à peu près eu 10% ces derniers mois d'augmentation de salaires, du salaire minimum, elle l'intègre évidemment dans ses grilles. Mais, ce qui faisait que le nombre d'agents de la Fonction publique, qui était rémunéré au smic, il avait beaucoup augmenté, vous aviez environ 700 000 agents publics qui étaient rémunérés au smic, eh bien après la décision que nous venons de prendre, il n'y en aura plus un dans notre pays à partir du mois de juillet. Il y aura 0 agent public rémunéré au smic ; au minimum, au minimum ceux qui sont les moins rémunérés, ils seront 3,5% au-dessus du smic. C'est très important, c'est une mesure de justice, c'est une mesure d'efficacité, pour protéger nos agents publics auxquels il faut rendre hommage, Elizabeth MARTICHOUX, je le fais quand même d'un mot…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais juste d'un mot, parce que vos réponses sont très longues et mes questions sont très nombreuses.

STANISLAS GUERINI
Oh, elle est très courte. Ils ont été là dans les moments difficiles, les Français le savent, on a besoin d'une Fonction publique efficace, d'une Fonction publique qui sait aussi valoriser et protéger ses agents, je crois que c'est ce que nous sommes en train de faire.

ELIZABETH MARTICHOUX
Clause de revoyure ou pas ? Je vous demande ça, parce que quand même 3,5%, c'est en dessous de l'inflation, les fonctionnaires vont y perdre sur le papier. Est-ce qu'il peut y avoir…

STANISLAS GUERINI
Je viens de vous expliquer que c'était plutôt 5% l'effet sur la fiche de paie, 3,5 et 1,5 en plus des augmentations moyennes dans la Fonction publique. Je pense qu'il faut être très clair.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est une moyenne. C'est une moyenne, il y en a qui ne touchent rien de cette augmentation, il y en a qui touchent plus. La clause de revoyure, juste, c'est oui ou c'est non, pour ajuster le point d'indice à l'inflation ?

STANISLAS GUERINI
Moi j'ai indiqué qu'il n'y aurait pas de clause de revoyure spécifique sur le point d'indice, soyons très clairs là-dessus, en revanche on aura évidemment de nombreux rendez-vous, avec des organisations syndicales. De nombreux rendez-vous, d'abord pour bien faire le point sur l'effectivité des mesures que nous avons décidées hier, et puis des rendez-vous pour parler rémunération, pour parler attractivité, pour parler carrière, parce que ce sujet-là, je le disais, est un sujet qui est largement devant nous. Oui, il y a un déficit d'attractivité aujourd'hui dans la Fonction publique, on le voit parfois de façon criante…

ELIZABETH MARTICHOUX
Il y a des cirses de vocations, alors. A l'hôpital, évidemment…

STANISLAS GUERINI
Bien sûr, bien sûr.

ELIZABETH MARTICHOUX
A l'école, ce qui est quand même très très grave, donc tous les secteurs de la Fonction publique sont touchés par cette crise des vocations, par le manque d'attractivité ?

STANISLAS GUERINI
Mais, j'élargirais encore un peu plus le propos…

ELIZABETH MARTICHOUX
Je veux dire, ça ne fait plus rêver d'être fonctionnaire ?

STANISLAS GUERINI
D'abord, un, aujourd'hui toutes les organisations, y compris les entreprises du secteur privé, ont du mal à recruter. On le voit partout, donc c'est une réalité, il y a cette pénurie pour pouvoir recruter.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça a commencé avant.

STANISLAS GUERINI
Ça a commencé avant et d'ailleurs…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça a commencé avant bien avant ces difficultés de conjoncture.

STANISLAS GUERINI
… et d'ailleurs c'est aussi l'effet d'une politique très active sur l'emploi. Le sujet il y a 5 ans c'était justement le chômage, aujourd'hui c'est des difficultés de recrutement. Bien. Je ne vous fais pas un scoop ce matin, en vous disant que la Fonction publique elle a aussi beaucoup de mal à recruter, sur certains secteurs filière c'est c'est encore plus criant, l'hôpital, l'école, oui, et ce qui me permet…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça touche à peu près tous les secteurs de la Fonction publique ?

STANISLAS GUERINI
Oui, et particulièrement dans certains bassins d'emploi, particulièrement sur certains métiers, vous voyez, les métiers du numérique par exemple, on a besoin de moderniser notre Fonction publique, on a besoin de numériser davantage, eh bien on a du mal à recruter certaines professions. Et donc nous aurons à mener ce travail-là, parfois de façon spécifique, c'est le cas pour les professeurs par exemple, ça fait partie du programme présidentiel. Nous voulons mieux rémunérer les enseignants…

ELIZABETH MARTICHOUX
On y reviendra.

STANISLAS GUERINI
… en plus de ce que je viens de vous dire, évidemment sur le point d'indice. Et puis nous avons un travail à mener sur la façon de faire carrière dans la Fonction publique. Aujourd'hui, la façon dont on construit une carrière, elle se fait beaucoup de façon automatique, à l'ancienneté, si je puis dire, avec peu de levier managérial d'ailleurs pour les encadrants dans la Fonction publique, eh bien moi ce que je souhaite discuter, avec les organisations syndicales, c'est de mieux récompenser l'engagement, de mieux valoriser certaines filières professionnelles.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça s'appelle le salaire au mérite, ou pas ?

STANISLAS GUERINI
Non, ce n'est pas le salaire au mérite, mais voyez, moi je suis par exemple un grand défenseur de l'intéressement et la participation dans les entreprises. Eh bien je crois que l'idée d'avoir des plans d'intéressement dans la Fonction publique, ce n'est pas un sujet tabou pour moi.

ELIZABETH MARTICHOUX
En fonction de quoi, sur quels critères ?

STANISLAS GUERINI
Eh bien en fonction de la réussite par exemple, collective d'un service, pour bien servir les usagers, pour répondre rapidement, mais ça veut dire que la question qu'il faut pouvoir poser, c'est une question globalement…

ELIZABETH MARTICHOUX
Et donc il y aurait des services qui seraient mieux rémunérés que d'autres.

STANISLAS GUERINI
De moyens, c'est une question de moyens.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pour la qualité de service, pardon, il y aurait des services qui seraient mieux rémunérés que d'autres, pour la qualité de service.

STANISLAS GUERINI
Je vais vous dire, aujourd'hui nous mesurons la qualité de service. Et les usagers de la Fonction publique, peuvent mesurer service par service, donner leur avis sur justement la qualité pour l'usager, pour le citoyen. Et c'est très important.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et ce serait les citoyens qui jugeraient.

STANISLAS GUERINI
Là, ça serait évidemment à définir, mais moi…

ELIZABETH MARTICHOUX
Une espèce de TripAdvisor du service public.

STANISLAS GUERINI
Oh, non, je pense qu'il ne faut pas le caricaturer comme ça. Mais d'avoir des critères d'engagement, mais encore une fois, c'est extrêmement positif. Vous savez, il y a eu un sondage auprès des agents de la Fonction publique, qui montrait que 83 % d'entre eux, je parle des agents, avaient envie d'être récompensés pour leur engagement, parce qu'ils font un travail formidable, parce que quand on rejoint le service public, c'est une vocation de servir l'Etat, une collectivité, c'est extrêmement important. Donc…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça, ce sera dans le chantier que vous ouvrez…

STANISLAS GUERINI
Ce chantier-là, je souhaite l'ouvrir à la rentrée, pour pouvoir engager une réflexion très large, sur l'organisation au travail, sur la qualité de vie au travail, sur la santé au travail aussi, pour les agents de la Fonction publique, qu'elle ait des conséquences sur la fiche de paie, et qu'elle ait des conséquences dans l'organisation même de nos services publics. L'objectif c'est d'aboutir en 2023, vous savez, moi je suis très respectueux du calendrier, et notamment du calendrier du dialogue social. Il y aura un moment très important qui seront les élections professionnelles, à la fin de l'année…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous l'avez dit déjà, vous l'avez dit, il y aura une pause…

STANISLAS GUERINI
5,7 millions d'agents vont voter pour leurs représentants dans la Fonction publique, et donc mon objectif c'est d'aboutir en 2023, sur ce grand chantier, qui est un chantier d'avenir pour la Fonction publique, et d'avenir pour bâtir des carrières au sein de la Fonction publique.

ELIZABETH MARTICHOUX
Comment financer les dépenses, dans un Etat où la dette a atteint une cote d'alerte dixit Bruno LE MAIRE. Baisser le nombre des fonctionnaires ?

STANISLAS GUERINI
Ce n'est pas le programme que nous avons présenté aux Français. Vous voyez, on vient de parler de qualité de service public, moi je crois aujourd'hui que dans le moment que nous vivons, il faut moins de fonctionnaires en administration centrale, plus de fonctionnaires sur le terrain. On l'a vu pendant la crise sanitaire…

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc, baisser le nombre de fonctionnaires dans les administrations centrales, pour les redéployer ailleurs.

STANISLAS GUERINI
Ce mouvement de déconcentration, nous l'avons initié dans le quinquennat précédent, et notamment sous l'effet de la crise sanitaire, parce qu'on a bien vu, on a beaucoup parlé du couple maire/préfet pendant la crise sanitaire, on a vu qu'il y avait besoin de plus de puissance publique, mais plus près de nos concitoyens, pour avoir plus d'accessibilité, plus de proximité. Donc moi je crois à ça…

ELIZABETH MARTICHOUX
Redéploiement, pas de baisse.

STANISLAS GUERINI
… je crois à ce mouvement-là, mais notre programme présidentiel, ce n'est pas un programme de suppression du nombre de fonctionnaires, je crois qu'il faut…

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, ça ne vous étonnera pas…

STANISLAS GUERINI
… réorganiser les choses et amener les services publics, plus près de leurs concitoyens.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça ne vous étonnera pas, le président du groupe LR à l'Assemblée Olivier MARLEIX, on rappelle que Valérie PECRESSE dans son programme voulait baisser le nombre des fonctionnaires. Voilà ce qu'il vous propose : il y a 70 000 Hauts fonctionnaires, dit-il, qui gagnent plus de 5 000 € par mois. Il estime que c'est trop. Si on baissait leur nombre de 10%, ça ferait de substantielles économies. Dans un contexte où il faut écouter les oppositions, est-ce que c'est intéressant ?

STANISLAS GUERINI
Moi je trouve ça un peu démago de dire que ça comme ça. Je crois qu'on a besoin d'une Haute fonction publique. On a besoin de pouvoir aussi attirer, attirer les meilleurs, parfois nous sommes en difficulté dans la Fonction publique pour recruter des chefs de service, des métiers de pointe aussi, et donc je pense que c'est un peu simpliste de dire les choses comme ça. Mais là où on peut se rejoindre, c'est, moi je veux moins d'administration centrale, plus d'administration sur le terrain. Je suis convaincu que, avec Les Républicains, mais aussi avec d'autres groupes d'opposition à l'Assemblée nationale, on peut créer du compromis et on peut trouver un consensus sur ces questions-là.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, question que soulevait Pascal PERRI D'ailleurs sur LCI tout à l'heure : comment les collectivités locales vont-elles financer la hausse ? En quelques mots, elles demandent à ce que vous les aidiez, parce que ça fait une charge supplémentaire, alors qu'elles doivent aussi investir par ailleurs. En un mot, vous allez les aider ou pas ?

STANISLAS GUERINI
Je comprends tout à fait ça, et d'ailleurs avec mon collègue Christophe BECHU, nous avons réuni les collectivités territoriales, les employeurs territoriaux, la semaine dernière, pour aborder ces questions-là, parce que vous voyez, le pire de tous c'est d'avancer à l'aveugle. Ce qu'elles demandent, c'est de la visibilité sur les dotations de l'Etat. Et donc l'engagement que nous prônons, c'est dans les discussions budgétaires qu'on aura à l'automne, de leur donner cette visibilité, et je crois une visibilité pluriannuelle, c'est-à-dire la capacité…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous allez le compenser ou pas ?

STANISLAS GUERINI
… à se projeter dans le quinquennat. Et donc…

 ELIZABETH MARTICHOUX
En plus de la visibilité. Compensation ou pas ?

STANISLAS GUERINI
… nous serons rendez-vous…

ELIZABETH MARTICHOUX
En plus de la visibilité.

STANISLAS GUERINI
Mais, nous serons au rendez-vous je vous le dis, Elizabeth MARTICHOUX, pour donner les moyens aux collectivités territoriales de faire face. Il y a, évidemment…

ELIZABETH MARTICHOUX
Je ne comprends pas, moi, vous augmentez ou pas ? Vous leur permettez…

STANISLAS GUERINI
Vous voyez que nous sommes sortis du quinquennat d'avant, où on avait baissé les dotations générales de fonctionnement, c'était le quinquennat de François HOLLANDE. Nous avons complètement inversé la donne dans le quinquennat précédent. Nous n'avons pas diminué les dotations générales de fonctionnement et nous avons donné cette visibilité. Eh bien je crois que c'est exactement la même logique qui doit prévaloir dans ce quinquennat.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, c'est compliqué, parce que ça compte dans les 25 milliards du futur paquet législatif pouvoir d'achat, les 7,5 milliards de la Fonction publique ?

STANISLAS GUERINI
Bien entendu.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc 25 milliards engagés pour le pouvoir d'achat depuis octobre, plus de 25 milliards, 50 milliards déjà dépensés, se pose la question des impôts, ni dette ni impôt supplémentaire. C'est tenable ?

STANISLAS GUERINI
Ni dette ni impôt supplémentaire. Pourquoi ? Parce que cette politique elle porte ses fruits, elle porte ses fruits parce que nous réussissons à baisser les impôts pour les ménages, nous l'avons fait très fortement dans le quinquennat précédent, on va continuer à le faire, je pense par exemple à la redevance télévision, et puis nous baissons les impôts des entreprises dans le pays, pour créer de l'emploi.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est définitif la suppression de la redevance ? Ce sera fait.

STANISLAS GUERINI
Moi je crois à cette politique-là. Pourquoi ? Parce que cette politique elle porte ses fruits, elle permet de créer de l'emploi, mieux que chez nos voisins européens. Elle permet d'avoir de la croissance, mieux que chez nos voisins…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous dites : elle préserve la croissance, qui nous rapporte des recettes.

STANISLAS GUERINI
… européens, et elle permet au final de baisser les déficits, parce que, en générant de l'emploi, en générant de la croissance, eh bien aussi nous réussissons à faire baisser la dette. Donc il y a des dépenses qui sont des dépenses d'investissement, quand on protège les Français contre l'augmentation des prix de l'énergie, oui je crois qu'on a une politique macro-économique qui est bonne pour le pays. Parce que justement elle nous permet d'être mieux protégés de l'inflation. Et l'inflation, c'est terrible, c'est un fléau pour une économie.

ELIZABETH MARTICHOUX
Une taxe exceptionnelle sur les superprofits des entreprises qui ont de fait beaucoup gagné, elles ne sont pas des vampires comme certains les présentent, mais de fait elles ont beaucoup gagné pendant la crise, elles font des superprofits, est-ce que ça c'est un impôt supplémentaire selon vous, j'allais dire presque philosophiquement, ou un effort pour soutenir le pays que tout le monde peut admettre ?

STANISLAS GUERINI
Eh bien, moi, l'effort que je souhaiterais, ce n'est pas moi qui serais décisionnaire de cette…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais je vous demande votre avis.

STANISLAS GUERINI
…augmentation éventuelle d'impôts, l'effort qui me semblerait pertinent, ça serait d'aider directement nos concitoyens. On parle de grandes entreprises de l'énergie par exemple, c'est de faire baisser le prix à la pompe en ce qui concerne les carburants, c'est de réussir à participer à la non-augmentation du prix de l'électricité, du gaz. Moi je souhaite que l'on puisse aider directement nos concitoyens, parce que ce sont les Français qui dans le moment que nous vivons, ont besoin d'aide.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc, la taxe exceptionnelle, pour vous, non.

STANISLAS GUERINI
Donc, je suis plutôt favorable à des efforts supplémentaires de la part, par exemple, de ces énergéticiens…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais s'ils ne le font pas ?

STANISLAS GUERINI
Eh bien, vous savez, il y a beaucoup de leviers, ce sont des entreprises qui ont beaucoup de liens avec la puissance publique, donc je crois qu'il y a des leviers de négociation, des efforts ont déjà été obtenus de la part des grands énergéticiens…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais si, pardon, je repose ma question…

STANISLAS GUERINI
Attendez, Elizabeth MARTICHOUX, moi j'ai…

ELIZABETH MARTICHOUX
… parce qu'on a très peu de temps. Si les entreprises n'augmentent pas les salaires…

STANISLAS GUERINI
Pas de langue de bois, moi je ne suis pas favorable à augmenter les impôts, voilà, je vais vous le dire très clairement…

ELIZABETH MARTICHOUX
Et une taxe exceptionnelle, c'est un impôt.

STANISLAS GUERINI
Eh bien, oui, je ne sais pas comment vous l'appelez, mais ça ressemble à peu près à un impôt, de près ou de loin.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc non.

STANISLAS GUERINI
Moi je suis favorable à une politique économique qui est stable et cohérente, donc…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais si elles ne le font pas, Stanislas GUERINI, est-ce que c'est juste…

STANISLAS GUERINI
Je ne suis pas favorable à augmenter les impôts, en revanche…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous ne pouvez pas obliger les entreprises privées à augmenter les salaires…

STANISLAS GUERINI
En revanche sur suis extrêmement favorable, y compris en mettant beaucoup de pression, y compris en mettant beaucoup de rapports de force, et il y a des leviers quand il s'agit de ces grandes entreprises énergéticiennes, pour beaucoup, pour qu'elles aident directement nos concitoyens, pour baisser les prix à la pompe…

ELIZABETH MARTICHOUX
Peut-être TOTAL, mais sinon ce sont des entreprises qui sont…

STANISLAS GUERINI
Mais, je vais vous dire, c'est beaucoup plus efficace…

ELIZABETH MARTICHOUX
… l'impuissance de l'Etat…

STANISLAS GUERINI
… parce que c'est beaucoup plus rapidement visible ! On commençait l'échange ce matin…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais il n'y a pas que TOTAL !

STANISLAS GUERINI
… en parlant des conséquences sur la feuille de paie.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il n'y a pas que TOTAL, des supers profits.

STANISLAS GUERINI
Quand quelqu'un va faire le plein, il voit bien les conséquences d'une aide supplémentaire.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais l'inflation elle touche aussi les produits alimentaires par exemple. Il y a les entreprises de la grande distribution, vous n'en parlez pas…

STANISLAS GUERINI
Bien entendu.

ELIZABETH MARTICHOUX
Elles aussi elles ont gagné de l'argent, et tant mieux pour elles.

STANISLAS GUERINI
La limitation…

ELIZABETH MARTICHOUX
… il faut redistribuer.

STANISLAS GUERINI
La limitation des prix, l'aide aussi aux producteurs, quand il s'agit des distributeurs dans la grande distribution, c'est essentiel. On a donné des leviers, on a fait une loi, et même deux lois dans le quinquennat précédent, pour pouvoir avoir des leviers de négociations avec la grande distribution, pour aider les paysans de notre pays. Eh bien oui, ça je crois effectivement que c'est plus rapidement effectif pour nos concitoyens.

ELIZABETH MARTICHOUX
On a compris votre philosophie. Discours de politique générale d'Elisabeth BORNE, ce sera mardi, ça vient d'être confirmé par le Journal Officiel, qui ne dit rien d'un vote de confiance ou pas, mais Olivia GREGOIRE, à l'instant, dit qu'elle n'a pas pris sa décision. Je vous pose la question : devrait-elle selon vous, Stanislas GUERINI, engager sa responsabilité par un vote de confiance mardi après son discours ?

STANISLAS GUERINI
Je pense, et je ne dis pas ça pour éviter votre question, je pense qu'il est un peu tôt pour le dire. Pourquoi ? Elisabeth BORNE est en train de mener des consultations, elle le fera encore aujourd'hui, avec les présidentes, les présidents des différents groupes d'opposition à l'Assemblée nationale, pour voir quelle est notre capacité à créer des majorités d'intérêt général, des majorités de compromis…

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous ne me répondrez pas. Certains, à titre personnel…

STANISLAS GUERINI
Eh bien moi je crois que c'est à l'issue de ces discussions…

ELIZABETH MARTICHOUX
Non, mais à titre personnel, par exemple…

STANISLAS GUERINI
Que la Première ministre pourra prendre sa décision.

ELIZABETH MARTICHOUX
Edouard PHILIPPE, que vous connaissez bien, lui, engagez-vous, parce que c'est difficile, il faut le faire, vous connaissez cet adverbe, parce que c'est difficile, c'est parce que c'est difficile qu'il faut le faire. Est-ce que ça n'aurait pas, pardon pour l'expression, donnez-moi votre avis, " de la gueule ", qu'elle engage sa responsabilité, ce qui lui permettrait, si elle gagnait évidemment, d'être légitimée ?


STANISLAS GUERINI
Je crois que dans le moment que nous vivons, un moment politique, mais moment aussi de la situation du pays, de grande difficulté, ce qui compte ce n'est pas ce qui a de la gueule ou ce qui n'a pas de la gueule, ce qui compte c'est notre capacité à avancer et à faire. Voilà. Moi je crois, très profondément à ce que disait le président de la République : les Français n'ont pas fait le choix de l'immobilisme. Quand je croise des habitants dans ma circonscription, les questions qu'ils me posent c'est : est-ce que vous allez réindexer les retraites sur l'inflation ? Quand ? Est-ce que vous allez augmenter le point d'indice, est-ce que vous allez faire si ou vous allez faire ça ?

ELIZABETH MARTICHOUX
Je comprends ce que vous dites.

STANISLAS GUERINI
Notre capacité à avancer, et donc ce qui compte c'est de pouvoir construire des majorités, pour faire avancer des textes…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça veut dire qu'elle attend d'avoir l'a garantie d'être…

STANISLAS GUERINI
… faire avancer des mesures concrètes. C'est pour ça que je vous réponds, ce n'est pas une prudence....

ELIZABETH MARTICHOUX
Non mais ça veut dire qu'elle attend, elle attend de savoir si elle sera mise en minorité ou pas pour décider le vote de confiance ou pas. Elle n'est pas kamikaze.

STANISLAS GUERINI
Eh bien cette semaine elle est décisive. La semaine que nous sommes en train de vivre, pour justement voir quelles sont nos possibilités dans l'intérêt du pays, dans l'intérêt de nos concitoyens, à pouvoir bâtir ces majorités, majorités d'action, et donc je crois effectivement qu'il est raisonnable pour la Première ministre, de voir quel est le fruit de ces consultations, pour prendre sa décision, et ce sera sa décision…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous l'avez dit, donc encore deux questions. Jean-Luc MELENCHON a dit hier sur son blog pressentir une alliance tacite entre majorité et RN qui a ses yeux se dessine depuis les élections législatives et qui pourrait justement culminer par une abstention massive de l'extrême-droite s'il y avait une motion de censure, que la Nupes entend déposer, la motion de censure s'il n'y a pas justement de vote de confiance. Est-ce que vous pouvez répondre à ce soupçon ?

STANISLAS GUERINI
Ce sont des délires mélenchonistes. J'ai vu hier au moment où l'Assemblée nationale élisait la première femme présidente de l'Assemblée nationale, Yaël BRAUN-PIVET…

ELIZABETH MARTICHOUX
Un moment assez merveilleux je dois dire où effectivement on a mis pause pour voir cette femme qui n'est élue que depuis 5 ans accéder à ce perchoir.

STANISLAS GUERINI
Exactement. Qui est un parcours absolument formidable. C'est une grande fierté pour l'Assemblée, pas seulement parce qu'elle est une femme mais parce qu'elle est une femme formidable. Vous voyez la réaction immédiate de Jean-Luc MELENCHON de créer une polémique sur le fait que le RN avait fait le choix de s'abstenir. Mais ce sont des délires ! En réalité Jean-Luc MELENCHON, c'est la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le boeuf dans la vie politique du pays. C'est-à-dire qu'il a obtenu à l'Assemblée nationale une coalition de gauche qui est la plus faible…

ELIZABETH MARTICHOUX
Une belle victoire.

STANISLAS GUERINI
De toute l'histoire des coalitions de gauche à l'Assemblée nationale.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous parlez du total gauche à l'Assemblée quand il y a union de la gauche.

STANISLAS GUERINI
Oui. Et il compense tout ça par une sorte d'ultra-présence médiatique à tout conflictualiser quel que soit le sujet. Je crois que ça n'est pas raisonnable, parfois lui aussi devrait appuyer sur pause. Ça nous permettrait d'avancer sur des sujets d'intérêt général.

ELIZABETH MARTICHOUX
Marine LE PEN dans Le Figaro, elle préfère baisser les dépenses mais il n'est pas inenvisageable au contraire, dit-elle, que nous votions les mesures favorables aux familles. Opposition constructive du RN ?

STANISLAS GUERINI
Attendez, nous nous avons été extrêmement clairs sur cette question-là. Il n'y a pas d'accord à bâtir avec le RN. Nous n'aurons pas d'amendement partagé avec le Rassemblement national. Il y a une ligne qui est extrêmement claire, c'est notre boussole : pas d'alliance avec l'extrême-droite dans notre pays. C'est très clair.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça va mieux en le disant, ça n'a pas toujours été très clair.

STANISLAS GUERINI
Leur position, ce sera la leur. Ils feront bien ce qu'ils voudront sur les différents votes mais nous, nous n'allons pas chercher par des coalitions, par des accords, les voix de l'extrême-droite dans notre pays. C'est aussi clair que ça.

ELIZABETH MARTICHOUX
Elle tend la main, vous ne la prenez pas.

STANISLAS GUERINI
Quand on a en face de nous l'extrême-droite, je crois qu'il faut savoir ne pas perdre sa boussole.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci Stanislas GUERINI d'avoir été ce matin sur le plateau de LCI.

STANISLAS GUERINI
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 juin 2022