Texte intégral
Monsieur le Président, je vous remercie sincèrement pour votre propos liminaire et votre invitation. Permettez-moi également de vous féliciter de votre élection.
Chacun ici connaît l'investissement qui a été le vôtre, et celui de nombreux députés ici présents, pour faire vivre la PFUE. Tous, vous avez œuvré pour la coopération interparlementaire, qui a joué un rôle décisif dans l'avancement de nos dossiers communs. Vous avez, comme toujours, apporté un éclairage précieux au débat public.
Je sais que l'ordre du jour de la présente session extraordinaire est dense. J'ai bien volontiers répondu à l'invitation de la commission des affaires européennes et à celle de votre commission car il importe, me semble-t-il, que nous puissions échanger avant la déclaration du Gouvernement sur le bilan de la PFUE, suivie d'un débat, qui est prévue jeudi 28 juillet dans l'hémicycle. Je suis, bien entendu, à votre disposition.
La PFUE a été saluée sur l'ensemble du continent. À Bruxelles la semaine dernière, à Prague la semaine précédente, j'ai été très impressionnée par la reconnaissance qu'elle inspire. C'est avant tout une réussite collective, qui est aussi la vôtre.
Je commencerai par évoquer les deux éléments structurants de la PFUE qu'ont été la guerre en Ukraine et l'agenda de souveraineté, avant de parler de la suite, sous la présidence tchèque, et de ce qui reste à faire, qui est considérable.
S'agissant de la guerre en Ukraine, déclenchée le 24 février dernier, c'est l'honneur de la France d'avoir tout fait pour essayer d'éviter ce drame, dont nous mesurons aujourd'hui ce qu'il nous coûte, et d'avoir su mobiliser ses partenaires européens pour y répondre. Nous l'avons fait d'abord à l'échelle nationale. La France a pris toutes ses responsabilités pour soutenir l'Ukraine dans cette guerre d'agression, qui lui a été imposée et qu'elle doit gagner. À la présidence du Conseil de l'UE, la France a aussi été au rendez-vous pour répondre à l'agression de la Russie. Les sanctions prises sont sans précédent, tant par leur ampleur que par la rapidité avec laquelle elles ont été adoptées. En tout, six paquets de sanctions ont été décidés, dans l'objectif clair d'empêcher le président Poutine de poursuivre la guerre lancée le 24 février. La semaine dernière, les vingt-sept ministres réunis au sein du Conseil des affaires étrangères se sont mis d'accord sur un nouveau paquet de sanctions, qui vise à maintenir et à harmoniser les précédentes, augmentées de sanctions sur l'or.
Par ailleurs, l'UE a accompli une grande avancée et brisé un tabou majeur en finançant des armements, y compris létaux, qui sont nécessaires à l'Ukraine pour se défendre. Le 18 juillet, le Conseil des affaires étrangères a adopté une cinquième tranche de 500 millions d'euros, ce qui porte à 2,5 milliards le montant total du soutien de l'UE.
Outre une aide militaire, l'UE a fourni une aide humanitaire en accueillant des millions d'Ukrainiens et d'Ukrainiennes chassés par le conflit. Dès le 27 février, soit trois jours après le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, les vingt-sept Etats membres, dans le cadre d'un Conseil extraordinaire justice et affaires intérieures, ont décidé à l'unanimité d'activer, pour les réfugiés ukrainiens, le dispositif de protection temporaire. À l'heure actuelle, 3,8 millions d'Ukrainiens bénéficient de ce statut.
L'UE a aussi fourni une aide alimentaire, en ouvrant des voies de solidarité pour évacuer, par les territoires de l'UE, autant de céréales ukrainiennes que possible. En juin, plus de 2,4 millions de tonnes de céréales ont été exportées, principalement via la Roumanie. Ce chiffre est inférieur à celui des exportations de l'Ukraine avant-guerre, mais il est significatif. Je n'ignore pas les développements survenus ce week-end. Bien entendu, nous souhaitons que l'accord conclu vendredi 22 juillet sous l'égide de l'ONU soit respecté, afin que reprennent les exportations de céréales dont tant de pays, notamment de l'autre côté de la Méditerranée, ont besoin.
Le plus impressionnant, du point de vue politique, est la capacité de tirer les conséquences de la guerre dont l'UE a fait preuve pour se projeter et devenir plus forte, plus souveraine et plus autonome. Lors d'une conférence interparlementaire au Sénat, vous avez, Monsieur le Président, prononcé ces mots très forts, qui doivent orienter nos actions à l'avenir : "Nous sommes unis. Il nous reste à être forts. [...] Si nous ne réagissons pas, le XXIe siècle se fera sans nous". Nul ici n'en doute, me semble-t-il : les Européens ont su réagir, non seulement par les actions immédiates que je viens de rappeler mais également de façon stratégique, et ce dans trois domaines.
En matière énergétique, les chefs d'État et de gouvernement réunis au sommet de Versailles sont convenus de travailler à sortir d'urgence de notre dépendance au pétrole et au gaz russes. L'objectif est de réduire de deux-tiers la consommation de gaz russe d'ici à la fin de l'année. Cette première évolution tend à corriger la naïveté dont nous avons pu faire preuve dans nos rapports avec la Russie. Dans ce conflit, la première et principale arme de Vladimir Poutine est notre dépendance à l'énergie qu'il nous fournit.
Une autre décision a été prise au sommet de Versailles : remédier d'urgence au sous-investissement des Européens dans leur défense. Lorsque j'étais conseillère à l'Élysée, il y a cinq ans seulement, l'Europe de la défense était impensable. Aujourd'hui, nous nous apprêtons à adopter un instrument européen doté d'un fonds d'urgence de près de 500 millions d'euros qui permettra aux États membres de reconstituer leurs stocks, grâce à un mécanisme d'approvisionnement conjoint. Ainsi, les petits pays pourront acheter des armes et des munitions pour remplacer celles qu'ils ont cédées à l'Ukraine. À plus long terme, nous voulons mettre en œuvre un programme d'investissement européen pérenne.
La troisième évolution stratégique façonnera l'Europe dans laquelle nous avançons : à Versailles, les chefs d'État et de gouvernement ont décidé d'approfondir leur vision stratégique de notre voisinage. Ils ont ainsi choisi, à l'unanimité, lors du Conseil européen de juin, d'accorder à l'Ukraine et à la Moldavie le statut de candidat à l'UE, et à la Géorgie une perspective européenne. Il ne s'agit pas d'une porte ouverte à une adhésion rapide. Cette décision, certes historique, inaugure un parcours long et exigeant. L'Ukraine devra suivre une feuille de route très claire en matière de réformes. Nous serons là pour l'accompagner. Il y va de l'intérêt de ce pays et du nôtre.
Par ailleurs, plus déterminée que jamais à ouvrir sans tarder des négociations d'adhésion avec Skopje et Tirana, la France a présenté le 30 juin, dans les dernières heures de son semestre de présidence, une proposition de compromis permettant de résoudre les dernières questions en suspens entre la Bulgarie et la Macédoine du Nord. Cette mobilisation de la France a porté ses fruits : le 17 juillet, les gouvernements bulgare et macédonien ont signé à Sofia un protocole bilatéral visant à la mise en œuvre du traité d'amitié de 2017. Mardi dernier, j'ai eu l'honneur de participer aux premières conférences intergouvernementales organisées avec la Macédoine du Nord et l'Albanie.
Cette vision stratégique englobe les Balkans occidentaux, auxquels vous êtes nombreux à porter intérêt, à juste titre, dès lors que cette région fait partie, géographiquement, historiquement et culturellement, de l'Europe. Il est du devoir et de l'intérêt de l'UE de redoubler d'efforts en vue d'assurer son ancrage européen.
On ne dira jamais assez à quel point il importe d'œuvrer pour que ces pays ne soient pas rattrapés par l'Histoire et pour que leur instabilité ne soit pas exploitée par la Russie, ce qui a été une priorité de notre présidence du Conseil de l'UE et doit l'être pour les suivantes. La réunion des dirigeants de l'UE et des Balkans occidentaux du 23 juin dernier, qui s'est tenue à l'initiative de la France, a permis d'avoir une vraie discussion sur la perspective européenne de ces États, envers laquelle l'UE a un attachement total et sans équivoque. Par ailleurs, le Conseil européen est convenu de revenir rapidement sur la question de l'octroi du statut de candidat à la Bosnie-Herzégovine.
S'agissant de l'avenir, j'aimerais aussi évoquer la communauté politique européenne (CPE). Ni la perspective d'une adhésion à l'UE, ni l'ouverture de négociations d'adhésion ne relèvent le défi consistant à arrimer à l'UE les pays concernés. Le processus est très long et semé d'embûches. La nouvelle méthode qui est suivie rend même possible un retour en arrière. Telle est la raison principale pour laquelle le Président de la République a proposé de créer la CPE.
Il s'agira d'un forum au sein duquel nous pourrons renforcer l'appui aux réformes et les coopérations non seulement avec les pays candidats, mais aussi avec les pays limitrophes, le tout sur un pied d'égalité. L'idée n'est pas de transférer un acquis mais de mener des coopérations d'égal à égal et de remédier à l'absence d'une enceinte de dialogue à l'échelle de l'ensemble de l'Europe. Les questions relatives à la sécurité, au changement climatique, aux approvisionnements énergétiques, à la mobilité, voire à certains segments du marché intérieur pourront être abordées dans ce cadre. Les pays voisins de l'UE devront obtenir des bénéfices tangibles au fur et à mesure des discussions, au lieu de se heurter à des difficultés pendant dix ans.
La CPE n'est ni une solution alternative à l'élargissement, ni une duplication des organisations existantes, ni une complexification institutionnelle, puisque cette communauté respectera l'autonomie de l'UE, tout en offrant une plus-value et en permettant d'arrimer des pays. La première réunion se tiendra à Prague les 6 et 7 octobre, sous présidence tchèque.
J'en viens à l'agenda de souveraineté, qui a d'emblée été un axe fondamental de la PFUE. Il s'agissait de renforcer la souveraineté de l'Union européenne en ce qui concerne la transition écologique, le numérique, la défense, la politique commerciale, la politique industrielle, l'espace Schengen et les migrations mais aussi la politique sociale.
En matière de transition écologique, les États membres ont adopté le 28 juin une formidable avancée concernant le paquet "Ajustement à l'objectif 55", qui nous permettra d'atteindre d'ici à 2030 l'objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre de l'UE par rapport à leur niveau en 1990.
Pour ce qui est du numérique, nous avons franchi un grand pas, unique au monde, avec l'adoption du règlement sur les marchés numériques, dit DMA, et du règlement sur les services numériques, le DSA. Il s'agit de limiter les pouvoirs monopolistiques des géants du numérique, de permettre à des entreprises européennes de se développer sur ces marchés et d'accroître le pouvoir de vigilance des utilisateurs, tout en responsabilisant les entreprises au sujet des informations qu'elles véhiculent.
Dans le domaine de la défense, nous avons fait adopter la Boussole stratégique. Ce premier Livre blanc sur la défense européenne constitue une étape pour l'UE. Il fixe des objectifs de court terme, relatifs à la guerre en Ukraine, et des objectifs de moyen terme en matière de moyens, d'industrie et d'articulation avec l'OTAN. L'UE apprend le langage de la puissance, ce qui lui permettra de peser dans les conflits en tant qu'acteur international.
En matière de commerce, mais aussi d'énergie, nous avons mis un terme à la naïveté dont l'UE a jadis fait preuve, grâce à des instruments visant à établir une réciprocité avec nos grands partenaires, s'agissant notamment de l'accès aux marchés publics, et grâce à la taxe carbone aux frontières, qui tend à faire adopter par des pays tiers des politiques de transition énergétique aussi ambitieuses que celle de l'UE.
Sur le plan industriel, l'UE a vraiment pris conscience de la nécessité de réduire sa dépendance vis-à-vis de l'extérieur et de renforcer ses capacités. Trop longtemps, la politique industrielle a été négligée, voire un peu méprisée. Tel n'est plus le cas, comme le prouvent les premiers succès de l'alliance européenne pour les batteries et les programmes paneuropéens en cours dans des domaines stratégiques tels que l'hydrogène, les semi-conducteurs, le cloud et la santé.
La protection de nos frontières, l'espace Schengen et la politique en matière de migrations sont aussi des éléments importants de notre souveraineté. Nous avons obtenu des avancées majeures permettant de résorber des points de blocage anciens. Un accord a ainsi été trouvé au Conseil de l'UE pour renforcer l'espace Schengen et lui donner un pilotage politique. Par ailleurs, nous avons franchi une première étape en ce qui concerne le pacte sur la migration et l'asile, qui reposera sur deux piliers, la responsabilité et la solidarité. Compte tenu des blocages en la matière, il s'agit d'une avancée significative.
S'agissant de la politique sociale, qui est l'une des ancres de l'UE et l'une des sources de son attractivité, nous sommes parvenus à un accord sur une directive relative aux salaires minimaux, en dépit de la diversité des cadres nationaux dans ce domaine. Par ailleurs, je suis très fière, spécialement en tant que femme, que notre pays ait pu faire adopter, après dix ans de blocage, une directive sur la participation des femmes au sein des conseils d'administration, ce qui est d'autant plus important à l'heure où l'égalité entre les femmes et les hommes régresse de manière inquiétante dans de nombreux pays. Dans ce contexte, le Président de la République a également défendu devant le Parlement européen, le 19 janvier, l'inscription du droit à l'avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
J'en viens à la politique étrangère, qui complète l'agenda de souveraineté. Il est important que l'Union européenne ait une politique étrangère. La vie internationale a bien changé. Elle est devenue chaotique, voire dangereuse. La France a donc entamé un renouvellement de nos partenariats avec les grandes régions du monde, dont dépend notre avenir, au premier rang desquelles l'Afrique. Lors du sommet Union européenne - Union africaine des 17 et 18 février, nous avons procédé à une refondation du partenariat entre l'Afrique et l'Union européenne, autour des questions économiques, de la formation et de la jeunesse. Quant à la région indopacifique, elle est vitale non seulement pour nos exportations et nos approvisionnements mais aussi en matière militaire et de numérique, en raison de la montée en puissance de la Chine.
Les partenariats transatlantiques sont également importants. Il sera difficile de relever les défis écologiques, numériques et internationaux sans coopération entre l'Europe et les États-Unis. Or nous savons, pour l'avoir vécu en 2017, que la politique américaine peut être fragile et volatile. Il importe donc que nous construisions avec les États-Unis une relation suffisamment solide et équilibrée pour résister à d'éventuelles nouvelles turbulences. Nous pouvons nous féliciter des avancées concernant l'articulation entre l'UE et l'OTAN que constituent les demandes d'adhésion de la Finlande et de la Suède à l'OTAN, ainsi que le renoncement du Danemark à son opt-out à l'égard de la politique de sécurité et de défense commune.
La présidence tchèque puis la présidence suédoise devraient s'inscrire dans la continuité de ce qui a déjà été fait.
Le conseil des ministres européens de l'énergie étudiera demain comment assurer la sécurité d'approvisionnement de l'Union européenne, par le stockage, la réduction de la consommation d'énergie et un plan de solidarité. C'est d'autant plus crucial et urgent que la Russie a de nouveau réduit ses exportations de gaz. Les discussions en trilogue sur le paquet relatif à la réduction de 55 % de nos émissions de gaz à effet de serre le seront tout autant. Enfin, la présidence tchèque poursuivra les travaux visant à réduire notre dépendance industrielle s'agissant des semi-conducteurs et des matières premières critiques.
Notre présidence avait suscité beaucoup d'attentes concernant les valeurs et l'État de droit. Des discussions seront menées non seulement sur certains pays mais aussi pour améliorer des instruments existants, notamment le régime de conditionnalité et les instruments garantissant la protection et la sécurité des journalistes - ce sont des aspects très importants pour le débat démocratique.
Enfin, la Conférence sur l'avenir de l'Europe a été le premier exercice de participation des citoyens à l'écriture du futur de l'Union. Les propositions du rapport publié le 9 mai doivent trouver des traductions concrètes. Un événement de restitution sera organisé à l'automne. Dans leur grande majorité, ces propositions ne nécessitent pas de changement institutionnel ou de révision de traités et pourront donc être mises en œuvre rapidement. C'est essentiel pour que les citoyens voient que l'Europe répond à leurs attentes. Par ailleurs, dans son discours du 9 mai à Strasbourg, le Président de la République s'est prononcé, pour les dispositions qui le demandent, en faveur d'une révision des traités. Il faudra réfléchir non seulement au contenu d'une telle révision mais aussi à ses objectifs.
S'agissant du modèle démocratique européen et de la façon dont nous pouvons nous préserver des ingérences étrangères, un accord a été obtenu en mars sur la refonte du règlement relatif au statut et au financement des partis politiques européens. C'est bien, mais ce n'est pas suffisant : d'ici au printemps 2023, il faudra parvenir à un accord sur les autres textes du paquet "démocratie", concernant le financement des partis politiques, la transparence et le ciblage des publicités à caractère politique et la réforme de l'Acte électoral européen. Sur tous ces sujets, nous soutiendrons la présidence tchèque.
La présidence française de l'Union européenne a été exceptionnelle. Il importe de continuer et d'étendre les actions engagées, en particulier face à la guerre en Ukraine.
(...).
Madame Clapot, la guerre en Ukraine a des conséquences dramatiques sur la sécurité alimentaire, notamment pour les pays en développement et les pays les plus vulnérables. Outre l'initiative FARM et d'autres initiatives internationales pour les régions les plus affectées, nous avons poursuivi nos efforts en vue d'aider l'Ukraine à exporter les céréales et les oléagineux. Près de 2,5 millions de tonnes de céréales ont été exportées en juin. Sur le plus long terme, des accords ont été signés le 22 juillet à Istanbul sous l'égide de l'ONU mais leur mise en œuvre reste incertaine.
Nous devons contrer le narratif russe, qui s'apparente à de la désinformation : les denrées alimentaires ne sont pas sous sanctions. Il y a eu des réassurances de la part de l'Union européenne et de ses États membres.
Au-delà des programmes cités, toute une coopération est menée avec l'Afrique pour augmenter la production agricole et lui permettre de subvenir plus largement à ses besoins alimentaires.
Monsieur Pfeffer, la défense européenne est une réalité inscrite dans les traités, et non une politique dont la Commission déciderait arbitrairement de s'emparer. Nous souhaitons renforcer la politique de sécurité et de défense commune car nous pensons être plus forts à plusieurs. Nous devons nous coordonner pour affronter les crises et défendre la liberté de circulation dans les espaces stratégiques contestés, notamment dans l'Indopacifique.
S'agissant de la base industrielle et technologique de défense, nous voulons être en mesure de faire face à la guerre en Ukraine et de soutenir nos partenaires, en particulier les pays baltes et les pays frontaliers de l'Ukraine. Par ailleurs, nous avons créé un fonds européen et une plateforme commune d'achats, afin d'inciter à acheter européen et de lutter contre la fragmentation de notre industrie de défense. Vous savez que des projets avec l'Allemagne et l'Espagne, comme le SCAF, sont en cours.
Madame Soudais, la France est très préoccupée par le drame survenu à Nador et à Melilla. Nous avons exprimé notre confiance dans la volonté des autorités espagnoles et marocaines de faire toute la lumière sur les faits et d'établir les responsabilités. L'Espagne a ainsi ouvert une enquête. Assurer la sécurité des migrants et des réfugiés, éviter l'usage excessif de la force et respecter les droits fondamentaux constituent des priorités. Cette tragédie montre à quel point il est nécessaire de renforcer notre coopération en matière de lutte contre les réseaux de criminalité organisée impliqués dans le trafic de migrants et la traite des êtres humains, de même que notre partenariat avec l'Union africaine. Nous devons mener une véritable politique de développement pour permettre au continent africain de croître et de subvenir à sa sécurité.
Monsieur Dumont, 4 millions d'emplois en France dépendent des exportations européennes. Comme la guerre en Ukraine et la crise du covid l'ont montré, la diversification et la sécurisation de nos chaînes d'approvisionnement mais aussi la défense de nos normes doivent être au cœur des projets d'accords commerciaux. Pas de naïveté : nous aurons toujours besoin d'échanger avec nos voisins mais plus il y aura de transparence, de sécurité et de diversification en ce qui concerne nos approvisionnements, plus nous serons forts.
Nous avons proposé durant la PFUE d'instaurer des clauses miroirs dans les accords commerciaux pour rétablir une concurrence plus juste et pour imposer nos normes environnementales et industrielles. L'accord conclu avec la Nouvelle-Zélande est le plus ambitieux de ce point de vue puisqu'il reflète entièrement l'accord de Paris sur le climat et fera l'objet d'une évaluation tout au long de son application. Cet accord représente des opportunités pour nos filières agricoles. Il protégera notamment 550 indications géographiques françaises. Le CETA a quant à lui permis une hausse de 32 % de nos exportations agricoles et agroalimentaires vers le Canada entre 2017 et 2021. La politique commerciale contribue non seulement à la défense mais aussi à la promotion de nos filières.
Le Parlement a été associé à la PFUE, notamment lors de la réunion avec la conférence des présidents du Parlement européen, le 9 décembre, lors de la réunion des présidents de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires, les 13 et 14 janvier, et lors de la conférence sur la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), qui s'est tenue au Sénat ; je pourrais dérouler une longue liste de réunions, jusqu'au 16 mai. Certes, nous pouvons toujours faire mieux, mais je pense que la coopération a été excellente.
Madame Gatel, il s'agit désormais d'"opérationnaliser", si je puis dire, la Boussole stratégique en travaillant sur plusieurs points : la création, d'ici à 2025, d'une capacité européenne de déploiement rapide, pour des opérations militaires et civiles, l'accompagnement au combat des États volontaires, comme le Niger, le renforcement de notre résilience, notamment dans le domaine de la cybersécurité, qui a fait l'objet d'un exercice grandeur nature, ou encore la présence maritime coordonnée dans l'Indopacifique. Concernant l'investissement dans la défense, le fonds d'urgence de 500 millions d'euros permettra de reconstituer les stocks d'équipements militaires et de munitions, notamment ceux des petits pays. Il serait bon de pérenniser ce fonds pour qu'il serve de base à un plus grand développement de l'industrie de défense en Europe. Enfin, il convient d'approfondir l'articulation avec l'OTAN.
Le plan REPowerEU fait partie des mesures prises pour faciliter et accélérer la transition énergétique. Dans l'hypothèse d'une situation très difficile cet hiver, qui nécessiterait de faire preuve de plus de solidarité, il faudrait se montrer ouvert. On pourrait envisager d'utiliser des mécanismes d'endettement commun qui existent déjà, afin de venir en aide aux pays les plus affectés, ou d'accélérer les investissements ; après tout, nous avons un marché unique de l'énergie.
Monsieur David, nous souhaitons renforcer l'autonomie européenne dans les domaines financier, humain, industriel et culturel. Pour ce faire, nous travaillons avec les industriels afin de créer des alliances, notamment en ce qui concerne les achats de matières premières, l'hydrogène et les batteries, et nous nous attaquons aux pratiques commerciales déloyales. Enfin, nous voulons flécher les investissements vers des objectifs stratégiques.
Madame Kochert, la décision du Tribunal fédéral social allemand du 3 novembre 2021 confirme la position de la France au sujet de l'imposition des travailleurs transfrontaliers. Un Conseil des ministres franco-allemand se tiendra après l'été. Nous souhaitons parvenir à un accord avec le gouvernement allemand pour remédier au plus vite à cette discrimination, dans l'intérêt tant de nos concitoyens que de nos finances publiques. N'hésitez pas à revenir vers moi à ce sujet.
Par ailleurs, la pandémie a conduit à l'adoption, au titre de la force majeure, de mesures de flexibilité en matière de télétravail pour les transfrontaliers, afin d'éviter un changement dans la législation applicable à leur couverture sociale. Cette flexibilité dans l'application des règles européennes a été prorogée jusqu'au 31 décembre. Nous souhaitons en profiter pour préparer une éventuelle adaptation des règles qui permettrait de ne pas défavoriser ceux qui font plus de télétravail, celui-ci étant bon pour le climat et en matière de consommation énergétique.
S'agissant de l'évolution du pacte sur la migration et l'asile, Madame Sebaihi, un volet relatif à la solidarité, qui repose sur une déclaration politique, a été adopté durant la PFUE. Les États membres méditerranéens devraient en bénéficier car l'accueil des migrants pourra se faire dans l'Europe entière, et non pas seulement dans les pays dits de première entrée, des contributions financières étant par ailleurs prévues.
Le règlement de Dublin vise à déterminer le pays responsable de l'examen des demandes d'asile, en somme celui de première entrée. Cette règle du jeu permet d'éviter le dépôt de demandes d'asile d'une même personne dans plusieurs pays et d'assurer au demandeur un examen juste et attentif de sa situation. Le travail réalisé pendant la PFUE permet en outre de mieux prendre en compte les vulnérabilités. Toutefois, le règlement n'est pas parfait, certains pays ayant une charge très importante. Nous avons réalisé une première étape durant la présidence française en traitant séparément les questions d'asile et d'immigration, qui étaient bloquées depuis très longtemps. D'autres phases seront nécessaires pour améliorer le bien-être des migrants et assurer une meilleure coordination entre les pays.
Monsieur Lecoq, la Commission européenne a publié, le 23 février 2022, une proposition de directive sur le devoir de vigilance, qui est largement inspirée par la loi française. J'en profite d'ailleurs pour rendre hommage à MM. Potier et Sapin. Nous continuerons à soutenir cette proposition de la Commission et nous veillerons sur son ambition. J'ajoute que les consommateurs y veillent aussi.
S'agissant de la paix, le Président Macron a beaucoup agi pour tenter d'éviter la guerre en Ukraine, ce qui lui a parfois été reproché. Personne ne s'arme massivement de manière spontanée. L'objectif est de se protéger et de créer un espace où les gens sont en sécurité. Les plus allants en la matière et s'agissant des sanctions sont les pays baltes et les pays de l'Est, qui se sentent très menacés. Il est nécessaire d'être fort et dissuasif si l'on veut accélérer le retour de la paix.
Madame Youssouffa, la France est très engagée sur les questions de coopération régionale, en particulier dans le cadre de la COI. Notre ambassadeur délégué à la coopération régionale dans l'océan Indien assure une coordination en la matière. La France se mobilise aussi à Bruxelles, l'Union européenne étant la principale partenaire de la COI.
S'agissant de Mayotte, aucun département n'est fondé juridiquement à adhérer à une organisation internationale : c'est la France, en tant qu'État de la région, qui est membre de la COI. Nous avons associé Mayotte aux travaux de la COI sur la surveillance épidémiologique régionale et nous veillerons, plus largement, à ce que ce département soit toujours bien inscrit dans son environnement régional, notamment pour la coopération avec les Comores en matière sanitaire et migratoire. Je tiens également à vous rassurer sur notre mobilisation en vue de l'approfondissement de la coopération avec tous les États de la région, y compris dans le cadre d'initiatives multilatérales.
(...)
Madame Tanguy, une première conférence intergouvernementale a marqué, le 19 juillet, l'ouverture des négociations avec la Macédoine du Nord. Une deuxième conférence intergouvernementale sera organisée, selon un format en deux temps inédit, dès que la révision de la Constitution à laquelle s'est engagée la Macédoine du Nord aura été achevée. Durant cette phase, comme au cours de la précédente, la France ne ménagera pas ses efforts.
Madame Klinkert, la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle du ministère du travail a adressé ce matin un pré-projet de convention bilatérale à la partie allemande, en vue d'une réunion avec le ministère fédéral du travail et des affaires sociales ce mercredi. L'objectif est qu'un dispositif opérationnel soit prêt à l'automne et qu'un accord soit signé en décembre, avant la date limite fixée par la loi 3DS pour la définition par ordonnance des modalités de mise en œuvre de l'apprentissage transfrontalier.
Madame Abomangoli, nous ne nous opposons pas par principe aux accords de libre-échange mais nous n'en sommes pas moins fermes sur les principes qu'ils doivent respecter, notamment ceux relatifs aux standards environnementaux. Je rappelle que l'export représente en France 4 millions d'emplois. Par ailleurs, l'autonomie dans tous les domaines est impossible, comme suffit à le prouver la façon dont sont produites les énergies renouvelables. Il faut des matières premières, notamment du lithium et des terres rares, qui proviennent de pays tiers.
S'agissant de la Hongrie, Monsieur Jolly, aucun fonds n'a encore été suspendu. Néanmoins, ce pays est l'objet de questions légitimes. Des doutes subsistent sur la façon dont les marchés publics sont conclus. Des fonds financés par le contribuable européen risquent ainsi d'être mal gérés. Le contribuable européen, ce n'est pas la Commission européenne, c'est vous et moi. La moindre des choses, surtout en démocratie, est de s'assurer que les fonds publics ne sont pas détournés, parce que les fondements de l'État de droit sont sapés ou minés. Voilà de quoi il est question.
Par ailleurs, l'Etat de droit n'est pas une injonction abstraite et antidémocratique. Nous parlons d'indépendance et d'impartialité de la justice. Ce n'est pas une demande arbitraire de la Commission, mais un des piliers de la démocratie. L'indépendance des médias n'est pas davantage une demande arbitraire de la Commission, mais aussi un des piliers de la démocratie.
Madame Pompili, vous avez évoqué la difficulté à concilier l'urgence de court terme, qui est d'avoir suffisamment d'énergie pour passer l'hiver à l'échelle de l'Union européenne, et nos objectifs de moyen terme. Nous sommes d'accord, me semble-t-il, sur le fait que la meilleure sécurité énergétique consiste à accélérer la transition énergétique de la France et du reste de l'Europe. Même si nous traversons une période un peu tendue, nous devons absolument nous concentrer sur les trilogues relatifs à l'Ajustement à l'objectif 55. À cet égard, je rends hommage à l'action que vous avez menée lors de la législature précédente, notamment dans le cadre de la réunion informelle des ministres chargés de l'environnement et de l'énergie qui s'est tenue à Amiens en janvier dernier et au sein du Conseil Environnement de mars. Grâce à vos efforts, la négociation a progressé. Quant au traité sur la charte de l'énergie, nous sommes favorables à son évolution, mais en Européens. Nous continuons à travailler avec la Commission à cet effet.
Monsieur Habib, nous avons examiné en détail, comme plusieurs autres États membres de l'Union européenne, les éléments à l'appui de la désignation comme entités terroristes, par Israël, des six ONG palestiniennes que vous avez évoquées. Aucun élément de preuve ne justifie cette désignation. Nous partageons cette conclusion avec la Commission européenne, l'Allemagne, les Pays-Bas et d'autres États membres. Nos principes sont très clairs. Nous n'admettons aucune compromission avec le terrorisme et nous faisons preuve d'une vigilance de tous les instants. Nous partageons ces principes avec nos partenaires européens et la Commission.
Monsieur Metzdorf, l'Indopacifique a été une priorité de la PFUE. Le 22 février dernier s'est tenu à Paris le Forum ministériel pour la coopération dans l'Indopacifique. Il s'agissait de la première réunion à ce niveau entre l'Union européenne et les pays de la région. Ce forum ministériel a eu lieu moins de six mois après la publication de la stratégie de l'UE pour l'Indopacifique.
J'imagine que vous attendez des résultats concrets, et il y en a. L'UE et de nombreux pays de la zone indopacifique, dont l'Inde, le Japon, l'Australie et le Sri Lanka, ont signé une déclaration commune sur la vie privée et la protection des données personnelles. Nous avons également lancé la mise en œuvre du concept de présence maritime coordonnée dans le Nord-Ouest de l'océan Indien.
La présidence tchèque a fait de ces questions une de ses priorités, et nous y serons très attentifs. La Commission et les États membres doivent identifier des projets concrets, notamment dans le domaine de la connectivité et des infrastructures, dans le cadre de la stratégie Global Gateway. Compte tenu de ce qui se passe en Europe, nous sommes particulièrement déterminés à consolider nos relations avec la région indopacifique.
Monsieur Le Gall, vous suggérez que les partenariats bilatéraux sont préférables au renforcement de l'Europe de la défense. Permettez-moi de vous rappeler que la phrase de la ministre allemande de la défense que vous avez citée a été prononcée avant la guerre en Ukraine. Je ne pense pas que nous aurions pu faire seuls ce que nous avons fait ensemble dans le cadre de l'Union européenne. Cette dernière a mobilisé 2 milliards d'euros pour soutenir militairement l'Ukraine. Grâce à l'Union européenne, nous avons également pu investir davantage dans la défense et, surtout, rationaliser les investissements des différents pays. Il n'est pas nécessaire de dupliquer les efforts, alors qu'on pourrait investir ailleurs. L'effort est amplifié lorsqu'on agit ensemble.
Par ailleurs, la France n'est pas le seul pays européen à disposer d'une force militaire importante ; c'est aussi le cas de la Finlande.
En travaillant à plusieurs, nous construisons une Europe plus autonome, plus forte et plus sûre. Si la Finlande et la Suède demandent à rejoindre l'OTAN, ou si le Danemark, qui ne voulait pas participer à la PSDC, modifie sa position, c'est qu'ils ont le sentiment que nous serons plus forts ensemble.
Comme vous l'avez souligné, Madame Vichnievsky, l'Europe progresse souvent à la faveur des crises ou des catastrophes. C'est vrai depuis le début de la construction européenne, malheureusement ou heureusement - car nous progressons, ce qui est positif.
Les mix énergétiques diffèrent d'un pays à l'autre : nous ne partons pas du même point. Ces différences nous contraignent à faire preuve d'une solidarité exemplaire cet hiver, afin de ne pas ajouter une crise économique à la crise énergétique, en laissant un pays pâtir seul de sa dépendance. Les ministres de l'énergie discuteront demain de la sobriété énergétique et de possibles dérogations en fonction des interconnexions et des exportations de chaque pays. La solidarité pour passer l'hiver profitera à tous. La situation actuelle permet aussi d'accélérer la transition énergétique, puisque les baisses de consommation du gaz ont été spectaculaires. Malgré les efforts de Mme Pompili, nous ne serions peut-être pas allés aussi vite autrement. La présidence tchèque a fait de ce sujet une priorité et souhaite aboutir à un accord dès demain.
Face à l'augmentation du coût des denrées alimentaires, Madame Leboucher, nous devons faire en sorte que les fonds dédiés à l'aide alimentaire, désormais gérés par le Fonds social européen, évoluent. Cela fait partie des priorités du Gouvernement, des autres Etats membres et de la Commission. Beaucoup de règles, concernant en particulier la protection des plus vulnérables, ont changé depuis le début de la crise, et nous continuons à y travailler.
Monsieur Falcon, la France n'a pas été sanctionnée pour ne pas avoir atteint ses objectifs en matière d'énergies renouvelables. La Commission est en train d'examiner notre cas, car nous avons 20% d'énergies renouvelables et non 41% comme nous nous y étions engagés. Nous sommes néanmoins en bonne voie grâce au projet de loi qui sera bientôt présenté au Parlement. (...)
source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er août 2022