Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2022
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M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après l'adoption définitive du premier texte du paquet pouvoir d'achat hier, nous voilà réunis aujourd'hui pour l'adoption du second texte, du moins je le souhaite, puisque, comme M. le rapporteur vient de l'indiquer, la commission mixte paritaire sur le PLFR qui s'est réunie hier soir a été conclusive.
Bruno Le Maire l'a souligné ce matin, c'est une triple victoire : une victoire pour les Français, qui pourront mieux faire face à l'augmentation des prix ; une victoire de la politique du compromis ; enfin, une victoire pour les finances publiques, qui ont été tenues.
Ce PLFR a été examiné par le Parlement après la publication des derniers résultats de l'économie française.
Avec un chiffre de croissance de 0,5 % pour le deuxième trimestre 2022, la France obtient l'un des meilleurs résultats de la zone euro. Cela prouve que l'économie française résiste, et même mieux que les autres économies européennes. Elle atteindra les 2,5 % de croissance en 2022, comme le Gouvernement l'a annoncé par la voix de Bruno Le Maire. C'est une victoire, obtenue dans des temps difficiles.
Vous le savez, nous sommes dans le pic inflationniste. Cette inflation restera probablement à un niveau élevé jusqu'à la fin de l'année 2022. Nous avons cependant de bonnes raisons d'espérer une baisse de celle-ci dans le courant de 2023 ; j'y reviendrai plus tard.
Il s'agit donc d'un cap à passer. Et avec ce paquet pouvoir d'achat, nous prenons toutes les mesures nécessaires pour accompagner nos compatriotes dans cette période.
Grâce à l'accord trouvé en CMP, nous maintiendrons le "bouclier énergie" jusqu'à la fin de l'année 2022, avec le gel du prix du gaz, d'une part, et le plafonnement de la hausse du prix de l'électricité à 4 %, d'autre part, alors que, je le rappelle, cette dernière hausse aurait été de 45 % sans notre intervention.
Ce bouclier énergie nous permet d'avoir le taux d'inflation le plus faible de la zone euro. En effet, et vous le savez déjà, l'inflation est tirée à 50 % par le seul prix de l'énergie.
Je veux vous redire, au nom du Gouvernement, que nous continuerons également à nous battre au niveau européen pour dissocier définitivement le prix de l'électricité décarbonée du prix du gaz.
M. Alain Richard. Très bien !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Nous avons par ailleurs trouvé un compromis sur le fioul, M. le rapporteur général l'a rappelé. Il comprend l'adoption d'une aide de 230 millions d'euros pour les ménages qui utilisent ce combustible pour se chauffer.
Nous proposons d'associer les parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat au ciblage des ménages qui pourront bénéficier de cette aide supplémentaire. Jusqu'à 3 millions de ménages français sont concernés.
Nous allons faire passer la ristourne sur les carburants à 30 centimes d'euros en septembre, à 30 centimes en octobre, à 10 centimes en novembre et à 10 centimes en décembre.
Pour les Français qui travaillent, d'autres dispositifs seront mis en place.
Nous avons voté le doublement du plafond d'exonération de la "prime carburant" versée par les employeurs, de 200 à 400 euros. Nous allons aussi permettre son cumul avec la prise en charge de l'abonnement transport collectif.
Nous avions, par ailleurs, déjà revalorisé de 10 % le barème kilométrique de l'impôt sur le revenu en 2022. Nous sommes prêts à le revaloriser de nouveau en 2023.
Ce PLFR vise également à rendre du pouvoir d'achat aux Français par la valorisation de leur travail. Je sais combien vous y êtes sensibles.
La mesure de monétisation des RTT permettra aux salariés qui le souhaitent de travailler plus afin d'augmenter leur rémunération, dans des conditions fiscales avantageuses.
Concernant la défiscalisation des heures supplémentaires, le relèvement du plafond d'exonération fiscale de 5 000 euros à 7 500 euros est une bonne chose ; grâce au Sénat, cette mesure devient pérenne.
Enfin, grâce aux discussions entre l'Assemblée nationale et le Sénat, les entreprises de 20 à 250 salariés verront leurs charges sociales patronales réduites de 50 centimes par heure supplémentaire travaillée. Je veux remercier le président Retailleau, qui a soutenu ce projet.
Je me trouve aujourd'hui devant l'assemblée des collectivités locales. Je sais que l'inflation et que les revalorisations engagées peuvent susciter des inquiétudes. Sur l'initiative de Mme Christine Pires Beaune, les députés ont adopté à une large majorité le dispositif suivant.
Tout d'abord, ils ont voté 180 millions d'euros de crédits ciblés s'adressant aux plus de 6 000 communes qui sont en difficulté, parce qu'elles peinent à faire face à la hausse du prix de l'énergie et à celle du point d'indice. Les collectivités d'outre-mer sont particulièrement concernées, et je sais que vous y êtes sensibles. Par ailleurs, ils ont voté 120 millions d'euros pour compenser la hausse du RSA au niveau des départements.
Au Sénat, un nouveau compromis a été trouvé grâce au rapporteur général Jean-François Husson. Je veux également saluer le travail du président François Patriat et du président Hervé Marseille sur ce sujet. Ce sont ainsi près de 22 000 collectivités qui bénéficieront finalement de ce filet de sécurité.
Durant les débats, l'idée de taxer les surprofits est arrivée. Comme à l'Assemblée nationale, cette idée a été rejetée par la Haute Assemblée, et je tiens à saluer la sagesse du Sénat.
Bruno Le Maire l'a rappelé, alors que nos compatriotes souffrent de la vie chère, nous partageons tous l'idée selon laquelle chacun doit porter une part du fardeau de l'inflation : l'État, bien entendu, qui le fait déjà ; les ménages, qui y sont contraints avec l'augmentation des prix alimentaires et des prix des carburants ; et, bien sûr, les entreprises. Je ne conteste pas ce raisonnement.
Toutefois, l'immense majorité des entreprises souffrent de l'inflation. Elles sont de toutes les tailles – grandes entreprises, ETI, PME, TPE – et opèrent dans tous les secteurs. Les entreprises du bâtiment et des transports sont lésées par l'augmentation du prix des matières premières. Les entreprises de l'hôtellerie, de la restauration, de la distribution sont lourdement pénalisées par le manque de main-d'œuvre.
Nombre d'entreprises participent en réalité déjà à la lutte contre l'inflation en augmentant les salaires. Bruno Le Maire a encore appelé ce matin toutes celles qui le peuvent à agir en ce sens. Mais celles qui ne le peuvent pas doivent agir autrement, notamment en se saisissant des outils votés par le Parlement cet été : prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (PEPA), intéressement et participation.
En revanche, quelques entreprises font des bénéfices importants, c'est vrai. Elles doivent participer à l'effort collectif, à l'image de la remise de 20 centimes à la pompe pour TotalEnergies, de la baisse du prix des conteneurs pour CMA-CGM ou du chèque énergie pour Engie.
Cette approche est tout simplement plus juste, plus efficace et plus conforme à vos aspirations pour nos territoires.
Elle est plus juste, car elle ne pénalise pas des entreprises qui ont besoin d'investir pour leur avenir et la pérennité de l'emploi.
Elle est plus efficace, car l'argent va directement dans la poche de nos compatriotes : 20 centimes de remise à la pompe, cela amène le litre de carburant à 1,50 euro, une fois cette remise combinée avec la ristourne que vous avez votée.
Elle est plus conforme à vos aspirations, car elle va dans le sens de la baisse des impôts, qui est notre ligne et qui favorise l'attractivité de notre territoire, de tous nos territoires.
Du point de vue des finances publiques, nous observons que, en baissant les impôts, nous obtenons plus de recettes fiscales. Je pense, par exemple, à la baisse de notre taux d'impôt sur les sociétés, qui s'est accompagnée d'une augmentation de son produit entre 2017 et 2022. En libérant de la capacité à investir, nous avons permis à nos entreprises de créer plus de richesses, c'est un fait.
Enfin, ce PLFR acte la suppression de la contribution sur l'audiovisuel public, qui rendra 138 euros de pouvoir d'achat aux ménages.
Cette décision est conforme à notre politique de baisse des impôts, à laquelle les sénateurs sont attachés, me semble-t-il. L'Assemblée nationale a travaillé à un dispositif de financement durable de l'audiovisuel public, gage de son indépendance. Tâchons de poursuivre ce dialogue constructif.
Pour conclure, comme je l'ai dit au début de mon propos, ce paquet pouvoir d'achat arrive au bon moment, puisqu'il aidera nos compatriotes à passer ce cap difficile.
Je reste confiant dans notre capacité collective, en France et en Europe, à ramener l'inflation à un taux raisonnable dans le courant de l'année 2023. Nous pouvons compter sur les mesures prises par la Banque centrale européenne (BCE) en matière de politique monétaire. Surtout, nous agissons chaque jour par les mesures que nous prenons en matière d'énergie et de diversification de nos approvisionnements.
En mai dernier, les Français ont réélu Emmanuel Macron Président de la République. Fin juin, ils ont également voulu marquer une autre volonté, celle de voir les différentes forces politiques du pays dialoguer et trouver des compromis sur les textes de loi. En un mois à peine, nous avons fait la démonstration que c'était possible.
Nous avons appris de cette première étape. Le Gouvernement souhaite que nous puissions continuer dans cette voie, au service de nos compatriotes – toujours. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
source http://www.senat.fr, le 12 août 2022