Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à RTL le 4 août 2022, sur les mesures pour le pouvoir d'achat et les fraudes à la Sécurité sociale.

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Média : RTL

Texte intégral

JÉRÔME FLORIN
Bienvenue si vous nous rejoignez à l'instant, nous sommes donc avec Bruno LE MAIRE ce matin, ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. Merci d'être avec nous, alors que le marathon de ces dernières semaines sur les mesures pour le pouvoir d'achat est en passe de s'achever au Parlement. Alors, il y a deux volets, le premier a été adopté définitivement hier à l'Assemblée, il entérine notamment le triplement du plafond de la Prime Macron à 6 000 €. Le second texte a fait l'objet d'un accord hier soir entre députés et sénateurs, et devrait être validé dans la journée. Vous pourrez ensuite rejoindre votre cher Pays basque pour vos vacances. Bruno LE MAIRE, d'abord, concernant la prime de rentrée exceptionnelle, les sénateurs voulaient la retailler, finalement elle sera bien versée et à plus de monde que prévu.

BRUNO LE MAIRE
Oui, elle sera bien versée à ceux qui en ont le plus besoin, parce que le Paquet pouvoir d'achat qui vient d'être voté, c'est d'abord une victoire pour les Français, pour ceux qui en ont le plus besoin, ceux qui souffrent le plus de l'augmentation des prix alimentaires, des prix du carburant, des prix de l'énergie. Donc il n'était pas juste de priver les plus modestes de cette aide de rentrée, qui sert principalement à financer les courses alimentaires.

JÉRÔME FLORIN
Combien de foyers concernés ?

BRUNO LE MAIRE
Eh bien c'est plusieurs millions de foyers qui étaient concernés, qui sont bénéficiaires de minima sociaux, qui peuvent être des étudiants boursiers, des gens qui appartiennent aux 14 % de pauvres dans la France actuelle. Enfin, il était injuste de priver ces millions de Français de cette prime de rentrée, dont ils vont avoir besoin pour payer leurs courses alimentaires. Donc nous l'avons…

JÉRÔME FLORIN
Et cette prime sera versée courant septembre.

BRUNO LE MAIRE
Elle sera versée courant septembre, et elle permettra à tous ceux qui ont du mal à payer leur panier alimentaire, de le payer dans de meilleures conditions. C'est une des mesures…

JÉRÔME FLORIN
Ça va coûter combien ?

BRUNO LE MAIRE
C'est une des mesures de protection qui doit, après ce vote, soulager nos compatriotes qui sont confrontés à l'augmentation des prix. Et je veux dire à quel point ces deux textes qui viennent d'être adoptés, sont à mes yeux une triple victoire. C'est d'abord une victoire pour les Français, pour nos compatriotes qui ont du mal à boucler les fins de mois, qui sont inquiets de l'augmentation des prix, je le disais, alimentaire, énergie, essence, et qui se disent, "comment est-ce qu'on va faire face ?". Eh bien grâce à ce Paquet pouvoir d'achat, ils vont pouvoir faire face. C'est une deuxième victoire aussi, c'est une victoire politique. Parce que j'entends ceux qui disent : "Ah, les 100 premiers jours de monsieur MACRON n'ont pas été utiles". Si, ces 100 premiers jours, ils ont été utiles, et nous venons d'apporter la démonstration avec ces textes, que nous avancions, nous progressions, avec une seule obsession : servir les Français et leur apporter des réponses dans leurs difficultés. Et enfin une 3e victoire que je tiens à signaler cette fois comme ministre des Finances, c'est que nous avons tenu les comptes. On peut à la fois protéger des Français et éviter que les comptes dérapent. On a rajouté 500 millions d'euros de dépenses sur les 20 milliards prévus initialement, donc nous avons été responsables.

JÉRÔME FLORIN
Alors, il y a des primes et des aides, mais votre mantra, Bruno LE MAIRE, c'est de dire : les entreprises qui peuvent augmenter les salaires, qu'elles le fassent. Mais l'incitation c'est bien, ça ne marche pas. On entendait dans le journal de 07h30, à la SAMARITAINE, c'est une entreprise LVMH qui va bien, pas d'augmentation de salaires cette année.

BRUNO LE MAIRE
Eh bien, il y a beaucoup d'entreprises qui ont fait passer des augmentations de salaires, tant mieux.

JÉRÔME FLORIN
Combien ?

BRUNO LE MAIRE
Tant mieux. On fera, j'ai toujours dit qu'on ferait les comptes à la fin de l'année. Je donnerai rendez-vous au projet de loi de finances 2023, c'est-à-dire vers octobre/novembre de cette année. Mais je redis avec beaucoup de gravité, toutes les entreprises qui le peuvent, doivent augmenter les salaires. Toutes celles qui sont un peu inquiètes pour leur avenir et qui disent : attendez, nous on ne peut pas s'engager pour l'avenir parce que ça peut menacer notre survie, on ne sait pas de quoi 2023 va être fait. Eh bien utilisez les instruments conjoncturels. La prime défiscalisée elle est passée à 6 000 €, versez là. L'intéressement, la participation, on a retiré des taxes, versez-les ! Il faut…

JÉRÔME FLORIN
6 000 €, la prime Macron c'était 500 € en moyenne, quand on regarde.

BRUNO LE MAIRE
Oui, mais ces 500 € en moyenne pour près de 4 à 5 millions de nos compatriotes, donc ce n'est pas rien, ce n'est pas négligeable. Ce que je veux dire simplement…

JÉRÔME FLORIN
Augmenter les salaires, Bruno LE MAIRE, c'est encourager l'emploi. On en parle aussi ce matin, il manque 8 000 postes de chauffeurs de bus en France, parce que les salaires sont trop bas. Il manque 400 postes par exemple dans Hauts de France, à la rentrée on va être en pénurie. Comment augmenter ces salaires et donner aux gens envie de travailler et de se déplacer ?

BRUNO LE MAIRE
C'est vraiment ce que je tenais à dire : toutes les entreprises qui le peuvent ont intérêt à verser des salaires plus important. Ce n'est pas qu'elles doivent le faire, c'est aussi qu'elles y ont intérêt. Vous citez l'exemple du transport, je pourrais vous citer l'exemple de l'hôtellerie, l'exemple de la restauration, l'exemple de la distribution, l'exemple de l'agroalimentaire, partout en France il y a des pénuries de main-d'œuvre, et ce sera…

JÉRÔME FLORIN
Combien d'emplois non pourvus aujourd'hui en France ? On a un chiffre ?

BRUNO LE MAIRE
Mais c'est des centaines de milliers d'emplois qui ne sont pas pourvus. Vous allez en Vendée, vous voyez des usines devant lesquelles vous avez des grandes affiches : "Nous cherchons des salariés". Vous discutez avec un patron d'hôtel, avec un patron de restaurant, il vous dira : "Je fais moitié moins de couverts ou 10 % de couverts en moins, parce que je n'ai pas les salariés dont on a besoin". Et il faut que la réponse soit collective, c'est-à-dire apportée par la puissance publique, apportée aussi par les entreprises. La puissance publique elle va dire : on va regarder ce qui peut être fait sur la réforme de l'assurance chômage, Olivier DUSSOPT l'a annoncé, et les entreprises de leur côté doivent se saisir de l'augmentation des salaires pour rendre leurs métiers plus attractifs. Et collectivement nous devons nous demander aussi comment est-ce qu'on réorganise le temps de travail pour répondre à des attentes qui sont des attentes légitimes, notamment des plus jeunes qui entrent sur le marché du travail.

JÉRÔME FLORIN
Est-ce que vous n'avez pas oublié les métiers dits de 2e ligne Bruno LE MAIRE, je pense notamment aux caissiers, aux aides à domicile, aux conducteurs, qui n'ont pas forcément droit à la prime Macron, qui n'ont pas forcément d'épargne salariale, ça ne concerne que 9 millions de salariés, qui n'ont pas forcément de RTT, il n'y a pas un trou dans la raquette ?

BRUNO LE MAIRE
Je pense que l'on n'a oublié personne, à partir du moment où on a augmenté les minima sociaux, à partir du moment où on a augmenté les retraites qui vont être augmentées dès le début du mois, à partir du moment où on a augmenté le point d'indice des fonctionnaires, à partir du moment où on a maintenu ce qui est unique en Europe, le gel du prix du gaz et le plafonnement du prix de l'électricité. Si on n'avait pas voté ça cette nuit, vous auriez eu une augmentation des prix du gaz de l'ordre de 50 %, des prix de l'électricité, même montant, eh bien votre facture elle ne va pas bouger. C'est grâce à l'action de la majorité du président de la République. Donc nous n'avons oublié personne. Moi j'entends parfois ce procès qui est fait en disant : ah, vous avez oublié telle catégorie ou telle autre. Non.

JÉRÔME FLORIN
Oui, mais tout le monde n'a pas accès aux mêmes aides.

BRUNO LE MAIRE
Tout le monde est protégé. Tout le monde est protégé contre ce qui est la première raison de l'inflation : l'énergie. Gel des prix du gaz, plafonnement des prix de l'électricité, et 30 centimes de remise à la pompe sur le litre de carburant dès le 1er septembre. 30 centimes, pour tout le monde, et c'est le fruit du compromis que nous avons trouvé. Pour ceux qui se chauffent au fuel, 230 millions d'euros débloqués pour que vous puissiez être aidés quand vous payez votre cuve au fuel et que vous remplissez votre cuve, parce que le prix du fuel a explosé. Tout le monde est aidé, mais de manière juste et de manière responsable, c'est-à-dire sans laisser filer les comptes publics.

JÉRÔME FLORIN
Vous avez quand même dû faire pas mal de concessions à la droite. Le slogan d'Emmanuel MACRON pendant la campagne c'était "Avec vous" ; est-ce que ça n'est pas plutôt "Avec LR" ?

BRUNO LE MAIRE
Non, parce qu'il y a des amendements qui ont été repris chez les socialistes, enfin l'amendement qui était…

JÉRÔME FLORIN
Pas beaucoup.

BRUNO LE MAIRE
Ah, l'amendement qui porte sur les collectivités locales, on a augmenté effectivement les aides aux collectivités locales…

JÉRÔME FLORIN
Alors, 600 millions d'euros.

BRUNO LE MAIRE
C'est un amendement proposé par madame PIRES-BEAUNE, qui est, à ma connaissance, une députée socialiste Qui a ensuite été enrichi au Sénat par des sénateurs Les Républicains.

JÉRÔME FLORIN
Voilà.

BRUNO LE MAIRE
Voyez, c'est ça le compromis.

JÉRÔME FLORIN
600 millions d'euros supplémentaires.

BRUNO LE MAIRE
Mais qu'est-ce qu'ont voulu les Français au moment des élections législatives ? Ils nous ont dit : travaillez ensemble. Eh ben on travaille ensemble, et on essaie de trouver des compromis, et je le redis, nous n'avons pas acheté le compromis, nous avons construit le compromis. On n'a pas déversé de nouveaux milliards d'euros, on a bloqué des demandes qui me paraissaient irresponsables du point de vue financier, mais on a construit, avec le groupe Les Républicains, avec des socialistes, avec d'autres, des compromis qui sont bons et utiles pour nos compatriotes.

JÉRÔME FLORIN
Alors justement, dans les compromis, le président des LR au Sénat a dit : je ne voterai pas le texte s'il n'y a pas la carte Vitale biométrique. Finalement elle a été, ça a été acté, la carte Vitale biométrique. C'est pour lutter contre la fraude. On a des chiffres précis contre, justement sur la fraude, combien de fausses cartes circulent, combien ça coûte à l'Assurance maladie tous les ans, cette fraude ?

BRUNO LE MAIRE
Je ne suis pas ministre des Affaires sociales, mais je vais vous dire, même s'il y avait…

JÉRÔME FLORIN
On a entendu des chiffres très contradictoires.

BRUNO LE MAIRE
Même s'il y avait une seule carte de fraude à la Sécurité sociale, qui est le modèle le plus protecteur, le plus solidaire, mais aussi le plus coûteux de tous des modèles de santé de la planète, une seule carte justifierait qu'on mettre en place des mesures de contrôle plus strictes.

JÉRÔME FLORIN
Le Gouvernement était contre il y a 2 ans.

BRUNO LE MAIRE
La fraude à la Sécurité sociale est une fraude révoltante, parce qu'elle coûte à nos compatriotes, parce qu'elle prive ceux qui ont besoin de soins, de soins qui pourraient être de meilleure qualité ou des soins plus approfondis, donc je trouve cela révoltant, il est impératif que nous prenions toutes les dispositions pour lutter contre les fraudes à la carte Vitale.

JÉRÔME FLORIN
Toutes les cartes Vitale vont donc être changées ?

BRUNO LE MAIRE
Ça, une fois encore je ne suis pas responsable du sujet, mais je vous dis comme citoyen, autant que comme ministre, que je n'accepte aucune fraude sur aucune carte Vitale, parce que c'est notre modèle de Sécurité sociale qui est fragilisé par ce genre de comportement.

JÉRÔME FLORIN
Encore une fois, le Gouvernement était contre la carte Vitale biométrique il y a 2 ans. Vous avez changé d'avis.

BRUNO LE MAIRE
Enfin, moi j'ai toujours été, je vais vous dire, Jérôme FLORIN, avec la liberté qui me caractérise, pour la lutte contre les fraudes et pour le respect des règles, surtout quand c'est notre modèle de Sécurité sociale qui est en jeu.

JÉRÔME FLORIN
Bruno LE MAIRE, les Français qui nous écoutent ce matin veulent savoir jusqu'à quand elle va durer cette inflation. Un peu plus de 6 % aujourd'hui. Jusqu'à quand ?

BRUNO LE MAIRE
L'inflation telle qu'elle est aujourd'hui, c'est-à-dire forte, elle va continuer à augmenter jusqu'à la fin de l'année 2022. Je n'ai jamais caché que le pic inflationniste était maintenant, on voit qu'elle continue à progresser, ça va dépendre aussi de ce qui va se passer en Ukraine, des décisions qui seront prises sur le gaz, mais j'ai bon espoir qu'au début de l'année 2023, je ne peux vous dire ça la semaine près, au début de l'année 2023, notamment parce qu'on a diversifié les approvisionnements énergétiques, on a trouvé du gaz ailleurs, on a trouvé du pétrole ailleurs, parce qu'on a réorganisé les chaînes de production. Alors, ça met du temps mais ça permet de se réorganiser pour produire en France et en Europe. On devrait avoir un reflux de l'inflation à partir du début de l'année 2023. Donc il y a encore…

JÉRÔME FLORIN
Vous êtes sûr de ça.

BRUNO LE MAIRE
Non, on n'est jamais sûr. Je ne vais pas vous donner une certitude absolue, je dis simplement que nous prenons toutes les dispositions, avec la réorganisation des chaînes de valeur, la diversification des approvisionnements, les décisions de politique monétaire de la Banque centrale européenne, tout ça devrait nous amener à avoir un reflux de l'inflation au début de l'année 2023. On gardera une inflation plus haute que ce à quoi nous étions habitués, parce que produire en France ou en Europe, c'est plus cher que d'importer, mais je pense que c'est mieux pour le climat et c'est mieux pour notre indépendance économique, mais l'inflation telle qu'elle est aujourd'hui, j'ai bon espoir qu'elle reflue au début de l'année 2023.

JÉRÔME FLORIN
Le Haut conseil sur les finances publiques, qui dépend de la Cour des comptes, juge vos prévisions de croissance trop optimistes.

BRUNO LE MAIRE
Oui, c'est les mêmes qui nous disaient qu'au 2e trimestre 2022 on ferait 0 % de croissance, on a fait 0,5. Donc je pense que l'optimisme est un volontarisme qui est utile dans ces périodes de crise et de périodes de difficultés. Vous savez, tout voir en noir, tout décrire comme absolument sinistre, n'est pas la bonne solution. Il faut être lucide, j'étais lucide sur les comptes publics, lucide sur la nécessité de rétablir les comptes publics, ce qui m'a amené à refuser une fois encore des dépenses inconsidérées, mais il faut aussi être volontariste, et croyez-moi, quand je vois la capacité de résistance de l'économie française, la manière dont on résiste mieux que les autres pays à l'inflation, la manière dont on résiste mieux en matière de croissance, la manière dont on s'approche progressivement du plein emploi, je me dis, il y a des motifs d'espoir dans l'économie française.

JÉRÔME FLORIN
Dernière question Monsieur le Ministre. Le montant de la dette française, 3 000 milliards d'euros, on sait que cette dette, elle est en partie détenue par des non-résidents, alors, c'est un peu technique, mais il y a une grande opacité sur ce sujet. On sait que la Chine en détient une partie. Est-ce que vous savez à quelle hauteur ?

BRUNO LE MAIRE
Alors, vous avez des investisseurs étrangers, ce qui est parfaitement normal pour une dette nationale. Il y a toujours des investisseurs étrangers, il y a une part nationale, il y a une part étrangère. Ce qui compte, ce n'est pas…

JÉRÔME FLORIN
Une part chinoise, de combien ?

BRUNO LE MAIRE
Ce n'est pas qui détient la dette. Ce qui compte…

JÉRÔME FLORIN
Non, parce que dans le texte actuel c'est intéressant avec Taïwan, on ne peut peut-être pas se fâcher avec la Chine.

BRUNO LE MAIRE
Si vous voulez être indépendant, il faut réduire la dette. C'est bien ce que nous faisons. Quand je refuse des amendements à un milliard ou 2 milliards d'euros à 03h00 ou 04h00 du matin, je le fais au nom de l'indépendance française et de l'impératif de réduction de la dette publique.

JÉRÔME FLORIN
Merci Bruno LE MAIRE. "Il est l'un des rares ministres qui tient la route". Savez-vous qui dit cela de vous ?

BRUNO LE MAIRE
Tous les ministres tiennent la route.

JÉRÔME FLORIN
C'est Éric COQUEREL, le président la France insoumise de la commission des finances, comme vous.

BRUNO LE MAIRE
Mais Éric COQUEREL tient très bien la route comme président de la Commission des finances, mais je veux simplement, et nous avons un travail qui est constructif, ce qui me paraît bien dans cette commission qui est essentielle, mais tous les ministres forment une équipe remarquable. Élisabeth BORNE, la première ministre, nous a tous réunis aujourd'hui, c'était à la fois sympa, professionnel et utile.

JÉRÔME FLORIN
Merci beaucoup Bruno LE MAIRE.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 août 2022