Interview de M. Olivier Klein, ministre chargé de la ville et du logement, à RTL le 18 août 2022, sur les rodéos urbains, les entrepôts commerciaux sans clients et les fissures affectant certaines habitations suite à la sécheresse.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : RTL

Texte intégral

JÉRÔME FLORIN
Bienvenue si vous nous rejoignez à l'instant, nous sommes avec Olivier KLEIN, ministre délégué à la Ville et au Logement. Bonjour.

OLIVIER KLEIN
Bonjour.

JÉRÔME FLORIN
Et je le précise, vous êtes aussi le maire de Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis. Deux morts en deux jours, à Colmar, à Marseille, un enfant grièvement blessé à Pontoise au début du mois. Les rodéos urbains empoisonnent décidément cet été. Le ministre de l'Intérieur montre ses muscles, Gérald DARMANIN a annoncé hier 2 200 contrôles en une semaine. Au-delà de l'opération communication, sans doute nécessaire, est-ce que c'est suffisant pour stopper ce phénomène ?

OLIVIER KLEIN
Non. D'abord, je voudrais confirmer ce que vous dites, les rodéos urbains c'est un poison pour nos quartiers. C'est un poison parce que ça blesse, ça tue, c'est un poison parce que ça pourrit la vie des habitants de nos quartiers populaires, et c'est un poison parce que ça stigmatise ces quartiers. Donc il faut d'arrache-pied continuer, parce que ce n'est pas un début, la lutte contre ces rodéos, protéger les habitants de nos quartiers, protéger aussi, parce que c'est notre rôle, ceux qui parfois roulent sur ces engins et se blessent et se tuent, et il faut de la répression, parce que malheureusement c'est un moyen nécessaire, il faut confisquer les motos, il faut travailler ensemble, moi c'est ce que je fais à Clichy, on travaille avec le commissaire, on travaille avec les bailleurs, pour récupérer les motos a posteriori, les confisquer, si possible avec l'aide de la justice, les détruire. Et puis il faut aussi éduquer, travailler, et c'est ce que l'on fait au ministère de la Ville, à occuper les jeunes de nos quartiers, à leur montrer que ces rodéos sont, ce que j'ai dit tout à l'heure, un poison, et que l'on peut faire autre chose. J'étais avec…

JÉRÔME FLORIN
Mais à Clichy-sous-Bois, chez vous, par exemple, il y en a encore, malgré la… ?

OLIVIER KLEIN
Oui, bien sûr, bien sûr qu'il y en a encore, et ça prendra du temps, c'est de l'éducation, c'est de la répression, c'est de la sanction, c'est aussi d'autres propositions à faire. Tout au long de l'été à Clichy, on a, comme dans beaucoup de quartiers populaires, des opérations avec la politique de la Ville, qui s'appellent "Quartiers d'été", on vient de finir notre plage, on travaille aussi sur les questions de rodéos urbains avec la police nationale, avec l'utilisation des motos mais dans un cadre légal. Avec la Première ministre on était à Vaulx-en-Velin il y a quelques semaines, et une association qui s'appelle "Synergie family", avec le soutien de l'Etat, nous a montré ce qu'elle faisait en prévention, avec même la Fédération française du moto-cross, ce qu'ils faisaient pour prévenir ces rodéos qui pourrissent la vie, eh bien c'est tout ça qu'il faut faire en même temps, sanctionner et prévenir.

JÉRÔME FLORIN
Mais ça ne suffit pas, Olivier KLEIN.

OLIVIER KLEIN
Non, ça ne suffit pas…

JÉRÔME FLORIN
Et d'ailleurs, à Pontoise, après le départ des caméras et de la police envoyée en renfort, à Pontoise les rodéos ont repris dans le même quartier, et ce n'est pas moi qui le dis, c'est l'avocat de la famille de la petite fille qui a été blessée.

OLIVIER KLEIN
Et c'est pour ça qu'il faut continuer ce que la Première ministre et le ministre de l'Intérieur ont proposé, c'est-à-dire de sanctionner, de réprimer, de contrôler, de confisquer. Et moi je suis très favorable à la destruction des motos, quel que soit celui qui roule dessus, que ça soit le propriétaire ou quelqu'un à qui il aurait prêté son engin, parce qu'on ne peut pas regarder cette situation, regarder ces blessés, et parfois ces morts, et de ne pas agir encore plus, et donc ce n'est pas parce que ça ne suffit pas, qu'il ne faut pas faire. Et je crois aujourd'hui que le Gouvernement fait.

JÉRÔME FLORIN
Alors, c'est le grand débat aussi, est-ce qu'il faut que les forces de l'ordre puissent prendre en chasse les conducteurs ? Parce qu'aujourd'hui, les policiers et les gendarmes n'ont pas le droit de le faire.

OLIVIER KLEIN
A titre personnel, je ne crois pas, je ne crois pas qu'il faut rajouter de l'accident, du risque au risque. Il faut faire ce que l'on fait, il y a maintenant de plus en plus de caméras, il y a un travail conjoint avec les bailleurs, avec les habitants, il y a moyen de signaler. Ce n'est pas de la délation, se protéger et protéger les autres, c'est pas de la délation, c'est ce que l'on fait avec la police, avec les bailleurs, aller chercher les motos là où elles sont, dans une cave, dans un appartement, dans un local à vélos, et ensuite confirmer l'infraction et ensuite confisquer la moto, c'est ce qu'il faut faire et continuer à faire.

JÉRÔME FLORIN
Donc maintenir la pression, c'est ce que vous dites ce matin sur RTL, Olivier KLEIN.

OLIVIER KLEIN
Maintenir la pression et faire de la prévention, et éduquer. Vous savez, quand on va aujourd'hui au collège, on passe son brevet d'apprentissage de la circulation, il faut démontrer aux plus jeunes que ce n'est pas un acte glorieux de faire une roue arrière, c'est dangereux et ça met en danger son voisin, ses parents, son ami. Et donc c'est ça qu'il faut faire le plus vite possible, avec les plus jeunes, pour démontrer, parce que ça peut commencer avec un scooter, voire une trottinette, aujourd'hui des actes dangereux sur l'espace public, et donc notre rôle de parent, de citoyen, c'est de protéger ces enfants, protéger ces jeunes et de protéger ceux qui sont autour d'eux, pour ne pas qu'il y ait, comme on vient de le voir des drames.

JÉRÔME FLORIN
Olivier KLEIN, faut-il encadrer l'utilisation de l'allocation de rentrée scolaire, qui a été versée cette semaine à trois millions de familles, c'est la proposition d'élus les Républicains qui disent que cet argent peut servir à acheter autre chose que des fournitures scolaires, ça fait des années qu'on entend ça, est-ce qu'à un moment… ?

OLIVIER KLEIN
Oui, moi je n'en peux plus de cette stigmatisation des plus fragiles et des plus pauvres. Moi comme maire, vous parliez que j'avais encore cette responsabilité pour quelques semaines, à la rentrée scolaire, en plus de la prime de rentrée scolaire, je donne des fournitures scolaires à tous les enfants de CP jusqu'au CM2 parce que, oui, la rentrée scolaire c'est un moment difficile, c'est un moment dans lequel on puise dans le peu d'argent que l'on a, ou parfois que l'on n'a pas, et donc il faut arrêter avec ça, à chaque rentrée stigmatiser les parents et en particulier les plus fragiles. La prime de rentrée elle est nécessaire et c'est pour ça que le Gouvernement a agi avec la loi sur le pouvoir d'achat et que nous continuerons à agir chacun, et les maires aussi peuvent prendre leurs responsabilités et donner une aide supplémentaire et surtout pas à la place.

JÉRÔME FLORIN
Ces élus ils disent que si on versait cet argent sous forme de bons d'achat il y aurait un ciblage des dépenses, au moins il n'y aura plus de débat.

OLIVIER KLEIN
Oui, mais cette question elle ne se pose pas. Enfin, que l'argent soit utilisé pour une chose ou pour une autre, la réalité c'est que personne ne va faire des dépenses inutiles, de quel droit on pourrait penser que certains font des dépenses inutiles le jour de la rentrée ? Et donc, voilà… c'est pour ça qu'il faut que cette prime elle existe, qu'on fasse confiance au plus grand nombre et qu'on arrête à chaque rentrée d'avoir ce débat stigmatisant qui n'apporte rien et qui ne règle pas le problème de pouvoir d'achat des plus fragiles.

JÉRÔME FLORIN
En tout cas vous fermez la porte à cette idée, et fermement, on l'entend, c'est très clair. Venons-en à ce projet du Gouvernement qui inquiète notamment la mairie de Paris, un projet de décret qui prévoit d'encadrer, peut-être légaliser, vous allez nous le dire, les "dark stores", ce sont ces entrepôts commerciaux sans clients qui font de la livraison de courses à domicile, il y en a de plus en plus dans les grandes villes depuis le Covid, est-ce qu'il s'agit pour vous de reconnaître officiellement leur existence, de dire ils sont là et c'est comme ça ?

OLIVIER KLEIN
Ils sont là et il faut agir, le statu quo n'est pas possible, enfin moi je m'interroge sur la position de la mairie de Paris. La mairie de Paris, comme toute autre collectivité locale, a besoin de mettre en place… on est dans une phase de concertation, alors on peut mettre sur la place publique les documents provisoires, que tout le monde a, pour faire de la pression ou faire de la politique politicienne, moi je crois que le statu quo n'est pas possible. On ne peut pas accepter aujourd'hui, dans nos cœurs de ville, ces magasins fermés avec des dizaines de scooters devant qui font du bruit et qui gênent, mais pour pouvoir légaliser, réglementer pardon, il faut donner un statut…

JÉRÔME FLORIN
Vous avez dit légaliser.

OLIVIER KLEIN
Non, il faut réglementer, mais cette situation elle existe depuis le Covid.

JÉRÔME FLORIN
C'est quoi la différence ?

OLIVIER KLEIN
Eh bien il faut pouvoir donner aux maires la possibilité d'interdire, ou pas, un "dark store" dans un quartier. Moi je sais ce que c'est, que ce soit "un dark store" ou des livreurs pour livrer de la nourriture qui attendent toute une soirée devant une sandwicherie et qui font du bruit, etc., ça pose problème, donc il faut se donner les moyens de régler ces problèmes, et notre proposition aujourd'hui c'est de travailler un décret, collectivement, et le travail n'est pas fini, qui permet de dire ce que c'est, et ensuite utiliser le pouvoir d'un maire, le pouvoir d'un maire c'est son plan local de l'urbanisme, et de dire dans ce quartier-là il est hors de question d'avoir quelque chose qui ressemble à ça, et peut-être qu'ailleurs, au fin fond d'une zone industrielle où ça ne gêne personne, peut-être que ce n'est pas une mauvaise idée de l'autoriser, mais ma proposition c'est surtout pas d'autoriser partout les "dark stores" parce que je vois, et ce n'est pas du tout l'image que j'aie d'une ville, une ville elle est ouverte, elle a des commerces, elle a des commerces de proximité, et elle a des commerces qui apportent de la vie et de la lumière sur les quartiers et non pas un rideau de fer fermé.

JÉRÔME FLORIN
Olivier KLEIN, ministre délégué à la Ville et au Logement est notre invité ce matin. De plus en plus de maisons voient apparaître des fissures suite à l'épisode de sécheresse que nous venons de vivre, 10 millions de logements en France seraient concernés. D'abord, est-ce que vous confirmez ce chiffre ?

OLIVIER KLEIN
Alors je n'ai pas les chiffres exacts, mais c'est vrai, les phénomènes de rétractation des argiles en période de sécheresse et de gonflement au moment de phases plus humides sont des phénomènes importants et de plus en plus importants avec les pics climatiques que l'on connaît aujourd'hui.

JÉRÔME FLORIN
Le problème c'est que les assurances ne bougent pas.

OLIVIER KLEIN
Alors… en tout cas moi j'invite les Français qui sont concernés à faire des déclarations aux assurances, à faire des déclarations à leur mairie, pour qu'ensuite les maires saisissent les préfets pour aller vers un arrêté de catastrophe naturelle, la ville de Clichy-sous-Bois par exemple, comme beaucoup de villes en région Ile-de-France, est particulièrement concernée par ces gonflement rétractation des argiles, et donc l'État prendra sa responsabilité, avec l'aide des préfets, et nous prendrons, si c'est nécessaire, et c'est probablement nécessaire, des arrêtés de catastrophe naturelle, pour que les assurances… après, le travail de l'assurance ne se limite pas à l'arrêté de catastrophe naturelle, il faut aussi que les experts passent, vérifient qu'il y a bien des dégâts importants, mais en tout cas l'État sera aux côtés. D'ailleurs moi la dernière fois que j'ai parlé en Conseil des ministres cette année c'est pour modifier le Code de la construction, là c'est pour les constructions à venir, lié aux soucis de contraction et gonflement des argiles, parce que c'est un problème extrêmement important qui met en péril beaucoup d'habitations et il faut que les constructions neuves prévoient ce phénomène et qu'il y ait des règles plus strictes pour que chacun soit protégé pour l'avenir.

JÉRÔME FLORIN
Mais pour les personnes concernées aujourd'hui il faut qu'elles se tournent vers la mairie et la préfecture.

OLIVIER KLEIN
Il faut faire des photos, ils se tournent vers leur assurance d'abord, et puis vers leur mairie, pour que la mairie recueille un maximum d'exemples dans leur ville et qu'elle puisse faire la demande de catastrophe naturelle.

JÉRÔME FLORIN
Merci beaucoup Olivier KLEIN…

OLIVIER KLEIN
Merci à vous.

JÉRÔME FLORIN
Ministre délégué à la Ville et au Logement et maire de Clichy-sous-Bois, donc encore pour quelques semaines alors ?

OLIVIER KLEIN
Oui, on va voir ça à la rentrée.

JÉRÔME FLORIN
Merci beaucoup, bonne journée.

OLIVIER KLEIN
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 août 2022