Texte intégral
CÉLINE ASSELOT
Bienvenue si vous venez d'allumer la télé ou la radio, on est ensemble pour une demi-heure sur France Info la radio et sur France Info canal 27 pour l'invité du 8.30. Bonjour Jean-François ACHILLI.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Bonjour Céline ASSELOT.
CÉLINE ASSELOT
À mes côtés comme chaque matin, et bonjour à vous Olivier DUSSOPT.
OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.
CÉLINE ASSELOT
Vous êtes le ministre du Travail, du Plein emploi et de l'Insertion, merci d'avoir accepté notre invitation. C'est un peu la rentrée politique aujourd'hui, je crois que juste après cette interview vous allez partir pour le conseil des ministres, c'est un peu la reprise pour le Gouvernement après cette pause estivale, même si la pause estivale n'a pas été de tout repos, on a eu la sécheresse, les incendies, l'inflation, l'incertitude sur l'approvisionnement en énergie, est-ce que vous diriez que c'est un Gouvernement inquiet qui fait sa rentrée aujourd'hui ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est surtout un Gouvernement au travail, vous l'avez dit, c'est une pause estivale et chacun doit reprendre quelques forces, mais c'est aussi une pause studieuse, et une pause pendant laquelle le Gouvernement est resté mobilisé.
CÉLINE ASSELOT
Studieuse et inquiète.
OLIVIER DUSSOPT
Studieuse et concentrée. L'inquiétude, c'est plus une forme de veille ou de grande attention à ce qui se passe. Il y a un certain nombre d'incertitudes, il faut parfois aussi assumer, quand on fait de la politique, que nous évoluions dans un contexte qui peut être marqué par des incertitudes, et il y a un certain nombre de sujets qu'il faut affronter, à la fois sur le plan de l'énergie, vous l'avez dit, sur le plan de l'inflation, et ça me permet aussi de rappeler qu'au cours de cette pause estivale a été publié le projet de loi adopté par le Parlement, donc la loi d'aide et de protection du pouvoir d'achat des Français, avec des mesures qu'aucun pays en Europe ne met en œuvre.
CÉLINE ASSELOT
Ça ne suffit pas visiblement à éteindre l'inquiétude de ceux qui font leurs courses, qui voient les prix des fournitures scolaires ou de l'alimentation augmenter nettement ces dernières semaines.
OLIVIER DUSSOPT
Nous connaissons une inflation qui est la plus forte depuis 1985, donc c'est normal que ça suscite une inquiétude de la part des ménages, et de la part des entreprises, qui sont elles aussi confrontées à la hausse des prix, notamment à la hausse de leurs propres approvisionnements, mais nous sommes sur une inflation qui aujourd'hui est autour de 6,5 %, peut-être 7 % maximum, dans les pays voisins nous sommes à 10, 12, parfois à 15 %, avec des mesures beaucoup moins importantes que celles que nous avons mises en œuvre. Ce matin, par exemple, est publié, par mes collègues en charge de ces dossiers, le décret qui permet de prolonger la ristourne sur le litre de carburant, grâce à cette loi sur le pouvoir d'achat le bouclier tarifaire sur le gaz et l'énergie est aussi prolongé jusqu'à la fin de l'année, ce sont autant de mesures de protection pour les Français.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Olivier DUSSOPT, nous avons quelques confidences de François BAYROU qui dit "nous sommes devant le risque énorme d'une crise majeure mondiale", ce sont les six mois de guerre en Ukraine, "je ne sais pas si nous sommes en mesure d'y faire face" nous dit le haut-commissaire au Plan, il traduit une inquiétude qui est liée au fond à la situation internationale, est-ce que vous serez, vous allez - on va prendre vos réformes, assurance chômage, retraites - est-ce que vous pensez que le Gouvernement là, avec ce qui se passe, il y a même peut-être des risques de coupures de courant ou de gaz cet hiver parce qu'il y a cette guerre, est en mesure de réformer aujourd'hui ? C'est la question qui est posée. Est-ce que vous avez des marges de manœuvre ?
OLIVIER DUSSOPT
La réponse c'est, il le faut et il le peut. Le Gouvernement peut réformer, le Gouvernement peut travailler, les premiers textes qui ont été examinés par le Parlement, avant la coupure estivale, ont montré qu'en matière d'énergie, en matière de pouvoir d'achat, en matière de protection sanitaire, des compromis sont possibles et des textes ont été adoptés, conformes aux objectifs du Gouvernement. Et il le faut car les incertitudes que vous avez évoquées, que François BAYROU a rappelées, sont là, elles existent, mais il n'empêche nous devons continuer à avancer, nous devons continuer à travailler. Nous sommes à la fois dans un moment qui peut-être un moment d'incertitudes, mais aussi un moment de paradoxe. Vous avez évoqué un certain nombre de sujets qui sont les miens, dont j'ai la responsabilité, avec parfois des inquiétudes sur le front économique, la crise de l'énergie en est une des causes, et dans le même temps des entreprises qui aujourd'hui ont comme principal défi de continuer à recruter, de pouvoir recruter, et donc il faut qu'on puisse évidemment jouer sur tous les leviers et être parfaitement mobilisé pour à la fois répondre aux inquiétudes et continuer à développer notre pays.
CÉLINE ASSELOT
Justement Olivier DUSSOPT, vous êtes ministre du Travail, du Plein emploi et de l'Insertion, Plein emploi c'est quand même une dénomination assez optimiste…
OLIVIER DUSSOPT
C'est un objectif.
CÉLINE ASSELOT
Oui, est-ce que vous espérez le tenir cet objectif malgré le contexte d'incertitude, malgré la guerre en Ukraine, et d'ici la fin du quinquennat ?
OLIVIER DUSSOPT
Bien sûr, notre objectif c'est le plein emploi et le plein emploi en France est défini comme un taux de chômage autour de 5 %.
CÉLINE ASSELOT
On est à 7,4.
OLIVIER DUSSOPT
On est à 7,4, alors que nous étions à un peu plus de 9 % en 2017, et donc ce que nous avons fait doit être continué, ce que nous avons fait en matière d'apprentissage doit être poursuivi, ce que nous avons fait en matière de réforme du marché du travail doit être fait à la fois pour sécuriser les embauches, mais aussi pour accompagner les travailleurs, les salariés, leur donner les clés de leur propre révolution. Ce que nous faisons en matière d'aides aux entreprises, plutôt que d'aide à l'économie pour diminuer les tensions de recrutement, est quelque chose de majeur, nous investissons sur la formation, nous investissons sur les évolutions professionnelles, parce que nous avons une économie qui tient le choc, une économie qui fait face à cette crise, et une économie qui crée de l'emploi. Au premier semestre de l'année 2022 ce sont plus de 100.000 emplois qui ont été créés dans le secteur privé, 100.000 emplois nets, qui ont été créés par l'économie française.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous parlez de recrutements, Olivier DUSSOPT, avant d'évoquer avec Céline ASSELOT l'assurance chômage, il y a ces 8 000 postes de chauffeurs de bus non pourvus, il y a 1,2 million élèves…
OLIVIER DUSSOPT
Un peu moins, j'ai vu une dernière déclaration de François BONNEAU, le président de la région Centre, qui s'occupe de ces sujets pour l'Association des régions, et qui estime qu'aujourd'hui nous sommes plutôt à 4 000, 4 500.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Le chiffre de 8 000 est exagéré ?
OLIVIER DUSSOPT
Non, il n'est pas exagéré, mais c'est la démonstration que depuis les régions sont mobilisées, je dis les régions parce que ce sont les principales…
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Il y a une réunion aujourd'hui !
OLIVIER DUSSOPT
Compétentes, et ce soir, avec l'Association des régions de France, avec un certain nombre de mes collègues, le ministre de l'Éducation nationale, le ministre des Transports, nous avons effectivement une réunion de travail pour voir comment nous pouvons faire pour aller encore plus loin et répondre à ces tensions de recrutement. Dans le secteur des transports, la mobilisation des services publics de l'emploi, la mobilisation des collectivités locales, ont permis de recruter 120.000 personnes depuis le début de l'année 2022, et le secteur des transports fait partie des secteurs dans lesquels nous avons des tensions de recrutement.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Comment est-ce que vous allez faire pour recruter ces 4000 et quelques chauffeurs manquants ?
OLIVIER DUSSOPT
Il faut à la fois mieux connaître le profil, les compétences, des demandeurs d'emploi actuels, il faut mieux cibler les offres, il faut mettre en place des formations rapides, il faut accompagner, trouver les souplesses qui doivent être trouvées, beaucoup de régions sont très mobilisées…
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
La rentrée, c'est là Olivier DUSSOPT.
OLIVIER DUSSOPT
Oui, mais nous y travaillons et chaque effort doit être fait, que ce soit avant les vacances, après les vacances, et même après la rentrée, si on doit parfaire le système.
CÉLINE ASSELOT
Mais c'est un métier qui a de gros inconvénient, de grosses contraintes, en tout cas horaires, il faut travailler le matin au moment où il faut amener les enfants à l'école, on a un temps creux au milieu de la journée, on revient ensuite pour la sortie de classes, tout ça pour un salaire, disent les syndicats, les professionnels, qui n'est pas à la hauteur des investissements en temps personnel. Est-ce que tout simplement il ne faudrait pas augmenter les salaires ?
OLIVIER DUSSOPT
Tout est juste, et les branches professionnelles sont mobilisées sur les questions salariales, au-delà des questions salariales, qui relèvent du dialogue de branche, nous travaillerons aussi sur tout ce qui permet, dans le quotidien des conducteurs concernés, de pouvoir avoir des horaires qui soient plus faciles si je puis dire, en tout cas plus adaptés et plus conciliables avec une vie personnelle, mais aussi conciliable parfois avec d'autres activités pour permettre justement à ces hommes et à ces femmes, parce que c'est un métier qui est très masculin, mais il y a aussi des femmes qui sont conductrices de transport, de bus, d'avoir une vie professionnelle qui leur permette plus de développement.
CÉLINE ASSELOT
Donc vous préférez travailler sur les horaires de travail que sur les salaires ?
OLIVIER DUSSOPT
La question des salaires est traitée dans le cadre des branches, je l'ai dit, c'est un choix que nous avons fait, que nous maintenons, nous considérons que le dialogue de branches, le dialogue social de branches, est un impératif, et surtout que c'est le levier le plus efficace, un grand nombre de branches ont répondu à des questions d'attractivité par une augmentation des niveaux conventionnels de rémunération, je pense par exemple au secteur de l'hôtellerie, des cafés, des restaurants.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Avec pour objectif, là dans l'immédiat, que des enfants ne soient pas au bord du chemin à la rentrée.
OLIVIER DUSSOPT
Exactement, et la mobilisation est totale, les régions ont la compétence en matière de transports, et nous travaillons étroitement avec l'Association des régions de France justement pour être le plus efficace possible.
CÉLINE ASSELOT
Olivier DUSSOPT, ministre du Travail, du Plein emploi, de l'Insertion, sur notre plateau ce matin, on reprend cet entretien dans un instant, tout d'abord à 8h40 on fait le point sur l'actualité de ce mercredi matin, c'est le Fil info.
(…)
CÉLINE ASSELOT
Toujours avec nous le ministre du Travail, du Plein emploi et de l'Insertion Olivier DUSSOPT. Alors, votre grand dossier de la rentrée, Monsieur DUSSOPT, ça sera la réforme de l'assurance chômage, les concertations avec les partenaires sociaux vont commencer dès la fin de la semaine, c'est ce que disait Olivier VÉRAN hier à ce propos. L'opposition, vous le savez, vous attend au tournant sur ce sujet-là notamment, du côté de la France insoumise je vous propose d'écouter ce qu'en disait il y a quelques semaines sur notre plateau Eric COQUEREL, le président La France insoumise de la commission des finances de l'Assemblée nationale, qui y voit un instrument de pénalisation des chômeurs.
ÉRIC COQUEREL, PRÉSIDENT LFI DE LA COMMISSION DES FINANCES DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
L'assurance chômage c'est un instrument de solidarité, c'est une caisse de solidarité, ce n'est pas un instrument de pénalisation des chômeurs, voilà, et là on est en train de transformer une caisse que les travailleurs ont décidé de mettre ensemble, comme les retraites et autres, pour justement assurer le fait que quelqu'un soit privé d'emploi pendant un certain temps de sa vie, on est en train de le transformer en pénalisation, donc ça ne va pas. C'est l'idée que les chômeurs seraient responsables du chômage.
CÉLINE ASSELOT
Alors vous qui venez de la gauche, Olivier DUSSOPT, est-ce que vous ne craignez pas d'être accusé de stigmatisation des chômeurs ?
OLIVIER DUSSOPT
La plus grande stigmatisation vis-à-vis des demandeurs d'emploi c'est de les maintenir dans la demande d'emploi et au chômage, et c'est pareil pour les bénéficiaires du RSA. Quand on est attaché à l'émancipation, quand on est attaché à la dignité, quand on est attaché de l'autonomie des personnes, la meilleure façon de garantir cette autonomie, cette émancipation, c'est de permettre le retour ou l'accès à l'emploi, l'accès à un revenu, et donc l'accès à cette autonomie et à cette émancipation. Aujourd'hui nous avons un système d'assurance chômage, ce système d'assurance chômage a des règles, notamment des règles d'indemnisation, qui ont été fixées en 2019 par un décret, ces règles n'ont été mises en œuvre qu'en 2021 puisque la période de Covid avait amené à un décalage dans le temps de cette mise en œuvre, ces règles prennent fin le 1er novembre, et donc le texte que je présenterai au conseil des ministre dans quelques semaines, et qui sera soumis à la concertation avec les organisations syndicales et patronales à la fin de la semaine, est un texte qui va permettre au Gouvernement de prolonger les règles, telles qu'elles existent aujourd'hui, de manière à ce qu'il n'y ait pas de rupture dans les règles d'indemnisation…
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
La règle qu'elle est-elle, Olivier DUSSOPT, c'est la modulation, c'est ça ?
OLIVIER DUSSOPT
Non, la règle telle qu'elle est aujourd'hui est une règle qui a été fixée en 2019, qui fixe la durée d'affiliation pour avoir droit à une indemnisation, et qui détermine les modalités de calcul du salaire journalier de référence.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
C'est quoi, cette durée et ce montant diminuent quand ça va mieux, la future règle.
OLIVIER DUSSOPT
Justement, faisons les choses dans l'ordre. Nous avons des règles que nous voulons prolonger, et le président de la République l'a dit pendant sa campagne, l'a répété lors de son intervention du 14 juillet, nous devons aller plus loin et avoir des règles qui tiennent compte de l'état du marché du travail et de l'état de l'économie. L'objectif que nous avons est très simple, et ça fait partie des discussions que nous devons avoir avec les partenaires sociaux, et que les partenaires sociaux doivent avoir entre eux dans le cadre de la discussion entre organisations patronales et organisations syndicales, c'est faire en sorte que lorsque l'économie va bien, lorsque des emplois sont créés, lorsqu'il y a des difficultés de recrutement, les règles d'indemnisation soient plus incitatives à la reprise du travail, et c'est aussi de faire en sorte que lorsque l'économie va moins bien, lorsque des emplois sont supprimés, ces règles soient plus protectrices. Il y a des exemples qui existent. J'ai déjà eu l'occasion de citer l'exemple canadien, il a des particularités, le Canada est un État fédéral, avec une application par territoire, tout n'est pas reprenable, par contre nous devons faire en sorte que lorsque les choses vont bien, les règles soient un peu plus dures, et que lorsque les choses vont mal les règles soient plus protectrices.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Quand vous dites incitatives c'est quoi, c'est coercitives en réalité.
OLIVIER DUSSOPT
Non, ce n'est pas coercitives, c'est faire en sorte d'adapter les règles à l'état du marché du travail. Je le disais tout à l'heure, mais, pendant tout cet été, pendant tout le printemps, la… non pas la seule chose, mais la principale chose, le principal sujet que les chefs d'entreprise abordent avec chacun des responsables politiques qu'ils rencontrent, c'est la difficulté de recrutement, vous ne trouvez pas une entreprise qui n'ait pas une difficulté de recrutement et nous sommes dans cette situation de difficultés de recrutement alors que nous avons encore 7,3 % de chômage, moi je ne me satisfais pas de ça, il faut qu'on puisse, à chaque fois qu'on peut, et ça ne passe pas que par les règles de l'assurance chômage, ça passe par la formation, ça passe par l'accompagnement, ça passe par la mobilisation des services publics de l'emploi, permettre le retour à l'emploi.
CÉLINE ASSELOT
Pour en rester justement sur l'indemnisation modulable en fonction du taux de chômage, vous savez ce que répondent certains spécialistes, et l'opposition de gauche notamment, c'est qu'un inscrit à Pôle emploi sur deux n'est pas indemnisé et que donc l'indemnisation…
OLIVIER DUSSOPT
C'est d'ailleurs la démonstration que ça ne suffit pas et que ce n'est pas le seul outil.
CÉLINE ASSELOT
L'indemnisation n'est pas le seul frein au retour à l'emploi.
OLIVIER DUSSOPT
Mais je partage cela, mais c'en est un, c'en est un, et nous devons avoir un système plus incitatif et un système qui ait un caractère un peu contracyclique, si je puis dire, et qui permet de s'adapter à la conjoncture économique et à l'évolution du marché de l'emploi sur…
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Olivier DUSSOPT, quel est le curseur, quand est-ce qu'on peut se dire, tiens c'est l'embellie, la règle s'inverse ?
OLIVIER DUSSOPT
Ça fait partie des sujets qu'on doit justement discuter avec les partenaires sociaux.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
C'est quoi, c'est un pourcentage de croissance, quelle est l'idée ?
OLIVIER DUSSOPT
Lorsque les règles actuelles d'indemnisation ont été déterminées en 2019 par décret et que ce décret n'a pas été appliqué parce que nous sommes entrés dans la période du Covid, il avait été convenu que l'application de ces nouvelles règles serait conditionnée à un certain nombre d'indicateurs, des trimestres consécutifs de créations d'emplois, des trimestres consécutifs de baisse du nombre de demandeurs d'emploi inscrits en catégorie A, donc c'est la démonstration que nous pouvons trouver ces critères, par contre ce débat, ce dialogue, va commencer à la fin de la semaine, d'abord sur le projet de loi, et ensuite sur ces outils que l'on qualifie de contracycliques, et nous n'allons pas préempter les conclusions d'un dialogue, d'abord entre partenaires sociaux, sur la question des critères…
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Il y a de la négociation vraiment, parce que si les partenaires sociaux vous disent non, si ça coince au Parlement parce qu'il y a la majorité relative, nous le savons désormais, qu'est-ce que c'est, ça finit en 49.3 ?
OLIVIER DUSSOPT
Non… vous savez, c'est une mécanique que l'on connaît et qui est propre à un certain nombre de sujets, en matière de dialogue social, arrêtés depuis la loi sur le dialogue social de 2008. Il y a un cadre dans lequel nous demandons aux partenaires sociaux de discuter, nous devons veiller à ce que ce document de cadrage soit le plus ouvert possible pour qu'il permette justement des négociations et des discussions, et en cas de carence du dialogue social, et seulement en cas de carence du dialogue social, l'État reprend la main, mais je pense que sur un sujet comme celui-ci, qui vise à adapter les règles à l'évolution du marché de l'emploi, je suis assez convaincu qu'un chemin de compromis peut être trouvé.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Pardonnez-moi Olivier DUSSOPT, mais quand vous dites l'État reprend la main en cas d'échec du dialogue social, ça s'appelle, au bout de la chaîne, si ça coince au Parlement, ça s'appelle le 49.3.
OLIVIER DUSSOPT
Ça s'appelle avant, c'est la loi de 2008 qui le prévoit, ça s'appelle avant un délai de carence.
CÉLINE ASSELOT
Vous citez l'exemple canadien, alors on a bien compris que vous ne souhaitiez pas reprendre l'intégralité de ce qui se passe au Canada, notamment parce qu'il y a effectivement des différences régionales en fonction du taux de chômage dans chaque région, mais vous savez qu'il est très critiqué aussi au Canada ce modèle, parce qu'il a créé une forme d'usine à gaz, parce qu'il n'a pas été très efficace non plus pour permettre le retour à l'emploi de ceux qui n'étaient pas sur ce chemin-là. Est-ce que ça ne va pas être très compliqué et finalement pas très utile ?
OLIVIER DUSSOPT
Non, je ne crois pas, et je pense que le modèle canadien fait certes l'objet de critiques ou d'appréciations différentes, mais globalement il fonctionne. Mais, je le répète, et vous l'avez dit vous-même tout à l'heure, ce n'est pas le seul outil. Je prends un deuxième exemple pour démontrer que ce n'est pas le seul outil. Nous avons des difficultés de recrutement, je l'ai dit, je l'ai répété, et nous avons dans le même temps un nombre de demandeurs d'emploi qui reste important. Depuis octobre 2021, c'est Jean CASTEX alors Premier ministre qui l'avait annoncé, nous avons un plan de réduction des tensions de recrutement, dont j'accentue les effets, j'accentue les efforts, à l'occasion de cette rentrée dans les secteurs les plus touchés par les tensions de recrutement. Nous avons investi dans ce plan 1,4 milliard d'euros, cela a permis le retour à l'emploi de presque 250.000 demandeurs d'emploi de longue durée, c'est une bonne chose, c'est une bonne chose parce que ça permet de répondre à des besoins économiques, mais ça permet surtout, et c'est là ma priorité, ma priorité politique, de permettre le retour à l'emploi d'hommes et de femmes qui en sont durablement éloignés, et derrière il y a à nouveau cette autonomie, cette émancipation je rappelais tout à l'heure.
CÉLINE ASSELOT
Parce qu'effectivement il y a un certain nombre de secteurs, on l'a vu notamment cet été, qui souffrent d'une pénurie de main-d'oeuvre, en tout cas de problèmes de recrutement, et on a le sentiment qu'il y a quand même toujours quelque chose qui revient, c'est la question des salaires, que ce soit dans l'Éducation nationale où il manque des professeurs, dans la restauration, dans l'hôtellerie, chez les chauffeurs de bus scolaires, on l'a évoqué, est-ce que ce ne serait pas tout simplement une solution que de revaloriser des salaires dans des secteurs qui ont notamment… qui demandent des horaires un peu compliqués ou contraints aux salariés ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est évidemment un élément d'attractivité, et je disais, il y a un certain nombre de décisions qui ont été prises, des décisions qui concernent parfois la fonction publique, avec des revalorisations, vous avez évoqué le monde enseignant, on pourrait évoquer le secteur médico-social avec le Ségur qui a permis des revalorisations qui n'étaient jamais intervenues. Il y a aussi du dialogue social dans les branches professionnelles du secteur privé, et un grand nombre de branches ont déjà revu à la hausse leurs grilles salariales et leurs niveaux conventionnels. Nous considérons que le dialogue social autour du niveau de rémunérations, et donc des conventions de branches en termes de rémunérations, est quelque chose d'absolument essentiel. Nous ne croyons pas à une revalorisation générale, automatique, de l'ensemble des rémunérations, c'est la meilleure façon d'avoir un risque de spirale entre prix et salaires, et donc une spirale inflationniste.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Encore une question. Aux yeux du grand public est-ce que les salaires ne sont pas quasiment la seule clé de l'attractivité dont vous parlez ?
OLIVIER DUSSOPT
Je ne crois pas, je crois qu'en matière d'attractivité il y a la possibilité d'avoir un développement de carrière, il y a des questions de conditions de travail, de qualité de vie au travail, des questions d'évolution professionnelle, d'accès à l'information. Nous avons mis en place depuis 5 ans maintenant, et nous devons continuer, des choses qui permettent de donner aux salariés les clés de leur propre destin, en matière d'accès à la formation, de compte personnel de formation, de possibilités de reclassement, de requalification, pour avoir une deuxième ou une troisième carrière parce que l'autonomie c'est aussi permettre à chacun d'avoir un maximum de prise sur son destin individuel.
CÉLINE ASSELOT
Ça veut dire que si on s'en reparle l'été prochain il n'y aura pas de pénurie dans l'hôtellerie, la restauration, il n'y aura pas de manques de professeurs pour la rentrée prochaine ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est l'objectif, c'est évidemment l'objectif. Est-ce qu'aujourd'hui un ministre de l'Emploi, que ce soit moi ou un autre, peut vous dire je vous promets, je vous garantis, que dans six mois, dans un an, dans un an et demi, il n'y aura pas de tensions de recrutement ? Personne ne pas le faire, et d'une certaine manière, quand il y a des tensions de recrutement c'est aussi que l'économie recrute, ce qui n'est pas une mauvaise nouvelle.
CÉLINE ASSELOT
8h51 sur France Info, toujours à nos côtés Olivier DUSSOPT le ministre du Travail, du Plein emploi et de l'Insertion, on fait le point sur l'actualité de ce mercredi.
(…)
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Avec nous Olivier DUSSOPT, le ministre du Travail, du Plein emploi et de l'Insertion. Vous avez un poste un peu stratégique, on va dire ça comme ça, dans ce gouvernement Olivier DUSSOPT, il y aura une réforme des retraites, est-ce que nous pouvons en finir avec cette histoire d'âge légal de départ, quel est le curseur, c'est 64 ans ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est un des critères les plus forts, et nous sommes aujourd'hui dans une période…
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
…La réponse à cette question-là.
OLIVIER DUSSOPT
Mais, là aussi, ne préemptons pas la conclusion de tous les débats. Le président de la République a annoncé qu'il réunira bientôt le Conseil national de la refondation et nous aurons à discuter ensuite avec les partenaires sociaux…
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
C'est le CNR, là, qui va sortir du chapeau le 8 septembre, qui va décider de l'âge de départ ?
OLIVIER DUSSOPT
Je ne suis pas sûr que dès le 8 septembre tout soit arrêté, sinon ce serait un peu rapide, par contre nous avons toujours les mêmes objectifs, au risque de dire des choses que j'ai déjà dites, que d'autres ont dites avant moi, et je pense en particulier au président de la République, tout le monde s'accorde à dire que le système de retraite tel que nous le connaissons aujourd'hui gagnerait à être amélioré, à mieux prendre en compte la pénibilité, à avoir un niveau de retraite minimum, pour une carrière complète, qui soit revalorisé, le président de la République avait évoqué 1100 euros, soit 85 % du SMIC pour une carrière complète, que les carrières hachées, la précarité, doivent être mieux prises en compte pour mieux protéger les retraités.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Ça c'est le projet, la réponse viendra du CNR…
OLIVIER DUSSOPT
Et tout le monde s'accorde aussi à dire que ce système de retraite tel que nous le connaissons aujourd'hui n'est pas très lisible et qu'en plus il est déséquilibré économiquement, donc il faut trouver les voies et les moyens pour qu'il soit meilleur et qu'il soit équilibré, nous ne voulons pas augmenter les impôts, et nous ne pouvons plus creuser la dette, donc ça passe par plus de travail. Plus de travail, c'est plus de travail à l'échelle d'une vie, c'est aussi la question du plein emploi, que nous avons abordée, parce que si nous sommes plus nombreux à travailler nous sommes plus nombreux à cotiser, mais prenons un peu de temps, et le président l'a dit, les concertations autour de cette réforme débuteront après le conseil national, parce que nous devons faire les choses dans l'ordre et prendre un peu de temps.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Horizon ?
OLIVIER DUSSOPT
À l'automne.
CÉLINE ASSELOT
Mais à quoi ça va servir vraiment cette concertation avec les partenaires sociaux si vous avez déjà tout décidé en amont, la durée légale, l'âge pivot, l'âge légal… ?
OLIVIER DUSSOPT
Est-ce que je vous ai donné le sentiment d'avoir tout décidé ?
CÉLINE ASSELOT
En tout cas il y a un certain nombre de bornes dans ce projet.
OLIVIER DUSSOPT
Et j'ai en tête, comme vous, des expressions, je pense à celle d'Élisabeth BORNE, la Première ministre, qui avait dit il y a quelques semaines, qui a dit il y a quelques semaines, qu'il n'y a pas de totem en la matière. Nous devons trouver les voies et les moyens, je l'ai dit, moi je suis extrêmement attentif, et même assez impatient d'une certaine manière, d'entendre aussi les propositions de tous les partenaires sociaux, que ce soit les organisations syndicales ou les organisations patronales, en matière d'équilibre du système de retraite, en matière d'amélioration de celui-ci, et lorsqu'on propose une amélioration comment est-ce qu'on fait pour que cette amélioration soit supportable d'un point de vue financier, budgétaire, parce que c'est aussi une forme de responsabilité.
CÉLINE ASSELOT
L'âge c'est négociable ?
OLIVIER DUSSOPT
Ça fait partie des choses sur lesquelles il n'y a pas totem, la Première ministre l'a dit, et donc nous devons continuer à travailler, creuser, avec ces objectifs.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Olivier DUSSOPT, est-ce qu'il est le progressisme que vous évoquez, c'est un mot un peu étrange, que vous évoquez dans une tribune au "Journal du Dimanche", vous appelez à tourner la page de la social-démocratie pour aller vers ce progressisme, qu'est-ce que vous y mettez dedans, à l'aune de tout ce que nous avons pu déployer depuis le début de cette interview ?
OLIVIER DUSSOPT
La difficulté de la social-démocratie c'est que, d'un pays à l'autre en Europe, ce n'est pas la même définition, et l'éclatement du paysage politique français fait qu'aujourd'hui vous avez autant de définitions de la social-démocratie que de socio-démocrates qui s'en revendiquent.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous parlez du Parti socialiste, votre ancienne famille politique.
OLIVIER DUSSOPT
Moi je n'ai aucun mal à me dire moi-même social-démocrate, je me reconnais dans ces valeurs, mais je pense que le monde change, je pense aussi que l'offre politique doit s'adapter et que l'évolution du paysage politique depuis fin 2016, début 2017, oblige aussi à repenser et à tenir compte à la fois de ce morcellement du paysage politique et d'une évolution du monde, une évolution de l'économie. Si je suis heureux dans la majorité présidentielle c'est justement parce que c'est une majorité progressiste, c'est une majorité qui construit des droits, c'est une majorité qui croit autant à l'initiative privée qu'à l'action publique, c'est une majorité, je reprends des thèmes que nous avons évoqués depuis les quelques instants que nous avons passés ensemble, mais qui croit à l'éducation, qui croit à la formation tout au long de la vie, qui croit à l'émancipation individuelle, donc ce sont autant de sujets sur lesquels nous devons avancer.
CÉLINE ASSELOT
C'est une critique, en creux, de votre ancienne famille politique ?
OLIVIER DUSSOPT
Ce n'est pas une critique en creux de qui que ce soit, je pense que quand on fait de la politique le mieux c'est de proposer, de rassembler autour de ce qu'on propose plutôt que de s'inscrire dans la critique permanente, je pense qu'il faut savoir s'adapter, mais s'adapter ne signifie pas renoncer à des objectifs. Vous savez, nous sommes un pays qui est assez formidable, nous avons cette immense capacité à nous autocritiquer nous-mêmes et à toujours considérer le verre plutôt comme à moitié vide, plutôt qu'à moitié plein, et en même temps nous sommes le pays qui a peut-être amené au monde un des plus grands nombres de chercheurs, d'inventeurs. Nous sommes le pays du positivisme, avec Auguste COMTE, j'apprécie toujours cette formule où il disait "l'amour pour principe, l'ordre pour base, et le progrès pour objectif", si parfois on pouvait être un peu positiviste et retrouver cet héritage d'Auguste COMTE, je pense que ça ferait du bien à tout le monde.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Qu'est-ce que vous dites Olivier DUSSOPT à vos anciens amis socialistes, Olivier FAURE, Boris VALLAUD, certains d'entre eux parlent de trahison depuis que vous avez rejoint le gouvernement, or vous leur dites quoi, sur ces grandes réformes que nous évoquons, l'assurance chômage, les retraites, vous leur dites quoi, travaillez avec nous ?
OLIVIER DUSSOPT
Évidemment, proposez, proposez et sortez de ces postures. Les mêmes ont rejoint une alliance autour de la France insoumise, qui est une alliance contre-historique, qui ne représente en rien la social-démocratie que certains d'entre eux revendiquent encore, mais je suis convaincu qu'on peut continuer à discuter, à avancer, et qu'un grand nombre de ce que nous faisons aurait pu être fait précédemment, et qu'un grand nombre des choses que nous faisons seraient faites par les mêmes qui parfois les critiquent.
CÉLINE ASSELOT
Olivier DUSSOPT, merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation ce matin, ministre du Travail, du Plein emploi et de l'Insertion.
OLIVIER DUSSOPT
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 août 2022