Interview de M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice, à BFM TV le 12 septembre 2022, sur le budget de la justice, la revalorisation des salaires des magistrats, les questions de sécurité et les prisons.

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Média : BFM TV

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Éric DUPOND-MORETTI.

ÉRIC DUPOND-MORETTI
Bonjour Apolline DE MALHERBE.

APOLLINE DE MALHERBE
Merci de venir répondre à mes questions ce matin. Vous êtes bien sûr le Ministre de la Justice. En quelque sorte votre rentrée politique ce matin, on vous a peu entendu, notamment depuis l'affaire de prison de Fresnes, on y reviendra. Mais c'est les Etats généraux de la Justice qui reprennent ce matin. C'est aussi votre budget à la hausse. Vous êtes un ministre heureux ce matin ?

ÉRIC DUPOND-MORETTI
Je suis un Ministre heureux mais pas complètement comblé.

APOLLINE DE MALHERBE
"Pas complètement comblé", qu'est-ce qu'il vous faudrait pour être complètement comblé ?

ÉRIC DUPOND-MORETTI
Il faut qu'on termine les États généraux et que tout le monde s'en empare et que nous allions vers une Justice plus moderne, plus rapide, plus proche de nos concitoyens.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous avez souvent dit que ça ne passait pas par les sous, mais ça passe aussi par les sous. 8 % de hausse de budget, vous considérez que c'est quoi ? C'est une victoire ?

ÉRIC DUPONT-MORETTI
D'abord, d'un point de vue purement arithmétique, c'est un budget inégalé. Trois fois 8 %, augmentation considérable pour une justice qui a été négligée pendant 20 ans d'un point de vue budgétaire, d'un point de vue humain, et d'un point de vue humain et d'un point de vue politique. Et quand on a dit ça, si j'ose dire, on n'a rien dit. Que fait-on avec ce budget ?

APOLLINE DE MALHERBE
C'est la question que j'allais vous poser. Vous allez en faire quoi de ces 8 % de plus ?

ÉRIC DUPONT-MORETTI
Mais d'abord, qu'est-ce que j'en ai fait ? Parce que une action politique c'est d'où on vient, où on est, et…

APOLLINE DE MALHERBE Vous allez me faire un petit plan en trois parties ?

ÉRIC DUPONT-MORETTI
Oui.

APOLLINE DE MALHERBE
D'accord, alors allons-y.

ÉRIC DUPONT-MORETTI
Un plan triptyque, madame De MALHERBE c'est en trois parties.

APOLLINE DE MALHERBE
Allez-y.

ÉRIC DUPONT-MORETTI
D'abord, embauche massive de magistrats et le juriste non-magistrats que l'on a appelé les sucres rapides 2000 c'est ce que nous avons fait. 1000 pour le pénal, 1000 pour le civil avec des résultats qui sont des résultats extrêmement importants. Je vais donner un tout petit exemple, je suis allé à Toulon, la semaine dernière, grâce à cette arrivée massive d'assistants de justice, de juristes assistants, on a baissé le stock des affaires de façon considérable.

APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire quoi de façon considérable ? On sait qu'il y avait des mois voire même des années de retard parfois.

ÉRIC DUPONT-MORETTI
Je vous donne le chiffre. D'abord, le stock des affaires parce que c'est un mot que je n'aime pas, mais il me précède.

APOLLINE DE MALHERBE
Ah bon, mais il va falloir déstocker quand même, en effet.

ÉRIC DUPONT-MORETTI
Voilà. Ce sont ces dossiers qui s'empilent et qui, en réalité, retarde, pour le justiciable, le temps de la décision. Vous attendez une décision de divorce, vous attendez une décision pénale, vous êtes victime ou vous êtes auteur et puis, ça prend beaucoup de temps, beaucoup trop de temps. Et c'est l'une des critiques majeures que l'on adresse à l'institution judiciaire.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que c'est réglé ?

ÉRIC DUPONT-MORETTI
À Toulon, 23 juristes assistants, assistants de justice, 31 % de stocks en moins d'affaires familiales divorce, par exemple. 23 % d'affaires en moins dans le domaine pénal. Donc c'est du temps de gagner et la justice est rendue plus rapidement.

APOLLINE DE MALHERBE
Sauf que, Éric DUPOND-MORETTI, il y a encore beaucoup de colère. Les étages généraux de la Justice qui reprennent ce matin quand, je le disais, qui s'était achevés avec certains magistrats qui disaient, je les cite : "un état de délabrement avancé de la Justice en France, un sentiment de désespoir voire de honte qui domine face au manque de moyens humains et matériels."

ÉRIC DUPOND-MORETTI
Constat que l'on peut tous partager. Je l'ai dit, vingt ans d'abandon humain, budgétaire. Sur le plan budgétaire depuis je suis garde des Sceaux, c'est 26 % d'augmentation du budget ; 44 % d'augmentation du budget depuis que le Président de la République est arrivé au pouvoir. Qu'est-ce que ça veut dire ? Alors il y a évidemment ces embauches massives. Nous, nous avons embauché 750 magistrats. Sous le quinquennat précédent, c'était une centaine de magistrats.

APOLLINE DE MALHERBE
Alors, vous dites 750, mais il en faudrait 1 500 si on en croit les conclusions des premiers états généraux de la justice. 1 500.

ÉRIC DUPONT-MORETTI
On y arrive. Il faut un peu de temps pour développer un triptyque. Je vous ai dit où nous étions.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous en êtes à mi-chemin si j'en crois les nombres d'embauches.

ÉRIC DUPONT-MORETTI
Il y a les états généraux, il y a les promesses du président de la République. 8 500 embauches, personnels supplémentaires, magistrats assistants de justice, ça va se mettre en place.

APOLLINE DE MALHERBE
Il faut embaucher, il faut payer mieux. Est-ce que vous allez davantage ou mieux payer les magistrats ?

ÉRIC DUPONT-MORETTI
Alors, je vais annoncer ce matin une revalorisation inédite parce qu'il y a les magistrats - vous le savez - de l'ordre administratif, tribunaux administratifs, Conseil d'État, les magistrats de l'ordre judiciaire ; et je veux que les magistrats de l'ordre judiciaire soient payés comme les magistrats de l'ordre administratif.

ÉRIC DUPOND-MORETTI
Revalorisation extrêmement importante, inédite, que je vais annoncer tout à l'heure, que je vous annonce maintenant. Pourquoi…

APOLLINE DE MALHERBE
Que vous annoncez, du coup, ce matin sur RMC - BFM TV, "revalorisation inédite". Vous avez un pourcentage ? Vous avez une proportion ?

ÉRIC DUPOND-MORETTI
Oui. D'abord, je veux vous dire qu'ils n'ont pas été revalorisés depuis 1996, quand je vous disais "ces années d'abandon". Et puis, il y a des questions d'attractivité, bien sûr. Les magistrats de l'ordre administratif ne veulent pas aller ou moins aller vers l'ordre judiciaire, et pour des raisons qu'on comprend parce que les paies ne sont pas les mêmes.

APOLLINE DE MALHERBE
Ils y perdent ?

ÉRIC DUPOND-MORETTI
Bien sûr.

APOLLINE DE MALHERBE
Ils n'y perdront pas demain. Ils n'y perdront plus.

ÉRIC DUPOND-MORETTI
Ils n'y perdront pas demain. Je vais annoncer les chiffres tout à l'heure. Je vais rentrer dans le détail tout à l'heure.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que vous pouvez nous donner un ordre de grandeur ?

ÉRIC DUPOND-MORETTI
Oui, c'est de l'ordre de mille euros en moyenne, mensuel brut.

APOLLINE DE MALHERBE
Mille euros par mois de plus ?

ÉRIC DUPOND-MORETTI
Oui.

APOLLINE DE MALHERBE
C'est très net, c'est très clair.

ÉRIC DUPONT-MORETTI
C'est considérable. J'ai souhaité faire cela pour mettre à niveau l'ordre judiciaire, l'ordre administratif. Il est normal que les magistrats qui s'investissent, qui travaillent - et moi, je sais comment ils travaillent, je les rencontre tous les jours, je les entends, je les écoute – soient mieux payés.

APOLLINE DE MALHERBE
Et donc, vous annoncerez ça en ouverture des états généraux, vous l'annoncez ce matin sur RMC et BFM TV. Éric Dupond-Moretti, je vous demandais si vous étiez un ministre heureux. C'est difficile, je pense, de répondre à cette question?

ÉRIC DUPONT-MORETTI
C'est impossible de répondre à cette question parce que si je dis que je suis heureux, je donne le sentiment que tout a été fait or tout n'a pas été fait. Bien sûr, il reste beaucoup de choses à faire. La mise en place de ces états généraux, c'est un bien commun ces états généraux. Ce que je veux, c'est que nous soyons dans le consensus. Alors, il y a déjà un certain nombre de choses qui font l'objet de consensus. J'ai réuni tout le monde, je veux y passer le temps nécessaire. Dès ce matin, je retrouve des magistrats. Je verrai les policiers, en fin de semaine, avec Gérald DARMANIN. Les Français, parce que pour la première fois, on a fait contribuer nos compatriotes dans le cadre d'une plateforme, c'est un million de contributions.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais Éric DUPOND-MORETTI, les policiers, il y a du boulot. Parce qu'à chaque fois qu'on interroge des policiers sur quelques antennes que ce soit - sur RMC, sur BFM TV - ils finissent toujours par dire en fait "notre problème, c'est quand même la Justice. Et qu'à un moment, on a l'impression que nous, on fait notre boulot, mais que derrière, il n'y a pas forcément la peine réelle, il n'y a pas de suivi". Qu'est-ce que vous répondez à ça ?

ÉRIC DUPOND-MORETTI
D'abord, je pense que c'est un peu excessif de dire que "tous les policiers". Il y a une expression syndicale, oui. Et moi je dis aux policiers qu'ils ont tort de dire ça pour deux raisons : d'abord, on ne peut pas, ensuite, exiger le respect qui est dû légitimement à la police, si soi-même on tape à bras raccourcis sur une autre grande institution. C'est cette idée que nous sommes dans une barque républicaine. Ça, c'est la toute première chose. Deuxièmement, ça n'est pas la réalité. Les policiers travaillent au quotidien avec les parquets notamment, et ça se passe parfaitement bien. Maintenant sur ces idées de laxisme de non exécution, vous me permettez - et je vous en remercie - de dire les choses. En 15 ans, les peines correctionnelles, en moyenne, sont passées de moins de 7 mois à plus de 9 et les peines criminelles sont passées de 14 ans en moyenne à plus de 16 ans. Je rappelle que les peines criminelles, ce sont les Français qui les décident puisqu'ils sont jurés et constituent le jury populaire.

APOLLINE DE MALHERBE
Oui mais il y a aussi l'image d'une forme de laxisme. Je pense notamment aux rodéos. Les rodéos, certes, il y a des condamnations en plus, 1 400 % de condamnation en plus depuis 2018. Mais parce que aussi, ça n'existait pas véritablement tel quel ou, en tout cas, ça n'était pas développé tel quel sur tout le territoire français avant. Dans les faits, quand vous interrogez les Français qui habitent dans des petites villes qui se retrouvent avec des rodéos sauvages toute la journée, franchement ils se disent "mais alors, il y a un sentiment d'impunité totale".

ÉRIC DUPOND-MORETTI
C'est la raison pour laquelle j'ai, par exemple, développé l'intervention des délégués du procureur, pour aller sur place, rendre une justice rapide. J'ai permis la saisie des scooters etc.

APOLLINE DE MALHERBE
Des véhicules.

ÉRIC DUPOND-MORETTI
Qui sont d'ailleurs redistribués, chaque fois que c'est possible, à des associations caritatives. Et pardon, mais dans la question que vous me posez qui est très objective, vous rappelez qu'il y a 1 400 % d'augmentation des condamnations, et c'est énorme. Donc, ça veut dire qu'on n'est pas inerte. Mais j'entends bien que la petite délinquance du quotidien, celle qui pourrit la vie des Français, il faut lutter et lutter encore.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous ne diriez plus aujourd'hui qu'il y a un sentiment d'insécurité ?

ÉRIC DUPOND-MORETTI
Merci d'avoir ce souvenir, vous n'est pas amnésique. Je n'ai pas dit qu'il n'y avait qu'un sentiment d'insécurité, j'ai dit : "Il y avait une insécurité et un sentiment de sécurité". L'époque, je le déplore régulièrement n'est plus à la nuance et tant qu'à prendre une phrase autant ne pas la sortir du contexte et merci de me permettre de repréciser ces choses.

APOLLINE DE MALHERBE
Et je vais aussi vous permettre de répondre parce que vous voulez faire de la politique. Vous avez dit que notamment votre adversaire, c'était le Rassemblement national et eux-mêmes ont considéré que vous étiez leur adversaire. Je voudrais que vous écoutiez Jordan BARDELLA qui vous a pris pour cible jeudi, au moment du lancement de sa campagne pour prendre la tête du parti. Il parle du "Dupond-Morettisme". Écoutez

JORDAN BARDELLA
Avec ce calamiteux ministre enfin de la justice française renvoie l'image d'une perte totale de maîtrise d'une impunité générale, l'impression d'une confusion généralisée alors même que la solution au fléau de la délinquance est davantage judiciaire que policière. C'est pourquoi je dis que la carence en DUPOND-MORETTI ne relève pas seulement de la faute d'un Gouvernement mais désormais d'une faute morale notamment vis-à-vis des personnes les plus vulnérables c'est-à-dire vis-à-vis de la société dans son ensemble. C'est la raison pour laquelle nous lançons une campagne rendant justice aux Français avec un mot d'ordre "rompre avec le Dupond-Morettisme".

APOLLINE DE MALHERBE
C'est quoi le Dupond-Morettisme ?

ÉRIC DUPOND-MORETTI
Je ne sais pas. Ce que je sais c'est ce que j'ai fait, en revanche. J'ai permis, par exemple, que les délinquants mineurs soient jugés beaucoup plus rapidement et on a mis un terme à cette vieille ordonnance mythique, l'ordonnance du général DE GAULLE, l'ordonnance de 45. Les amis de monsieur BARDELLA n'étaient pas présents, n'ont pas voté ce texte. J'ai puni davantage l'utilisation d'enfants ou prostituées, j'en ai fait un crime. J'ai diminué les stocks, je l'ai dit, pardon pour ce mot. En matière civile, en matière pénale, j'ai réouvert des juridictions, j'ai envoyé des délégués du procureur. On a considérablement augmenté les budgets destinés aux associations de victimes. Mais monsieur BARDELLA, je dois vous dire que ses amis n'étaient jamais présents à l'Assemblée nationale. Aujourd'hui, ils le sont, ça n'a échappé à personne. Vous savez…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous comptez sur eux là, désormais, pour soutenir vos lois ? Quand vous dites "ils n'étaient pas là", ça veut dire que vous auriez aimé qu'ils soient finalement à vos côtés quand même.

ÉRIC DUPOND-MORETTI
Ils n'étaient pas là, et quand ils étaient là ils ont proposé des amendements qui sont ahurissants. Moi je suis un tenant de l'État de droit, voyez-vous, l'Etat de droit c'est d'abord respecter l'indépendance des magistrats, bien, et l'État de droit il est controversé chez ceux, d'ailleurs vous souvenez pendant la campagne présidentielle le Conseil constitutionnel, mais peu importe, ce n'est pas un obstacle, on va changer les règles, etc., etc., regardez un petit amendement qui a échappé à tout le monde. Madame LE PEN avait dit "les journalistes qui feront état de procès-verbaux", couverts par le secret de l'instruction, alors que vous n'êtes, vous, pas tenu au secret de l'instruction, "deux ans d'emprisonnement." Vous savez la différence entre le totalitarisme et la démocratie ? Je vais vous dire ce que c'est, dans le totalitarisme on s'en prend aux journalistes, on s'en prend aux juges, on les musèle, comme en Hongrie par exemple, et moi j'ai rencontré un certain nombre…

APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous considérez qu'ils sont contre la démocratie, vous considérez qu'ils vont à l'encontre de la démocratie ? Ils ont été élus, je veux dire, ceux qui sont arrivés à l'Assemblée nationale…

ÉRIC DUPOND-MORETTI
Oui, oui, mais tous ceux qui sont au pouvoir et qui viennent de l'extrême droite ont été élus, je le rappelle.

APOLLINE DE MALHERBE
Et ça a été le cas, j'imagine que quand vous dites ça vous pensez notamment à l'Allemagne.

ÉRIC DUPOND-MORETTI
Ce qui s'est passé en Italie et ce qui est susceptible d'arriver encore, je pense à la Suède, je pense à leur ami Monsieur TRUMP…

APOLLINE DE MALHERBE
La Suède cette semaine également.

ÉRIC DUPOND-MORETTI
Je pense à leur ami Monsieur TRUMP, je pense à BOLSONARO, je pense à la Hongrie. Madame, on ne touche pas à l'indépendance des magistrats, les magistrats sont libres, et le corollaire de cette indépendance c'est que parfois, c'est vrai, il y a un certain nombre de décisions qui nous interpellent, mais c'est le prix…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez choisi…

ÉRIC DUPOND-MORETTI
Pardon, je termine, c'est extrêmement important, c'est le prix de l'indépendance. Maintenant je vais vous dire, Monsieur BARDELLA souhaite, m'invite, me siffle, je ne me laisse pas siffler par Monsieur BARDELLA, je débattrai sans doute avec le prochain président du FN, qu'il soit monsieur BARDELLA ou Monsieur ALIOT. Vous voyez, il y a une jolie formule du philosophe George STEINER qui dit d'un étudiant un peu arrogant, plein de morgue, qui l'interpelle, il lui dit "vous êtes si jeune et déjà vous avez si peu fait."

APOLLINE DE MALHERBE
Mais, Éric DUPOND-MORETTI, j'en comprends quand même que vous accepterez de débattre, il vous invite à débattre, vous dites "je débattrai avec le président du RN", sous-entendu s'il arrive à passer ce cap, vous avez d'ailleurs dit président du FN, j'ai bien noté.

ÉRIC DUPOND-MORETTI
Pardon Madame ; et j'aurai à cœur de démontrer qu'ils nous vendent, dans une espèce d'insupportable populisme, des choses qui sont fausses. Est-ce qu'une fois pour toutes on peut entendre que dans ce pays la justice est plus sévère qu'elle l'était, pardon ce n'est pas rien. Alors on peut s'arrêter sur tel…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais, Éric DUPOND-MORETTI, vous avez décidé d'ailleurs de cibler les deux, de cibler d'un côté le RN, de l'autre LFI, vous disiez encore ce week-end "MÉLENCHON fait prospérer l'antisémitisme en France", vous dites, nous ne sommes pas laxistes, je vous pose une question, quelles sont vos armes, notamment sur la question par exemple de l'imam IQUIOUSSEN. S'il était retrouvé, que se passerait-il ?

ÉRIC DUPOND-MORETTI
Alors d'abord on va dire que la justice a fonctionné, tribunal administratif suspend, Conseil d'État n'est pas sur cette ligne, il décide ce monsieur de prendre la fuite, une information judiciaire est ouverte, je connais la détermination du ministre de l'Intérieur, je pense qu'il sera retrouvé et puis c'est à la fin du bal, pardon pour cette expression populaire, qu'on paie les musiciens.

APOLLINE DE MALHERBE
Et on verra effectivement.

ÉRIC DUPOND-MORETTI
Mais bien sûr.

APOLLINE DE MALHERBE
Kart dans l'enceinte de la prison de Fresnes, est-ce qu'avec le recul vous vous dites j'ai bien fait de réagir immédiatement aux images, et surtout qu'est-ce qui a changé depuis ?

ÉRIC DUPOND-MORETTI
Ces images me choque, je l'ai dit, pourquoi ? Parce que je veux à la fois que la prison soit une punition, une réponse ferme, pas populiste et pas démago, mais ferme, mais je veux également mettre en œuvre tout ce qui est possible pour réinsérer. Je ne vois, dans ces images, ni punition, ni réinsertion. Et, laissez-moi vous répondre, je me dis mais un gamin de 15 ans qui voit ces images, il se dit "mais c'est ça la prison", et tous ceux qui ne la connaissent pas se disent "mais c'est ça la prison", et d'ailleurs je veux remercier BFM d'avoir, quelques jours après, diffusé un reportage où l'on voit la réalité…

APOLLINE DE MALHERBE
Au sein-même de la prison…

ÉRIC DUPOND-MORETTI
La réalité de la prison.

APOLLINE DE MALHERBE
En effet, nous sommes rentrés dans la prison de Fresnes.

ÉRIC DUPOND-MORETTI
Moi, j'ai passé mon été sur les chantiers pour voir les prisons qui sortent. Je veux à la fois assurer la fermeté de la réponse pénale, mais également des conditions, pardon…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais concrètement, est-ce que depuis, ce n'est pas passé d'un extrême à l'autre, c'est-à-dire que les directeurs de prison disent aujourd'hui qu'ils s'autocensurent, c'est-à-dire que, en fait, ils ont, je vous donne un exemple, alors, ça peut vous paraître anecdotique, mais enfin, il devait y avoir un food truck pizza à la prison de Saint Quentin Fallavier. Ça a été interdit finalement, et ça n'est pas arrivé, est-ce que ça, vous vous dites : ah super, on a réussi, il n'y aura pas de food truck pizza dans la prison de Saint-Quentin ?

ÉRIC DUPOND-MORETTI
Mais pas du tout, je vins de développer le Goncourt du détenu, avec l'Académie Goncourt, et avec la ministre de la Culture.

APOLLINE DE MALHERBE
Comme il y a le Goncourt des lycéens…

ÉRIC DUPOND-MORETTI
Je veux, Madame, que quelqu'un qui rentre en prison sorte meilleur quand il a terminé sa peine, je souhaite qu'il apprenne à lire, qu'il apprenne à écrire, pour ceux qui sont analphabètes, je souhaite faire rentrer le travail en prison, mais je voudrais vous dire. Ce karting à Fresnes, c'est grosso modo une semaine de médiatisation intensive, le contrat du détenu travailleur que j'ai mis en place, quelques minutes, qu'est-ce que c'est contrat, c'est 45 % du SMIC, c'est comme ça que sont payés les détenus. Grâce à ce salaire, ils peuvent notamment indemniser les victimes, nous prenons en charge toutes les formalités administratives, ce n'est pas du ressort s'il y a un litige du conseil des prud'hommes, j'ai fait venir de très grands patrons français, des petites entreprises, des moyennes entreprises, le numéro 2 du MEDEF, parce que j'ai conditionné les remises de peine à l'effort, et je dis que le travail et le sens de l'effort ne sont pas des sens interdits en prison ; je souhaite que l'on forme, que les détenus sortent diplômés, on fait de tout en prison, de la boulangerie, de l'aéronautique, et quand un détenu sort, c'est extrêmement important qu'il ait été formé, c'est le gage d'une absence de récidive.

APOLLINE DE MALHERBE
Éric DUPOND-MORETTI, vous le disiez, on a aussi rendu compte de la réalité à Fresnes, et la réalité sur l'ensemble de la France, c'est 72.067 détenus pour 60.702 places, est-ce que le problème, c'est qu'il y a trop de détenus ou est-ce que le problème, c'est qu'il n'y a pas assez de places ?

ÉRIC DUPOND-MORETTI
Mais il n'y a pas assez de places, et c'est la raison pour laquelle on construit 15.000 places de prison nettes, je suis encore en train de discuter avec le maire de Nice pour un établissement pénitentiaire à Nice, nous aurons même plus que 15.000 places, elles se construisent, elles favorisent d'ailleurs des places pour le stockage et pour les ateliers de travail, moi, j'y suis extrêmement, extrêmement attentif, je veux que l'on travaille, je veux que l'on se forme, et puis, et puis, il y a aussi la dignité bien sûr, les conditions de détention, conditions indignes, j'ai porté ce texte, et j'en suis fier, et puis, je pense aussi…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous aviez promis aussi une circulaire pour fixer clairement les conditions nécessaires à la tenue de projets de réinsertion en prison, vous l'avez sortie cette circulaire, vous l'avez publiée ?

ÉRIC DUPOND-MORETTI
On est en cours, bien sûr, parce que je ne veux pas qu'il y ait de l'autocensure, bien sûr qu'il faut de la culture, bien sûr qu'il faut aussi des loisirs, bien sûr qu'il faut du sport, et il faut du travail…

APOLLINE DE MALHERBE
Parce que là, pour l'instant, tout est un peu au point mort…

ÉRIC DUPOND-MORETTI
Non, non, on ne peut pas dire ça, il y a quelques directeurs, vous le dites, qui se sont autocensurés, mais ce n'est pas du tout le but, le but, c'est que…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous allez donner une liste précise de ce qu'on a le droit de faire ou de ne pas faire ?

ÉRIC DUPOND-MORETTI
L'objectif, c'est qu'il y ait de la réinsertion, dans les images que j'ai vues, il n'y a ni punition ni réinsertion, et je le dis, ces images sont délétères, notamment pour les gamins ou pour tous ceux qui regardent la prison. D'ailleurs, regardez, mes opposants, les opposants au Dupond-Morettisme ont dit : ah, mais regardez, c'est la fête foraine, ici, devant vous, certains ont dit : c'est Disneyland, etc, bon, ce n'est pas ça, la prison, mais en même temps, ça balaye, en quelques images, parce que nous sommes dans une société médiatique, tous les efforts qui sont entrepris par le personnel pénitentiaire, par les enseignants, par le monde associatif qui, au quotidien, essaient de sortir les détenus…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais dans ces cas-là, c'est au minimum partagé par vous, Éric DUPOND-MORETTI, qui avez réagi immédiatement par un tweet, et qui avez aussi vous-même joué de cette société, quand même.

ÉRIC DUPOND-MORETTI
Non, je ne suis pas d'accord avec vous, si je n'interviens pas, Madame, on dit que je suis favorable à ces images, et si j'interviens, ça me permet que ce sujet ne soit pas préempté par les populistes qui se sont jetés dessus.

APOLLINE DE MALHERBE
Éric DUPOND-MORETTI, ministre de la Justice, Garde des sceaux, merci d'avoir répondu à mes questions ce matin. Vous annoncez sur notre antenne cette revalorisation : 2.000 euros par mois pour les magistrats.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 septembre 2022