Interview de Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement, à Radio J le 6 septembre 2022, sur la sobriété énergétique, le bilan de la rentrée scolaire et le Conseil national de la refondation.

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Média : Radio J

Texte intégral

CHRISTOPHE BARBIER
Sarah El HAÏRY, bonjour.

SARAH EL HAÏRY
Bonjour.

CHRISTOPHE BARBIER
Après cet accueil en fanfare par David ! Hier, le président e la République a parlé à propos de la pénurie d'énergie. "Faire peur ne mène à rien", a-t-il dit, mais on a l'impression qu'il avait un peu lui-même inquiété les Français, en parlant de la fin de l'insouciance.

SARAH EL HAÏRY
Vous savez, il y a une guerre sur notre Continent aujourd'hui. Cette guerre elle est quasi-totale, ça a été rappelé, et elle a des conséquences dans notre vie de tous les jours. Ces conséquences sont effectivement sur l'énergie, entre autres, et je crois que le temps est aussi à la vérité. Les citoyens doivent savoir, comprendre, et c'est pour ça que nos mesures sont très claires. Évidemment il faut de la sobriété énergétique, bien sûr, pour regagner en souveraineté, en indépendance, et ne pas subir les pressions aujourd'hui et les conséquences de cette guerre, de la protection économique, donc baisser le coût et le contenir, et c'est pour ça qu'aujourd'hui la France est le pays où il y a le moins d'inflation en Europe. Et enfin protéger, protéger en solidarité, et donc en européen.

CHRISTOPHE BARBIER
La sobriété, 19° par exemple pour le chauffage cet hiver, la sobriété de chacun, ça peut vraiment suffire ?

SARAH EL HAÏRY
C'est un effort collectif. Il n'y a personne qui peut y arriver tout seul. Un, notre mission, et c'est la mission entre autres de la Première ministre et d'Agnès PANNIER-RUNACHER, c'est d'aller chercher des énergies décarbonées, bien sûr, d'aller chercher de la solidarité européenne aussi. Mais il y a une action individuelle à faire, que ce soit au sein des entreprises, que ce soit sur une consommation très personnelle. C'est un effort de guerre, d'une certaine manière.

CHRISTOPHE BARBIER
La solidarité européenne, ce sera la France qui donnera du gaz à l'Allemagne en cas de besoin. Le président l'a annoncé. Ça ne va pas être facile à expliquer aux Français, surtout si eux ils ont du mal à se chauffer.

SARAH EL HAÏRY
Eh bien, absolument pas, puisqu'effectivement c'est aussi les Allemands qui nous donnent de l'électricité. Et la solidarité elle va dans ce sens-là. Et puis il faut dire les choses telles qu'elles sont : notre souveraineté, notre indépendance dépend aussi de la force européenne, de l'Union européenne. Nos économies sont interdépendantes, c'est la réalité, nous avons un marché commun, et être européen, se comporter en européen, c'est aussi être solidaire avec ses voisins, parce que nous avons autant besoin les uns des autres, et notre force c'est d'apporter des réponses communes.

CHRISTOPHE BARBIER
Il y aura aussi une contribution européenne, payée par les opérateurs de gaz et d'électricité du Continent, qui ont fait des bénéfices. En gros c'est une taxe sur les superprofits, européenne.

SARAH EL HAÏRY
C'est une proposition du président de la République, une taxe exceptionnelle, qui aurait vocation, non pas à aller chercher un débat idéologique, mais peut-être d'apporter une réponse utile au moment où nous vivons, sachant que, c'est là où c'est pertinent, c'est européen, ça n'a de sens que si c'est européen. Nous on a fait un choix différent en France, notre choix il était de faire confiance à nos entreprises, aux grandes entreprises, et que, eh bien en grandes entreprises engagées, citoyennes, qu'elles aient des actes. Moi je vois CMA CGM, je vois TOTAL, je vois un certain nombre d'entreprises qui sont dans cette démarche-là.

CHRISTOPHE BARBIER
Vraiment, c'est suffisant comme nombre d'entreprises ou est-ce qu'il faudra en pousser certaines ?

SARAH EL HAÏRY
Mais en réalité il y en a plein qui s'engagent et qui ont envie d'aller accompagner leurs salariés, accompagner les conséquences de cette inflation. Mais certaines entreprises vivent aussi les conséquences de cette inflation. Après, sur la question des superprofits en tant que telle, ça n'a pas de sens si c'est ponctuel et si c'est de la taxe spécifique. Aujourd'hui, la question elle est sur les entreprises de l'énergie, c'est le projet du président de la République, on est dans un marché commun, donc porter cette proposition au niveau européen est la bonne, en tout cas pour moi est la bonne échelle, et c'est la proposition que nous faisons.

CHRISTOPHE BARBIER
Alors, il y a une semaine on attendait la rentrée avec beaucoup d'inquiétude, elle devait être cataclysmique, manque de profs etc. Comment ça s'est passé ?

SARAH EL HAÏRY
Eh bien ça s'est bien passé, et je pense que ça fait du bien de le dire, il est beaucoup d'anxiété avant la rentrée, et pourtant c'est plus de 860 000, 860 000 enseignants qui sont rentrés avec une volonté absolument farouche, celle d'accompagner nos enfants. Je crois qu'il faut arrêter d'avoir des discours catastrophistes, avec d'une certaine manière, et c'est ce que j'ai envie de saluer aujourd'hui, la confiance évidemment des parents dans l'institution Éducation nationale, la mobilisation de mon ministre Pap NDIAYE, mais aussi en réalité des rectorats, des élus locaux, et quand tu crées ce maillon un peu de force, eh bien la rentrée se fait, on a recruté également grâce aux travaux avec les présidents de région, les chauffeurs routiers qui manquaient, enfin bref. La chaîne éducative a fonctionné et je salue du coup évidemment tout le travail des recteurs au niveau territorial.

CHRISTOPHE BARBIER
Et maintenant c'est le tour des étudiants, on en a moins parlé, mais est-ce qu'il n'y a pas finalement beaucoup plus d'angoisse parmi ces étudiants, entre le marché de l'emploi, la crise du coût de la vie et la sortie de 2 années de Covid où leur fin de cycle secondaire a été un peu haché menu ?

SARAH EL HAÏRY
Les conséquences de 2 années de Covid sont réelles, elles sont réelles dans l'énergie, elles sont réelles sur notre économie. Elles sont réelles. Mais aujourd'hui, ce que je vois, c'est que la jeunesse a toujours été la priorité du président de la République, et donc de tout son gouvernement et de sa majorité. On vit le taux de chômage le plus bas en réalité, de l'histoire quasiment de notre pays, chez les jeunes en particulier. Et la question de quel modèle, comment on accompagne la rentrée étudiante, eh bien on l'accompagne de manière très, comment dire, quotidienne : retour des repas à 1 €, revalorisation des bourses à 4 %, gel des droits d'inscription, gel en réalité également des loyers au sein du CROUS, aide exceptionnelle de 100 €. Mais, il faut rappeler les choses, on a le pays qui a le modèle d'enseignement qui tend le plus longtemps à être gratuit, et donc accessible. Et notre mission, c'est de faire que l'enseignement reste de qualité, d'accompagner les plus précaires, ceux qui sont le plus en difficulté, mais aussi, et c'est aussi notre mission, eh bien de leur donner les moyens de s'insérer économiquement et donc de protéger l'économie de notre pays.

CHRISTOPHE BARBIER
Et vous les aurez ce. Moyens, dans le budget de l'année 2023 ?

SARAH EL HAÏRY
Mais bien sûr, ce sont des engagements qui sont pris et qui sont déjà déployés. Quand on revalorise les bourses, quand aujourd'hui la ministre Sylvie RETAILLEAU porte les questions du gel des loyers et des inscriptions dans les universités…

CHRISTOPHE BARBIER
C'est financé.

SARAH EL HAÏRY
Évidemment c'est financé.

CHRISTOPHE BARBIER
Alors, vous serez samedi à la Fête de L'Humanité, pour un débat justement sur la jeunesse. Alors, ce n'est pas exactement votre camp politique, qui espérez-vous convaincre ?

SARAH EL HAÏRY
Eh bien vous savez, moi je suis une militante politique, ça a toujours été le cas, et je crois, j'ai un idéal, je le porte, je le défends, et je pense qu'aller à la Fête de l'Huma, eh bien c'est aussi de débattre avec un parti qui est républicain, qui a une histoire. Moi j'ai bien vu les positions de monsieur ROUSSEL pendant l'élection présidentielle, sur la laïcité, sur les policiers, sur la lutte contre l'antisémitisme, c'est clair, et quand c'est clair eh bien on permet, moi ça me permet eh bien de défendre, de porter notre idéal, avec une vision économiquement à l'opposé. Je suis libérale, européenne, ils sont communistes, mais la question qui se pose c'est quels sont les points essentiels mais aussi quels sont les points de divergence.

CHRISTOPHE BARBIER
C'est certain, ça s'interroge dans la majorité sur cette stratégie d'aller débattre. Est-ce que ça ne donne pas du crédit à une opposition, qui dans quelques semaines ne vous fera aucun cadeau à l'Assemblée ?

SARAH EL HAÏRY
Ce n'est pas un cadeau, c'est pour aller preuve contre preuve, débattre d'un modèle, débattre des éléments. Après, je fais une grande différence entre la France insoumise et le Parti communiste. Demain je… À la Fête de l'Huma, je débats au sein de la fête de l'Huma, avec le Parti communiste, avec le porte-parole en charge de la jeunesse. Je suis en plein dans ma mission, j'ai la plus belle des missions, celle d'apporter des réponses aux jeunesses, et pour ça je crois qu'il faut rappeler et ne pas laisser dire, parce que caricaturer, c'est faire du mal à la vie politique, et c'est aller alimenter des discours populistes, et donc j'ai envie d'être sur place pour porter notre bilan et le bilan du président.

CHRISTOPHE BARBIER
Ce sont les députés communistes qui ont porté la résolution accusant Israël d'apartheid en juillet.

SARAH EL HAÏRY
Je me souviens exactement de ce débat à l'Assemblée nationale, et je crois que si j'en ai l'occasion, je rappellerai quelle est ma position et la position du gouvernement, sur cette résolution.

CHRISTOPHE BARBIER
Quand le président de la République annonce un grand basculement, des temps difficiles, forcément, vous l'avez décrit, les périls sont nombreux, est-ce qu'on ne devrait pas rétablir un service national, vraiment obligatoire ?

SARAH EL HAÏRY
C'est le projet qui est le nôtre, maintenant le débat, il devrait y avoir un débat, un débat parlementaire, une évolution, l'expertise sur les expérimentations, mais le projet, la promesse du président de la République, c'est la généralisation. La généralisation ça veut dire quoi ? Ça veut dire, oui, que chaque jeune puisse y aller, que chaque jeune puisse être accompagné, qu'on aille chercher cette mixité, mais aussi finalement ces rencontres entre des jeunes qui ne verraient jamais. Le jeune de Trappes et le jeune de Nantes, à quel moment ils se voient, à quel moment ils se sentent Français, à quel moment ils se sentent fier d'être Français ? Encore plus quand notre modèle, notre modèle social tient sur le goût de l'effort, le goût du travail, le goût de la responsabilité individuelle dans un projet collectif bien sûr, mais dans le fond, si tu ne fais pas, la République elle n'y peut rien. Et donc, pour aller chercher ça, eh bien il faut proposer à chaque jeune un parcours professionnel, un parcours d'alternance, un parcours d'engagement, au sein de nos armées ou au sein de nos associations avec le Service civique, mais de le vivre, et le Service national universel a vocation à augmenter cette force morale et c'est les mots du président, je m'en souviens parce que ça m'a marqué, le 13 juillet devant les militaires, puisque c'était à l'Hôtel de Brienne…

CHRISTOPHE BARBIER

SARAH EL HAÏRY
… exactement. Il a dit : "Il faut augmenter la force morale, en réalité, de notre jeunesse, c'est-à-dire la capacité individuelle à répondre à un péril collectif".

CHRISTOPHE BARBIER
Après demain s'ouvre un grand moment, le Conseil national de la refondation. Mais les oppositions boycottent le rendez-vous, peu de corps intermédiaires s'y associent, peu de syndicats, les élus locaux sont perturbés. Comment donner du souffle à ce CNR ?

SARAH EL HAÏRY
Moi j'ai je suis convaincue qu'une innovation sociale et politique comme le CNR, apporte aujourd'hui des réponses absolument essentielles. On ne peut pas passer son temps à déplorer qu'il y a une abstention de plus en plus forte, que le dialogue entre les parties et le démocratique n'est pas bon et bouder. Et moi j'ai envie de laisser les boudeurs bouder, et finalement ce sera bien difficile après d'expliquer que, eh bien, ils ne participent pas. Qu'est-ce qu'ils ont à perdre ? Se retrouver, à un moment démocratique important, à travailler sur les déserts médicaux, sur l'urgence et l'importance de l'éducation nationale, sur les questions de santé, avec en plus, parce que moi je connais François BAYROU, que je connais l'énergie qui…

CHRISTOPHE BARBIER
C'est lui qui va être moteur.

SARAH EL HAÏRY
Et ça va être absolument essentiel, et je sais que même face aux tâches les plus difficiles, eh bien il arrive à trouver un chemin. Je salue aussi l'évolution des associations d'élus qui ont bougé dans leur position. Hier soir, après la mobilisation personnelle du président de la République, je vais vous dire, au plus profond de ma pensée, aujourd'hui ceux qui ne veulent pas venir, sont dans des postures, peut-être individuelles, peut-être par rapport à un calendrier de partis politiques, mais l'importance du moment que nous vivons, dans un moment où on a une jeunesse qui se radicalise, à l'extrême-droite, à l'extrême gauche, plus que jamais nous avons besoin de concorde, et la concorde elle se fait dans le débat.

CHRISTOPHE BARBIER
Mais tous les sujets que vous évoquez, disent les oppositions, c'est à l'Assemblée nationale que l'on va en débattre.

SARAH EL HAÏRY
Eh bien ce n'est pas vrai. Le CNR ce n'est pas le lieu où on légifère. Le CNR, c'est le lieu où on débat, on réunit la société civile et les responsables politiques, on légifère uniquement au Parlement. Et vous savez, moi je suis extrêmement attaché à la 5e République, je suis députée, j'ai été élue 2 fois députée, et je tiens peut-être, mais de manière très personnelle à nos institutions. Au sein du CNR on débat, on construit, on propose, et le président de la République utilisera tous les moyens qui sont les siens pour que ce débat soit utile. Ça veut dire peut-être demain aller vers un référendum, ça veut dire peut-être demain soumettre évidemment des propositions, mais on légifère à l'Assemblée nationale et au Sénat.

CHRISTOPHE BARBIER
L'autre évolution du moment c'est la mutation de La République en Marche en Renaissance. Comment le MoDem voit-il cette mutation ? Ce n'est pas finalement inquiétant pour vous, vous n'allez pas être absorbés dans tout ça ?

SARAH EL HAÏRY
Vous savez, moi je suis hyper contente de voir que notre parti allié se recompose, crée, repose un socle de pensée, rouvre un débat d'idées avec en plus une recomposition dans les, on va dire les équipes dirigeantes, en partant de la base. Moi je vois sur mon département, Loire-Atlantique, eh bien ça fait du bien de rediscuter de charte, de poser le corpus idéologique et de le déployer. On est à un moment qui est absolument important. Il ne faut pas oublier que l'extrême droite est au sein de notre Assemblée nationale, et que l'extrême gauche l'est aussi, et que c'est une, d'une certaine manière cet été qui pousse aux propos excessifs et finalement à la colère ou à la fragmentation, eh bien on doit y répondre par ce qui commun, les valeurs, les propositions et le débat politique, encore une fois il est absolument essentiel.

CHRISTOPHE BARBIER
La bataille à droite chez les LR, RETAILLEAU – CIOTTI, ça vous laisse espérer peut-être que les centristes, restés avec LR, vont revenir vers vous ?

SARAH EL HAÏRY
Moi j'appelle tous nos cousins centristes, qui étaient à l'époque à l'UDF…

CHRISTOPHE BARBIER
Tout à fait, c'était la même famille.

SARAH EL HAÏRY
… qui étaient avec nous… Mais bien sûr, et puis c'est toujours la même famille de pensée, après ça a été on va dire des conjugaisons d'alliances et partage territorial. La ligne d'un certain nombre de candidats à l'élection des Républicains n'est pas compatible avec les valeurs centristes, et donc j'appelle tous les humanistes, tous les indépendants, qui fondamentalement ont envie d'être alignés sur leur territoire et qui ont envie de regarder dans les yeux leurs électeurs, et bien de rejoindre plus largement les mouvements du centre, les cousins, mais aussi le projet du président de la République.

CHRISTOPHE BARBIER
Sarah El HAÏRY, merci, bonne journée.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 septembre 2022