Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, sur les efforts du gouvernement en faveur du secteur du bâtiment et des travaux publics, à Paris le 22 septembre 2022.

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  • Bruno Le Maire - Ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Circonstance : Assises du bâtiment et des travaux publics

Texte intégral

Bonjour à toutes et à tous.

Nous venons de faire un point d'étape sur les Assises du bâtiment et des travaux publics. Je voudrais remercier l'ensemble des participantes et des participants à cette réunion.

15 fédérations professionnelles ont participé, des représentants des salariés, des représentants des employeurs. Nous avons travaillé dans un état d'esprit constructif, c'est le cas de le dire, sans mauvais jeu de mot, et très utile je crois pour cette activité essentielle pour notre économie que sont le bâtiment et les travaux publics.

Alors qu'est-ce que c'est que ces Assises ? C'est d'abord, je le redis, une promesse. Une promesse qui avait été faite à l'occasion de la campagne présidentielle lors de l'Assemblée générale de la CAPEB. Et après discussion avec d'autres fédérations, avec Olivier Salleron de la Fédération française du bâtiment, avec Bruno Cavanier de la Fédération nationale des Travaux Publics, et Emmanuelle Cosse.

Nous nous sommes aperçus qu'il y avait un certain nombre de sujets touchant le bâtiment et les travaux publics, qui étaient des sujets réglementaires, des sujets fiscaux, des sujets financiers, évidemment des sujets environnementaux qui devaient être repensés, et qu'il fallait prendre le temps nécessaires pour les repenser ensemble et trouver de nouvelles solutions, et que la bonne méthode c'était celle de la concertation et du dialogue.

Et c'est quelque chose de tout à fait nouveau, que de voir le ministre qui est en charge du logement, la ministre en charge des PME, le ministre des Économies et des Finances qui rassemble toutes les fédérations, tous les professionnels et qui disent comment est-ce qu'on repense le bâtiment et les travaux publics pour les décennies à venir ? C'est une ambition à très long terme, et ce qui explique que, j'y reviendrai, ces Assises vont s'inscrire dans le temps long.

On ne change pas des politiques structurelles en 15 jours, ça prend plus de temps. Il faut du dialogue, il faut de la concertation, il faut trouver des moyens de financement, il faut associer tous les acteurs. C'est donc aussi une méthode, une méthode de concertation élargie et durable, car ces assises ont vocation à durer.

C'est un point d'étape, mais nous aurons d'autres travaux qui vont être conduits jusqu'à la fin de l'année 2022, qui se poursuivront au début de l'année 2023 sur un certain nombre de thématiques, et nous ferons un nouveau point d'étape avec une nouvelle série de décisions au printemps 2023. Je nous donne donc 6 mois pour parvenir à de nouvelles décisions. Je pense que pour prendre des décisions solides, il faut au moins 6 mois de travail ensemble et de concertation.

Une promesse, une méthode, c'est aussi enfin une ambition. L'ambition, c'est de simplifier la vie des entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics et d'accélérer la construction en conciliant climat et croissance. Ce sera un des fils rouges, si ce n'est le fil rouge de la mission qui m'a été confiée par le président de la République et la Première ministre.

Nous devons concilier dans tous les secteurs d'activité climat et croissance. Dieu sait que dans le secteur du bâtiment, qui est un des secteurs qui reste le plus émetteur de CO2 en France, c'est un défi financier, social, économique, technologique absolument considérable. Donc, plutôt que de traiter les sujets à la va vite, nous prenons de la hauteur, nous prenons le temps nécessaire pour les traiter en profondeur et apporter de véritables solutions.

À quoi est-ce que nous sommes parvenus aujourd'hui ? D'abord, nous avons eu un échange, je le dis parce que c'est un sujet conjoncturel majeur, sur le soutien aux PME face à l'explosion des coûts énergétiques.

Je veux rappeler ce qu'a dit le président de la République ce matin : "ne signez pas vos contrats pour l'année prochaine".

Je le dis aux entrepreneurs, je le dis aux PME, je le dis aux TPE, là, nous sommes en train de nous battre avec la Première ministre et le président de la République pour faire baisser les prix de l'énergie au niveau européen.

Nous sommes en train de nous battre pour obtenir un cadre européen plus favorable pour soutenir les PME et leur apporter des aides directes. Donc, prenez encore un peu de temps avant de négocier vos contrats parce que là, vous le ferez dans de mauvaises conditions. Nous nous battons pour améliorer les conditions de financement des factures énergétiques des PME et des TPE et je voulais profiter de ces assises pour passer ce message.

Ensuite, nous avons pris et décidé aujourd'hui un certain nombre de mesures qui sont des mesures très significatives. D'abord, des mesures contre l'inflation. Sur la révision des prix des marchés publics en cours, j'ai saisi le Conseil d'État il y a plusieurs semaines. Nous avons eu maintenant la réponse du Conseil d'État et nous avons la possibilité juridique de réviser les prix des marchés publics en cours en arguant des circonstances exceptionnelles auxquelles sont confrontées les PME, du fait de l'augmentation du coût des matières premières et des difficultés à s'approvisionner.

Nous publierons dans les prochains jours une circulaire qui permettra aux PME d'obtenir la révision des prix des marchés publics en cours. C'est indispensable parce que très concrètement, je pense que vous en êtes tous conscients, vous partez sur un marché avec des prix donnés. Une semaine, deux semaines, trois semaines plus tard et trois mois plus tard, les prix ont explosé. Ce n'est plus rentable pour la PME. Elle est prise à la gorge. Elle doit pouvoir réviser ses prix. Ce sera chose faite avec cette circulaire.

Deuxième élément, nous voulons raccourcir les délais entre l'attribution d'un marché public et le démarrage des travaux. Là aussi quand il y a une telle volatilité des prix, plus les délais sont courts, mieux c'est. Nous ramènerons donc ces délais de 6 mois à 4 mois pour accélérer les mises en chantier et protéger les entreprises, en particulier les plus petites d'entre elles contre l'explosion des prix.

Enfin, nous avons décidé avec Olivier Klein et Olivia Grégoire de confier une mission au médiateur des entreprises sur la prévisibilité des prix des matières premières pour voir s'il y a des actions publiques à prendre pour améliorer cette prévisibilité.

Deuxième série de mesures, des mesures de simplification. La mesure la plus importante, et elle est exceptionnelle en Europe, c'est le seuil de gré à gré qui sera pérennisé à 100 000 €. Je rappelle qu'il était à 40 000 € avant la crise du Covid, que nous l'avons portée ensuite à 70 000 €, puis à 100 000 €. Nous maintiendrons de manière définitive le seuil de gré à gré à 100 000 € pour l'exemption des appels d'offres sur les marchés publics. C'est une mesure de simplification massive pour les PME. Maintenir définitivement ce seuil à 100 000 € va simplifier la vie de nombre de PME en France. Enfin, nous mettrons en place, toujours sur la simplification, une période de tolérance de 4 mois pour la mise en conformité des entreprises à responsabilité élargie.

Troisième série de mesures, des mesures de trésorerie. Nous allons augmenter le seuil des avances de trésorerie, qui va passer de 20 % à 30 % pour tous les marchés publics de l'État qui sont passés avec des PME. Il faut bien entendu que les collectivités locales soient également associées par ces mesures de trésorerie. Nous avons donc pris la décision d'ouvrir des discussions avec toutes les collectivités locales pour voir comment ces mesures qui sont prises par l'État peuvent servir de références et de modèles pour les collectivités locales, qui sont évidemment essentielles pour le bâtiment et les travaux publics. Nous n'oublions pas que certaines d'entre elles sont confrontées à des difficultés financières. Nous échangerons avec ces collectivités pour trouver la meilleure voie de passage. Ces avances, vous savez qu'elles sont ensuite remboursées.

Donc, nous allons étudier un échelonnement du remboursement de ces avances pour que ce soit plus avantageux pour les entreprises, notamment les plus petites d'entre elles.

Enfin, dernière série de mesures, ce sont les mesures environnementales. Je pense que ce combat pour l'amélioration du caractère environnemental du secteur du bâtiment et travaux publics est un combat essentiel.

Nous étudions la mise en place d'un carbon score des matériaux qui permettra de construire autant ou plus et de construire mieux. Après tout, c'est le modèle du nutri-score. Il ne s'agit pas de moins manger, il s'agit de manger mieux avec le nutri-score. Le carbone score pour le bâtiment, c'est la même chose. Il ne s'agit pas de construire moins, il s'agit de construire mieux, avec des matériaux dont on pourrait mesurer l'impact CO2. C'est un énorme défi, ce n'est pas simple du tout, il y a des enjeux économiques et financiers qui sont très lourds, mais je pense que c'est une piste qui est très intéressante.

Rendez-vous donc au printemps prochain pour de nouvelles mesures. Nous allons échelonner tous les mois les rencontres avec les différentes fédérations. Je pense qu'il y a au moins 3 sujets qui sont absolument essentiels à étudier.

Le premier, c'est la formation des prix : la transparence, éviter toute spéculation et garantir qu'il y ait des prix raisonnables. Le deuxième sujet, c'est tout ce qui a attrait à la formation, à la qualification, à l'attractivité du métier. C'est un enjeu absolument majeur pour le bâtiment et les travaux publics. Il faut renforcer l'attractivité des métiers, développer des formations, notamment dans le domaine du numérique et dans le domaine environnemental. C'est un enjeu de très long terme. Enfin, le troisième enjeu, évidemment, c'est la transition énergétique, l'accompagnement des acteurs.

Nous en avons beaucoup parlé avec Emmanuelle Cosse. Les sujets sont très lourds financièrement. C'est très bien de dire : il faut moins de gestes individuels et plus de rénovation globale. Mais une fois qu'on a dit ça, on n'a pas beaucoup avancé parce qu'il faut les financer. Il faut trouver les fonds propres.

Il faut voir comment est-ce qu'on peut avancer les fonds. Il faut soutenir les ménages. Tout ça est extraordinairement coûteux et demande donc à être repensé en profondeur. Nous sommes prêts à avancer dans cette direction, aller vers plus de rénovation globale et plus d'efficacité énergétique. Mais nous devons trouver les solutions techniques, financières, d'accompagnement qui font que cette ambition ne reste pas lettre morte, mais se traduise concrètement dans des décisions de politique publique.

Voilà, je ne suis pas plus long. Je voudrais vraiment remercier une nouvelle fois les acteurs qui ont participé à ces assises et qui continueront à y participer parce que quand on a sa politique, ça fait plaisir de travailler dans ce climat qui est un climat, je le redis, constructif, positif, ambitieux et donc utile pour nos compatriotes.


Source : https://www.economie.gouv.fr, le 27 septembre 2022