Interview de Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État, chargée de l'économie sociale et solidaire et de la vie associative, à Public Sénat le 10 octobre 2022, sur la pénurie de carburant, la réforme des retraites, l'affaire Adrien Quatennens et le combat des Iraniennes.

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Média : Public Sénat

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Marlène SCHIAPPA, bonjour.

MARLÈNE SCHIAPPA
Bonjour.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être avec nous.

MARLÈNE SCHIAPPA
Avec plaisir.

ORIANE MANCINI
Secrétaire d'État, chargée de l'Économie sociale et solidaire et de la Vie associative. On est ensemble pendant un peu plus de 20 minutes pour une interview en partenariat avec la presse régionale représentée par Fabrice VEYSSEYRE-REDON, du groupe EBRA, les journaux régionaux de l'Est de la France. Bonjour Fabrice.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Bonjour Oriane. Bonjour Marlène SCHIAPPA.

MARLÈNE SCHIAPPA
Bonjour.

ORIANE MANCINI
Marlène SCHIAPPA, on commence par la pénurie de carburant, près d'un tiers des stations-services du pays sont touchées, c'est plus de la moitié dans la région des Hauts-de-France. Est-ce que le gouvernement doit procéder à des réquisitions ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Alors, d'abord, je veux rappeler que la Première ministre, qui est en déplacement en Algérie, s'est pourtant exprimée sur le sujet en rappelant qu'elle était extrêmement vigilante avec l'ensemble du gouvernement, je veux aussi avoir un message pour être rassurante, si c'est possible, et rappeler que les tensions en approvisionnement, elles vont s'améliorer au cours de la semaine, et puis, ensuite, dans les jours à venir, et nous avons donc toutes et tous une responsabilité à avoir, notamment pour tâcher de ne pas faire de stock, si je puis dire de cette manière, je sais qu'il peut y avoir de l'inquiétude, et je sais que ça peut être perçu comme difficilement, et y compris être handicapant dans la vie quotidienne, mais véritablement, cela devrait s'améliorer dans la semaine, dans les jours qui suivent.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Donc pas de réquisition ?

MARLÈNE SCHIAPPA
À ce stade, non, en revanche…

ORIANE MANCINI
Sur le blocage, parce que, Agnès PANNIER-RUNACHER...

MARLÈNE SCHIAPPA
En revanche, pardon, je veux être complète, ce ne sont pas les sujets dont j'ai la charge, mais je veux être complète sur la question de la réquisition, et vous dire que, effectivement, le gouvernement a libéré des stocks stratégiques de carburant, et que ça a permis de libérer environ 20 % des flux, voilà, c'est une précision que mes collègues vous apporteraient s'ils étaient là.

ORIANE MANCINI
Mais vous voyez l'exaspération des Français qui font des heures de queue pour mettre de l'essence…

MARLÈNE SCHIAPPA
Bien sûr, bien sûr, je la partage.

ORIANE MANCINI
Et qui souvent n'en trouvent pas. Est-ce qu'à un moment, au gouvernement, on craint le risque d'une explosion sociale ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Eh bien, je vous le disais, nous, nous faisons tout pour ça s'améliore au cours de la semaine et dans les jours à venir, c'est l'objectif qui a été donné, les ministres en charge sont vraiment mobilisés sur le sujet, il y a des discussions également au sujet de cette, entre guillemets, grève préventive qui sont menées, la Première ministre a demandé à ce que les discussions puissent être avancées, et donc on trouve des solutions…

ORIANE MANCINI
Et la CGT doit cesser les blocages des raffineries pour vous?

MARLÈNE SCHIAPPA
Eh bien, écoutez, il y a des causes à ces blocages, et il y a des causes à ces embouteillages, et donc, oui, effectivement, il faut travailler sur ses causes-là.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Vous, vous comprenez que des salariés d'un grand groupe comme Total veuillent aussi, entre guillemets, profiter des superprofits ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Bien sûr, non, mais je comprends l'idée, après, sur la méthode, elle peut interroger, moi, je suis très attachée au droit de grève, donc il ne m'appartient pas en tant que membre du gouvernement de dire si telle grève est légitime ou ne l'est pas, en revanche, c'est vrai que la méthode de grève préventive, je mets des guillemets, elle interroge, et la Première ministre a d'ores et déjà dit qu'elle souhaitait qu'on puisse avancer le calendrier en termes de discussions salariales, pour y apporter des réponses et qu'on ne mette pas le pays dans un tel état, dans les images que l'on voit, et les gens qui peut-être nous regardent ce matin et se demandent s'ils vont pouvoir aller travailler ou aller chercher leurs enfants.

ORIANE MANCINI
On va parler des réformes en cours, elles sont nombreuses, et c'est des sujets qu'a abordés Édouard PHILIPPE hier dans son interview au Parisien Aujourd'hui en France, longue interview, il se démarque quand même du gouvernement sur plusieurs points, il est plus libre que loyal, Édouard PHILIPPE pour vous ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Non, mais moi, je pense qu'Édouard PHILIPPE, ça a été le Premier ministre du premier quinquennat d'Emmanuel MACRON, c'était mon Premier ministre quand j'étais secrétaire d'État rattachée à lui sur l'Égalité femme/homme, il a aussi sa liberté de ton, et moi, j'ai lu avec beaucoup d'attention ses propos, je le trouve extrêmement loyal au président de la République, au gouvernement, il soutient les mesures qui sont menées, il dit ça lui-même à un certain nombre de ministres, et il partage les objectifs du président de la République, donc je pense que c'est…

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Il soutient, mais il vous trouve quand même un peu timoré, à la fois sur le timing, pas assez vite, pas assez loin, il propose même 67 ans…

ORIANE MANCINI
Sur la réforme des retraites…

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Sur la réforme des retraites notamment, ce n'est pas un peu irritant quand on est encore aux manettes, et puis, qu'on voit son ancien Premier ministre expliquer comment il faudrait faire ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Non, non, moi, je pense que c'est sain dans une démocratie qu'il y ait des grandes voix et que nos alliés s'expriment, que ce soit Édouard PHILIPPE, François BAYROU, et qu'on puisse avoir des débats, et moi, je ne vais pas... je vous trouve un peu sévère dans l'analyse des propos d'Édouard PHILIPPE…

ORIANE MANCINI
Non, mais il dit : il faut bouger plus, il dit : il faut bouger plus, il faut bouger beaucoup sur la réforme des retraites…

MARLÈNE SCHIAPPA
Oui, mais le projet…

ORIANE MANCINI
Il remet sur la table l'idée d'un âge de départ à 67 ans

MARLÈNE SCHIAPPA
Non, mais la question de la réforme des retraites, elle faisait partie du programme et du projet du président de la République dans l'élection présidentielle, elle sera portée par le gouvernement, il n'y a pas de débat sur ce sujet, donc en cela, moi, j'observe qu'on ne débat plus de la nécessité de faire une réforme, et qu'aujourd'hui, on débat des paramètres de cette réforme. Et je pense que c'est heureux, ça veut dire qu'on a avancé…

ORIANE MANCINI
Et on débat de l'âge aussi…

MARLÈNE SCHIAPPA
Bien sûr…

ORIANE MANCINI
Emmanuel MACRON ne parle plus des 65 ans, on a dit que ce n'est plus un tabou, un totem…

MARLÈNE SCHIAPPA
Alors, moi, je pense que sur cette réforme, et pourquoi nous n'avons pas réussi à aller au bout dans le premier quinquennat, parce que j'avais beaucoup travaillé sur la question de la retraite des femmes avec Édouard PHILIPPE justement, je pense qu'on doit vraiment prendre le temps de partager le diagnostic, à la fois le diagnostic sur la question de l'équilibre budgétaire, et le rapport du COR en cela est très intéressant, mais pas uniquement, aussi sur tous les grands enjeux de société, sur la question de la pénibilité du travail, sur la question de la retraite des femmes, des carrières hachées, de l'emploi des seniors, qu'est-ce qu'on fait si on allonge le l'âge de débat à la retraite, comment on fait, alors que, aujourd'hui, même pour beaucoup de femmes, qui sont peu qualifiées, après 50 ou 55 ans, c'est déjà difficile sur le marché du travail. Alors le fait d'aller vers le plein emploi va nous y aider, tout le travail que nous menons sur la formation, sur la validation des acquis de l'expérience, pour offrir des deuxièmes carrières, va nous y aider aussi. Et Olivier DUSSOPT, le ministre du Travail, a mis sur la table la question du départ progressif à la retraite, qui peut aussi être une piste qui peut être…

ORIANE MANCINI
Mais est-ce que pour vous, il faut tenir bon sur les 65 ans et que ça figure absolument dans cette réforme, ou est-ce que ça fait partie des points sur lesquels le gouvernement peut et doit lâcher du lest ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Moi, je n'ai pas de totem, et pour l'instant, il est trop tôt pour le dire, dans la mesure où les consultations s'ouvrent, le ministre du Travail, et d'ailleurs, la Première ministre, Élisabeth BORNE est personnellement impliquée sur ce chantier. Tous les deux, Élisabeth BORNE, Olivier DUSSOPT, ils sont très attachés à avoir une méthode vraiment de consultations, de discussions, je sais à quel point ils ont reçu à la fois les présidents de groupes parlementaires des oppositions, mais aussi les partenaires sociaux, ils continuent à dialoguer, et nous verrons ensuite ce que nous mettons sur la table comme propositions, mais trouver du consensus, ça me semble être absolument nécessaire.

ORIANE MANCINI
Sur le budget, Fabrice.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Une semaine difficile s'annonce, est-ce que le 49.3 est évitable, est-ce que vous n'allez pas devoir passer en force, quand on écoute Aurore BERGE ce week-end, sur les plateaux de télévision, on a l'impression que ce n'est pas évitable ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Eh bien, écoutez, moi, je dirais que le jeu et la prochaine action est entre les mains de l'opposition, nous avons en face de nous des oppositions qui nous disent ouvertement qu'elles ne souhaitent pas être constructives, et qu'elles souhaitent voter contre le budget quoi qu'il se passe et quelles que soient les mesures qui sont dans le projet de loi. Donc nous verrons, je sais que le ministre du Budget, Gabriel ATTAL, ministre des Compte publics, là aussi, dialogue, travaille sans cesse pour faire en sorte de convaincre des parlementaires de voter ce budget, qui est un bon budget, qui est un budget équilibré, qui a été travaillé avec beaucoup de sérieux, nous verrons ce qu'il en est, mais c'est vrai que si les oppositions nous disent d'emblée : écoutez, nous, les débats ne nous intéressent pas, quoi qu'il en soit, on sait qu'on votera contre, la question se pose.

ORIANE MANCINI
Et la question se pose du timing aussi, est-ce qu'il faut le déclencher tout de suite, ce 49.3, les débats débutent cet après-midi, ou est-ce qu'il faut attendre plusieurs jours pour voir s'il peut y avoir des compromis, sachant qu'effectivement, les oppositions ont déjà dit qu'elles votaient contre ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Écoutez, nous verrons, je ne veux pas parler à la place du ministre des Comptes publics, il y a un débat parlementaire, je suis très attachée à la séparation des pouvoirs, et donc, je ne veux pas, moi, en tant que membre du pouvoir exécutif, dire au pouvoir législatif ce qu'il aura à faire au cours des débats, moi, je pense qu'il y a des éléments de ce budget qui sont extrêmement intéressants, qui reflètent les grandes priorités du président de la République, sur l'accès au plein emploi, sur la protection des plus fragiles, sur aussi certains budgets, dans lesquels il y a des économies, pour avoir un équilibre budgétaire, importantes, mais raisonnables, je trouve que c'est un bon budget, voilà, le ministre des Comptes publics a mené un travail important avec la Première ministre. Et donc je pense qu'il faut donner sa chance à ce budget au moment du débat.

ORIANE MANCINI
Il y a des discussions, des débats au sein de votre majorité pour savoir que faire face aux amendements du Rassemblement national, 89 députés, il y aura forcément des amendements, est-ce que pour vous, il faut les rejeter, parce qu'ils viennent du Rassemblement national, et il n'est pas question d'examiner les amendements du RN, ou est-ce qu'il faut les regarder, et s'ils sont bons, eh bien, il faut les voter ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Non, mais là encore, ça appartient aux parlementaires de se prononcer, je sais qu'il n'y a rien qu'un parlementaire déteste le plus qu'un membre du gouvernement qui vient lui dire ce qu'il doit voter, de surcroît sur un champ qui n'est pas dans son ministère, moi, je veux regarder, d'ailleurs, et j'appelle chacun à regarder la piètre qualité des amendements proposés de tout temps par le Rassemblement national, dans les budgets que j'ai eu à défendre, par exemple, sur le budget de l'égalité femmes/hommes à l'époque, le seul amendement qui était proposé par le groupe du Rassemblement national, c'était Emmanuelle MÉNARD, et c'était un amendement de suppression, leur seule proposition, c'était : supprimer le budget de l'égalité femmes/hommes, nous verrons, mais si tous les amendements ressemblent à ceux-là, il n'y aura pas beaucoup de débats pour savoir si on les vote ou pas.

ORIANE MANCINI
On va parler justement des questions de violences sexuelles et sexistes, vous présidez au sein de Renaissance, le parti de la majorité présidentielle, la cellule d'écoute, Édouard PHILIPPE dit qu'à Horizons, il n'y aura pas de cellule, parce que ce n'est pas aux partis de gérer ça, mais à la justice. N'a-t-il pas raison ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Alors nous, ce n'est pas une cellule d'écoute, c'est-à-dire que, nous, on ne fait pas quelque chose comme ce qu'ont fait les partis d'extrême gauche ou de la Nupes, puisque, ce qui a été fait, et l'image du coup que chacun se fait d'une cellule d'écoute, c'est une cellule qui étouffe la parole des victimes ou qui fait des procès staliniens, puisque ce sont les exemples que nous avons eus dans les partis de la Nupes. Nous, nous créons une structure, et vous avez bien rappelé son nom de prévention, Écoute Action, donc, d'abord, la prévention, c'est que nous, nous allons faire de la formation, tous nos cadres, sans exception, seront formés par un groupe d'experts, avec des avocats, des psychologues, des juristes, des formateurs et des formatrices, face aux violences sexistes et sexuelles, des campagnes de communication sur ce sujet, à l'image d'ailleurs de ce qui a été lancé par ma collègue Sylvie RETAILLEAU, dans l'Enseignement supérieur à partir d'aujourd'hui. Ensuite, il y a effectivement l'écoute, mais nous, nous ne nous prenons pas pour la justice, nous voulons orienter, orienter vers des psychologues, orienter vers des associations, et surtout, orienter vers la plainte, moi les 5 ans pendant lesquels j'ai travaillé, et 2 ans au ministère de l'Intérieur, tout mon travail, ça a été de dire : il faut restaurer la confiance entre les femmes victimes de ces violences et l'accès à la justice, c'est ce que nous ferons.

ORIANE MANCINI
Mais juste, pour qu'on soit clair, ça veut dire que si vous avez des témoignages contre des membres de Renaissance, vous ne prendrez pas de décision, comme ce qui s'est passé dans les partis de gauche, vous ne direz pas : il y a une mise en retrait d'untel, il y a une démission d'untel, vous orienterez systématiquement vers la justice ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Alors, il y a les deux en fait, et d'ailleurs, le droit est très clair sur ce sujet, dans une entreprise, quand vous avez quelqu'un qui est mis en cause par exemple pour, je vais dire, par exemple pour des faits de harcèlement sexuel contre une collègue, eh bien, il y a à la fois une décision de justice, et il y a également une sanction, mais l'un n'est pas exclusif de l'autre, moi, je ne peux pas entendre qu'on me dise aujourd'hui : nous ne transmettons pas tel dossier envers la justice, parce que le parti s'est réuni, et nous avons décidé que telle personne, soit, était coupable et devait partir, soit était innocente, et donc avait le droit de rester, et la justice : circulez, il n'y a rien à voir. Nous, en revanche, nous sommes organisés avec une commission des conflits, donc la structure que je préside, Prévention Écoute Action, elle transmettra les dossiers le cas échéant à la commission des conflits, qui pourra se prononcer pour des sanctions, c'est au demeurant ce que nous avons déjà fait, je pense par exemple au député SIMIAN, qui a été condamné pour violences conjugales, il a été exclu par la commission des conflits de notre…

ORIANE MANCINI
Mais après condamnation, vous savez que la justice, elle prend plus de temps que le temps politique…

MARLÈNE SCHIAPPA
C'est tout le problème…

ORIANE MANCINI
Est-ce que ça veut dire que vous aussi, vous prendrez des décisions de mise en retrait avant des décisions de justice ?

MARLÈNE SCHIAPPA
C'est tout le problème, en fait, si vous voulez, si la justice…

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Ce que dénonce d'ailleurs votre ministre de la Justice…

MARLÈNE SCHIAPPA
Si la justice se rendait en 4 semaines, eh bien, aucun parti politique n'aurait besoin de se réunir, on se dirait : il y a une décision de justice, et nous nous y fions. Moi, je suis tout à fait en phase avec ce qu'a dit le ministre de la Justice, que la justice se rend devant les tribunaux, je ne me prends pas pour un procureur, et nous n'allons pas singer la justice, nous n'allons pas faire une parodie de justice dans cette structure, nous allons travailler, je le disais, sur la prévention, et puis, ensuite, sur l'écoute, et sur l'action, sur l'accompagnement. La plainte existe, la justice existe, des sanctions pourront être prises, elles le seront par la commission des conflits. Ce soir, au bureau exécutif de Renaissance, je présenterai une feuille de route, nous aurons des discussions et peut-être nous amenderons cette feuille de route en fonction de ce que nous disent les membres du bureau…

ORIANE MANCINI
Mais quelle sera cette feuille de route, vous partez sur quoi, sur quelle feuille de route ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Alors, justement, sur ces trois grands piliers, d'abord, cette formation qui me paraît essentielle, nous allons renouveler nos cadres, puisque nous avons renouvelé notre statut, nous avons, avec Stéphane SÉJOURNÉ, un nouveau secrétaire général, et donc, avec Stéphane SÉJOURNÉ, il nous a semblé fondamental de faire cette formation, tous les référents, tous les animateurs de comités, tous les cadres seront formés pour savoir comment réagir, parce qu'il n'y a rien de pire, on dit : la parole se libère, la parole se libère, il n'y a rien de pire que quelqu'un qui vient vous raconter quelque chose et qu'il ne se passe strictement rien. Donc nous, nous voulons aussi informer, accompagner dans l'accès aux droits, accompagner pour que chacune puisse se reconstruire, ça fait des mois que j'ai écouté beaucoup de femmes qui ont été victimes de ce type de violences en politique, pour savoir ce qu'elles attendaient, et quelles structures nous pouvons construire, mais aussi des avocates, nous avons la chance d'avoir beaucoup d'avocates très engagées dans Renaissance sur ces sujets, et donc, j'ai travaillé avec elles pour être sûre que nous soyons bien évidemment dans les clous d'un point de vue juridique.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Vous citez à plusieurs reprises vos adversaires de la Nupes, vous pensez qu'ils sont allés trop loin, vous pensez que le piège s'est refermé sur eux ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Mais moi, j'ai surtout été profondément choquée des propos de Jean-Luc MÉLENCHON, encore ce dimanche…

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Oui, qui appelle, qui invite Adrien QUATENNENS à revenir à l'Assemblée.

MARLÈNE SCHIAPPA
Mais qui dit surtout, monsieur QUATENNENS est victime de gifles politiques…

ORIANE MANCINI
Une sorte de répétition de gifles politiques, qui lui sont données matin et soir dans les médias…

MARLÈNE SCHIAPPA
Mais franchement, mais aujourd'hui, une femme qui est victime de violences conjugales et qui est membre de La France Insoumise, qu'est-ce qu'elle doit penser quand elle entend ça, qu'est-ce qu'elle pense en voyant la personne pour qui elle a voté aux élections présidentielles lui dire qu'en fait, c'est l'homme auteur de violences, c'est très difficile pour lui qu'on révèle ces faits, qu'est-ce qu'elle entend, elle entend : taisez-vous, elle entend qu'on n'a pas envie d'écouter les femmes, alors, moi, je trouve que LFI s'enfonce dans l'antiféminisme, le tweet de Jean-Luc MÉLENCHON, le premier, on pouvait éventuellement considérer que ça pouvait être de la maladresse ou qu'il ne maîtrisait pas bien le vocabulaire féministe ou qu'il l'avait fait dans l'impulsion, guidé par autre chose, mais là, il réitère, je veux dire, nous, on ne parle plus de l'affaire Quatennens…

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Adrien QUATENNENS ne doit pas revenir à l'Assemblée selon vous ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Ce n'est pas mon propos, mon propos…

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
C'est celui de Jean-Luc MÉLENCHON…

MARLÈNE SCHIAPPA
Moi, mon propos, c'est de dire qu'il y a une justice, d'ailleurs, quand les faits ont été révélés, je ne me suis pas exprimée, parce que j'ai considéré que la justice se rend devant les tribunaux, je me suis exprimée à partir du moment monsieur BOMPARD, parlementaire LFI, a dit que c'était juste une gifle et du harcèlement téléphonique et d'autres affaires, et que donc, ça n'était pas si grave…

ORIANE MANCINI
C'est ce qu'a redit un peu Jean-Luc MELENCHON hier, il dit : c'était une gifle, il n'y a pas eu de violence depuis un an, c'était, il y a un an…

MARLÈNE SCHIAPPA
Mais c'est honteux, c'est honteux de dire ça, et je vais vous dire, moi, j'ai de la peine pour les femmes victimes de violences conjugales quand j'entends ça, il fait reculer la cause, je ne suis pas sûre qu'il rende service à Adrien QUATENNENS d'ailleurs en s'exprimant sans cesse de cette manière, et je pense que c'est triste aussi pour les féministes qui sont engagées sincèrement dans la Nupes, moi, je sais ce que c'est que, être féministe et s'engager dans un parti politique et vouloir que son parti porte des mesures, il y a des féministes qui sont sincères et qui sont engagées, elles entendent Jean-Luc MELENCHON, et elles voient circuler ce projet de texte sur les réseaux sociaux, qui condamne le féminisme en tant que tel, LFI aujourd'hui est un parti antiféministe.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Mais il doit revenir ou pas, à sa place, vous reviendriez à l'Assemblée ou pas, à la place d'Adrien QUATENNENS ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Moi, je ne peux pas me mettre à la place d'un homme victime de violences conjugales, si vous voulez, toute ma vie, ça a été de défendre les femmes face à ces faits et d'alerter, quand j'ai parlé de féminicide la première fois, on me disait que ce mot n'existait pas, aujourd'hui, tout le monde l'utilise. Avec le Grenelle des violences conjugales, on a fait cette avancée de considérer que, oui, frapper sa femme, c'est grave, et non, ce n'est pas une affaire personnelle, eh bien, là, on est en train de faire un recul de 5 ans, on revient 5 ans en arrière, à une époque où il n'y avait pas de consensus pour dire que frapper sa femme, c'était grave.

ORIANE MANCINI
On va parler d'un autre sujet, vous avez dit cette semaine dans un entretien au Point, à propos du combat des Iraniennes, et à propos aussi de l'attitude de certains membres de la Nupes, je cite : ces combats exigent un peu de cohérence, on ne peut pas dire le lundi que le voile est un embellissement de la femme, et le mardi, que c'est un signe d'oppression, qui visez-vous avec ces propos ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Eh bien, je répondais à une question, donc je répondais à la question qui était très claire. Moi, ce que j'observe…

ORIANE MANCINI
Non, mais là, vous visez certains membres de la Nupes notamment…

MARLÈNE SCHIAPPA
Eh bien, la question qui m'était posée, c'était comprenez-vous que Sandrine ROUSSEAU ait été huée à la manifestation, et donc, c'est ma réponse, ma réponse, c'est qu'on ne peut pas dire le lundi, le voile, c'est un embellissement de la femme, et le mardi, se prétendre porte-parole des femmes qui veulent enlever leur voile…

ORIANE MANCINI
Il y a un double jeu de la part de certains membres de la Nupes, de Sandrine ROUSSEAU, puisque c'est elle que vous visez ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Il y a une énorme hypocrisie, je ne vise pas Sandrine ROUSSEAU particulièrement, mais c'est la question qui m'était posée, mais il y a une énorme hypocrisie de la part de beaucoup de responsables politiques, revenons un an en arrière, au moment des débats sur le projet de loi pour conforter les principes républicains, quand je dis que c'est important de ne pas donner un euro d'argent public aux ennemis de la République, quand je dis qu'il y a de l'entrisme islamiste, quand je dis que l'islamisme opprime en premier lieu les femmes, et s'en prend toujours aux droits des femmes, eh bien, certains de ces mêmes partis politiques me disent : oh, là, là, ça va trop loin, l'islamisme, ce n'est pas si dangereux, il y a un discours relativiste et est extrêmement ambigu, reprenons les votes de ces groupe, EELV, par exemple, au Sénat, a quasiment systématiquement refusé de voter les propositions que nous avons faites pour améliorer la lutte contre l'islamisme radical, dit radical. Et donc aujourd'hui, effectivement, qu'elle se mette en égérie des femmes qui meurent pour avoir le droit de sortir les cheveux au vent, je comprends que les manifestants…

ORIANE MANCINI
Donc clairement elle fait du tort à la cause des femmes selon vous avec ses propos.

MARLÈNE SCHIAPPA
Ce n'est pas une question de tort, c'est une question de manque de cohérence. Pour moi on est complètement dans autre chose, on est dans de l'opportunisme politique et dans de la volonté de récupérer des mouvements et d'ailleurs le peuple iranien ne veut pas que son mouvement soit récupéré par des responsables politiques à qui il n'a pas demandé d'ailleurs de porter sa voix.

ORIANE MANCINI
La France en fait assez pour aider les femmes iraniennes ou pour vous il faut en faire plus ?

MARLÈNE SCHIAPPA
je pense que c'est un sujet très difficile et bien sûr la France condamne toutes les violences bien évidemment, d'ailleurs la ministre Catherine COLONNA l'a dit à plusieurs reprises, ma collègue Laurence BOONE du Quai d'Orsay également a publié une tribune pour rappeler l'engagement de la France, mais l'Europe doit maintenant aller plus loin sur ce sujet face à l'Iran, c'est le projet qui est conduit par Catherine COLONNA d'unir l'Europe pour qu'elle parle d'une voix face à l'Iran et qu'on soit très clair, le courage incroyable des femmes iraniennes, de ces étudiants aussi que l'on a vu, de ces jeunes filles, nous oblige, la situation en Iran ça fait des années maintenant que beaucoup de personnalités alertent sur le fait que depuis 1979 les Iraniens ne combattent pas une dictature abstraite, ils combattent une dictature islamiste, des artistes ont pris la parole, Marjane SATRAPI, je pense à l'humoriste KHEIRON qui a fait un film sur ce sujet s'appelle "Nous trois ou rien" et d'autres tentent d'alerter l'opinion publique. Eh bien aujourd'hui avec cette amorce de révolution, je crois que maintenant on doit ouvrir les yeux sur ce qui se passe en Iran oui.

ORIANE MANCINI
On a parlé d'un autre sujet dont vous vous occupez, c'est la question du bien vieillir. Cet après-midi vous allez faire un déplacement dans le 7e arrondissement de Paris avec le ministre des Solidarités Jean-Christophe COMBE auprès de l'association Abrapa, comment le gouvernement peut accompagner les familles et soutenir les services à domicile ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Écoutez, c'est vraiment un enjeu fort pour nous d'accompagner ce bien vieillir et de faire en sorte que dans cette partie de sa vie, chacun soit respecté. Les récents débats, vais-je dire ont ouvert aussi les yeux de toute la société sur la manière dont les personnes plus âgées pouvaient être traitées parfois dans les EHPAD et d'une manière absolument insupportable. Nous parlions du budget tout à l'heure, dans le budget il y a justement sur cette question de la solidarité des avancées importantes. Je veux vous dire nous créons 4000 places supplémentaires dans les services de soins infirmiers, nous finançons 2 heures de vie sociale en plus pour que les personnes qui sont dans ce type d'établissement soient correctement prises en charge. Et donc nous allons avec mon collègue le ministre COMBE auprès de l'association Abrapa qui prend en charge justement ces personnes âgées, qui a un modèle associatif en tant que ministre chargée de la Vie associative, je vais les saluer, c'est un modèle non lucratif et qui s'organise pour que cette fin de vie soit la plus douce possible.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Avec des dispositifs différenciés selon les milieux, milieu rural, milieu urbain ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Oui bien sûr, je crois que c'est fondamental de s'adapter aux spécificités de chaque territoire et donc évidemment, oui ce n'est pas la même chose selon qu'on soit à Paris ou qu'on soit en Sarthe dans une zone rurale ou en Corse. d'abord parce qu'il y a aussi des usages différents en fonction des régions, il y a des régions dans lesquelles traditionnellement on garde les plus anciens à la maison, en tout cas plus majoritairement et puis à d'autres régions dans lesquelles on a besoin d'avoir un accompagnement plus fort quand la famille pour des raisons, pas par choix mais parfois pour des raisons de travail a été éclatée géographiquement et qu'on a besoin d'avoir cet accompagnement. Quand vous avez des personnes qui n'ont jamais de visites de leur famille, oui l'accompagnement social il est encore plus important.

ORIANE MANCINI
Ça pose la question du grand âge évidemment de la dépendance, il y avait une loi qui avait été promise dans le quinquennat précédent qui n'a jamais vu le jour, est-ce que là vous dites il faut s'attaquer à ce sujet, il faut une grande loi enfants sur le grand âge et la dépendance ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Oui mais je sais que mon collègue y travaille, c'est vrai que Brigitte BOURGUIGNON que je salue avait mené un travail important quand elle était parlementaire puis ministre pour porter justement ce sujet et pour faire en sorte qu'il y ait une grande loi sur la question de l'autonomie et du grand âge, c'est fondamental. Je veux dire la pyramide des âges aujourd'hui et l'évolution démographique et sociologique de notre pays nous oblige à nous pencher sur cette question et à y apporter des réponses. Et c'est ce que nous faisons.

ORIANE MANCINI
Il ne va pas falloir reculer dans ce quinquennat comme ça a été le cas dans le quinquennat précédent.

MARLÈNE SCHIAPPA
Ce n'est pas une question de recul, il y a une question aussi de calendrier parlementaire. C'est vrai quand on fait la liste de tous que nous avons envie de porter au niveau du Parlement, c'est très encombré si je peux me permettre cette expression, donc oui il y aura une question d'arbitrage et de choix bien sûr de calendrier.

ORIANE MANCINI
Un mot sur Octobre Rose puisque c'est le mois d'Octobre Rose, la lutte contre le cancer, cancer du sein notamment, vous étiez vendredi à Orléans pour soutenir l'association les bonnes fées, c'est l'association des Miss France qui inaugurait sa maison itinérante qui propose des soins esthétiques aux femmes justement qui luttent contre le cancer du sein. Que peut faire le gouvernement pour aider, pour aider dans cette lutte, pour aider ces associations ?

MARLÈNE SCHIAPPA
On fait beaucoup, d'ailleurs c'est en tant que ministre chargée de la Vie associative que j'ai été à l'invitation de Sylvie TELLIER, donc de Miss France, qui a créé cette association, Les Bonnes Fées, d'abord, en soutien à ces associations, j'observe que quand on est malade du cancer, et j'étais par exemple à la Ligue contre le cancer des Bouches-du-Rhône, il y a quelques semaines avec Renaud MUSELIER, pour visiter justement cette maison consacrée au bien-être, il y a à la fois les soins médicaux, et donc qui passent par les centres hospitaliers et les centres de cancérologie, etc, et puis, il y a le paramédical, et là, cette association, Les Bonnes Fées, ce qu'elle fait, c'est qu'elle redonne un peu confiance en elles, quand on a un cancer du sein, c'est vrai que notre apparence change, les cheveux peuvent tomber, la peau peut être douloureuse, parfois, il y a une mastectomie, donc on perd un sein, on a une apparence qui change en plus bien sûr de tout l'aspect médical, et Les Bonnes Fées, avec Miss France, eh bien, elles redonnent un petit confiance à ces femmes qui avaient toutes le sourire, qui se regardaient dans la glace en étant heureuses d'être, voilà, dans cette petite bulle et ce petit cocon de bien-être avec les Miss France. Je veux saluer les bénévoles qui s'engagent en la matière, puisque, que ce soit Les Bonnes Fées, la Ligue contre le cancer et d'autres associations, ce sont beaucoup des bénévoles, Sylvie TELLIER, par exemple, elle est engagée à titre bénévole, elle sillonne la France à titre bénévole, et c'est absolument formidable, puisque c'est ça qui donne ce réconfort à ces femmes.

ORIANE MANCINI
Et une dernière question, Fabrice.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Après un sujet aussi grave que celui qu'on vient d'entendre, et joyeux en même temps, j'ai un peu du mal à vous poser une question politique, mais quand même, François BAYROU s'est dit prêt à se présenter en 2027, la campagne est déjà lancée ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Alors, j'ai vu qu'il avait rectifié ensuite ses propos, il a dit que ce n'était pas du tout ce qu'il avait dit…

ORIANE MANCINI
Qu'il faut être zozo pour parler de 2027, il dit…

MARLÈNE SCHIAPPA
... Il a démenti en tout cas, il a dit qu'il ne l'avait pas dit, donc…

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Et la campagne n'est pas lancée donc ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Ah, non, vous savez, on est au tout début du quinquennat, non, non, bien sûr…

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Avec l'assurance que ce ne sera pas le président sortant qui sera renouvelé, donc forcément, ça crée des…

MARLÈNE SCHIAPPA
Eh bien écoutez, a priori, la Constitution étant ce qu'elle est, a priori, non, mais on n'est jamais…

FABRICE VEYSSEYRE-REDON
D'accord.

ORIANE MANCINI
Merci Marlène SCHIAPPA, merci beaucoup d'avoir été notre invitée ce matin.

MARLÈNE SCHIAPPA
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 octobre 2022