Texte intégral
Mme la présidente.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (nos 272, 282), après engagement de la procédure accélérée, et du projet de loi de finances pour 2023 (nos 273, 292).
La conférence des présidents a décidé que ces textes donneraient lieu à une discussion générale commune.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Je suis heureux de vous retrouver, mesdames et messieurs les députés,…
M. Hendrik Davi.
Et nous donc !
M. Bruno Le Maire, ministre.
…pour mon sixième projet de loi de finances (PLF) consécutif.
M. Hendrik Davi.
Le dernier !
M. Bruno Le Maire, ministre.
Je n'aurais manqué pour rien au monde ce rendez-vous démocratique. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.) Car c'est bien d'un rendez-vous démocratique majeur qu'il s'agit. Il n'y a pas de bataille du budget ; il y a un débat sur le budget. Il n'y a pas une bataille rangée entre groupes parlementaires ; il y a un échange de convictions qui doit servir à tracer la meilleure voie possible pour les finances publiques de la France.
Ce débat, je souhaite qu'il soit à la hauteur des inquiétudes profondes de nos compatriotes dans cette période d'inflation ; à la hauteur des interrogations des entrepreneurs qui sont confrontés à la flambée des prix de l'énergie ; et à la hauteur, surtout, des capacités immenses de la nation française, qui a encore montré, en 2022, sa capacité de résistance et son aptitude à produire de la croissance et des emplois, dans des circonstances difficiles.
Notre débat va commencer par l'examen de la loi de programmation des finances publiques. Il s'agit d'un texte essentiel, et je trouverais regrettable qu'il soit traité à la légère. Il est essentiel parce qu'il explique à nos compatriotes comment nous comptons rétablir nos finances publiques, à quel rythme, avec quels instruments. Il est essentiel aussi parce qu'il garantit à nos partenaires européens le respect de nos engagements – je rappelle que la zone euro et nos partenaires européens nous ont protégés pendant la crise du covid.
Ce projet de loi de programmation des finances publiques est ambitieux. Il propose de revenir sous les 3 % de déficit public en 2027, et de réduire notre endettement à partir de 2026. ("Bravo !" sur les bancs du groupe RE.) Certains estiment qu'un retour sous les 3 % en 2027 n'est pas suffisamment ambitieux. Pour ma part, dans une situation économique profondément incertaine, je préfère des objectifs réalistes et responsables plutôt que des postures politiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)
M. Sylvain Maillard.
Bravo ! Très courageux !
M. Bruno Le Maire, ministre.
Je propose donc à tous ceux qui sont attachés à la bonne tenue des finances publiques, plutôt que de discourir de nouveaux objectifs, de nous rassembler pour tenir ceux-là, ce qui suppose déjà de contenir le déficit à 5 % du PIB en 2023, ensuite d'engager la réduction de la dette mais aussi de tenir bon pour éviter la multiplication des dépenses publiques, et enfin de voter cette loi de programmation. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)
Je comprends parfaitement que les groupes parlementaires qui sont indifférents au niveau de la dette publique ne votent pas cette loi ; je reconnais à leur position une certaine cohérence.
M. Sylvain Maillard.
C'est vrai !
M. Bruno Le Maire, ministre.
Je suis plus surpris, en revanche, de l'incohérence des parlementaires qui se disent attachés à la réduction des déficits mais qui refusent de voter un texte allant dans cette direction. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Je les appelle donc à rester fidèles à leurs convictions, plutôt que de faire bloc avec la NUPES ou le Rassemblement national. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)
Chacun en a conscience ici, au moment où nous examinons ce projet de budget pour 2023 : le retour de l'inflation déstabilise profondément notre économie, mais aussi celles de tous nos partenaires européens et jusqu'à l'ordre économique mondial. Un budget est un choix, un choix politique qui sera discuté – je l'espère – longuement, intensément et sereinement cette semaine.
Mme Raquel Garrido.
Jusqu'au 49.3 !
M. Bruno Le Maire, ministre.
Dans ce contexte, notre priorité est de protéger nos compatriotes contre une inflation qui sème le trouble et l'inquiétude, alors qu'ils sont confrontés non seulement à la flambée des prix de l'énergie mais aussi, désormais, à celle des prix alimentaires. Nous voulons surtout protéger nos compatriotes les plus modestes, qui font face à cet impôt inéluctable que représente la flambée des prix de l'énergie comme de ceux de l'alimentation.
En octobre 2021, j'estime que nous avons pris, avec la majorité, l'une des décisions les plus importantes du précédent quinquennat, en instaurant un bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité et du gaz. Les premiers en Europe, nous avons décidé de geler les prix du gaz et de plafonner ceux de l'électricité. Les premiers en Europe, nous avons anticipé cette flambée des prix qui amène aujourd'hui certains gouvernements européens à prendre des dispositions immédiates et massives pour faire refluer l'inflation. Je voudrais donc profiter de notre débat pour rendre hommage au Premier ministre Jean Castex et au Président de la République Emmanuel Macron (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR) ,…
M. Alexis Corbière.
Et à leur excellent ministre des finances !
M. Bruno Le Maire, ministre.
…qui ont été les premiers en Europe à faire ce choix, pour le résultat que vous connaissez : la France a le taux d'inflation le plus faible de la zone euro. (Mêmes mouvements.) En 2023, nous maintiendrons ce bouclier tarifaire, au nom de la protection que Gabriel Attal et moi-même voulons apporter à nos compatriotes. Il coûtera 46 milliards d'euros, dont une large partie sera financée par un prélèvement sur les rentes des producteurs d'énergie. Au total, en 2021, 2022 et 2023, nous aurons dépensé 100 milliards d'euros pour protéger nos compatriotes contre la flambée des prix et contre le retour de l'inflation.
Notre deuxième priorité, après la protection de nos compatriotes, c'est la protection de notre industrie. Je veux le dire sans détour : notre industrie est directement menacée par la flambée des prix de l'énergie. Vous le voyez dans vos circonscriptions, certaines entreprises industrielles ont commencé à réduire leur production de biens manufacturés. D'autres veulent la réduire encore davantage, et certaines sont tentées de délocaliser leurs activités vers des pays où l'énergie est moins chère, comme le Canada ou les États-Unis.
Je veux le dire avec force : il n'est pas question que nous laissions en difficulté des sites industriels que nous avons su protéger durant la crise du covid. Je veux dire avec force que nous ne laisserons tomber aucune PME industrielle, aucun secteur industriel, aucun grand groupe industriel face à la flambée des prix de l'énergie. (Mêmes mouvements.) Depuis 2017, nous avons amorcé la reconquête industrielle en France grâce à une politique de l'offre qu'aucun autre gouvernement avant nous, aucune autre majorité avant la vôtre, n'avait eu le courage de mener. Nous ne laisserons pas la crise inflationniste remettre en cause cinq années d'efforts des salariés, des ingénieurs, des chefs d'entreprise, des formateurs de CFA – centres de formation d'apprentis –, des apprentis, de tous ceux qui se sont retroussé les manches pour reconquérir des emplois industriels et pour ouvrir de nouvelles usines en France ; ils peuvent compter sur nous. (Mêmes mouvements.)
Il n'est pas question non plus que nous laissions le conflit en Ukraine se solder par une domination économique américaine et par un affaiblissement européen. Nous ne pouvons pas accepter que notre partenaire américain nous vende son GNL – gaz naturel liquéfié – quatre fois plus cher qu'à ses propres industriels. Un affaiblissement économique de l'Europe n'est dans l'intérêt de personne, et surtout pas de nos partenaires américains. Nous devons trouver des relations économiques plus équilibrées, en matière énergétique, entre nos alliés américains et le continent européen.
Pour répondre à de tels défis, nous allons, avec le Président de la République, continuer à nous battre sur plusieurs fronts. Nous avons d'abord, avec Agnès Pannier-Runacher, mobilisé les fournisseurs – vous avez suffisamment fait remonter les doléances des PME, confrontées à des factures insupportables qui ont flambé en quelques semaines, pour que nous prenions le problème à la racine. Ils ont signé une charte de bonne conduite avec leurs clients ; ils se sont engagés à faire à chacun d'eux une offre raisonnable, dans des délais raisonnables, à des conditions raisonnables ;…
Mme Christine Arrighi.
C'est quoi, raisonnable ?
M. Bruno Le Maire, ministre.
…nous veillerons au strict respect de ces engagements.
Nous apporterons aussi des aides directes aux PME industrielles. Nous en avons demandé le doublement à la Commission européenne ; elles passeront de 2, 25 et 50 millions d'euros à 4, 50 et 100 millions. Elles seront disponibles le 1er novembre et feront l'objet d'une sélection sur des critères qui seront simplifiés et allégés, pour permettre au plus grand nombre des PME confrontées à la flambée des prix de l'énergie d'y avoir accès. Ces aides directes seront ciblées sur ceux qui en ont le plus besoin, afin d'éviter un saupoudrage qui serait sans efficacité.
Enfin – c'est le troisième levier que nous utiliserons –, nous poursuivrons, avec le Président de la République, nos négociations avec nos partenaires européens pour découpler le prix du gaz et celui de l'électricité. L'enjeu est stratégique : nous devons faire baisser les prix de l'électricité en subventionnant les centrales à gaz. Sinon, nous allons très vite nous retrouver face à un dilemme insoluble : soit fragiliser nos industries en les laissant face à des factures énergétiques exorbitantes ("C'est déjà fait !" sur les bancs du groupe SOC) , soit subventionner à tout-va les factures des industriels et de l'économie française. Cela se traduirait dans un cas par une perte de compétitivité et par la fermeture des usines, et dans l'autre par des difficultés pour nos finances publiques et par une fragmentation de la zone euro. Il n'y a donc qu'une seule voie pour parer à ces risques : découpler les prix du gaz de ceux de l'électricité, subventionner les centrales à gaz et garantir finalement un prix de l'électricité plus acceptable pour notre économie. (M. Laurent Croizier applaudit.)
Dans ce contexte, je tiens à redire à quel point il est essentiel de poursuivre notre politique de l'offre et la baisse des impôts de production engagée depuis cinq ans.
Mme Raquel Garrido.
Mais non !
M. Bruno Le Maire, ministre.
Gabriel Attal et moi-même proposons donc, dans le cadre de ce budget, de supprimer la CVAE – cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – en deux fois, en 2023 et en 2024. Pourquoi la CVAE ? Parce qu'une telle suppression bénéficiera en priorité aux PME industrielles,…
Mme Raquel Garrido.
Et après vous reprendrez ces 8 milliards d'euros aux retraités !
M. Bruno Le Maire, ministre.
…et parce qu'on ne peut pas d'un côté dire que l'on veut rouvrir des usines, réindustrialiser le pays, reconquérir l'industrie française, et de l'autre continuer à accepter des niveaux d'impôt cinq à six fois plus élevés que chez nos partenaires européens.
M. Sylvain Maillard.
Eh oui !
M. Bruno Le Maire, ministre.
Vous avez la force de la cohérence, mesdames et messieurs les députés de la majorité (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR) , et celle des résultats, car vous êtes la seule majorité, depuis vingt ans, à avoir recréé des emplois industriels dans notre pays et à avoir ouvert plus d'usines qu'elle n'en a fermé. Soyez-en fiers et tenez bon sur votre ligne de politique économique ! (Mêmes mouvements.)
La troisième priorité, enfin, c'est le rétablissement des finances publiques, et j'estime qu'il est parfaitement compatible avec cette volonté de protection que nous avons affichée, Gabriel Attal et moi-même. Le budget pour 2023 doit permettre d'atteindre les objectifs que j'ai rappelés au début de mon intervention : engager la baisse de la dette publique à partir de 2026, et revenir sous les 3 % de déficit public en 2027.
Je constate que les oppositions, tous groupes confondus, ont adopté en commission plus de 7 milliards d'euros de dépenses supplémentaires.
M. Matthias Tavel.
Ça fait moins que la CVAE !
M. Bruno Le Maire, ministre.
Je connais des manières plus efficaces de rétablir nos finances publiques. La nôtre, quoi qu'il en soit, sera claire : contenir à 0,6 % par an la hausse des dépenses en volume sur la durée du quinquennat.
M. Matthias Tavel.
Ce n'est pas vous qui décidez, c'est le Parlement !
M. Bruno Le Maire, ministre.
C'est l'objectif le plus ambitieux qui ait été fixé en matière de finances et de dépenses publiques depuis deux décennies ; c'est responsable, c'est raisonnable et, comme je viens de le démontrer, c'est parfaitement compatible avec la protection de nos compatriotes et de nos industries face à l'inflation.
Je propose enfin des lignes de conduite en ce qui concerne la méthode, au début de ce débat qui va nous emmener, je l'espère, le plus loin possible dans des échanges à propos du modèle économique et du modèle de finances publiques que nous souhaitons pour notre pays.
Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES.
Avant le 49.3 !
M. Bruno Le Maire, ministre.
D'abord, dialoguons. C'est la seule façon d'améliorer ce projet de budget pour 2023, par définition perfectible, qui doit être enrichi par les parlementaires.
Deuxième proposition de méthode : concentrons-nous sur les sujets qui préoccupent les Français. Au cours des prochaines semaines, nous devrons faire des choix déterminants pour la vie de nos compatriotes. Nous sommes confrontés à des défis majeurs en matière d'industrie, d'emploi, de changement climatique et de choix énergétiques. Ce sont ces sujets, et uniquement ceux-ci, qui doivent retenir toute notre attention dans cet hémicycle. Pour ce qui me concerne, je suis très heureux de vous retrouver pour ces débats que j'aborde avec sérénité et patience. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs des groupes Dem et HOR.)
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics.
Nous sommes rassemblés, au sein de cet hémicycle, Gouvernement, majorité et oppositions, pour débattre d'un budget vital pour notre pays.
Il est vital car il doit nous permettre d'affronter l'année 2023, dans un contexte de bouleversements géopolitiques majeurs, de tensions inflationnistes et d'incertitudes macroéconomiques dans le monde entier. J'ai coutume de dire que l'on ne fait pas de politique avec une boule de cristal : personne ne peut savoir avec précision de quoi l'année 2023 et les suivantes seront faites. Mais si nous n'avons pas de boule de cristal, nous avons une boussole : la protection des Français.
Pendant la crise du covid-19 et depuis un an face à l'inflation, nous n'avons jamais dévié de ce cap. La France a été et reste le pays de la zone euro qui lutte le plus efficacement contre l'inflation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
M. Sylvain Maillard.
Eh oui !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Selon l'Insee, les mesures prises ont permis d'éviter plus de trois points d'inflation. Ce cap, dont nous n'avons pas dévié en 2022, nous n'en dévierons pas en 2023. Prolongation du bouclier tarifaire sur l'électricité et le gaz ; aide aux entreprises qui consomment beaucoup d'énergie ; soutien aux collectivités locales particulièrement frappées par l'inflation ; mesures en faveur du pouvoir d'achat : oui, ce texte est un rempart contre l'inflation et ses conséquences sur la vie quotidienne des Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
Vital, ce texte l'est aussi car il renforce profondément ce qui fait le cœur battant de notre pays : nos services publics. Oui, c'est un budget de services publics. Jamais notre pays n'a autant investi pour l'éducation nationale : 3,7 milliards d'euros en plus dès l'an prochain pour revaloriser les salaires de nos enseignants et recruter des milliers d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme Raquel Garrido.
Payés combien ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Jamais notre pays n'a autant investi dans la sécurité et la justice : 1,4 milliard d'euros de plus pour recruter 3 000 policiers et gendarmes supplémentaires dès l'an prochain (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE) ; hausse de 8 % du budget de la justice afin de recruter et mieux rémunérer des milliers de magistrats et de greffiers ; 3 milliards d'euros de plus pour soutenir nos forces armées, à un moment où la guerre est revenue au cœur de l'Europe – nous devons d'ailleurs poursuivre le réarmement.
M. Sylvain Maillard.
Eh oui !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Jamais notre pays n'a autant investi pour l'écologie et pour la transition : 1,5 milliard d'euros pour soutenir les projets verts des collectivités locales, 250 millions d'euros pour le vélo, 500 millions d'euros de plus pour MaPrimeRenov'. Oui, nous prenons nos responsabilités pour réaliser vraiment la transition écologique dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
Ce texte est vital car il poursuit notre trajectoire de réduction de la dépense publique. Il s'agit bien de la poursuite d'une trajectoire car, depuis 2020, le déficit n'a cessé d'être réduit : après être passé de 8,9 % en 2020 à 6,5 % en 2021, il sera de 5 % l'an prochain et reviendra sous les 3 % en 2027, comme nous nous y sommes engagés.
M. Thibault Bazin.
Vous allez avoir du travail !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
N'en déplaise à certains, la dépense publique baisse dans notre pays : la part de nos dépenses publiques rapportée à nos richesses diminue, passant de 57,6 % cette année à 56,6 % l'an prochain. La loi de programmation que nous vous présentons prévoit de ramener ce ratio à 53,8 % en 2027.
À ceux qui disent qu'il n'est pas nécessaire de maîtriser la dépense publique, je veux rappeler que la charge de la dette nous coûtera plus de 50 milliards d'euros l'an prochain. Si nous laissons notre pays tomber dans une spirale dépensière, la dette nous coûtera tellement cher que nous ne pourrons plus faire de choix.
Il y va de notre souveraineté et de notre responsabilité vis-à-vis des générations futures car, comme nos compatriotes le savent bien, un État qui dépense à tout va est condamné à taxer à tout prix. Nous le refusons pour les Français depuis cinq ans, et nous continuerons à le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme Marina Ferrari applaudit également.)
À ceux qui disent que nous n'allons pas assez vite dans le rétablissement des comptes, je conseille de se référer à l'issue de la crise de 2008 – certains d'entre vous étaient déjà sur ces bancs. Les coupes brutales et les hausses d'impôts de l'époque se sont transformées en chômage de masse et in fine en pertes de recettes pour l'État et en abandon de nos services publics. C'est cela, que nous sommes encore en train de réparer.
Protéger les Français face à la crise, renforcer nos services publics, maîtriser notre destin : rien de tout cela ne serait possible si nous laissions ce budget être rejeté par réflexe, par symbole ou par habitude.
M. Matthias Tavel.
Ou par choix !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Mesdames et messieurs les députés, j'ai pleinement conscience du poids des habitudes. Les lois de finances tout comme les lois de programmation des finances publiques n'ont jamais été des objets de consensus : la majorité a toujours voté pour et les oppositions contre, par la force des habitudes symboliques.
M. Matthias Tavel.
C'est la démocratie !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Mais en juin dernier, les Français nous ont précisément demandé de changer nos habitudes. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Ils nous ont demandé de nous parler et d'inventer de nouvelles méthodes. C'est ce que nous avons fait ces dernières semaines avec les dialogues de Bercy, en rassemblant des parlementaires de tous les bancs. Nous avons appelé la majorité, l'opposition, tous groupes de cet hémicycle à travailler ensemble au service de nos concitoyens. (Mêmes mouvements.)
M. Jocelyn Dessigny.
Refuser le vote de l'Assemblée et faire adopter des textes à deux heures du matin, c'est cela le respect des parlementaires ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
En plus d'une dizaine d'heures de réunion, tous les sujets ont été abordés. Je tiens à remercier sincèrement et chaleureusement tous les députés de tous les groupes de cet hémicycle qui ont participé aux dialogues de Bercy pour nous permettre d'enrichir ce texte.
M. Alexis Corbière.
Vous avez de l'humour !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Ce cadre de travail inédit a été utile.
Mme Raquel Garrido.
Alors, respectez la volonté de la majorité !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Il a été utile et il a renforcé l'une de mes convictions : dans un moment historique, le poids de la responsabilité peut et doit l'emporter sur celui des habitudes. Se montrer responsable, c'est regarder les choses en face.
Quelle autre option s'offre à nous ? Certains proposent d'ouvrir massivement les vannes de la dépense sans se préoccuper de l'équilibre de nos comptes. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Nicolas Sansu.
Ce n'est pas vrai !
Mme Raquel Garrido.
C'est vous qui supprimez la CVAE !
Mme Sophia Chikirou.
C'est vous qui donnez des milliards aux entreprises !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
D'autres veulent assécher la dépense sans jamais dire ni où, ni quoi, ni comment. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) Vous ne pouvez pas nous demander de vous suivre puisque vous n'allez pas dans la même direction que nous.
Mme Sophia Chikirou.
Vous allez à contresens !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Vous n'allez pas dans la bonne direction : rétablir nos comptes tout en protégeant les Français. Certes, il n'y a pas de majorité… (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur de nombreux bancs du groupe RN.) Il y a une majorité relative, mais il n'y a pas de majorité alternative ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
S'il existe bien une majorité relative dans cet hémicycle, il n'y a pas de majorité alternative qui se rassemblerait derrière une seule ligne politique. Il n'y en a pas ! (Mêmes mouvements.) Alors travaillons ensemble, mais faisons-le vraiment, sans faux-semblants, sans obstruction, sans dérapage, comme nous l'avons fait au cours des dernières semaines.
Mme Sophia Chikirou.
Sans 49.3 !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Notre discussion a d'ores et déjà permis d'enrichir le texte. Celui qui vient en discussion n'est pas celui que nous avions au début des dialogues de Bercy, il y a quelques semaines.
M. Thibault Bazin.
Vous mentez !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Nous avons retenu plusieurs propositions émises par différents groupes de cet hémicycle.
La dotation globale de fonctionnement (DGF) des collectivités locales a augmenté de 320 millions d'euros, alors qu'elle n'avait pas augmenté depuis treize ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme Marina Ferrari applaudit également.)
Nous renonçons également à l'actualisation des bases locatives dans les communes, suivant la demande de tous les groupes de cet hémicycle. Nous suspendons cette réforme qui aurait conduit à augmenter la fiscalité sur les commerces de centre-ville et à la baisser sur les hypermarchés en périphérie. Ce n'est pas la politique que nous voulons mener. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
Des dialogues de Bercy, nous avons retenu des mesures très concrètes visant à défendre la forêt, à inciter à la replantation, à sanctuariser les personnels de l'Office national des forêts (ONF),…
Mme Bénédicte Taurine.
Vous avez supprimé 1 000 postes !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
…et à continuer de soutenir les communes qui font face aux scolytes et aux difficultés forestières. (M. Rémy Rebeyrotte applaudit.)
Nous avons aussi retenu des propositions concernant l'écologie et la rénovation énergétique des logements. Nous accordons 500 millions d'euros de plus au renforcement du fonds de MaPrimeRenov'.
Voilà quelques sujets dont nous avons discuté au cours des dernières semaines.
Travaillons ensemble ! Quelque 3 500 amendements ont été déposés sur le projet de loi de finances, soit 70 % de plus que l'année dernière.
M. Thibault Bazin.
C'est l'inflation !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Si c'est pour débattre et enrichir le texte, tant mieux. Si c'est pour bloquer, créer l'embolie et ralentir, comme plusieurs centaines d'amendements identiques peuvent le laisser penser, on peut alors douter des intentions.
M. Benjamin Lucas.
Respectez le Parlement !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Nous ne pouvons accepter que le débat s'enlise (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES) et nous ne pouvons prendre le risque de laisser la France sans budget, à un moment où les menaces sont si nombreuses…
Mme Sophia Chikirou.
C'est vous qui les proférez, les menaces !
M. Alexis Corbière.
Vous menacez le Parlement !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
…où les urgences s'accumulent, où nous avons tant de défis à relever. Notre responsabilité est d'agir contre l'inflation et pour nos services publics.
Si ce budget n'était pas adopté, la facture d'électricité et de gaz des Français n'augmenteraient pas de 15 % mais de 120 % l'an prochain. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Si ce budget n'était pas adopté, l'impôt sur le revenu des Français augmenterait de 6,5 milliards d'euros l'an prochain, faute d'indexation du barème sur l'inflation. (Mêmes mouvements.) Si ce budget n'était pas adopté, il n'y aurait pas 3 000 recrutements de policiers et gendarmes supplémentaires l'an prochain, pas de revalorisation des salaires de nos enseignants, pas d'investissements supplémentaires en faveur de l'environnement dans notre pays.
M. Nicolas Sansu.
Ça va, les chevilles ?
Mme Raquel Garrido.
Les stations sont déjà fermées à cause de vous !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Si ce budget n'était pas adopté, l'apprentissage – formidable succès collectif de nos entreprises et de nos collectivités locales depuis plusieurs années – se verrait brisé dans son élan, alors que nous voulons qu'il y ait un million d'apprentis dans notre pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
M. Sylvain Maillard.
Eh oui !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Mesdames et messieurs, certaines choses peuvent changer, mais d'autres ne changent pas. Nous sommes évidemment dans une configuration politique nouvelle, mais le Gouvernement doit conduire la politique pour laquelle les Français ont voté.
M. Matthias Tavel.
Justement, ce n'est pas celle que vous proposez là !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Et quand il s'agit de doter la France d'un budget, notre majorité a une responsabilité absolue.
Mme Raquel Garrido.
Respectez la volonté générale !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Notre responsabilité collective est de construire des compromis, mais de refuser le blocage.
Mme Sophia Chikirou.
Allez-y, sortez le 49.3 tout de suite !
M. Gabriel Attal, ministre délégué.
Notre responsabilité collective est de donner à notre pays les moyens de ses ambitions, de ne pas offrir aux Français le spectacle de l'enlisement au moment où ils ont tant besoin que notre pays soit à la hauteur des enjeux. Soyons à la hauteur des enjeux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
source https://www.assemblee-nationale.fr, le 20 octobre 2022