Déclaration de M. Jean-François Carenco, ministre chargé des outre-mer, sur le budget 2023 consacré à l'Outre-mer, à l'Assemblée nationale le 28 octobre 2022.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Mme la présidente.
Les porte-parole des groupes s’étant exprimés, la parole est à M. le ministre délégué chargé des outre-mer.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer.
Je regrette que les députés n’habitant pas " l’archipel France et la Guyane " – comme on dit maintenant, monsieur Castor –, soient si peu présents. Je me réjouis, quelques mois après ma prise de fonction, de vous présenter ce budget en hausse. Celle-ci semble peut-être insuffisante à certains, mais il faut regarder la réalité en face : les crédits augmentent sensiblement et les missions sont tournées vers le quotidien de nos concitoyens ultramarins. Les budgets ne sont pas à même de résoudre tous les problèmes de ces territoires ; comme me le disent les présidents de collectivités, les maires et les parlementaires que je rencontre, c’est la volonté de travailler ensemble pour atteindre les mêmes objectifs qui le permet.
Je commencerai par un rappel général : le budget de l’État dédié à l’archipel France et à la Guyane est bien plus large que la seule mission Outre-mer que nous examinons. Au total, 32 missions et 101 programmes y concourent, correspondant à 20,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 21,7 milliards en crédits de paiement, soit une hausse de 500 millions par rapport à 2022. Aux parlementaires qui ont avancé que cela pouvait manquer d’ambition, je rappelle que les mêmes crédits s’établissaient à 13,7 milliards en 2012 et à 16,6 milliards en 2017. Pour débattre sereinement, nous devons regarder la vérité en face. (Mme Agnès Carel applaudit.)
Au-delà de la mission Outre-mer , plusieurs autres missions qui concourent à l’effort budgétaire et financier dans les territoires ultramarins dépassent le milliard d’euros : Enseignement scolaire , 6,1 milliards ; Relations avec les collectivités territoriales , 2,3 milliards ; Écologie, développement et mobilité durables , 2,3 milliards ; Solidarité, insertion et égalité des chances , 1,9 milliard ; Sécurités , 1,3 milliard.
S’agissant des finances locales, nous pouvons nous réjouir de l’achèvement en 2023 du rattrapage de la dotation d’aménagement des communes et circonscriptions territoriales d’outre-mer (Dacom), conformément à l’engagement du Président de la République. Depuis 2016, ce rattrapage s’élève à 150 millions. Les collectivités ultramarines profiteront aussi de la progression nationale de la dotation globale de fonctionnement (DGF) de 300 millions, qui augmentera la part forfaitaire de leur dotation. Du côté des investissements, la création du fonds vert, doté de 2 milliards, est une chance que nous saisirons ensemble, je l’espère.
Je ne peux pas non plus évoquer ce budget sans parler des aides déployées pour lutter contre la vie chère. Dans le paquet « pouvoir d’achat » que vous avez voté l’été dernier, 19 millions d’aide d’urgence ont été fléchés vers les outre-mer. Idéalement, il faudrait qu’il n’y en ait pas, parce qu’il n’est pas satisfaisant que certains n’aient pas d’autre solution que de dépendre des aides pour manger. Le ministre de l’intérieur et des outre-mer et moi-même avons lancé une démarche dite Oudinot du pouvoir d’achat ; elle aboutira le 21 novembre, avec la signature d’engagements dans chaque territoire et d’engagements nationaux avec les plus importants acteurs responsables des augmentations de prix.
Un mot sur l’octroi de mer, qui a augmenté de 11% et alimente les recettes des collectivités locales. Personne n’en parle ; il rentre tout seul ! La plupart des collectivités locales ont répondu favorablement à ma demande d’en transférer une partie dans l’Oudinot du pouvoir d’achat. Je salue cet engagement, inexistant auparavant. La refonte de l’octroi de mer est un chantier que le Président de la République a souhaité ouvrir lors de sa campagne. L’objectif est bien de transformer l’économie ultramarine, afin de la rendre créatrice de valeur ; ainsi, il ne me paraît pas normal qu’en Guadeloupe, 80% du poisson consommé soit importé.
Cette refonte sera un moyen de conforter les ressources des collectivités locales, dont l’octroi de mer constitue actuellement une ressource essentielle ; de maintenir et de mieux orienter la production locale, sans que cela se fasse au détriment des consommateurs les plus fragiles ; de protéger l’environnement. La refonte a déjà démarré – nous en avons beaucoup parlé avec les présidents de collectivités locales – et elle aboutira. Le Président de la République l’a confirmé lors de la réunion des élus ultramarins le 7 septembre dernier, en réponse à l’appel de Fort-de-France. Je vous invite à écouter et à regarder.
Avant de vous présenter plus précisément l’évolution de la mission Outre-mer , je souhaite dire un mot des débats sur la première partie du PLF. S’agissant des outre-mer, quatre amendements, issus de différents bancs, ont été retenus dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité : la prolongation des dispositifs de défiscalisation jusqu’en 2029 ; la prolongation pour un an de l’expérimentation du duty free aux Antilles ; l’exonération des frais d’inscription des actes de notoriété au livre foncier de Mayotte ; la prorogation du dispositif de défiscalisation pour la rénovation des logements libres – ce soir, nous parlerons beaucoup de logement, qui bénéficiera de moyens renforcés.
Je forme le vœu que nos discussions se poursuivent dans ce même esprit de dialogue constructif. Je souhaite insister sur la prolongation de la défiscalisation : c’est un geste fort, qui s’inscrit dans la lignée des engagements du Président de la République. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe GDR-NUPES.) La défiscalisation ne consiste pas toujours à payer moins d’impôts ; elle peut aussi consister à payer cash des investissements. Vous avez été nombreux à la demander, pour donner de la visibilité aux investisseurs outre-mer ; c’est désormais chose faite, reconnaissons-le. Cette visibilité étant acquise, il est important que nous fassions, avec Gabriel Attal, un travail d’évaluation sur le champ de l’investissement productif. Les efforts de défiscalisation doivent se tourner vers l’investissement productif. Les travaux seront menés avec les parlementaires intéressés ; il s’agit de s’assurer que ces dispositifs contribuent à la création de valeur.
Pour en revenir à la mission Outre-mer et à ses deux programmes, les moyens sont en hausse de 300 millions, soit 11 %. Si on neutralise les compensations des exonérations de cotisations sociales patronales, la hausse est de 8%. Ce sont les chiffres ! La priorité absolue de la mission Outre-mer consiste à répondre aux préoccupations du quotidien, en portant une attention particulière aux sujets environnementaux. Durant nos débats, nous reviendrons certainement sur le SMGEAG (syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe) et plus généralement sur l’eau en Guadeloupe. Ce n’est pas un problème de crédits, mais de feuille de route et de gouvernance. Nous signerons dans les prochains jours un document de gouvernance commune entre l’État, le président du SMGEAG, celui du conseil régional et celui du conseil départemental. Il nous a seulement fallu un mois et demi à deux mois pour que tout le monde se mette d’accord ; acceptez de le regarder ! Le problème n’est pas un manque d’argent, mais un manque d’organisation. Nous sommes parvenus à une bonne organisation, qui se traduira dans les faits d’ici à trois semaines, le temps de fixer une date de signature.
À Mayotte, j’ai signé une autorisation de débourser 411 millions pour l’eau potable ; et j’entends dire qu’il n’y a pas d’argent ? Il s’agit maintenant de déterminer le lieu d’implantation de la troisième bassine ; vous croyez que c’est au Gouvernement de prendre cette décision ? Il faut également lancer l’appel d’offres pour la construction de la deuxième usine de dessalement d’eau de mer ; vous croyez que c’est à moi de rédiger le cahier des charges ? J’y travaille pourtant avec le président du conseil départemental, M. Ousseni, auquel je rends hommage. Nous allons réussir à lancer ce projet ensemble, mais ce n’est pas un problème d’argent. Nous examinons un texte budgétaire, c’est vrai, mais il s’agit avant tout de travailler ensemble pour atteindre des objectifs. Les différentes réunions que nous avons tenues à ce sujet m’ont rendu confiant.
De la même manière, la lutte contre les sargasses n’est pas un problème d’argent. J’ai entendu des inexactitudes dans vos interventions ; l’État paie tous les investissements ! L’enjeu était d’identifier trois opérateurs qui rassemblent tout le monde. Cela a été fait à Saint-Martin, monsieur Gumbs, assez facilement puisque le maire est également le président du conseil territorial – et moi, je paie. Nous essayons d’avancer en Martinique. Le président du conseil régional, M. Chalus, vient de signer, avec les collectivités et l’État, la constitution du groupement d’intérêt public (GIP). Il a gagné sa lutte contre les sargasses et ce n’était pas un problème d’argent.
L’État doit se mettre d’accord avec les collectivités locales sur une politique et sur une trajectoire financière. Le principal enjeu, c’est la consommation des crédits depuis deux ans. Il n’y a pas besoin de crédits supplémentaires ; nous devons nous efforcer de bien les consommer. La LBU n’est consommée que depuis deux ans. Je suis en train de travailler sur le Fonds national des aides à la pierre (Fnap) ; je réunis l’ensemble des sociétés de HLM dans un mois, elles me diront si elles ont besoin de crédits. Quoi qu’il en soit, nous parlerons de tout cela au fur et à mesure de l’examen des amendements budgétaires. (M. Guillaume Vuilletet applaudit.)

Mme la présidente.
Nous en venons aux questions-réponses. Je vous rappelle que la durée de chaque question et de chaque réponse est fixée à deux minutes. La parole est à M. Elie Califer.

M. Elie Califer.
Monsieur le ministre délégué, merci d’être avec nous ; au moins, vous êtes là ! Votre budget – vous le dites avec ostentation – est en hausse de 11%. Lorsqu’on remarque que c’est nettement insuffisant, eu égard aux retards structurels de développement des outre-mer, vous annoncez que l’effort budgétaire global de l’État en outre-mer, tous ministères confondus, s’élève pour 2023 à 20 milliards.
Venons-en à vos priorités. Nous les partageons, car elles affichent une belle ambition.
Vous prenez l’engagement de répondre aux préoccupations quotidiennes des habitants, c’est bien. Mais il y a plus grave. Dans les outre-mer, les populations vivent depuis des années un drame quotidien : le problème de l’eau se pose avec une acuité qui fait douter de l’efficacité de la puissance publique et de l’espérance républicaine. Les populations l’ont fait entendre et l’ont crié dans les urnes lors des élections présidentielles.
S’agissant de la Guadeloupe, vous avez mesuré l’ampleur du problème, vous avez évoqué la dimension technique, même la question de l’affermage. Comment comptez-vous traduire cette prise de conscience dans le budget alors que, selon les évaluations des experts, il faudrait plus de 1 milliard pour régler le problème ? Comment envisager une amélioration significative alors que le budget ne prévoit que 10 millions pour la Guadeloupe ? Sommes-nous à la hauteur, pouvons-nous établir un plan comme celui annoncé à Marseille, dans lequel l’État et les collectivités lanceraient un gros chantier d’intérêt national ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

M. Jean-Victor Castor.
Excellent !

Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.
S’agissant de chantiers d’intérêt national, vous n’allez pas être déçu. En effet, je discute avec la maire de Saint-Laurent-du-Maroni, le maire de Mamoudzou, le président du conseil départemental de Mayotte, M. Ousseni, et le maire de Pointe-à-Pitre pour lancer des opérations d’intérêt national – OIN – et créer des sociétés publiques locales d’aménagement d’intérêt national – Splain. Ma réponse est donc simple.
S’agissant de l’eau, nous dépenserons 80 millions d’euros par an durant dix ans. Cela fait trente ans que nous n’avons pas alloué autant de moyens. Si le problème est réglé en dix ans, nous serons satisfaits. Il n’y a aucune raison que l’État paie 80 millions tous les ans. Nous devons donc trouver un financement à hauteur de 10 millions. Quand la feuille de route sera signée par tous les acteurs, alors je pourrai apporter la preuve à tous ceux qui financent ce projet qu’il sera lancé. Mais elle doit être signée dans les quinze prochains jours.
Du reste, le Fonds européen de développement régional – Feder –, dont la région Guadeloupe, présidée par M. Chalus, est l’autorité de gestion, est prêt à allouer d’importants moyens financiers. À cet égard, je n’ai pas d’état d’âme. J’ai négocié avec la Caisse des dépôts et consignations et l’AFD des prêts à soixante ans. Il n’y a aucune raison de financer par l’impôt national l’intégralité des travaux prévus pour durer cent ans. Un plan financier sera établi dans le cadre de la convention tripartite qui sera signée d’ici à quinze jours. J’espère que ces mesures répondent à vos préoccupations.

Mme la présidente.
La parole est à Mme Emeline K/Bidi.

Mme Emeline K/Bidi.
Je souhaite évoquer l’explosion de la pauvreté dans les territoires ultramarins et l’importance d’assurer la continuité territoriale. Dans le PLF, les crédits alloués à l’action 03 Continuité territoriale du programme 123 ne fait l’objet d’aucune augmentation par rapport à l’année précédente. Les crédits relatifs à la continuité des personnes autant qu’à celle des biens étaient déjà sous-dotés.
Or vous n’êtes pas sans savoir que notre pays traverse une grave crise économique et énergétique, qui a un impact direct sur la continuité territoriale. En effet, l’augmentation du coût du kérosène résultant de la crise énergétique a pour répercussion directe l’augmentation du coût des billets d’avion. Selon un chiffre dévoilé cette semaine par la direction générale de l’aviation civile, le prix du billet d’avion au départ des outre-mer a augmenté de 32 % au mois de septembre. Le fret est également concerné par ces hausses historiques qui se répercutent sur le prix des marchandises alors que ces territoires sont fortement dépendants de l’importation.
Les ultramarins assistent impuissants à l’inflation et à l’augmentation de la pauvreté, qui battait déjà de bien tristes records. Selon les chiffres officiels de l’Insee, 29% des Martiniquais, 34% des Guadeloupéens, 38% des Réunionnais, 50% des Guyanais, 77% des Mahorais vivent au-dessous du seuil de pauvreté monétaire.

M. Mansour Kamardine.
C’est vrai !

Mme Emeline K/Bidi.
Ce constat et la multiplication des crises multifactorielles que nous traversons auraient dû conduire votre gouvernement à augmenter l’enveloppe budgétaire allouée à la continuité territoriale. Monsieur le ministre délégué, eu égard la hausse des prix, les crédits alloués à budget constant ne stagnent pas mais diminuent. Vous nous proposez donc un budget en baisse, pour ne pas dire en berne. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPE.) Quels dispositifs et quels moyens comptez-vous mettre en œuvre pour assurer véritablement la continuité territoriale des biens et des personnes en outre-mer ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, et Écolo-NUPES.)

Plusieurs députés du groupe GDR-NUPES.
Bravo !

Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.
Je regrette que vous résumiez la question de la continuité territoriale à celle de l’augmentation des prix, qui ont crû de 14 % en moyenne. Je vous apporterai deux éléments de réponse.
Le premier effort que fait le Gouvernement, c’est de sauver les compagnies aériennes. Les députés de La Réunion auraient pu vous le dire, l’État a versé environ 150 millions d’euros pour sauver Air Austral. C’est le premier volet des crédits accordés à l’aide à la continuité territoriale. Le dossier, sur lequel je travaille avec Mme Bello, est instruit à Bruxelles, et devrait être conforme au régime des aides d’État. La même question se pose aux Antilles avec Corsair, dont le sauvetage devrait être aussi coûteux. Elle se posera demain peut-être avec d’autres compagnies. Je ne débattrai pas davantage de ces sujets importants sur lesquels sont investis des centaines de millions d’euros. Pourrait-on parler de continuité territoriale à Mayotte et aux Antilles si nous avions abandonné Air Austral et Corsair ?
Notre seconde action pour la continuité territoriale, qui fera l’objet de plusieurs amendements, concerne l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité. Lorsque j’ai pris mes fonctions, Ladom était dépourvue de président, de directeur général et de feuille de route. Cela faisait un an qu’elle n’était pas dirigée.
Nous avons choisi le directeur général ; une fois son contrat signé, il viendra se présenter. Nous avons également réglé le problème de la présidence, afin que l’Agence puisse établir une politique culturelle et une politique des transports, en prévoyant par exemple des mesures pour les parents d’enfants malades. Une fois que le président et le directeur général auront pris leurs fonctions, Ladom mettra en œuvre une nouvelle politique.

M. Mansour Kamardine et M. Elie Califer.
Peut-on savoir qui est le président ?

Mme la présidente.
La parole est à M. Moetai Brotherson.

M. Moetai Brotherson.
Dans nos pays, s’ajoute parfois aux difficultés déjà évoquées par tous mes collègues, celle d’être atteint d’un handicap physique, moteur ou psychique.
Très souvent, les collectivités locales ont pris des mesures pour assurer aux personnes handicapées le meilleur accueil possible dans les bâtiments publics et une insertion professionnelle dans la fonction publique territoriale. Mais qu’en est-il de l’aménagement des bâtiments publics gérés par l’État et de l’insertion professionnelle au sein de la fonction publique d’État ?
Il y a peu de temps, nous avons examiné l’ordonnance tendant à adapter à la fonction publique des communes de Polynésie française certaines dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. Un des articles prévoit justement d’améliorer l’insertion des personnes handicapées dans les communes. Toutefois, quand une personne handicapée est recrutée par une commune non équipée, celle-ci, faute de pouvoir lui proposer un emploi à la hauteur de ses compétences, elle ne pourra que lui proposer un emploi subalterne. Ma question est simple : quelles actions l’État met-il en œuvre pour rendre les bâtiments qu’il gère accessibles aux personnes handicapées, et pour assurer l’accueil et l’insertion professionnelle de celles-ci au sein de la fonction publique d’État dans nos collectivités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)

Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.
Je vous remercie pour votre question qui a le mérite de m’alerter sur ce sujet que je ne connais pas. Je ne peux donc vous répondre oralement, mais je le ferai par écrit.

M. Mansour Kamardine.
Voilà au moins de la modestie, j’approuve !

Mme la présidente.
La parole est à M. Frédéric Maillot.

M. Frédéric Maillot.
À La Réunion, le logement social est né au Chaudron. En 1965, la première pierre fut posée par la Société immobilière du département de La Réunion – SIDR – et les livraisons de logements se succédèrent à un rythme soutenu jusqu’en 1973, année de la neuvième et dernière opération. Aujourd’hui, la grande partie du parc social réunionnais a plus de vingt ans. Il est vétuste, le bâti est souvent dégradé du fait des conditions climatiques difficiles mais aussi des matériaux inadaptés. La réhabilitation est donc devenue un enjeu prioritaire. C’est un volet capital de la politique du logement.
Pourtant, les moyens budgétaires sont encore très faibles et peu d’opérations sont menées malgré l’ambition du plan logement 2. Répondre aux immenses besoins en logements passe forcément par la réhabilitation du parc social. Dès lors, un véritable plan d’investissement doit être établi, doté du montant adéquat de crédits et prévoyant l’élargissement du champ d’application du crédit d’impôt pour la transition énergétique aux immeubles hors quartiers prioritaires de la politique de la ville, ainsi que la structuration d’une véritable filière spécialisée. Les interventions en site occupé demandent des compétences particulières. Il faut former nos jeunes aux nouveaux et nombreux métiers en lien avec ces chantiers.
Investir dans la réhabilitation, c’est améliorer les logements où vivent et rêvent les miens ; c’est leur permettre de réaliser des économies d’énergie ; c’est également leur donner la chance de disposer d’un foncier aménagé et limiter l’étalement urbain. Dans les années 1960, le Chaudron, quartier emblématique dont je suis si fier, a été construit selon les principes du fonctionnalisme en vogue dans l’urbanisme. Entre les immeubles d’habitation et les grandes zones industrielles voisines, le boulevard a été et reste une frontière infranchissable. D’un côté, nous avons les minima sociaux et de l’autre, les grands groupes. La réhabilitation serait l’occasion de mettre fin à cette séparation.
Les enjeux sont multiples mais ma question est simple : avez-vous l’intention d’établir avec les bailleurs et les acteurs locaux un programme spécifique pour la réhabilitation des logements à La Réunion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES. – M. Johnny Hajjar, rapporteur pour avis, applaudit également.)

Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.
Je voudrais d’abord mentionner les actions de qualité menées à La Réunion – vous ne les ignorez pas. Premièrement, en 2017, on réhabilitait 835 logements par an ; ce chiffre se monte désormais à 2021. Partons de ce constat, même si ce chiffre est sans doute insuffisant.
Deuxièmement, dans un mois, je réunirai tous les promoteurs et tous les bailleurs sociaux, quel que soit leur statut, pour porter une ambition.
S’agissant des moyens, je maintiens que les crédits alloués dans le cadre de la LBU sont suffisants – le ministère n’en a jamais manqué – et s’ils faisaient défaut en cours de gestion, de nouveaux crédits seraient alloués.
Votre première satisfaction, mesdames et messieurs les députés, devrait être qu’enfin, depuis deux ans, les crédits budgétaires de la LBU sont consommés, ce qui signifie que les bailleurs sociaux, les maires, les présidents de collectivités se sont saisis du problème et que l’État les accompagne.
Au-delà de la LBU, Action logement a accepté de reporter les 400 millions d’euros de prêts sur le précédent plan d’investissement volontaire – PIV. Ainsi, en 2023, ces 400 millions s’ajouteront à la dotation ordinaire en prêts. Les prêts ne seront pas tous consommés.
J’ajoute qu’il existe un autre levier : la défiscalisation. Je discute avec Action logement pour que des moyens supplémentaires très significatifs – au-delà de ce que les uns ou les autres m’ont demandé – soient alloués à la réhabilitation, au titre de la dotation du Fnap. Je n’ai pas encore gagné mais si je parviens à obtenir ces moyens, ils ne seront destinés qu’à la réhabilitation.

Mme la présidente.
La parole est à M. Marcellin Nadeau.

M. Marcellin Nadeau.
J’aurais pu vous interpeller sur la question des tarifs exorbitants pratiqués dans le domaine du transport aérien, qui empêchent de très nombreuses familles de nos pays d’espérer de nécessaires et légitimes retrouvailles en cette fin d’année, ce qui fait déjà scandale.
J’aurais pu vous interpeller sur l’évolution de la situation des sargasses, dont souffrent les populations de nos îles, notamment sur la façade atlantique en Martinique, au nord comme au sud.
J’aurais encore pu vous interpeller sur la cherté de la vie dans nos pays ou sur la situation des enseignants nouvellement titularisés, qui n’est toujours pas réglée.
Mais pour l’heure, mon propos se concentrera sur la non-garantie du droit fondamental d’accès à l’eau dans nos territoires, contraire aux conventions internationales pourtant signées par la France. À ce propos, trois questions se posent.
La première est celle de la performance des réseaux. En effet, si le rendement des réseaux est de 80 % dans l’Hexagone, il est seulement de 53% dans les dix outre-mer. Et que dire d’une partie importante de la population qui n’a tout simplement pas accès à l’eau comme en Guyane et à Mayotte ?
La seconde question est celle qui révèle de très fortes disparités quant au prix moyen du mètre cube d’eau. En Martinique, ce prix est deux fois plus élevé que dans la France hexagonale.
Enfin, ma troisième question concerne la qualité même de l’eau, très éloignée de celle distribuée dans l’Hexagone. À La Réunion, pour prendre cet exemple, 52% des Réunionnais sont alimentés par des réseaux dont la sécurité sanitaire est jugée insuffisante.
Ces éléments montrent à quel point la gestion privée de l’eau est catastrophique. L’absence de politique publique en la matière est fortement dommageable pour nos peuples. Aussi, mon ultime demande, monsieur le ministre délégué, porte sur la création d’une véritable commission d’enquête, qui débouche sur une vraie loi de programmation, afin de permettre un rattrapage – pour ne pas dire une réparation – en faveur de la population : celle-ci a droit d’accéder enfin à une eau de qualité, en quantité suffisante. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)

Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.
Je suis surpris que vous n’ayez pas prononcé certains mots que vous avez en tête, quant à la qualité des élus locaux – que, pour ma part, je respecte. La gestion de l’eau a toujours été une compétence des collectivités locales. (M. Antoine Léaument proteste.) C’est ainsi !
Vous avez évoqué différents sujets. Tout d’abord, concernant Mayotte, je ne reviens pas sur les 411 millions d’euros déjà débloqués, ni sur la tentative de travail en commun : je le redis, il n’y a pas besoin d’argent pour l’eau à Mayotte. S’agissant de la Guadeloupe – c’est important –, 10 millions d’euros ont été crédités et le reste suivra dans un plan de financement, comme je l’ai indiqué à M. le député Califer, dès que le directeur du programme aura signé, dans les quinze prochains jours.
Concernant la Martinique, j’attends que les titulaires de la délégation de service public (DSP) évoquent le sujet avec moi. De quel droit expliquerais-je aux maires ou aux présidents que ce qu’ils font est nul ? En revanche, si ce sont eux qui m’en parlent, nous travaillerons ensemble, comme nous l’avons fait à Mayotte, en Guadeloupe, et comme nous voulons le faire à Saint-Pierre-et-Miquelon. L’État est prêt à travailler avec les responsables et il n’y a pas besoin d’argent supplémentaire. Commençons par nous mettre d’accord sur les objectifs, j’y suis prêt et j’attends d’être saisi. Quant à la commission d’enquête, je vous rappelle qu’il y en a eu une en 2020, à l’initiative du groupe La France insoumise. Je n’ai donc pas à m’exprimer sur les travaux que vous souhaitez engager, puisqu’ils sont en cours.

M. Jean-Victor Castor.
Et la loi de programmation ? Il faut 650 millions en Martinique !

Mme la présidente.
La parole est à Mme Nathalie Bassire.

Mme Nathalie Bassire.
Si le dispositif de l’octroi de mer – impôt datant du XVIIe siècle – peut probablement être amélioré pour mieux protéger la production locale, il est pourtant inconcevable de suggérer sa suppression, et irresponsable d’envisager sa diminution. Après la suppression de la taxe d’habitation et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), va-t-on à nouveau priver les collectivités d’outre-mer d’une recette essentielle, notamment pour les communes ? En effet, les recettes d’octroi de mer représentent environ et en moyenne 37% des recettes réelles de fonctionnement des communes à Mayotte, 27% à La Réunion, 33% en Guadeloupe, 34% en Martinique et 36% en Guyane.
Déclarer que l’on va redonner du pouvoir d’achat aux familles ultramarines en jouant sur l’octroi de mer est erroné, puisque soixante-neuf des 153 produits du bouclier qualité prix (BQP) sont des productions locales soumises à la TVA – hormis le riz –, mais pas à l’octroi de mer.
En outre, s’il y avait une baisse d’octroi de mer sur les quatre-vingt-quatre autres produits, cela toucherait toute la catégorie de produits, même les plus onéreux – par exemple, le chocolat de luxe – et non uniquement les marques les moins chères. Nul doute, monsieur le ministre délégué, que la balle est dans votre camp.
L’État doit faire l’effort de lutter contre la vie chère dans l’ensemble des outre-mer, en portant la TVA à zéro – je le réclame depuis des années – sur les produits de première nécessité, comme c’est déjà le cas en Guyane et à Mayotte. S’il choisit de supprimer l’octroi de mer, ce sont les collectivités d’outre-mer qui en supporteront les conséquences financières, notamment les communes : elles n’auront pas d’autre solution que d’augmenter les impôts locaux et les diverses taxes, sans redonner de pouvoir d’achat aux familles ultramarines, bien au contraire.
La seule mesure concrète et efficace serait donc de supprimer la TVA sur les produits et services de première nécessité, au lieu d’agiter sans cesse par démagogie l’épouvantail de l’octroi de mer, qui n’est nullement responsable de la vie chère. Allez-vous enfin acter la TVA à 0% ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)

Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.
Il y a deux questions, sur l’octroi de mer et sur la TVA. Je rappelle que le taux de la TVA sur les produits de première nécessité est de 2,1% en outre-mer et de 0% à Mayotte – c’est d’ailleurs là, monsieur Kamardine, que l’octroi de mer est le plus élevé, mais c’est un autre sujet. La diminution de 2% de la TVA aurait pour effet immédiat de constituer une marge nouvelle : à l’exception des détaillants, en vingt-quatre heures – une semaine tout au plus –, les prix augmenteraient de 2% et l’effet de la mesure serait nul.

M. Mansour Kamardine.
Ah !

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.
Ce n’est donc pas la bonne solution, qui réside dans la création de valeur sur place – acheter des produits locaux, au bon prix.
La véritable question est donc celle de l’octroi de mer. Qui vous a dit que nous voulions le supprimer ? La rumeur ? Ne la croyez surtout pas. Je le répète, l’octroi de mer est un système hérité de l’ancien temps, mais il a pour vertu de donner de l’argent et des recettes aux collectivités locales – régions et communes. Il est donc hors de question de supprimer cette recette, qui présente l’avantage d’être un outil de politique économique de création de valeur locale. De plus, mieux utilisé, il pourrait être un véritable outil écologique pour protéger l’environnement. Tel est notre sujet. J’ajoute qu’il est impossible de discuter de l’octroi de mer sans évoquer la taxe sur l’essence et le fait qu’il nous faille promouvoir, en outre-mer aussi, des véhicules électriques. Vous proposez de supprimer une partie – considérable – des recettes des collectivités locales, mais cela forme un tout, madame la députée, dans lequel je m’oppose à la suppression de l’octroi de mer.

Mme la présidente.
La parole est à M. Philippe Dunoyer.

M. Philippe Dunoyer.
Mon propos portera sur deux points. Le premier est l’indemnité temporaire de retraite (ITR), qui vient abonder les retraites prises par les fonctionnaires d’État dans certains territoires ultramarins. Depuis 2008, une loi a décidé l’extinction de l’ITR. Je n’ai cessé, lors de mon premier mandat, notamment dans un rapport rédigé en 2021 avec deux collègues, de dénoncer cette disparition. Celle-ci aurait pour conséquence de diminuer le taux de remplacement – le niveau des retraites comparé aux anciens traitements –, qui est de 40% et qui est inférieur de dix points à la moyenne nationale. Or, comme certains collègues l’ont rappelé, le coût de la vie dans nos territoires est supérieur de 30% à 40%.
Autre illustration, les estimations montrent qu’après la disparition de l’ITR, le pouvoir d’achat des retraités de la fonction publique d’État sur ces territoires sera divisé par deux. En mars 2022, à l’initiative des précédents ministres en charge des retraites, des outre-mer et de la fonction publique, un comité s’est réuni, mais il n’a pas pu poursuivre ses travaux en raison des échéances électorales. Vous savez, nous en avons parlé régulièrement, je souhaite que ce comité reprenne ses travaux rapidement, et que la nécessaire réforme ait lieu. Ma question est la suivante : quelle est la perspective de reprise des travaux visant à réformer l’ITR ?
Enfin, j’évoquerai la question des récifs, puisque l’Initiative française pour les récifs coralliens (Ifrecor) figure dans le budget de l’outre-mer. J’avais déposé un amendement pour abonder un peu plus les crédits de cette initiative, qui est absolument nécessaire, mais il a été déclaré irrecevable. Faut-il rappeler la responsabilité particulière de la France qui possède 20 % des récifs coralliens à la surface de la planète et 30 % des récifs du programme Pristine, sans parler de sa responsabilité collective et humaine ? Une dotation supplémentaire sera-t-elle accordée à l’Ifrecor en 2023 ?

Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.
Je veux tout d’abord vous rendre hommage, monsieur le député, car c’est vous qui avez relancé l’affaire de l’ITR, laquelle n’était plus à l’ordre du jour. La réunion que vous appelez de vos vœux, pour relancer le processus, aura lieu – mon collègue Stanislas Guerini et moi-même en sommes convenus – le 13 janvier après-midi. Je vous livre ce scoop. Ma réponse est donc positive.
S’agissant des 500 000 euros que vous réclamez pour l’Ifrecor, je ne les ai pas obtenus dans le budget, mais ils figureront dans l’exécution budgétaire, je m’y engage devant la représentation nationale.

M. Mansour Kamardine.
Ah, voilà enfin une réponse, bravo !

Mme la présidente.
La parole est à M. Stéphane Rambaud.

M. Stéphane Rambaud.
La France dispose du deuxième espace maritime du monde. Cette promesse pour l’avenir, la France la doit à l’outre-mer, qui concentre 90% de notre espace maritime. Or, la souveraineté de la France en mer – la protection de nos eaux – est menacée dans les faits par de multiples activités illégales. Pire encore, elle est contestée en droit par d’autres pays, notamment dans le Canal du Mozambique. À cet égard, il serait bon de dénoncer et d’enterrer toute tentative d’accord de cogestion dans cette zone, autour des îles Éparses et de l’île Clipperton. La mer, c’est aussi toute une économie bleue à développer, notamment pour l’exploration de nodules polymétalliques, mais également pour les hydrocarbures. Rappelons que depuis la loi Hulot, toute exploration d’hydrocarbures en mer est désormais interdite en France. Quel gâchis, par idéologie ! À ceux qui prétendent que la France ne dispose pas d’hydrocarbures en mer, il faut dire que nous n’en savons rien.

M. Mansour Kamardine.
Non !

M. Stéphane Rambaud.
Les campagnes de recherche sismique et les maigres forages concernent des espaces maritimes très réduits. Tout reste à explorer et à découvrir. L’outre-mer terrestre, au bénéfice de nos compatriotes français ultramarins, aurait naturellement vocation à devenir la plateforme de l’économie bleue.

Mme Alma Dufour.
Toujours plus écolo !

M. Stéphane Rambaud.
Où sont les projets ? Où sont les investissements ? La protection, l’exploration et la valorisation des zones économiques exclusives françaises sont devenues l’objet d’une compétition internationale – la Chine en tête – et de convoitise. Monsieur le ministre délégué, où est l’ambition de la France, pour son espace maritime immense ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.
Sur la question sur le pétrole, la réponse est non. (M. Jiovanny William applaudit.) Nous n’avons pas à faire des choses que le monde entier réprouve.
Le sujet de la sécurité dans le Canal du Mozambique et des revendications du pays voisin, Madagascar, relève de Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères – nous sommes en lien fort avec elle : la réponse est claire, c’est non également.
Concernant la richesse, je vous invite à regarder ce qui se passe dans les Terres australes et antarctiques françaises (Taaf) : les ressources que sont les poissons, notamment les légines, y sont protégées, certes de l’environnement marin, mais aussi des pêcheurs réunionnais : cela se passe très bien et l’on n’en parle pas.
Quant aux moyens en matière de défense, il ne s’agit pas directement de mon sujet, mais de celui de Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères et de M. le ministre Sébastien Lecornu, qui connaît parfaitement l’outre-mer.
Je vous répondrai par écrit sur les moyens supplémentaires affectés pour les ultramarins.
J’ajoute que, sur l’exploitation des richesses de l’outre-mer, il nous faut maintenant travailler avec Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) et avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), pour acquérir deux bateaux nouveaux, à l’horizon de 2035. Il faut en parler maintenant, notamment pour travailler dans les Taaf, qui sont une richesse exceptionnelle. Je vous ai donc rassuré sur les questions de la sécurité et sur Madagascar. Le reste n’appartient pas à la politique du gouvernement actuel.

Mme la présidente.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Jean-Hugues Ratenon.
Mon collègue Perceval Gaillard l’a bien exprimé : c’est un budget qui ne répond pas aux grands enjeux. Permettez-moi de vous interroger sur deux sujets concrets, sur lesquels, je l’espère, vous répondrez de façon très précise. J’évoquerai, en premier lieu, le congé de solidarité, instauré par la loi d’orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000. Lors de votre audition par la commission des lois, le 20 octobre dernier, votre réponse a été catégorique. Vous avez fait référence à votre âge – 70 ans –, en proclamant que la tendance était celle-là. C’est un scoop : vous êtes favorable à la retraite à 70 ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Pour autant, l’une des solutions à l’emploi des jeunes pourrait être le rétablissement du congé de solidarité, afin de permettre aux anciens de libérer les postes. Le dispositif qui a fait ses preuves en outre-mer a été abrogé en 2007. Ma question est simple : êtes-vous favorable à l’inclusion des jeunes ou souhaitez-vous que les postes soient éternellement occupés par les anciens qui souhaitent partir ? Êtes-vous prêt à prendre le temps d’étudier la question ?
J’en viens à un deuxième point : les colis postaux. À titre d’exemple, le coût d’envoi d’un colis de 30 euros, partant de l’Hexagone vers La Réunion, est de 136,55 euros, tandis qu’à l’intérieur de l’Hexagone s’applique une péréquation tarifaire, à un tarif unique de 32,70 euros, soit quatre fois moins, quelle que soit la distance.
Comme si ce n’était pas suffisant, depuis le 1er juin 2022, La Poste applique des taxes exorbitantes à la réception des colis, qui vont d’une vingtaine d’euros jusqu’à 797 euros supplémentaires. C’est encore pire dans le sens de La Réunion vers la métropole : les colis sont taxés à différents taux dès que la valeur dépasse 45 euros. Mon collègue Philippe Nilor vous a déjà interpellé à propos de cette véritable injustice.
Monsieur le ministre délégué, sans rejeter la responsabilité sur un autre, comment comptez-vous mettre un terme à ces abus, pour ne pas parler d’arnaques ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.
Vous m’interrogez sur la retraite, le travail des jeunes et les colis postaux.
S’agissant des retraites, je ne vais pas en parler aujourd’hui mais me défausser puisque le sujet sera traité dans le cadre de la réforme en préparation.

M. Thomas Portes.
Quel courage !

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.
En ce qui concerne le travail des jeunes, la solution n’est pas à chercher dans une substitution, mais dans la création d’entreprises, de valeur, de richesses – c’est d’ailleurs récurrent dans toutes vos questions. Le but fondamental est de donner des perspectives de travail à tous les jeunes car – c’est un drame – la population diminue en Guadeloupe, en Martinique, à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Mme Estelle Youssouffa.
Pas à Mayotte !

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.
Nous devons travailler pour réussir à contrer ce phénomène, sachant que la solution n’est pas de remplacer un salarié par un autre plus jeune.
Sur le dédouanement, vous avez raison. Une réforme est intervenue entre octobre 2021 et juin 2022, selon les territoires. Elle visait en principe à améliorer le recouvrement des taxes dues en jouant sur le taux de dédouanement des colis. Je m’en suis ouvert aux responsables de La Poste en termes francs et forts, et j’espère obtenir une réponse positive. Après la réforme, entre 2021 et 2022, les recettes fiscales sur les colis ont augmenté 110 % en Guadeloupe et de 62% en Martinique. Cela me paraît totalement abusif. Nous y travaillons, et j’espère obtenir une réponse dans les trois semaines, en tout cas avant la fin de l’année.


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 3 novembre 2022