Interview de M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques, à France Info le 16 novembre 2022, sur le conflit en Ukraine, la réforme des retraites concernant les fonctionnaires, le 49.3, la politique d'immigration et l'inclusion des personnes handicapées.

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Média : France Info

Texte intégral

ALIX BOUILHAGUET
Stanislas GUERINI, bonjour.

STANISLAS GUERINI
Bonjour.

ALIX BOUILHAGUET
Merci beaucoup d'être avec nous. On vient de l'entendre, 2 missiles se sont abattus hier en Pologne, certains soupçonnent la Russie d'être à l'origine de ces tirs de missiles, est-ce qu'il faut rester prudent ce matin ?

STANISLAS GUERINI
Oui, je crois qu'il faut rester évidemment extrêmement prudent, il faut d'abord établir les faits, et dans ces moments-là, qui sont des moments de grands risques, il faut réagir avec, je crois, beaucoup de sang-froid et dans l'unité ; c'est d'ailleurs ce que le président de la République a fait, il s'est entretenu avec le Premier ministre polonais pour lui assurer la totale solidarité de la France. La Pologne, c'est un pays qui est membre de l'OTAN, qui est membre de l'Union européenne. Et donc nous serons évidemment solidaires avec nos alliés polonais. Je pense qu'il faut d'abord, et d’ailleurs, je note que c'est ce que les autorités polonaises ont fait, établir les faits et être évidemment prudent et faire preuve de sang-froid.

ALIX BOUILHAGUET
Vous le dites, la Pologne, elle est membre de l'OTAN, qu'est-ce que ça veut dire, eh bien, ça veut dire, être sous la protection de l'alliance, ce qui veut dire aussi que si un membre de cette alliance est attaqué, eh bien, c'est l'ensemble des autres membres qui peuvent riposter, est-ce qu'on en est là ?

STANISLAS GUERINI
D'abord, c'est ça, l'OTAN, évidemment, c’est une alliance, une alliance militaire, et donc, c'est est la solidarité, et depuis le début de ce conflit, on voit bien que Vladimir POUTINE, lui, il cherche à diviser, à diviser l'OTAN, à empêcher un certain nombre de pays d'accéder à l'OTAN, de se tourner vers l'OTAN, à diviser l’Union européenne, il a échoué à faire cela. Et donc il faut…

ALIX BOUILHAGUET
Et s’il s’avère que c’est la Russie qui a envoyé ces missiles…

STANISLAS GUERINI
Il faut absolument garder cette ligne d’unité…

ALIX BOUILHAGUET
Est-ce que l’OTAN riposterait ?

STANISLAS GUERINI
Eh bien, il y a dans les règles de l'OTAN un article 4 qui consiste, d'abord, à concerter ensemble, et à réagir de façon solidaire et dans l'unité, je crois que c'est évidemment cette ligne-là qu'il faut tenir, dans le sang froid, j'insiste sur le fait que ce sont les Polonais qui font montre de sang-froid, qui ne sur-réagissent pas, qui d’abord cherchent...

ALIX BOUILHAGUET
Et donc vous ne pouvez pas dire…

STANISLAS GUERINI
A établir les faits…

ALIX BOUILHAGUET
Et vous ne pouvez pas dire à ce stade que…

STANISLAS GUERINI
C’est absolument normal de commencer par cette étape-là…

ALIX BOUILHAGUET
Que ces missiles sont à l’origine de la Russie ?

STANISLAS GUERINI
Non, je ne suis évidemment pas en capacité ce matin de confirmer telle ou telle information, précisément, puisqu’il y a une enquête en cours, la France d'ailleurs, et le président de la République l'a dit, apportera tout son soutien à la Pologne pour mener cette enquête, et d'abord établir les faits, et je crois que c'est très important…

ALIX BOUILHAGUET
Donc grande prudence matin…

STANISLAS GUERINI
Il faut dans ce conflit regarder les faits, et simplement les faits, et d’ailleurs…

ALIX BOUILHAGUET
On vous entend…

STANISLAS GUERINI
Cet incident très grave, évidemment en Pologne, ne doit pas nous conduire à détourner le regard sur ce qui se passe sur le sol ukrainien, ce qui se passe sur le sol ukrainien, ce sont des centaines de missiles, de drones qui s'abattent sur les villes d'Ukraine, et ça, il n’y a pas de difficulté à établir ces faits-là et la matérialité de ces faits-là ; je ne pense qu'il ne faut pas inverser les choses, il y a dans ce conflit un agresseur, c'est la Russie, et c'est la Russie qui remet en cause la sécurité du monde et la paix dans le monde, ça, je pense qu'il ne faut pas qu'il y ait d'ambiguïté sur ce point.

ALIX BOUILHAGUET
On revient en France, les concertations, elles se poursuivent entre syndicats, patronat, gouvernement sur la réforme des retraites, vous êtes, vous-même, en discussion sur le volet fonctionnaires, est-ce que l'âge de départ à la retraite dans la Fonction publique va évoluer ?

STANISLAS GUERINI
De la même façon qu’il est amené à évoluer dans le privé…

ALIX BOUILHAGUET
Donc peut-être 64 ans…

STANISLAS GUERINI
C’est très important. Nous voulons porter une réforme d'équité, eh bien, c'est normal que l'évolution des règles dans le privé, elle s'applique de façon symétrique pour la Fonction publique, c'est absolument logique. Donc s'il doit y avoir un recul de l'âge de départ pour le privé, il doit y avoir un recul de l'âge de départ pour les fonctionnaires. Ça me semble être une réforme d'équité.

ALIX BOUILHAGUET
Dans vos discussions, vous avez déjà une durée minimum de service actif à valider pour faire valoir ce droit à la retraite ?

STANISLAS GUERINI
Oui, il y a des caractéristiques particulières dans la Fonction publique pour prendre en compte la pénibilité, vous savez que dans le privé, il y a des systèmes qui mesurent la pénibilité, l'équivalent pour la Fonction publique, c'est ce qu'on appelle les catégories actives, c'est-à-dire les fonctionnaires qui sont activement sur le terrain, et donc qui ont des conditions de pénibilité particulières, et donc pour ces catégories-là, il y a effectivement un âge de départ qui est anticipé, il a vocation lui aussi à évoluer de façon symétrique à ce qui doit se passer dans le privé.

ALIX BOUILHAGUET
Et si on recule l'âge de départ à la retraite, est-ce qu'il faut aussi modifier l'âge de mise en retraite d'office, je le précise, chez les fonctionnaires, il est de 67 ans, c'est 70 ans dans le privé ?

STANISLAS GUERINI
Eh bien, aujourd'hui, dans les discussions que nous avons, mais on rendra compte de l'ensemble de ces discussions-là à la fin du cycle qui est mené par Olivier DUSSOPT et par moi-même pour la Fonction publique, pour l'instant, ce n'est pas un point qui est sur la table que de modifier cet âge limite de départ effectivement à 67 ans pour la Fonction publique ; ça ne fait pas partie des discussions ou des sujets qui ont été mis sur la table…

ALIX BOUILHAGUET
Des discussions qui sont en cours. Je le rappelle, vous n'avez pas la majorité absolue à l'Assemblée nationale, vous avez une majorité relative, à ce stade, il y a quand même assez peu de chances que vous arriviez à trouver une majorité sur cette réforme, est-ce que vous pouvez nous assurer ce matin qu'elle ne passera pas à l'aide 49.3 ?

STANISLAS GUERINI
Je ne crois pas, je ne partage pas ce que vous dites, là, en disant : il n’y a pas capacité à trouver des majorités…

ALIX BOUILHAGUET
Eh bien, je ne vois pas où sont les voix, le RN est contre, la Nupes est contre, et Les Républicains ne sont pas très bien partis.

STANISLAS GUERINI
Sur beaucoup de sujets depuis le début de ce quinquennat où on nous disait qu’il était très difficile, qu’il était voire impossible de trouver des majorités, de faire avancer le pays, on démontre absolument le contraire sur des sujets qui sont absolument essentiels, parce qu'on se disperse un tout petit peu parfois quand même dans le débat politique. Qu'est-ce qui est important pour les Français ? Qu'est-ce qu’ils nous ont dit dans l'élection présidentielle ? Valorisez le travail et protégez notre pouvoir d'achat. Nous avons trouvé des majorités et en encore hier sur le texte de l'assurance chômage. Accélérez sur la transition écologique : une majorité a été trouvée contre les pronostics initiaux sur les énergies renouvelables au Sénat.

ALIX BOUILHAGUET
Au Sénat mais a priori c’est mal parti à l’Assemblée nationale.

STANISLAS GUERINI
Protégez les Français, mettez des policiers : ça a été aussi le cas sur la loi de programmation pour le Ministère de l'Intérieur. Vous voyez que sur des sujets d'intérêt général, quand on se tient à cette ligne-là nous réussissons à trouver des majorités. Moi je suis convaincu, je veux vous répondre très directement que sur les retraites aussi, nous pouvons trouver des majorités.

ALIX BOUILHAGUET
Vous éviterez le 49.3 ; c'est une assurance.

STANISLAS GUERINI
Non, ce n’est évidemment pas une assurance. Il y a des outils constitutionnels qui doivent nous permettre d'avancer. Mais en tout cas ce que je peux vous dire avec la plus grande clarté ce matin, c'est que nous n'avons pas la volonté d'utiliser le 49.3. Nous avons la volonté de trouver des majorités et je pense que c’est possible sur les retraites.

ALIX BOUILHAGUET
Jean-Luc MELENCHON est persuadé que vous allez utiliser le 49.3 lundi prochain. Il est très précis.

STANISLAS GUERINI
Jean-Luc MELENCHON est obsédé par une chose : c'est de faire chuter le gouvernement. Il est 13 intéressé par les 49.3 parce qu'il a envie de faire des motions de censure et de faire tomber ce gouvernement. Donc moi je crois que quand on est en responsabilité, c'est notre cas, quand on a un mandat de la part de nos concitoyens parce que Jean-Luc MELENCHON, il oublie de temps en temps que le président de la République s'appelle Emmanuel MACRON et qu'il a été réélu légitimement par les Français sur la base d'un programme dont les retraites faisaient partie avec la plus grande clarté. Donc nous avançons, nous, parce que nous sommes des démocrates, nous respectons justement le mandat que nous avons reçu et je pense qu’on peut trouver des majorités.

ALIX BOUILHAGUET
Nous attendons lundi. Emmanuel MACRON n'est pas assez ferme sur l'immigration. Qui dit ça ? Ce n’est pas la droite, c'est le socialiste Gérard COLLOMB, son ancien ministre de l'Intérieur, son rallié de la première heure. Est-ce que vous qui êtes pour le coup un homme de gauche, est-ce qu’il a raison de dire ça Gérard COLLOMB ?

STANISLAS GUERINI
Non, je ne veux pas commenter ces propos-là. Moi ce que je sais, c'est que nous avons aujourd'hui un ministre de l'Intérieur, Gérald DARMANIN, qui prend ces sujets avec courage, avec fermeté…

ALIX BOUILHAGUET
Il n’est pas fragilisé ? On l’a vu sur l’Ocean Viking, on le voit sur l’imam IQUIOUSSEN que la justice belge refuse d’extrader, sur la loi immigration qui va être compliquée à passer.

STANISLAS GUERINI
Ce sont sujets qui nécessitent à la fois là aussi du sang-froid et du courage politique mais aussi de l'humanité. Ce sont les décisions qui ont été prises ces derniers jours d'abord pour sauver des gens, pardon, parce qu’on parle parfois de politique, d'analyses politiciennes d'une certaine façon mais ce qui comptait là c'était la vie de 234 personnes sur un bateau qui était en danger dont des enfants. Et je crois que la France s’est honorée de prendre cette décision alors même que l'Italie refusait de prendre ses responsabilités et de respecter le droit international.

ALIX BOUILHAGUET
Expliquez-moi la différence avec l'Aquarius en 2018. C’était exactement le même cas de figure, l’Italie refusait, il y avait plus de 600 migrants à bord, des enfants. Pourquoi est-ce qu’au nom des bons sentiments justement, que ça ne pouvait pas être que des bons sentiments, Emmanuel MACRON à l'époque a refusé, pourquoi est-ce que là il accepte ? Est-ce que ce n’était pas un contexte politique ?

STANISLAS GUERINI
Pour l’Aquarius, une solution avait été trouvée aussi à l'époque.

ALIX BOUILHAGUET
C’est l’Espagne après le refus de la France.

STANISLAS GUERINI
Et elle avait été faite dans la concertation européenne et dans l’unité européenne. Nous notre ligne, elle n’a jamais changé. C'est l'application du droit international. Mais là nous étions face à une impasse et donc il fallait prendre cette décision qui était une décision d'humanité mais qui ne nous fait pas du tout perdre notre ligne de fermeté. Vous voyez bien que dès lors que nous avons recueillis les personnes qui étaient sur ce bateau, soignées, mises à l'abri, tout de suite un travail a été opéré avec l’OFPRA pour examiner les situations. Certains de ces migrants auront droit à l'asile, sont légitimes à faire une demande d'asile. D'autres, 44 d'entre eux, leur situation a été examinée et ils n'auront pas le droit, ils ne sont pas légitimes à faire cette demande-là et donc ils seront reconduits. Mais j'insiste sur un point : dans l'unité européenne, 11 partenaires européens sont aux côtés de la France pour prendre en charge justement la situation de ces migrants. C'est ça qui compte parce qu’à chaque faut il faut avoir des lignes, il faut avoir de la clarté. Nous notre ligne, c'est le droit international et c'est l'unité européenne.

ALIX BOUILHAGUET
On vous entend. Il nous reste vraiment 30 secondes et c'est dommage pour l'emploi des personnes handicapées. C'est la semaine européenne sur cette question.

STANISLAS GUERINI
Vous avez raison, c’est un sujet très important.

ALIX BOUILHAGUET
Comment aller vers plus d'inclusion justement de ces personnes handicapées notamment dans la Fonction publique ?

STANISLAS GUERINI
C’est une semaine très importante, je suis très engagé sur ces sujets-là parce que je pense que c'est une condition aussi d'efficacité pour la Fonction publique, qu'elle soit inclusive, qu’elle accueille des personnes en situation de handicap.

ALIX BOUILHAGUET
Comment on fait très concrètement ?

STANISLAS GUERINI
D’abord on aide ceux qui accompagnent au quotidien les personnes, les agents publics en situation de handicap. Moi j'ai annoncé qu’on allait mieux reconnaître, le métier de référent handicap va être intégré dans le référentiel de métiers de la Fonction publique pour mieux valoriser cette fonction qui est l'essentielle. On va mettre le paquet aussi pour accélérer sur l'apprentissage des personnes en situation de handicap. Elles pourront plus facilement rejoindre la Fonction publique à l'issue d'une période d'apprentissage et donc je veux que sur le quinquennat on atteigne les 6 % de personnes apprenties en situation de handicap. Je pense que c'est un levier majeur, l'inclusion, pour ouvrir la Fonction publique mais aussi pour la rendre plus efficace.

ALIX BOUILHAGUET
On se retrouvera pour voir si tout ça avance.

STANISLAS GUERINI
Merci pour ça, merci à vous.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 17 novembre 2022