Interview de M. Clément Beaune, ministre chargé des transports, à LCI le 10 novembre 2022, sur la polémique concernant le bateau humanitaire Ocean Viking, la grève dans les transports publics, l'augmentation des tarifs à la SNCF et la vie politique.

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Média : LCI

Texte intégral

ADRIEN GINDRE
Bonjour Clément BEAUNE.

CLEMENT BEAUNE
Bonjour Adrien GINDRE.

ADRIEN GINDRE
Merci beaucoup d’avoir accepté notre invitation, on va parler de la grève bien sûr, dans les transports, dans un instant, mais d’abord cette question d’actualité. " L’Ocean Viking ", ce navire avec à son bord 234 migrants, qui est actuellement en Méditerranée, la Commission européenne a demandé hier soir un débarquement immédiat pour éviter une tragédie humanitaire, la France va-t-elle accueillir ce bateau ?

CLEMENT BEAUNE
Ecoutez, bien sûr la première chose, première pensée qu’on doit avoir, c’est pour les migrants qui sont à bord, parfois depuis plusieurs jours, on a eu des récits dramatiques, une situation humanitaire extrêmement préoccupante. Je le redis, et ce n’est pas une question de renvoi de responsabilité, c’est une responsabilité en l’occurrence italienne.

ADRIEN GINDRE
Alors que ce bateau est au large de la Corse en ce moment.

CLEMENT BEAUNE
Alors, ce matin il était encore dans les eaux italiennes, nous verrons dans les prochaines heures. Il faut être très clair, on ne peut pas laisser tomber ces migrants, on ne peut pas laisser tomber une population de migrants, des familles qui sont dans une situation humanitaire très difficile.

ADRIEN GINDRE
Mais, il fait actuellement route vers la Corse et la France, soyons très clairs, s’il poursuit dans cette direction, la France va-t-elle accueillir ce bateau ? Il s’éloigne actuellement des terres italiennes.

CLEMENT BEAUNE
Je l’ai bien vu, depuis plusieurs heures, nous verrons dans les prochaines heures les décisions qu’il convient de prendre. Je ne suis plus directement en charge de cette responsabilité, je m’en suis occupée, vous l’avez rappelé, quand j’étais en charge des Affaires européennes. Mais pourquoi, j’y insiste, il faut rappeler cette responsabilité italienne ? Pas parce qu’on veut se débarrasser d’une situation difficile, mais parce que nous avons eu des accords européens ces dernières années, très difficilement construits, parce que l’Italie, à juste titre, avait dit « moi on m’a laissé tomber ces dernières années. » La France, vous vous souvenez peut-être de l’affaire de « l’Aquarius » qui avait défrayé la chronique il y a quelques années…

ADRIEN GINDRE
Il y a quatre ans, tout à fait.

CLEMENT BEAUNE
Avait acté, ce sont aussi les règles du droit international, un principe très clair partagé par l’Italie et par beaucoup de pays européens, on doit débarquer les personnes en difficulté, les migrants en difficulté, au port sûr le plus proche…

ADRIEN GINDRE
Mais cet accord ne dit pas que tous les bateaux doivent être débarqués en Italie…

CLEMENT BEAUNE
Non…

ADRIEN GINDRE
Là en l’occurrence il y avait un groupe de quatre bateaux, il y en a trois qui sont allés en Italie, est-ce que ce serait inenvisageable que la France accepte d’accueillir le quatrième.

CLEMENT BEAUNE
Alors j’y viens, mais on doit rappeler, respecter ce principe du port sûr le plus proche, c'est-à-dire que quand il y a un bateau, il ne doit pas dériver pendant quatre ou cinq jours en mer, comme ce fut le cas, ici, comme c’est le cas, il doit débarquer rapidement, pour des raisons humanitaires, pas pour des questions de renvoi de responsabilité, pour des raisons humanitaires. Et ensuite, j’insiste sur cet équilibre qui avait été trouvé, répartition avec de la solidarité, parce qu’effectivement, quel que soit son gouvernement, on ne peut pas laisser tomber l’Italie, qui accueillerait, à ce moment-là, beaucoup de monde. Et je rappelle quand même, et moi je le revendique, que dans ces accords européens depuis 2018 et l’affaire de " l’Aquarius ", c’est la France qui dans ces répartitions, après débarquement, a accueilli le plus de personnes en difficulté, et c’est notre honneur.

ADRIEN GINDRE
Vous avez raison, mais sans accueillir le bateau, effectivement en accueillant ensuite.

CLEMENT BEAUNE
Exactement, et on le fait parce que, dans l’affaire de " l’Aquarius " l’Espagne avait fait cela, l’Espagne avait dit " moi je suis prête à accueillir "

ADRIEN GINDRE
Elle a accueilli le bateau.

CLEMENT BEAUNE
Il y a quelques années, elle a dit, " je l’ai fait une fois, je ne le ferai plus ", parce que le bateau, et c’est même la demande des ONG, avait fait quatre ou cinq jours de mer supplémentaires en mettant en péril les familles entières, et si on fait ça, si on met un coup de canif dans ce principe, tous les bateaux seront, en quelque sorte en situation d’errance en Méditerranée, avec des jours de circulation supplémentaires…

ADRIEN GINDRE
Jusqu’à trouver quelqu’un qui les accueille.

CLEMENT BEAUNE
Donc on ne peut pas remettre en cause ce principe, qui est un principe européen, et je rappelle que l’Italie, je le crois, si elle remettait en cause la solidarité européenne de manière générale, ce serait une très mauvaise décision, et je pense que ce n’est l’intérêt de personne. Donc on doit trouver cette solution dans le respect de nos accords européens, de l’humanité la plus élémentaire, évidemment nous ne laisserons pas tomber, dans les prochaines heures, ces migrants, qui sont en détresse, et des familles qui sont parfois dans une situation extrêmement difficile.

ADRIEN GINDRE
Le ministre italien des Affaires étrangères, ancien président du Parlement européen aussi, a indiqué qu’Emmanuel MACRON avait décidé d’ouvrir le port de Marseille, est-ce qu’il dit vrai ?

CLEMENT BEAUNE
Ecoutez, je n’ai pas connaissance de cette information, je ne sais pas de quand date cette déclaration…

ADRIEN GINDRE
Il l’a dit hier en l’occurrence.

CLEMENT BEAUNE
Mais je ne crois pas que ce soit le cas, nous avons rappelé, y compris hier en fin de journée, les principes avec lesquels nous avons toujours été très clairs…

ADRIEN GINDRE
Mais qui décide, est-ce que c’est le gouvernement ou est-ce que ce sont les collectivités ? La Corse par exemple, Gille SIMEONI, dit " nous sommes prêts à accueilli temporairement le bateau. " Si la Corse est prête, est-ce que la France est prête ?

CLEMENT BEAUNE
Oui, mais pardon, ce n’est pas seulement un sujet, et c’est tout à l’honneur des Corses et du président de la collectivité, de vouloir faire des gestes d’humanité, le maire de Marseille a eu des mots similaires d’ailleurs, mais c’est un principe plus général, si on remet en cause le principe du port sûr le plus proche, on va au-devant de centaines ou de milliers de situations de grave danger humanitaire.

ADRIEN GINDRE
Cela dit, avec un gouvernement d’extrême droite en Italie, Clément BEAUNE, cette question va se poser à nouveau, Giorgia MELONI n’a aucune intention d’accueillir des bateaux tous les jours.

CLEMENT BEAUNE
Mais Adrien GINDRE, nous avons connu la situation avec un gouvernement un peu différent, mais enfin le ministre de l’Intérieur c’était Matteo SALVINI, c’est toujours lui mon homologue, d’ailleurs, en charge des Transports, et des Ports, en Italie, donc la situation n’était pas plus facile il y a quatre ans. On a eu ces crises, on les a réglées par des principes de coopération européenne, la seule issue c’est la coopération européenne…

ADRIEN GINDRE
Mais la France n’entend pas être plus accueillante que l’Italie au motif qu’elle est… ?

CLEMENT BEAUNE
Mais la France a été accueillante ces dernières années, on nous l’a reproché parfois à l’extrême droite, je l’ai entendu, nous avons accueilli le plus de migrants débarqués de ces bateaux, je le dis, moi, c’est notre honneur, mais on doit le faire dans le principe de sauvetage et d’humanité qui protège le mieux les migrants en difficulté et les migrants qui sont sauvés.

ADRIEN GINDRE
Et en attendant, on a entendu tout à l’heure vos propos disant que vous ne laisserez pas tomber.

CLEMENT BEAUNE
Je serais curieux, pardon, de savoir, parce que c’est un débat très sensible, ce qu’en pense l’extrême droite française, parce que si sa solution, comme on l’a entendu dans l’hémicycle, c’est de renvoyer les bateaux en Afrique, ce n’est tout simplement pas possible pour des raisons humanitaires, sauf à condamner à mort ces migrants, donc qu’ils nous disent aussi ce qu’ils entendent défendre entre l’intérêt national et européen, ou leurs amis d’extrême droite en Italie.

ADRIEN GINDRE
Venons-en à la grève des transports, elle vous concerne directement aujourd'hui, c’est sur tout le territoire, après il y a des différences bien sûr. Le trafic est à peu près normal, c’est ce qu’annonce en tout cas la SNCF, pour les TGV, TER, Intercités, c’est plus compliqué dans certaines métropoles comme la région parisienne avec 5 lignes de métro qui sont fermées, des ouvertures partielles sur les autres lignes par exemple, est-ce que c’est un jeudi noir Clément BEAUNE ?

CLEMENT BEAUNE
Oui, c’est un jeudi très difficile, dans les transports franciliens en particulier. Je veux d’abord, évidemment, penser à toutes celles et tous ceux qui galèrent aujourd'hui, en ce jeudi noir, ou très compliqué dans les transports parisiens et l’Ile-de-France, c’est la RATP qui connaît la situation la plus compliquée, vous l’avez rappelé, il y a des lignes de métro qui sont carrément fermées, des stations qui sont fermées, des circulations qui sont très difficiles sur les RER. La situation est heureusement moins compliquée dans le reste de la France, avec quand même des difficultés, mais des TER, ou les trains Intercités, qui circulent entre 80 et 90% du plan de transport habituel, et un trafic qui est normal sur le TGV. Donc oui, c’est difficile. Je veux dire aussi que je le sais, ce n’est pas seulement difficile aujourd'hui, on a une situation, dans les transports franciliens, ou dans quelques régions, je pense aux Hauts-de-France où je le suis rendu lundi, qui est très compliquée.

ADRIEN GINDRE
Mais, vous êtes satisfait du service rendu par la RATP aujourd’hui, le fait qu’il y ait des lignes complètement fermées, ce n’est pas un souci ?

CLEMENT BEAUNE
Bien sûr c’est un souci, c’est lié à la grève.

ADRIEN GINDRE
Oui, après il y a une obligation d’organisation du transport de la part de l’entreprise…

CLEMENT BEAUNE
Bien sûr.

ADRIEN GINDRE
Est-ce que l’entreprise organise son service comme elle le doit ?

CLEMENT BEAUNE
Mais l’entreprise organise son service comme elle le peut, au mieux. Il y a eu des horaires d’ouverture qui ont été aménagés pour que certaines stations et certaines lignes soient ouvertes plus tôt que d’habitude ce matin, il y a la mobilisation des salariés qui ne sont pas en grève, il y a des lignes, évidemment les lignes automatiques, sans rentrer dans trop de détails, la ligne 1, ou 14, pour les Parisiens qui nous écoutent, qui fonctionnent heureusement normalement…

ADRIEN GINDRE
Donc il n’y a pas de mécontentement du gouvernement par rapport à la grève.

CLEMENT BEAUNE
Mais, moi je ne reproche pas la situation à la RATP, on parlera peut-être de son président qui arrive, Jean CASTEX, je regrette…

ADRIEN GINDRE
Vous la reprochez aux salariés qui sont en grève ?

CLEMENT BEAUNE
Non, je regrette cette situation de grève. Moi je n’ai jamais été dans in discours de stigmatisation sur les grèves, il y a des préoccupations, comme pour tous les salariés de France, sur le pouvoir d’achat, il y a un dialogue social aussi, je le dis parce que j’ai connu des grèves dès que je suis arrivé au ministère des Transports au mois de juillet, qui ont pu se résoudre par le dialogue social, donc j’y crois…

ADRIEN GINDRE
Mais il y a un dialogue social suffisant aujourd'hui ?

CLEMENT BEAUNE
Oui, je crois qu’il y a un dialogue suffisant dans ces entreprises, on a vu que c’était parfois plus compliqué dans des entreprises comme TOTAL, à la SNCF, à la RATP, on sait faire du dialogue social, et donc je pense qu’il faut lui faire confiance, et surtout que cette grève, qui va se terminer, je l’espère, ce soir, ne se prolonge pas et ne pénalise pas encore davantage les Français, les Franciliens tout particulièrement.

ADRIEN GINDRE
D’après nos confrères du " Figaro " il y a 50 salariés de la RATP qui sont en grève depuis 5 ans, comment c’est possible ?

CLEMENT BEAUNE
Alors ça je ne confirmerai pas cette information, je n’ai pas ce chiffre-là, ce qui est vrai c’est que depuis le début de l’année c’est une des difficultés, il y a des mouvements sociaux ciblés, qui perturbent, au-delà de la pénurie de conducteurs qui est aussi une réalité, le trafic à la RATP, donc là aussi la réponse c’est, et le président Jean CASTEX qui arrive à la RATP aura cette responsabilité, de renouer un dialogue social, de recruter massivement des conducteurs, c’est ça la réponse, au-delà du jeudi noir, pour ne pas avoir un hiver difficile et noir dans les transports franciliens.

ADRIEN GINDRE
Alors Jean CASTEX, vous avez raison en effet, l’ancien Premier ministre, dont la nomination a été validée hier par le Parlement, parce que c’était une proposition du président, il fallait une validation, il y a tout de même eu des réserves de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, qui sont finalement assez circonscrites, sur les questions d’ouverture à la concurrence, mais, une question de fond, est-ce qu’Emmanuel MACRON l’a nommé en sachant qu’il y aurait des réserves de la Haute autorité, est-ce que ça lui était indifférent ou est-ce que vous l’avez découvert ?

CLEMENT BEAUNE
Non, on ne l’a pas découvert parce que, vous l’avez rappelé, il y a un processus extrêmement strict. Quand il est envisagé cette nomination, vous aurez noté le processus, il y a, c’est normal, une saisine de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, qui a rendu son avis, qui a été public, et c’est à la suite de cet avis, c’est après cet avis, que le président de la République a proposé, sous le contrôle du Parlement, la nomination de Jean CASTEX, c’est ça…

ADRIEN GINDRE
Mais il n’y avait pas le candidat sur lequel il n’y aurait pas eu de réserves ?

CLEMENT BEAUNE
Mais, regardez les réserves, on n’en n’a pas beaucoup parlé parce que parfois c’était un peu compliqué à comprendre, mais c’est assez simple en pratique, Jean CASTEX il peut travailler avec tous les membres du gouvernement, je suis ministre des Transports, la tutelle de la RATP, Jean CASTEX évidemment j’aurai des échanges avec lui dès les prochaines heures qui suivent sa nomination, sinon on mettrait en cause le service public, ce ne serait pas acceptable. Il y a des réserves très précises, sans rentrer dans trop de détails, pour ne pas évoquer, pour Jean CASTEX, avec les membres de son ancien gouvernement, une question, qui est celle de l’ouverture à la concurrence à la RATP, ça tombe bien, ça relève de la région Ile-de-France.

ADRIEN GINDRE
Alors cela dit c’est une question qui est très sensible parce que ça fait partie aussi des motifs d’inquiétude des salariés qui sont en grève aujourd'hui, est-ce que vous vous êtes fondamentalement convaincu que c’est une bonne idée cette ouverture à la concurrence, quand on écoute les syndicats, eux ils disent « on va demander à des entreprises de faire du profit sur les transports alors que nous sommes chargés d’un service public » ?

CLEMENT BEAUNE
Non, vous avez raison d’aborder le sujet, il ne faut pas confondre ouverture à la concurrence et libéralisation à tout crin et casse du service public, ça je réfute complètement ce lien. L’ouverture à la concurrence ça se pratique dans un certain nombre de segments des transports publics, c’est vrai sur certaines lignes de trains régionaux, les TER, qui sont en train de s’ouvrir aussi à la concurrence, certaines lignes de TGV, c’est très encadré, il y a toujours une autorité publique qui décide du service, qui décide des lignes de bus, par exemple, ou les TER pour les régions, c’est la région, ou l’Etat, qui décide, ce n’est pas le marché qui décide du niveau de service public des transports, ça c’est très important. La seule chose qui change c’est que dans certains cas l’autorité publique, la région ou l’Etat selon les cas, peut décider d’attribuer une ligne de bus, par exemple, ou une ligne de TER, à un autre opérateur, qui en pratique, d’ailleurs, est souvent un opérateur public, c’est KEOLIS qui appartient au groupe SNCF, ou TRANSDEV qui est aussi un opérateur du secteur public, donc ce n’est pas la libéralisation et le marché. Après, je le sais, cette ouverture à la concurrence elle suscite un certain nombre de questions, elle suscite un certain nombre d’angoisses, auxquelles il appartient aux autorités publiques, pour les salariés, et pour les usagers, de répondre. Ça peut être un avantage si c’est bien organisé, parce que ça crée un peu de pression, pour justement organiser mieux le service public.

ADRIEN GINDRE
Parce qu’aujourd’hui la RATP, par exemple, ne le fait pas convenablement ?

CLEMENT BEAUNE
Mais si, elle le fait convenablement, mais on ne peut pas considérer que rien ne doit jamais changer, rien ne peut pas s’améliorer. Est-ce que je peux dire aux Franciliens, et aux Français aujourd'hui, que tout va bien dans les transports publics ? Non. Il y a une région, pour prendre un autre exemple et ne pas parler que de Paris, qui est la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, dans le Sud, son président Renaud MUSELIER a mis en concurrence certaines lignes régionales et les a attribuées parfois la SNCF, et parfois à un autre opérateur, mais c'est lui qui décide le nombre de trains, les tarifs du train, et le service public…

ADRIEN GINDRE
Alors parfois la région décide et elle n'a pas le service qu'elle a demandé, c'est le cas dans les Hauts-de-France, vous y faisiez allusion tout à l'heure, vous vous y êtes rendu, vous avez vu le président de la région Xavier BERTRAND, il vous a, en tout cas c'est ce qu'il a indiqué, demandé de faire en sorte qu'il y ait 50 conducteurs supplémentaires et 20 agents de maintenance très rapidement pour pouvoir faire tourner au mieux les TER dans les Hauts-de-France, est-ce que vous avez pu lui garantir ces arrivée prochaines de conducteurs supplémentaires ?

CLEMENT BEAUNE
Alors moi je… on parle de sujet suffisamment important pour qu'on ne prenne pas ça à la légère, donc je ne vais pas vous dire qu'on a trouvé entre lundi et mardi - je l'ai vu lundi - 50 ou 60 conducteurs, si ça avait été possible j'ose espérer que nous l’aurions fait avant, donc il y a une pénurie de conducteurs, au niveau national, et spécifiquement dans les hauts-de-France. Je l'ai dit très clairement, la situation dans les Hauts-de-France elle est intolérable, parce qu'il y a eu une mauvaise programmation, une mauvaise anticipation des recrutements, donc il faut…

ADRIEN GINDRE
De la part de la SNCF.

CLEMENT BEAUNE
Il y a eu des responsabilités collectives, mais maintenant il faut résoudre le problème, moi je ne veux pas faire l'archéologie des problèmes parce que je n'étais pas là, etc., peu importe, c'est ma responsabilité aujourd'hui, celle de la SNCF, avec la région, qui est en charge des TER, de résoudre ce problème. Donc oui, pour être très clair, j'ai demandé, ça ne s'est jamais fait, un plan exceptionnel, accéléré, de recrutements à la SNCF. Je le dis très franchement parce que le train c'est la sécurité aussi, on ne va pas mal former, ou moins bien former, les conducteurs de train, j'allais dire à l'arrache, si vous me permettez l'expression, en réduisant les temps de formation, ce serait une folie, ce serait mettre en danger la sécurité des passagers, en revanche on peut trouver des solutions pour attirer plus vite, pour former encore plus, des conducteurs dans les Hauts-de-France. Il y a un plan exceptionnel qui a déjà été mis en place par la SNCF ces dernières semaines, 440 recrutements dans les Hauts-de-France, c’est inédit, mais j'ai demandé au président FARANDOU, de la SNCF, d'accélérer, et oui c'est l'engagement que j'ai pris auprès du président BERTRAND.

ADRIEN GINDRE
Vous lui avez demandé et il vous dit « oui, pas de souci, on le fait », ou vous attendez sa réponse ?

CLEMENT BEAUNE
Oui, pour tout vous dire j’ai vu Monsieur BERTRAND lundi, j’ai vu Monsieur FARANDOU, à nouveau, dès mardi, en rentrant des Hauts-de-France, de Lille, et j'attends ce plan détaillé pour les tout prochains jours, je dis à la SNCF on doit accélérer, on doit faire un effort exceptionnel dans les Hauts-de-France, c'est compliqué, mais on doit y arriver parce que sinon on ne peut pas dire qu’il faut prendre le train et ne pas arriver à faire tourner, ou rouler, le service public ferroviaire.

ADRIEN GINDRE
Hier vous avez, à propos des conducteurs, au Sénat, dit que c'était des métiers en tension, métiers en tension ça fait aussi penser au projet de loi que prépare le gouvernement sur l'immigration, pour être très concret, est-ce que par exemple sur un métier comme celui de conducteur, sur lequel on a des difficultés de recrutement, on pourrait imaginer faire des titres de séjour pour des étrangers qui viendraient conduire des trains en France ?

CLEMENT BEAUNE
Alors, les orientations du futur projet de loi ont été présentées par Gérald DARMANIN et par Olivier DUSSOPT, donc il y a encore beaucoup de travail…

ADRIEN GINDRE
Mais précisément pour répondre aussi aux besoins dans certains secteurs.

CLEMENT BEAUNE
Ce qu'ils ont dit, pour être précis, sur la question de l'immigration spécifiquement, ils ont dit qu'il y a des personnes immigrées en France qui sont en situation aujourd'hui irrégulière, qui néanmoins, on le sait tous, il faut casser cette hypocrisie, occupent des métiers, souvent dans la restauration, pas tellement parce qu'il faut des habilitations, heureusement, des personnes en situation irrégulière qui conduit un métro ou en bus, vous imaginez la difficulté, le scandale que cela serait, donc c'est une station très différente. Ce qu’on a dit c’est que des gens qui occupent les emplois pourraient, avec des vérifications…

ADRIEN GINDRE
Donc on ne fera pas venir des personnes…

CLEMENT BEAUNE
De maîtrise de la langue, etc.

ADRIEN GINDRE
Pour combler ces manques.

CLEMENT BEAUNE
Attendez, il y a un sujet, il y a des personnes qui occupent un emploi, aujourd'hui de manière régulière, qui dans certains cas, c’est l'option qu'on évoquée Gérald DARMANIN et Olivier DUSSOPT, pourraient se trouver régularisées parce qu'ils occupent un emploi aujourd'hui et sont intégrées. Et puis il y a des métiers en tension, sur lesquels on peut recruter de différentes manières, qu'il y ait des personnes immigrées qui occupent des métiers en tension, moi ça ne me pose aucun problème dès lors…

ADRIEN GINDRE
Mais ça vaut aussi dans votre secteur.

CLEMENT BEAUNE
Oui, bien sûr, comme dans tous les métiers en tension, dès lors qu'on respecte des règles, mais pour les métiers du transport en particulier il y a en plus des habilitations, des agréments, je ne vais pas dire aux Français que quelqu'un pourrait contourner ces règles, évidemment nous sommes extrêmement stricts sur le respect des règles de sécurité.

ADRIEN GINDRE
Dans les questions pour inciter les Français à prendre le train, au-delà de la qualité du service, il y a aussi les tarifs, vous avez demandé un bouclier tarifaire à la SNCF, vous l'avez fait dimanche dernier sur cette antenne au « Grand Jury », là encore est-ce que le président de la SNCF vous a dit « oui, pas de souci, on le fait », pour quand et dans quelles conditions ?

CLEMENT BEAUNE
C’est l’orientation de l'Etat, je vous rappelle que la SNCF est une société 100% publique, donc l'Etat donne des orientations…

ADRIEN GINDRE
Donc elle doit obtempérer ?

CLEMENT BEAUNE
Ce n’est pas une question d’autorité, c’est une question de responsabilité bien sûr, la SNCF met en oeuvre ces orientations.

ADRIEN GINDRE
Et à quelle date, à quel moment on verra…

CLEMENT BEAUNE
Alors ce sera à préciser dans les prochains jours, je veux juste expliquer la logique. Il y a des charges qui augmentent partout, il n’y a pas de miracle, y compris dans le secteur des transports, parce que la SNCF c’est 2% à elle toute seule de la consommation d’énergie en France, donc notre première réponse c’est de baisser les factures d'énergie de la SNCF, c'est ce qu'on est en train de faire, le président FARANDOU avait dit " ça nous coûte à peu près de 2 milliards d'euros de plus avec la hausse mondiale des coûts de l'énergie ", on a quasiment divisé par deux cette facture avec nos mesures, donc ça c'est très important. Ensuite il y a quand même des charges qui augmentent, et donc il peut y avoir des augmentations de tarifs, je veux qu'elles soient plafonnées, limitées, inférieures à l’inflation.

ADRIEN GINDRE
Alors, il peut y avoir des augmentations de tarifs, ou il y aura des augmentations de tarifs ?

CLEMENT BEAUNE
Je dis il peut, non pas pour cacher les choses, il y en aura sur certains billets, pas sur tous, parce qu’il faut différencier. Donc, pour être très clair, deux principes, et la SNCF précisera le dispositif, je veux que les hausses de tarifs ne soient en tout cas pas supérieures à l'inflation, même qu'elles soient inférieures à l'inflation, on a une inflation qui est autour de 6% aujourd'hui, donc il ne faut pas qu'il y ait de hausses des tarifs qui soient supérieures à l'inflation, il faut qu'elles soient plus basses que l'inflation. Deuxième principe, il faut différencier, parce qu'il y a des gens qui ne peuvent pas supporter une hausse, même quelques pour-cent, des tarifs, quand vous avez un abonnement ça veut dire que vous circulez souvent, pour le travail en général, dans les trains au quotidien, quand vous êtes un jeune, quand vous êtes une famille modeste, vous prenez par exemple plutôt des Ouigo, qui sont les TGV les moins chers, eh bien sur ces catégories-là je veux qu'on fasse un effort supplémentaire pour protéger le pouvoir d'achat des Français les plus modestes et qu'ils puissent encore utiliser le train, donc c'est ce dispositif, avec ces deux orientations, que j'ai demandé à la SNCF.

ADRIEN GINDRE
Il y a aussi un risque d'augmentation sur certains transports du quotidien en Ile-de-France, il y a toujours cette menace d'un Navigo qui pourrait passer à 100 euros, dans le même temps le gouvernement avait indiqué, il y a quelques semaines, selon certaines sources, travailler à un chèque-transport pour aussi aider sur ces déplacements du quotidien, est-ce qu'il va voir le jour ce chèque-transport ou est-ce qu'il est abandonné ?

CLEMENT BEAUNE
Il y avait eu des rumeurs, jamais le e gouvernement n’a évoqué un chèque-transport, donc je vais être très clair, ce n’est pas une des options sur laquelle on travaille aujourd'hui. Vous avez évoqué les transports en Ile-de-France…

ADRIEN GINDRE
Le chèque-transport c’est une idée qui est écartée, on comprend bien ce que vous dites ?

CLEMENT BEAUNE
Non il n’y a pas… je vous confirme, il n’y a pas de projet de chèque-transport au sens où vous recevrez un chèque pour ses abonnements de transport, en revanche notre responsabilité c'est de faire en sorte que les abonnements sur les moins coûteux possibles. J’ai parlé du bouclier tarifaire pour ce qui relève de l'Etat, c'est-à-dire les trains Intercités, les TGV, et puis les TER ils relèvent des régions, c'est elles qui fixent les tarifs, ce n'est pas une question de renvoi la responsabilité, c'est la réalité, c'est leur compétence. Maintenant il faut les aider, d'abord en baissant leur facture d'énergie, c’est pour ça qu'on aide les régions, comme toutes les collectivités locales, et puis il y a des situations spécifiques, l’Ile-de-France a effectivement des coûts très élevés pour que ses transports, je le reconnais, donc moi j'ai une discussion avec la présidente de région Valérie PECRESSE, c'est la responsabilité de la région, mais on va discuter pour aider au mieux la région, comme on l'a fait pendant la crise Covid par exemple massivement, la région Ile-de-France, dans les semaines et les mois qui viennent.

ADRIEN GINDRE
La hausse de ces prix de l'énergie ça a aussi des conséquences sur les collectivités, c'est le cas à Paris par exemple, Anne HIDALGO, pour toute une série de raisons, a indiqué qu'elle allait augmenter la taxe foncière pour les Parisiens, vous vous en êtes ému, pourquoi ? Elle dit " on épargnera ceux qui font de la rénovation énergétique et les plus modestes. " Est-ce que ce n’est pas précisément la bonne méthode, ça ressemble un peu à ce que vous venez d'évoquer sur les personnes…

CLEMENT BEAUNE
Mais, moi je suis élu de Paris, c’est pour ça que je me suis exprimé, la Maire de Paris peut faire ses choix, d’ailleurs elle a la possibilité de proposer, à son Conseil de Paris, dans quelques jours, ces augmentations de fiscalité, simplement, moi je suis élu de Paris et j'entends aussi ce que me disent les Parisiens, c'est hallucinant d'avoir fait ça, d'abord parce que ce n’est pas vrai que la Ville de Paris n'est pas aidée par l'Etat. Il y a deux choses qui m'ont choqué, c’est ce que j’ai dis, d'abord trahir ses promesses ce n'est jamais une bonne chose…

ADRIEN GINDRE
Ça arrive, Emmanuel MACRON n’a pas tenu tous ses engagements de campagne présidentielle.

CLEMENT BEAUNE
Le faire, d’abord, ça ne justifie jamais le reste, je crois qu'on pourrait avoir ce débat et qu'on pourrait répondre point par point, mais peu importe, la maire de Paris a dit devant les Parisiens, moi, mes électeurs me le disent, à plusieurs reprises, publiquement, je n'augmenterai pas les taxes, donc il y a quand même un gros problème, et puis, surtout, moi, ce qui me choque le plus, c'est que quand on fait de la politique, on assume ses responsabilités, la première phrase de la maire de Paris, ça a été de dire : c'est à cause de l'Etat, franchement, quand on est une collectivité de la taille de la ville de Paris, un peu les responsabilité, un peu de décence, il y a des collectivités locales en France qui sont dans des difficultés immenses, des petites communes, des départements en difficulté ; ce n'est franchement pas le cas de Paris, et le sujet financier de Paris, ce n'est pas les difficultés récentes qu'on connaît, la dette a augmenté de 40% en 5 ans, elle a doublé depuis que monsieur DELANOË a quitté le bureau à l'Hôtel de ville. Donc c'est une situation qui est de la responsabilité de la ville de Paris, je crois qu'il est mieux que chacun, de manière transparente, assume ses choix et ses responsabilités.

ADRIEN GINDRE
La dette a aussi augmenté pour l'Etat du fait du confinement ces dernières années…

CLEMENT BEAUNE
Mais nous ne demandons pas à quelqu’un d'autre de faire ces choix à notre place, nous les assumons devant les Français.

ADRIEN GINDRE
Dans les sujets politiques de discussions, il y a également eu beaucoup de réactions hier suite à l'hypothèse que le groupe de travail sur l'antisémitisme soit confié au Rassemblement national, à l'Assemblée, et la présidente de l'Assemblée a démenti, en disant que ce n'était pas du tout arbitré, et que le processus serait figé au 7 décembre prochain. Est-ce que ce serait pour vous un problème que le Rassemblement national soit la tête de ce groupe de travail sur l'antisémitisme ?

CLEMENT BEAUNE
Oui bien sûr, moi, je ne suis pas parlementaire, ce n’est pas moi qui choisis directement, mais la présidente de l'Assemblée nationale a bien fait d'abord de rétablir la vérité, le Front national, le Rassemblement national, comme on dit aujourd'hui, a fait une provocation cynique en se positionnant sur cette présidence qu’il demande, rien n'est décidé…

ADRIEN GINDRE
Mais pourquoi parc qu’ils sont antisémites ? Enfin, quelle est l’objection ?

CLEMENT BEAUNE
Non, mais vous voyez bien que d’avoir choisi de la part du Rassemblement national cette présidence, cette demande de présidence, puisque j'espère bien que cela n'arrivera pas, c'est pour dire : nous ne sommes pas dans la tradition de l'extrême droite française qui a été antisémite, xénophobe, etc., moi je dis, je l'assume, que la tradition politique de l'extrême droite, c'est la xénophobie, le racisme et l'antisémitisme, ça ne veut pas dire que chacun est dans cette situation, ça veut dire qu'il y a une tradition politique à assumer, et essayer de laver cette histoire par cette demande de présidence, je trouve que c'est en effet extrêmement cynique, sur le fond, je pense que les digues ne doivent pas sauter, et qu’il ne faut pas confier cette présidence à un représentant du Rassemblement national, c’est les parlementaires qui feront leur choix, mais la présidente de l'Assemblée a, je crois, été très claire, de même que le président par intérim du groupe Renaissance, monsieur MAILLARD, député de Paris.

ADRIEN GINDRE
Un tout dernier mot très rapidement, il y a aussi des interrogations visiblement ces derniers jours sur l'opportunité ou pas de dissoudre l'Assemblée, qui est – on le rappelle – en majorité relative pour le gouvernement aujourd'hui, est-ce que ce serait une bonne ou une mauvaise idée ?

CLEMENT BEAUNE
Eh bien, c'est une prérogative du président de la République, et ce n'est pas un jeu, la dissolution, c'est une option qui se considère s'il y avait un blocage du pays, ça n'est jamais quelque chose qu'on fait spontanément ou en se réveillant le matin, mais c'est une prérogative du président, le président a toujours été très clair…

ADRIEN GINDRE
Mais il n’y a pas de blocage aujourd’hui à vos yeux ?

CLEMENT BEAUNE
Mais, on a, heureusement d'ailleurs, ces derniers jours, vu qu'on pouvait avancer, avec de la bonne volonté, il y en a eu un peu plus que ces premières semaines de session parlementaire de la part des Républicains, des socialistes aussi, ce qui a permis d'avancer sur le projet de loi de finances rectificative, au Sénat, sur les énergies renouvelables, tant mieux…

ADRIEN GINDRE
Donc pas de nécessité aujourd’hui. Très bien.

CLEMENT BEAUNE
D’abord, avançons…

ADRIEN GINDRE
Merci beaucoup Clément BEAUNE d’avoir été notre invité ce matin…

CLEMENT BEAUNE
Merci.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 18 novembre 2022