Interview de Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée des personnes handicapées, à RFI le 17 novembre 2022, sur la 26e édition de la "Semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées".

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Média : Radio France Internationale

Texte intégral

FREDERIC RIVIERE
Bonjour Geneviève DARRIEUSSECQ.

GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Bonjour.

FREDERIC RIVIERE
Nous sommes au cœur de la 26e édition de la « Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées », et c’est aujourd’hui le "Duo day", on y reviendra puisque pour l’occasion, vous n’êtes pas venue seule. Le thème de cette 26e édition se présente sous la forme d’une question : à quand le plein emploi pour les personnes en situation de handicap ? Et il est vrai que la situation s’améliore, certes, le taux de chômage des personnes handicapées a baissé, mais il reste tout de même encore deux fois plus élevé que dans l’ensemble de la population active.

GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Absolument. Donc nous sommes à la manœuvre, et particulièrement pendant cette Semaine qui nous permet de mettre en avant les possibilités d’emploi des personnes handicapées, leur capacité, et puis aussi tous les modes de formation adaptées qui existent aujourd’hui et qui permettent à ces personnes tout simplement d’acquérir un peu plus de compétences et de pouvoir rentrer dans l’emploi. Donc cette Semaine est très importante parce qu'elle sensibilise chacun au fait qu’il n'y a que la compétence qui compte, et c'est ce que nous voulons mettre en avant cette année.

FREDERIC RIVIERE
L'emploi des personnes handicapées est une obligation pour les entreprises, il faut le rappeler. Elles doivent normalement représenter 6 % de la masse salariale. Le service public n'est pas très loin de ce chiffre avec 5,44 %. En revanche, dans le privé, on est assez loin du compte puisqu'on est à 3,5, c'est-à-dire à peine plus de la moitié de ce qui est requis. Comment on explique ce décalage ? Parce que dans le public, l'Etat a plus de moyens de pression ?

GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Ecoutez, peut-être qu'il y a une sensibilisation, mais même dans le public, nous ne sommes pas à 6 %. Donc, moi, je ne suis pas satisfaite et il y a des disparités importantes. La fonction publique, par exemple territoriale, est peut-être meilleure que la fonction publique d'Etat. Donc nous avons dans chaque ministère, dans chaque administration, nous avons encore beaucoup de travail. Donc, moi, je ne m'en satisfais pas. Mais dans le privé, il y a encore une marche plus haute avec des situations très diverses selon les secteurs et selon la typologie des entreprises. Dans les grands groupes, on retrouve facilement un chiffre qui s'améliore notablement. Par contre, dans les PME et les TPE, il y a une moindre sensibilisation. Donc moi j'ai vraiment demandé avec Olivier DUSSOPT, le ministre du Travail, à l'Agefiph qui est l'organisme qui aide à cette intégration des personnes en situation de handicap dans les entreprises, d'être particulièrement sur le terrain, auprès des PME des TPE parce que ce sont des entreprises qui recrutent massivement et sur tout le territoire français, y compris dans les zones rurales, dans les zones moins denses que les métropoles.

FREDERIC RIVIERE
TPE-PME, c'est "Très petites et moyennes entreprises". Non mais je le précise puisque ce n'est pas forcément limpide pour tout le monde. Le levier de la formation est très important, et celui-là, vous voulez l'actionner aussi fort que possible.

GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
La formation, c'est essentiel. D'abord c'est essentiel pour la population en général, et donc c'est essentiel aussi pour les personnes handicapées. Elles ont des compétences. J'étais hier, par exemple, dans une réunion qui restituait vraiment des actions formidables dans le domaine du numérique. Les personnes handicapées qui ont des compétences dans ce domaine-là peuvent suivre des formations et avoir à la clé immédiatement des emplois parce que c'est un domaine qui recrute beaucoup. Et quelques fois, il faut aller chercher ces compétences parce que ce ne sont pas des personnes qui ont des cursus scolaires, voire universitaires classiques. Donc il faut aller repérer ces compétences, faire des formations et mettre les gens en emploi. C'est tout à fait possible et c’est fait, et nous devons être très proactifs pour poursuivre dans ce sens.

FREDERIC RIVIERE
Oui. Et il y a aussi des efforts à faire pour simplifier les démarches pour les entreprises.

GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Oui. Alors, là, nous avons du travail, un travail de simplification globale à réaliser.

FREDERIC RIVIERE
Une maladie française, la paperasserie.

GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
C'est une maladie française. Et nous avons véritablement un travail global à réaliser. Ça rentre dans les axes forts que nous voulons mettre en œuvre pour la prochaine Conférence nationale du handicap. Il faut simplifier, simplifier les démarches pour les personnes handicapées, mais simplifier également les démarches pour les employeurs. Tout est trop complexe et il n'y a pas suffisamment de transversalité et de passerelles possibles, tout est en silos. Donc nous devons décloisonner pour être plus efficaces.

FREDERIC RIVIERE
Il faut aussi faire changer les mentalités, et c'est l'un des premiers objectifs de ce duo day. Je rappelle que cette opération, qui en est aujourd'hui à sa cinquième année, consiste - pour une entreprise, une collectivité ou une association - à accueillir pour une journée une personne en situation de handicap qui va donc former un duo avec une personne, un professionnel qui s'est porté volontaire. Et vous êtes donc venue aujourd'hui avec Marie LEMIERE avec laquelle vous formez ce duo. Bonjour Marie LEMIERE.

MARIE LEMIERE, ETUDIANTE EN MASTER 2 DE GEOGRAPHIE
Bonjour.

FREDERIC RIVIERE
Vous êtes étudiante en master 2 de géographie. Alors je ne sais pas si on dit "option", mais en tout cas "biodiversité, territoires et environnement". Qu'est-ce que représente pour vous cette journée du duo day ?

MARIE LEMIERE
C'est une journée importante, c'est une journée où l’handicap est reconnu. Les personnes en situation de handicap peuvent passer une journée avec une personne valide. Donc c'est important pour rentrer dans le milieu de l'emploi tout simplement, d'avoir une connaissance de ce milieu et d'avoir une reconnaissance aussi par ses pairs valides tout simplement, et de ne pas cloisonner le handicap à un secteur et de faire mains communes valides et handicapés.

FREDERIC RIVIERE
Qu’est-ce que vous avez peut-être l'impression de pouvoir apprendre d'une certaine manière à la ministre à l'occasion de cette journée ?

MARIE LEMIERE
Je pense que ça peut être un moment d'échange aussi sur nos difficultés qu'on rencontre au quotidien. Passer une journée aussi, c'est voir nos difficultés quotidiennes que l'on a avec un handicap ; ce n'est pas toujours facile à apercevoir. Et c'est surtout ça, c'est un moment d'échange et pouvoir apprendre, apprendre de l'autre et apprendre... oui.

FREDERIC RIVIERE
Oui. Votre handicap n'est pas toujours visible puisqu'il évolue parfois d'une journée à l'autre, d'une semaine à l'autre. Est-ce que c'est encore plus difficile lorsque l'on est atteint d'un handicap qu’on dit « invisible » ? Est-ce que c'est plus difficile que pour les personnes dont le handicap est immédiatement compréhensible d'une certaine manière ?

MARIE LEMIERE
Oui, oui, c'est beaucoup plus difficile déjà à accepter pour la personne en situation de handicap, la personne qui vit la maladie et le handicap. Il y a aussi un problème de reconnaissance, que ce soit par les administrations. Je pense à la MDPH tout simplement qui reconnaît ça, la Maison des personnes en situation de handicap, ou la CPAM. Toutes ces administrations qui ne reconnaissent pas forcément le handicap. Ce qui n'est pas figé, il n'est pas fixe, il est évolutif.

FREDERIC RIVIERE
Et parfois même dans le milieu puisque, vous, vous avez voulu intégrer une équipe paralympique, et qu'on vous a dit non parce que vous n'êtes pas suffisamment handicapée ?

MARIE LEMIERE
Oui. Il y a des critères.

FREDERIC RIVIERE
Pas assez valide ? Pas trop valide mais pas assez handicapée ?

MARIE LEMIERE
Pas assez handicapée. Donc je suis dans une tranche intermédiaire dans laquelle je ne peux pas me destiner à une pratique paralympique ou une pratique plutôt de sport classique.

FREDERIC RIVIERE
Geneviève DARRIEUSSECQ, un duo comme cela, évidemment, c'est très bien, mais qu'est-ce qu’il se passe après ?

GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Mais écoutez, aujourd'hui, moi, je suis très très contente parce que nous avons plus de 20 300 duos qui ont été formés ; l'an dernier, il y en avait 17 000.

FREDERIC RIVIERE
Oui. C’est une opération qui est jeune, on le rappelle, qui a cinq ans.

GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
L'an dernier, nous en avions 17 000. Et en 2021, il y a eu à peu près un duo sur cinq, une personne handicapée sur cinq qui a trouvé une solution ou un stage ou un emploi dans l'entreprise où elle avait fait ce duo. Donc, moi, je trouve que c'est prometteur aussi. Ça permet de découvrir et puis ça permet aussi quelque fois d'avoir des opportunités de pouvoir rentrer directement dans l'entreprise. Donc cette journée aussi, elle est importante pour les entrepreneurs et pour les handicapés.

FREDERIC RIVIERE
Il nous reste trente secondes, mais peut-être faut-il le rappeler en quelques mots que l'emploi des personnes handicapées ne nuit pas à la productivité, voire au contraire ?

GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
L'emploi des personnes handicapées ne nuit absolument pas à la productivité, et amène un climat social tout à fait différent dans une entreprise.

FREDERIC RIVIERE
Merci Geneviève DARRIEUSSECQ, merci Marie LEMIERE. Bonne journée.

GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Merci.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 21 novembre 2022