Texte intégral
LÉA SALAMÉ
Bonjour Olivier VÉRAN.
OLIVIER VÉRAN
Bonjour à vous deux, à vous trois, ou quatre d'ailleurs.
LÉA SALAMÉ
Merci d'être avec nous ce matin… on est quatre. Bonjour à vous. Un ticket de métro qui passerait de 1,90 euro à 2,30 euros l'année prochaine, soit une augmentation de 20 %, un passe Navigo qui passerait à 90 euros au lieu de 75 euros aujourd'hui, c'est une option sérieusement étudiée par la région Ile-de-France pour pouvoir boucler son budget l'année prochaine face à la hausse des frais de fonctionnement et l'inflation, c'est une information sortie ce matin par BFM Ile-de-France. Un ticket de métro à 2,30 euros, un passe Navigo à 90 euros, est-ce que c'est normal ?
OLIVIER VÉRAN
En tout cas ce n'est pas le bon moment. Ce n'est pas le bon moment parce que les Français font face à l'inflation et que les Français qui prennent les transports en commun sont les Français qui travaillent, qui font partie de ces classes moyennes que le gouvernement veut accompagner, et donc ce ne serait pas une bonne nouvelle. Alors, qu'est-ce que nous faisons ? D'abord c'est une compétence de la région, c'est Madame PÉCRESSE qui peut appuyer sur le bouton ou ne pas le faire. Ensuite ce sont des financements partagés, une partie de financement qui est liée à la collectivité de la région, une partie financement État, une partie financée par les entreprises, et je note d'ailleurs que comme l'emploi repart en Ile-de-France l'argent versé par les entreprises pour payer les dépenses de mobilité en Ile-de-France a plutôt fortement augmenté, donc c'est plus de recettes pour la région. Maintenant si Madame PÉCRESSE fait face à des difficultés pour…
LÉA SALAMÉ
Boucler son budget.
OLIVIER VÉRAN
Pour boucler son budget, ce que nous faisons c'est que nous nous mettons, nous État, autour de la table, avec les services de la région, pour identifier les voies et moyens pour éviter une hausse aussi importante que celle qui a été citée.
LÉA SALAMÉ
Non, mais ça d'accord, mais ça fait des mois et des mois qu'on parle de ça, qu'on parle du déficit de ce budget, du financement des transports en Ile-de-France, qui d'ailleurs ne marchent pas très bien convenez-en, que ce soit le métro ou le RER, et là on apprend qu'un… non, mais vous vous rendez compte, les gens ils sont là en train d'apprendre que le passe Navigo va passer à 90 euros, pardon, je ne sais pas si c'est… vous êtes porte-parole du gouvernement…
OLIVIER VÉRAN
Eh bien oui, du coup mon travail c'est plutôt de commenter ce que fait le gouvernement, là vous me demandez de commenter ce que pourrait faire une présidente de région, qui ne fait pas partie en plus de la majorité, donc je vous dis les choses très calmement. Quand il a fallu accompagner la région, par exemple pendant le Covid, l'État a mis 2 milliards d'euros de subvention supplémentaires pour faire en sorte que le prix du billet de métro n'explose pas pour les Franciliens, donc on a toujours pris nos responsabilités…
LÉA SALAMÉ
Elle vous dit "je n'ai pas assez", elle vous dit "je n'ai pas assez pour boucler mon budget, donc ce sera aux usagers de payer."
OLIVIER VÉRAN
Gouverner c'est choisir, Madame PÉCRESSE est maîtresse de son budget, des dépenses qu'elle engage et des recettes qu'elle récupère, donc nous sommes autour de la table dans une logique de concertation, il ne s'agit pas de l'incriminer, voyez j'aurais pu dire "holà là, c'est dégoûtant", etc., ce n'est pas ce que je vous dis, je vous dis juste ce n'est pas le moment, certainement pas une hausse aussi forte, et donc nous travaillons, le ministre des Transports, Clément BEAUNE, travaille avec les services transports de la région, pour voir comment est-ce que d'autres solutions pourraient être envisagées, mais encore une fois la décision finale c'est Madame PÉCRESSE.
LÉA SALAMÉ
Dans ce contexte est-ce le moment d'annoncer la construction de 10 RER, c'est l'annonce surprise du week-end faite par Emmanuel MACRON, il veut développer le RER dans dix grandes villes françaises, il l'a annoncé dans une séquence de questions-réponses avec des internautes sur YouTube, apparemment personne n'était au courant au gouvernement, vous étiez au courant ?
OLIVIER VÉRAN
Moi je suis non seulement sur le dossier, parce qu'il y a un dossier, vous savez j'ai été député de Grenoble, il y a un dossier du RER métropolitain grenoblois. C'est quoi le principe ? C'est de se dire d'abord on fait en sorte que les trains, c'est les mêmes voies ferroviaires généralement, sauf à Lille, je crois, où il serait question de construire carrément des voies ferroviaires, donc vous utilisez les voies ferroviaires, mais vous faites en sorte que le train ne s'arrête plus quand il traverse la ville et qu'il n'ait plus besoin de faire demi-tour. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que vous multipliez la vitesse de rotation du train. En pratique ça veut dire quoi pour les gens ? Qu'ils auront un RER, toutes les 15 minutes à peu près, au lieu de parfois devoir attendre 20, 25 ou 30 minutes. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que vous en changez d'usage, parce que quand vous savez que vous avez 3, 4 minutes à attendre sur un quai avant d'attraper le prochain RER, vous changez votre modalité de transport. Ça veut dire qu'on réduit les émissions carbone dans les centres-villes, ça veut dire qu'on a beaucoup moins de pollution, c'est très bien pour tout le monde.
LÉA SALAMÉ
C'est pour quand ?
OLIVIER VÉRAN
Ce sont des projets qui prennent des années parce que…
LÉA SALAMÉ
Donc c'est un projet pour dans dix ans en fait !
OLIVIER VÉRAN
En fait non, mais c'est un projet qu'on démarre, il faut le démarrer très tôt, et ensuite, selon la nature des projets, le niveau de préparation, ça peut aller plus ou moins vite. Sur le sujet métropolitain grenoblois par exemple…
LÉA SALAMÉ
Ça va coûter combien Olivier VÉRAN ?
OLIVIER VÉRAN
Je crois que c'est une question, ça se fait sur une décennie, ce sont des projets qui sont astronomiques, mais importants.
LÉA SALAMÉ
Ça va coûter combien ? On parle de 30 milliards d'euros, c'est beaucoup, est-ce qu'on a les moyens de payer ça ?
OLIVIER VÉRAN
Oui, parce que c'est un coût d'investissement, ce n'est pas un coût de fonctionnement, en fait il faut différencier les deux. Là juste avant on parlait du prix de billet de métro, de Madame PÉCRESSE en Ile-de-France, ça c'est du coût de fonctionnement, ça veut dire à l'année pour boucler son budget. Le fonctionnement c'est différent de l'investissement, l'investissement c'est de l'argent que vous mettez en one shot, en une fois, mais qui permet de moderniser et de nous amener dans un autre univers en matière de transports, vraiment c'est fondamental, il faut que chacun se rende compte que… parce qu'on n'a pas forcément le réflexe de se dire "tiens, j'ai 20 bornes à faire, je vais aller prendre un train", parce qu'on dit "houlà là, à quelle heure il va passer, est-ce qu'il sera à l'heure, il est sur quel quai ?", là ça devient un réflexe, vous le prenez comme vous prenez un tram.
LÉA SALAMÉ
Olivier VÉRAN, quel rôle à jouer le cabinet de conseil McKinsey dans les deux campagnes d'Emmanuel MACRON, le cabinet de conseil a-t-il été ensuite favorisé dans l'attribution de contrats avec l'État, c'est ce que va tenter de savoir le parquet national financier qui a ouvert deux informations judiciaires, on l'a appris en fin de semaine dernière. Le sparadrap McKinsey revient coller à Emmanuel MACRON, il avait dit pendant sa campagne "je n'ai rien à craindre, s'il y a des preuves de manipulation que ça aille au pénal", on y est.
OLIVIER VÉRAN
Non, alors c'est une information, pardon, ce n'est pas une information judiciaire, ça veut dire que la justice a été saisie par des associations qui saisissent, pour certaines d'entre elles, assez souvent la justice nous concernant, et donc une information judiciaire ça veut dire qu'ils vont regarder. Pardon, il n'est pas du tout question de savoir si McKinsey en tant qu'entité a participé à la campagne, ce n'est pas la question qui est posée, il y a plusieurs sujets.
LÉA SALAMÉ
Il s'agit de savoir s'il y a eu un délit de favoritisme ou pas.
OLIVIER VÉRAN
Non, la question c'est de savoir s'il y a des gens qui travaillaient chez McKinsey, qui par ailleurs ont participé à une ou plusieurs campagnes dans le cadre des élections. Est-ce qu'ils ont participé ? Si c'est le cas, en un tutti personnel, c'est-à-dire en leur nom propre… dire qu'ils ont fait du bénévolat, comme beaucoup de gens d'ailleurs issus de n'importe quelle entreprise, ou du public, ou du privé, peuvent le faire…
LÉA SALAMÉ
Ce n'est pas que ça, pardon !
OLIVIER VÉRAN
Mais, l'information elle vise à savoir ça.
LÉA SALAMÉ
Ce n'est pas est-ce qu'ils ont participé ou pas, c'est est-ce qu'il y a eu un délit de favoritisme ensuite dans l'attribution des contrats.
OLIVIER VÉRAN
Ça je ne comprends pas ce que ça veut dire. Enfin, je vais vous dire une chose Léa SALAMÉ. Moi j'ai passé, quand j'étais ministre en charge de la Santé, des contrats publics, avec un système d'appel d'offres, et d'ailleurs on a un système de carrousel qui fait qu'à tour de rôle les entreprises se voient attribuer des contrats, les trucs sont super clairs et transparents. Ce qu'on dit, ce qu'a demandé le président de la République, et la Première ministre, c'est qu'on réduise les voilures sur les contrats passés auprès des cabinets. Je vais vous dire…
LÉA SALAMÉ
Vous allez faire votre mea culpa comme Bruno LE MAIRE qui a dit "oui, il y a eu des dérives, oui il y a eu des abus" ?
OLIVIER VÉRAN
Non mais moi je ne sais pas ce que c'est, pardon, je ne sais pas ce que c'est qu'une dérive ou un abus, je sais que quand j'ai eu besoin de rattraper l'Allemagne dans la campagne vaccinale, eh bien j'ai fait appel à une entreprise qui venait de conseiller l'Allemagne dans l'élaboration des centres de vaccination, par contre je peux vous faire deux constats, le premier constat c'est qu'il y a une hyper concentration des entreprises de conseil, qui se sont rachetées les unes les autres, et qui sont devenues du coup prééminentes et probablement que quand il y a une concentration ça fait monter les prix, donc c'est peut-être un sujet, et le deuxième sujet c'est qu'en fait si on fait appel à des boîtes privées pour conseiller l'État, ou les collectivités d'ailleurs, les maires…
LÉA SALAMÉ
C'est parce que les fonctionnaires en savent pas le faire ?
OLIVIER VÉRAN
Non, c'est parce qu'on en a moins, parce qu'il y a eu les programmes de réduction des fonctionnaires, dont certains présidents se sont fait les héros, et en réalité, à l'époque l'État a considéré qu'il y avait certaines compétences, notamment informatiques, c'est souvent d'ailleurs, pour l'essentiel, des contrats de nature… informatique.
LÉA SALAMÉ
Pardon, parce que…
OLIVIER VÉRAN
L'Etat a considéré que ce n'était plus à lui de garder des fonctionnaires pour le faire et qui passerait par du privé quand il n'en aurait besoin, si aujourd'hui on considère que c'est à l'État de conserver ces compétences, très bien, dans ce cas-là on ré-internalise et on fera moins appel à des compétences privées.
LÉA SALAMÉ
Pardon, je vous fais réagir parce que j'ai l'impression qu'il y a deux lignes au gouvernement. Vous vous dites "je ne sais pas ce que ça veut dire dérive et abus", il y a deux jours, Bruno LE MAIRE, "oui, il y a eu une dérive, oui, il y a eu des abus, oui le gouvernement a eu trop recours à des cabinets de conseil." Vous n'êtes pas d'accord avec lui ?
OLIVIER VÉRAN
Mais ce n'est pas que je dis que je ne suis pas d'accord ou non, je vous dis que moi, en tant que ministre de la Santé, par exemple, pour vous citer un exemple que je connais bien, pendant deux ans et demi, quand on a fait appel à des contrats, d'ailleurs j'ai été devant la commission sénatoriale qui n'a rien eu à dire sur le fond des contrats pour lesquels j'avais fait appel à du privé…
LÉA SALAMÉ
54 commandes…
OLIVIER VÉRAN
On n'avait vraiment, vraiment, vraiment pas le choix.
LÉA SALAMÉ
Concernant votre cas pratique à vous, quand vous étiez ministre de la Santé, vous avez passé 54 commandes de rapports à McKinsey, c'est ce que vous avez reconnu…
OLIVIER VÉRAN
Ce n'est pas des rapports !
LÉA SALAMÉ
54 commandes à McKinsey, ou à d'autres d'ailleurs, pour un montant de 27 millions d'euros, pour vous ce n'était pas trop ?
OLIVIER VÉRAN
Sur un montant de dépenses total, liées à la crise Covid, qui se compte en milliards en réalité Léa SALAMÉ. Ce qu'il faut comprendre, quand vous dites 50 contrats, on a l'impression que j'ai passé mes journées à signer des contrats, non, en fait vous avez des contrats qui sont renouvelés parfois, des contrats de trois semaines, et que vous renouvelez trois semaines, par exemple la vaccination, quand il a fallu finalement ouvrir des méga-centres, et puis ensuite quand il a fallu organiser la vaccination pédiatrique, et en fait, si vous regardez bien, les entreprises qui nous ont conseillé dans cette période, ont conseillé l'Allemagne, ont conseillé la Suisse, ont conseillé l'Italie, etc., etc.
LÉA SALAMÉ
Donc il n'y a pas d'abus, c'est ça que vous me dites ce matin ?
OLIVIER VÉRAN
Moi je n'ai pas constaté, je vous le dis très franchement…
LÉA SALAMÉ
Voilà, c'est ça qu'on veut savoir.
OLIVIER VÉRAN
Je n'ai pas constaté dans mon ministère, après peut-être que dans d'autres ministères les choses sont différentes, mais ce que je comprends, encore une fois, de ce sujet, ce que ça pose comme question, et ça me l'a posée à moi aussi, parce que j'aime l'État, et que j'aime la fonction publique, et que j'aime les services publics, profondément…
LÉA SALAMÉ
Oui, c'est ça la question au fond.
OLIVIER VÉRAN
C'est qu'on n'avait plus les compétences suffisantes pour, tout seul, du secteur public, arriver à tout gérer, donc c'est ça la conclusion qu'il faut qu'on tire si vous voulez.
LÉA SALAMÉ
Rapidement pardon, mais il y a beaucoup d'actu ce matin, donc c'est bien qu'on vous ait. L'ambiance était très tendue jeudi dernier à l'Assemblée nationale, vous avez même parlé d'un niveau de tensions jamais vu en 12 ans au Parlement, notamment autour de la question du texte de la réintégration des soignants non-vaccinés, les LR, LFI, RN sont pour, vous êtes contre, on sait que l'Italie et l'Allemagne ont levé l'obligation vaccinale, vous maintenez la position en France, ce sera non, c'est non ?
OLIVIER VÉRAN
D'abord il y a la forme et le fond pour jeudi dernier. Sur la forme, oui, moi j'ai horreur de la violence, ça me met mal à l'aise…
LÉA SALAMÉ
Vous parlez de "tu vas la fermer" d'un député à un autre ?
OLIVIER VÉRAN
Pas que ça, enfin je veux dire les députés qui se lèvent dans les travées, qui vont voir les députés de la majorité, qui vous pointent du doigt, et puis moi j'ai connu l'Assemblée où il y avait la... dans l'arène de l'hémicycle, où les gens s'engueulent un peu, mais quand on se retrouve dans les couloirs on se tape sur l'épaule, là c'était tendu dehors, je veux dire, je ne raconterai pas, mais…
LÉA SALAMÉ
Mais si, racontez…
OLIVIER VÉRAN
Non, non, ce n'est pas le lieu, je dis juste qu'il faut raison garder, et que l'image, l'image, que l'Assemblée renvoie à la population, est fondamentale, à l'heure où on est tous, les uns et les autres, à déplorer, à juste titre, cette violence sur les réseaux sociaux.
LÉA SALAMÉ
Monsieur le ministre, vous le savez très bien, on vous répondra qu'Emmanuel MACRON lui-même a dit "j'emmerde les non-vaccinés", est-ce que c'était un modèle aussi dans le genre ?
OLIVIER VÉRAN
Mais je vous garanties, pardonnez-moi, que ce n'est absolument pas la même chose d'avoir une petite formule comme celle-ci et d'avoir face à vous des gens qui sont vraiment agressifs et très énervés. Ensuite sur le fond, je redis que la Haute autorité de santé, qui est une autorité indépendante, et heureusement, continue d'écrire qu'il n'y a pas lieu de réintégrer les soignants, pour plusieurs raisons, et que si elle devait produire une recommandation différente on serait probablement amené à l'écouter et à la suivre, c'est ce qu'on a absolument toujours fait.
LÉA SALAMÉ
Merci Olivier VÉRAN d'avoir été avec nous, belle journée à vous.
OLIVIER VÉRAN
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 novembre 2022