Interview de Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé, à France Bleu Berry le 29 novembre 2022, sur la fermeture des urgences de l'hôpital dans l'Indre et la pénurie de médecins.

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Intervenant(s) : 
  • Agnès Firmin Le Bodo - Ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé

Média : France Bleu

Texte intégral

ANNE DELANEAU
Une nouvelle visite ministérielle pour parler de la problématique médicale dans l’Indre. Agnès FIRMIN LE BODO, ministre déléguée auprès du ministre de la Santé, a rencontré de nombreux acteurs de la santé et des élus hier, et les sujets d’inquiétudes ne manquent pas, on en parle avec elle ce matin.

JEROME COLLIN
Bonjour Madame la Ministre.

AGNES FIRMIN LE BODO
Bonjour.

JEROME COLLIN
Issoudun, c’est la deuxième plus grande ville du département de l’Indre, les urgences de l’hôpital vont donc fermer chaque nuit pendant tout le mois de décembre. On ne pouvait pas faire autrement ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Eh bien écoutez, la décision a été prise par le directeur de l'hôpital de fermer les urgences d'Issoudun, parce qu’l y a un manque d'infirmières et donc les urgences ne pouvaient pas être assurées dans de bonnes conditions. La décision a été prise de fermer, le temps de trouver des infirmières pour pouvoir dès que possible rouvrir, mais je tiens absolument à dire que toutes les personnes en urgence seront prises en charge. Je crois qu'il est important de le dire.

JEROME COLLIN
Seront prises en charge, mais dans d'autres hôpitaux, notamment par exemple à Châteauroux, ça fait donc plus de trajet, plus de distance.

AGNES FIRMIN LE BODO
Les personnels soignants, autour de l’ARS, sont en train de s'organiser pour que cela puisse s'organiser dans les meilleures conditions possibles.

JEROME COLLIN
Qu'est-ce que ça vous inspire cette situation, qu’un hôpital en arrive à fermer ses urgences pendant un mois entier chaque nuit ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Eh bien écoutez, nous le savons, nous avons depuis quelques années, et après la crise sanitaire encore plus, une crise d'attractivité de tous les métiers de la santé. 87 % de la France est un désert médical, c'est la raison pour laquelle le ministère dont j'ai l'honneur d'avoir la charge, s’appelle à la fois organisations territoriales et professions de santé, parce que c'est bien au niveau de chaque territoire, c'est le sens de tous mes déplacements, ça a été celui d'hier à Châteauroux, à la demande des élus, la rencontre avec à la fois les élus, les professionnels de santé. Je crois pouvoir dire que nous avons eu des échanges très respectueux et très constructifs, chacun étant bien conscient de la situation, et je le redis, c'est ensemble que nous allons apporter les réponses aux besoins de santé de nos concitoyens.

JEROME COLLIN
Alors, concrètement, qu'est-ce qu'il en ressort justement de ces échanges ? Est-ce que vous avez un plan pour le département de l'Indre ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Eh bien écoutez, nous avons lancé, avec la ministre François BRAUN, le 3 octobre dernier, à la demande du président de la République, le Conseil national de la refondation en santé, c'est ce que j'ai expliqué, les décisions prises de façon unilatérale au ministère de la Santé, qui s'appliqueraient de la même façon à Paris qu'à Issoudun, n'existent plus, ça n'est pas possible. Paris est le plus grand désert médical, mais la réponse ne peut pas être la même à Issoudun et Châteauroux, qu'en Ile-de-France. Donc c'est bien territoire par territoire que nous allons apporter des réponses, c'est l'objet du CNR qui aura lieu le 12 décembre à Châteauroux, sous l'égide de l'ARS, et j'invite vraiment tous les habitants de l'Indre, professionnels, citoyens et élus, à y participer, et en fonction des propositions, nous avons, le ministre et moi-même, passé consignes aux ARS, de mettre en oeuvre des solutions, si elles nous semblent apporter des réponses rapidement.

JEROME COLLIN
Mais tout ça risque de prendre encore du temps, alors que vous l'avez constaté vous-même hier, il y a urgence par rapport à la situation.

AGNES FIRMIN LE BODO
C'est bien parce qu'il y a urgence que lorsqu'il est un problème je vais dans les territoires, c'est bien l'engagement qui a été pris que je revienne assez rapidement au mois de janvier ou février, et c'est bien ce à quoi sont en train de travailler à la fois la Direction de l'hôpital d'Issoudun, mais aussi les hôpitaux périphériques pour apporter des réponses, je le répète, les concitoyens qui ont besoin d'une urgence seront pris en charge, et en même temps, puisqu'il ne s'agit pas d'un problème de moyens, mais d'un problème de professionnels non disponibles, nous recherchons, et l’ARS accompagne l'hôpital Issoudun à rechercher des solutions pour trouver des infirmières. Et le travail qui est celui du ministère de la Santé, mais aussi du ministère de l'Enseignement supérieur et du Travail, c'est bien de travailler sur l'attractivité des métiers et l'évolution des formations.

JEROME COLLIN
Mais ces discours-là de « il faut se mettre autour de la table, il faut discuter, il faut être constructif », ça fait quand même 10, 15, 20 ans, sinon plus, qu'on l'entend. Rien n'a bougé pour autant, même la situation s’est aggravée, en l’occurrence, chez nous, dans nos départements berrichons. Pourquoi ça changerait avec vous ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Alors, je ne peux pas vous dire que rien n'a bougé. Je vous rappelle que le numerus clausus a été supprimé, que le lancement d’un grand plan…

JEROME COLLIN
Mais on n’en verra pas les effets tout de suite.

AGNES FIRMIN LE BODO
Eh bien oui, mais les décisions elles datent d'il y a 4 ans, donc il faut 10 ans pour former un médecin. Que la volonté d'accélérer sur les infirmières de pratiques avancées a été actée, on voit bien que ça ne donne pas les effets escomptés, nous savons maintenant pourquoi, nous avons… l'évaluation, que nous avons lancé un grand plan d'assistants médicaux, il y en a 3 000 développés pour dégager du temps médical, nous souhaitons aller jusqu'à 10 000. Que l'exercice coordonné se développe, et je le redis, tous les professionnels de santé, je vous rappelle quand même qu'il y a plus de 2 ans de crise sanitaire assez récemment, et que le système de santé n'allait pas bien avant la crise sanitaire, il ne va pas mieux après, et donc à nous collectivement, et je le dis vraiment avec beaucoup d'assurance, c’est bien ensemble que nous trouverons les solutions adaptées à chaque territoire. L'attractivité des métiers de la santé dépend aussi de l'attractivité des territoires.

JEROME COLLIN
Alors, dans l'Indre, 18 professionnels de santé se sont installés de depuis le début de l'année avec les politiques incitatives, des subventions, 50 000 € débloqués par le département pour favoriser l'installation. Est-ce que, en contrepartie ou en tout cas en complément, on ne peut aussi faire une politique de, obliger les médecins à s'installer en zones rurales ? Pourquoi c'est autant tabou aujourd'hui ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Alors, ça n'est pas tabou. Etre tabou, ça veut dire qu'on n’en discute pas. Or, on en discute, puisque, à chaque fois qu'il y a la question, nous apportons la réponse. La réponse du gouvernement, sur les mots à la fois d'obligation de régulation de coercition, nous n'y sommes pas favorables. Nous n'y sommes pas favorables pour plusieurs raisons. D'abord parce que nous vous regardons ce qui se fait aussi parfois à l'étranger, je rappelle aussi que l'Europe et que le monde connaissent les mêmes problématiques que nous, donc il faut… c’est aussi bien de le rappeler de temps en temps. Les pays qui sont allés vers l'une de ces trois mesures, font marche arrière parce que ça ne marche pas. Que je le redis, 87 % de la France est un désert médical, donc réguler la pénurie, je le dis à chaque fois que je peux, mais 0 fois 0 ça fait toujours 0, on me l'a appris à l'école, et ça je l’ai bien retenu. Donc, c'est important de le dire. Et puis nous sommes à un moment où tout le monde, tous les professionnels de santé souhaitent avancer, afin d'apporter des réponses sur l'exercice coordonné, sur le dégagement de temps médical, sur l'élargissement des compétences. Donc il est important que nous puissions garder cet état d'esprit de vouloir avancer ensemble. Et puis, pour discuter avec les jeunes médecins, nous sommes intimement convaincus que rendre obligatoire l'installation, c'est le meilleur moyen pour ne plus donner envie aux jeunes de vouloir faire médecine.

JEROME COLLIN
Des études.

AGNES FIRMIN LE BODO
Alors que nous disons que nous avons besoin de médecins, comme nous avons besoin d'aides-soignantes, d'infirmières et d'autres professionnels de santé.

JEROME COLLIN
Merci beaucoup, Agnès FIRMIN LE BODO, ministre déléguée, en charge de l’Organisation territoriale et des professions de santé. On vous reverra donc en début d'année prochaine dans le département de l'Indre. Merci à vous, bonne journée.

AGNES FIRMIN LE BODO
C'est promis. Au revoir.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 30 novembre 2022