Interview de M. Olivier Véran, Ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement, à BFMTV le 1er décembre 2022, sur les risques de délestage électrique pendant l'hiver, la vaccination contre le covid et la grippe, la grève des médecins généralistes et la réforme des retraites.

Prononcé le 1er décembre 2022

Intervenant(s) : 

Média : BFM TV

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Olivier VÉRAN.

OLIVIER VÉRAN
Bonjour.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes le porte-parole du Gouvernement, beaucoup de questions à voir avec vous, très concrètes, parce qu'on apprend qu'en cas de tensions sur l'énergie il pourrait y avoir un risque élevé de délestages, ce qu'on appelle les délestages ce serait ces éventuelles coupures de courant, quels scénarios très précis. "Coupures d'électricité ciblées" dit le gouvernement, ciblées sur qui, comment, quand ?

OLIVIER VÉRAN
Alors d'abord pardon, on n'est pas en train d'annoncer aux Français qu'il y aura des coupures, on a même plutôt annoncé l'inverse pour le mois de décembre, puisque le mois de décembre sera un mois qui ne sera pas plus froid que les autres, mais ce qu'on dit aux Français c'est qu'en janvier on ne sait pas encore quel sera l'état de l'hiver, et que dans la situation où on aurait un hiver particulièrement froid, donc particulièrement coûteux en énergie, compte tenu des difficultés sur les centrales nucléaires, vous le savez, avec un certain nombre de réacteurs qui sont à l'arrêt, il pourrait y avoir des situations de tensions sur la ligne électrique, et que comme il est exclu qu'on prenne le risque d'un blackout, dans ce cas-là on prépare, au niveau gouvernemental, avec les agences d'État, avec les opérateurs, avec les préfets, les entreprises, les Français, tous les scénarios pour faire face à toutes les situations, donc on n'est pas du tout dans un…

APOLLINE DE MALHERBE
Blackout, soyons déjà précis sur les termes, blackout c'est carrément si le système explose…

OLIVIER VÉRAN
Ça n'arrivera pas.

APOLLINE DE MALHERBE
C'est-à-dire c'est si tout d'un coup on se retrouve sans électricité, la France dans le noir…

OLIVIER VÉRAN
Ça n'arrivera pas.

APOLLINE DE MALHERBE
Et pour ne pas arriver à ça, il faut cibler et éventuellement faire des coupures à certains endroits, à certains moments, c'est ça ?

OLIVIER VÉRAN
Je repose vraiment les termes du débat, on n'est pas en train de dire aux Français qu'on aura des coupures cet hiver, on est en train de dire aux Français que s'il fait, je ne sais pas, 5, 6, 7 degrés de moins au mois de janvier, que les mois de janvier habituels, et que donc on est obligé de puiser beaucoup dans les réserves d'électricité pour se chauffer, s'il y avait des tensions sur la ligne, on ne laissera pas des situations critiques arriver, et donc on est dans l'anticipation. Et ce qu'on dit aussi aux Français c'est qu'à tout moment, de toute façon, ils le sauront, au bon moment, à tout moment ils gardent le contrôle sur les choses, c'est-à-dire que par une adaptation, certaines heures, certains jours, de la façon de consommer de l'énergie, ils évitent tous risques de coupure.

APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire quoi ça ?

OLIVIER VÉRAN
Eh bien ça veut dire que si on dit aux Français, ce sera le terme EcoWatt, vous savez EcoWatt c'est la météo de l'électricité, quand c'est vert tout va bien, en ce moment on est vert, quand c'est orange c'est que c'est un peu tendu, on fait un peu attention, et quand c'est rouge, là ça veut dire qu'on n'exclut pas que le lendemain il puisse y avoir des difficultés sur certaines lignes, dans ce cas-là les Français seront invités à adapter…

APOLLINE DE MALHERBE
C'est du jour au lendemain ? Ça veut dire que si on passe par exemple l'hiver, je vais essayer de me projeter…

OLIVIER VÉRAN
Du jour pour le lendemain.

APOLLINE DE MALHERBE
On est dans le vert, on passe dans le orange, donc là on se dit hou-aïe-aïe, ça veut dire que ça tangue, dans le orange vous allez nous dire pendant quelques jours vous ne faites pas de lessives, vous baissez un peu le chauffage…

OLIVIER VÉRAN
Non, on ne dira pas ne faites pas de lessives, on ne dira pas ne faites pas de lessives, on dit aux gens orange ça passe, mais ça montre qu'il y a des situations de tensions, et de toute façon on invite à la sobriété énergétique, le président de la République l'avait demandé, la Première ministre aussi, un certain nombre de Français le fait d'ailleurs, puisqu'on a une baisse de la consommation d'énergie en ce moment.

APOLLINE DE MALHERBE
Et si on passe au rouge, vous dites on sera prévenu, on sera prévenu comment, sous quelle forme, qui ?

OLIVIER VÉRAN
La veille, la veille à 15h d'abord, puis à 17h de manière affinée, et ça ne veut pas dire qu'il y aura des coupures, ça veut dire attention, demain ça va être tendu, et donc on pourrait être amené à rencontrer des situations obligeant à couper pendant 1 heure ou 2 heures l'électricité dans certains endroits. Les Français seraient…

APOLLINE DE MALHERBE
A 15h et à 17h on reçoit quoi, on reçoit un coup de fil, on reçoit un SMS, c'est les radios, c'est les télés ?

OLIVIER VÉRAN
Les Français seraient évidemment informés, ils auraient même la possibilité de vérifier s'ils concernés par la zone en question, mais le message qu'il faut entendre ce n'est pas il n'y aura plus de jus, le message qu'il faut entendre c'est là on a besoin que vous fassiez un petit effort. Ces petits efforts ce n'est pas ne faites pas de lessives pendant plusieurs jours, le petit effort c'est de dire si à 19h tout le monde n'allume pas sa plaque de cuisson en même temps, ou tout le monde ne se sèche pas les cheveux en même temps, enfin les appareils qui consomment beaucoup d'électricité, si on décale un peu, à 19h45 ou à 20h, ça passe, il n'y a pas de sujet, par contre s'il n'y a pas de changement et d'adaptation des comportements, alors on peut, on n'exclut pas de rencontrer des tensions sur la ligne, qui pourraient justifier de couper le courant pendant un temps donné, et encore une fois en prévenant, et ce n'est pas tout le monde. Je le redis parce que je sais que ce sujet-là il va soulever beaucoup d'inquiétude, les gens vont se dire mais comment ça se fait, etc., etc., les causes on les connaît. Ensuite c'est, est-ce qu'on a les capacités ensemble d'éviter que ça arrive ? Oui. On est un pays hyper solidaire, on l'a montré, pardon pour le parallèle, avec la période Covid, où à chaque fois qu'il y avait des mesures qui étaient difficiles en fait les Français ont été solidaires…

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais précisément, en fait Olivier VÉRAN, on a l'impression tout d'un coup qu'on retrouve cette même inquiétude où on avait des horaires, où on avait des obligations, des interdictions, et là, depuis ce matin, on a eu notamment des appels, un appel de Christine qui habite dans le Pas-de-Calais, qui disait "mon mari est sous appareil respiratoire, est-ce qu'on peut me garantir que cet appareil ne va pas être coupé ?"

OLIVIER VÉRAN
Oui.

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, comment vous saurez l'habitation, la rue, l'adresse, de Christine ?

OLIVIER VÉRAN
Alors, toutes les zones qui comportent un hôpital, un EHPAD, une gendarmerie, un hôtel de police, une infrastructure stratégique de défense, est une zone qui ne sera jamais soumise à des coupures de courant, d'accord, ça c'est le point essentiel. Ensuite, les préfets disposent des listes de toutes les personnes potentiellement fragiles ou équipées, à leur domicile, d'appareils sensibles par exemple, et donc ces personnes-là sont gérées individuellement pour éviter toute situation compliquée. De la même manière j'entendais hier des gens qui disaient mais il n'y aura plus les numéros d'appel d'urgence, comment on va faire, etc., le 112 il sera fonctionnel, le 112 il ne dépend pas des opérateurs, c'est un numéro européen qui peut ensuite basculer sur tout…

APOLLINE DE MALHERBE
Alors, il y a beaucoup de choses que vous dites là-dedans, il y a la question de comment est-ce qu'on sera prévenu, on va y revenir, mais il y a la question de ces appels d'urgence. Vous dites depuis hier, pas de problème, il faudra appeler le 112 et le 112 il borne absolument à n'importe quel endroit, sauf que ce que dit, notamment la directrice générale d'ORANGE, Christel HEYDEMANN, elle était devant les sénateurs hier, c'est que c'est beaucoup plus compliqué que ça.

CHRISTEL HEYDEMANN, DIRECTRICE GÉNÉRALE D'ORANGE (SENAT HIER)
Si les délestages se multiplient, on ne sait pas en fait comment se comportera le réseau, et c'est un sujet sur lequel on continue de travailler, mais je crains que nos concitoyens, et les Français, découvrent que les réseaux télécoms dépendent d'électricité, donc c'est illusoire d'imaginer qu'en cas de délestages on saura maintenir un servir continu pour l'ensemble des Français puisque les services mobiles, si dans une zone géographique ils sont éteints pendant 2 heures, il n'y aura pas d'accès aux services des numéros d'urgence pendant un temps.

APOLLINE DE MALHERBE
Et c'est ce que confirmait sur RMC ce matin, à 8h10 je recevais le président de la Fédération des télécoms, qui alertait, qui disait "non, non, on ne sait pas comment ça marche, parce que si les antennes relais sont éteintes, et elles elles fonctionnent à l'électricité, il n'y aura pas, y compris le 112."

OLIVIER VÉRAN
Vous avez ce qu'on appelle des systèmes d'antennes-ressources, qui sont des antennes particulières, qui sont hors… en fait, pour faire un numéro d'urgence, quel que soit votre opérateur, ça ne compte pas, d'accord, que vous soyez chez ORANGE, chez BOUYGUES ou chez un autre, ce n'est pas le problème, dès lors qu'il y a une antenne qui, dans un territoire, dans un périmètre donné, peut émettre, alors vous pouvez transmettre les appels, et s'il y avait des difficultés les préfets sont alertés. Encore une fois je vous les choses parce que, j'entendais la directrice d'ORANGE qui dit "si les délestages devaient se multiplier", on n'est pas dans ce scénario-là, on n'est pas en train de dire aux gens, ni de masquer, ni de dire aux gens attention, c'est ce qu'on va… je dis les choses, si nous devions connaître un mois de janvier particulièrement froid, et s'il n'y avait pas d'adaptation de certains comportements, honnêtement qui ne changent pas, qui ne bouleversent pas le mode de vie ou le cadre de vie des Français, alors on n'exclut pas de devoir recourir à des solutions, parmi lesquelles des coupures temporaires dans certains endroits. Je dis les choses parce que je sais très bien après l'effet de stress général que ça peut provoquer, etc., on n'en n'est pas là, ce que je dis c'est que, ce que nous disons, c'est que le gouvernement anticipe tous les cas de figure potentiels, quitte à ce que ces cas de figure ne se présentent pas, et donc on aura discuté de cela, on aura été en situation de se préparer à toute éventualité.

APOLLINE DE MALHERBE
Et vous auriez préféré le scénario, je vous repose la question, vous dites, nous serons prévenus à 15h, puis à 17h, pour le lendemain, on sera prévenu comment ?

OLIVIER VÉRAN
Vous serez prévenu par ce qu'on appelle le signal EcoWatt, vous pouvez déjà vous équiper avec…

APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire quoi, ça va être comme pour TousAntiCovid, on va télécharger l'appli…

OLIVIER VÉRAN
Vous avez une appli, moi je l'ai téléchargée, elle est gratuite, elle vous donne la météo électrique pour les jours à venir, etc. Vous aurez aussi des campagnes nationales, télévisées, radio, Internet…

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais on n'a plus la télé parce qu'il n'y a plus d'électricité, enfin je veux dire il y a quand même…

OLIVIER VÉRAN
Apolline de MALHERBE, le principe, que je suis en train de vous expliquer, c'est que personne ne va se retrouver sans courant, à un moment donné, sans avoir été averti que ça risquait d'arriver, donc ce n'est pas, il ne va pas y avoir des coupures inopinées comme ça. La France est un pays qui fonctionne bien, qui a un bon système électrique, et qui est en capacité d'anticiper, c'est exactement l'inverse que je vous dis, c'est que s'il y avait des situations à risque, non pas des situations qui seraient forcément suivies d'une coupure, mais le simple fait qu'on puisse évoquer le risque d'une coupure, chaque Français, dans son périmètre, aura les moyens de le savoir, déjà la veille, et de l'éviter en adaptant un peu son comportement de consommation, c'est-à-dire en repoussant un peu l'heure d'allumage de sa plaque de cuisson, par exemple.

APOLLINE DE MALHERBE
Et en effet les médias seront partenaires de ça et je sais…

OLIVIER VÉRAN
Bien sûr, bien sûr.

APOLLINE DE MALHERBE
Que par exemple sur BFM on a déjà prévu que s'il le faut on dira c'est orange, c'est rouge, c'est vert.

OLIVIER VÉRAN
Je comprends que les gens puissent se dire oh là là, mais on vient chez nous nous expliquer comment on doit consommer, etc., non, ce n'est pas notre discours, c'est de discours en fait justement chacun d'entre nous peut être acteur dans la période.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce qu'il y aura des distinctions géographiques, c'est-à-dire que vous avez dit qu'il y aura des zones, par exemple là où il y a les pompiers, l'hôpital, qui ne seront pas touchées, mais est-ce qu'on peut imaginer par exemple que les zones où il fait le plus froid seront moins délestées que celles où il y a un peu moins besoin de mettre le chauffage et où c'est moins pénalisant d'avoir 2 heures de moins d'électricité ?

OLIVIER VÉRAN
En fait ça correspond un peu à une carte léopard, c'est-à-dire ce n'est pas une carte avec…

APOLLINE DE MALHERBE
Avec des taches quoi !

OLIVIER VÉRAN
Voilà, et puis c'est des petits bouts de certains départements qui sont concernés, c'est quelque chose qui est rotatif, donc…

APOLLINE DE MALHERBE
C'est de la dentelle quoi !

OLIVIER VÉRAN
Oui, c'est de la dentelle.

APOLLINE DE MALHERBE
Et les écoles ?

OLIVIER VÉRAN
Vous n'avez pas un département qui va se retrouver dans le noir comme ça, ça n'existe pas.

APOLLINE DE MALHERBE
Et les écoles ?

OLIVIER VÉRAN
Quoi les écoles ?

APOLLINE DE MALHERBE
Les écoles elles seront maintenues ouvertes, pas ouvertes ?

OLIVIER VÉRAN
Les écoles c'est en discussion avec le ministère de l'Éducation nationale, mais encore une fois on n'est pas en train… pardon, on n'est pas dans un film catastrophique en train de se dire qu'est-ce qui va se passer, donc on regarde pour que dans chaque situation on puisse avoir des moyens d'agir qui soient adaptés et proportionnés, sachant que…

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous savez par exemple si les feux de signalisation…

OLIVIER VÉRAN
Sachant qu'à l'heure actuelle, ce qu'on est capable de dire aux Français, c'est qu'on sait déjà que dans le mois de décembre, dans lequel on n'est pas encore rentré, ça n'arrivera pas.

APOLLINE DE MALHERBE
Ça j'ai bien compris, on parle du mois de janvier, mais pardon, j'imagine que si vous en êtes arrivé à ce degré de détail, de lieux, d'une carte géographique, qui ressemble comme vous dites à une tache de léopard, est-ce que les feux de signalisation, par exemple, sont indépendants du réseau, est-ce que vous pourrez les maintenir ?

OLIVIER VÉRAN
Ça dépend des endroits, ça dépend des endroits, il y a des choses, par exemple le réseau de métro de Paris il a son propre réseau d'électricité, donc il n'est pas concerné, il peut y avoir d'autres…

APOLLINE DE MALHERBE
Les terminaux de paiement par exemple, est-ce qu'on pourra continuer à payer par carte bleue ?

OLIVIER VÉRAN
Il n'est pas impossible que peut-être que pendant 2 heures on ne puisse pas retirer du… enfin, encore une fois, on va… je comprends parfaitement toutes les questions qui vont se poser, on peut parler des…

APOLLINE DE MALHERBE
Les métros, les trains…

OLIVIER VÉRAN
Les métros, les trains, etc., on n'est pas dans ce référentiel-là de mode de pensée, aujourd'hui ce n'est pas la question.

APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire que ces jours-là, par exemple si on est en EcoWatt orange, pour reprendre l'appellation, on se dit demain je ne prends pas le train parce que je risque de ne pas pouvoir rentrer ?

OLIVIER VÉRAN
Non, EcoWatt orange ce n'est pas la question, EcoWatt ça veut dire que ça tire un peu…

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais ça veut dire que ça peut potentiellement basculer dans le rouge.

OLIVIER VÉRAN
Ça ne veut pas dire que ça peut basculer dans le rouge, ça veut dire c'est bien si on fait un peu plus gaffe, demain, à notre consommation électrique, quand on peut.

APOLLINE DE MALHERBE
Quand on peut.

OLIVIER VÉRAN
Quand on peut.

APOLLINE DE MALHERBE
Quand on peut, donc, comme vous le disiez, décaler…

OLIVIER VÉRAN
Ce n'est même pas ne pas consommer du tout, c'est les horaires, on n'est pas en train de dire aux gens vous allez manger froid, c'est plutôt si vous ne mettez pas le four pyrolyse à 19h, c'est mieux, voilà.

APOLLINE DE MALHERBE
Le pyrolyse c'est au milieu de la nuit donc. Olivier VÉRAN, porte-parole du Gouvernement, qui se retrouve finalement à nouveau, sur la question de l'électricité, un peu comme quand vous étiez ministre de la Santé, sur le Covid, on a l'impression que vous êtes obligé de rentrer dans la vie quotidienne des Français, de leur donner des indications, sur désormais la manière de vivre, les horaires, est-ce que vous sentez aussi chez les Français à la fois de l'inquiétude et une forme peut-être de lassitude sur ce qu'est devenu notre vie ?

OLIVIER VÉRAN
Bien sûr il y a la lassitude, il ne faut pas la nier, parce qu'il y a eu la crise Covid, qui a été très dure, qui n'est pas terminée d'ailleurs, il y a une vague qui est en train de monter, avec des gens qui vont à l'hôpital tous les jours, il y a la crise géopolitique avec la guerre en Ukraine, il y a la crise de l'énergie, la crise de l'inflation, c'est dur pour les Français, et s'ils, je pense, nous reconnaissent la capacité à faire face, à toutes les crises qui se présentent, ce n'est pas la période la plus drôle de notre histoire collective, même s'il y a des choses qui vont bien, on a du boulot dans notre pays, le chômage baisse, la dette est maîtrisée, on prend des décisions pour protéger le pouvoir d'achat des plus fragiles, les minima sociaux sont indexés sur l'inflation, le SMIC augmente plus que l'inflation, donc il y a des raisons aussi d'espérer. La France reste le pays le plus attractif d'Europe, la voix de la France porte beaucoup à l'international, donc on a des choses qui doivent nous rendre fiers, mais dans le quotidien des gens ce n'est pas une période très gaie et très rose, c'est une évidence, et le nier ce serait se voiler la face. Mais ce que nous disons aux Français, c'est qu'à chaque fois qu'on a fait face à des crises on a été parmi les peuples les plus solidaires et les plus costauds du monde, et ça il n'y a pas de raison que ça change.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc sur la question du retour, en effet, du Covid, associé à la grippe, à la bronchiolite, qui sont donc les trois épidémies qui sévissent en ce moment-même en France, là encore vous pensez que la solidarité, que notamment le fait de reposer sur la responsabilité individuelle des Français, le masque vous ne le rendrez pas obligatoire ?

OLIVIER VÉRAN
Pour l'instant il ne l'est pas, il n'y a pas de recommandations scientifiques en ce sens, si ça devait bouger évidemment on le dira, mais c'est pareil, si vous voulez regardez. Il y a 20 % des gens, fragiles, qui sont à jour de leur rappel vaccinal, ce n'est pas assez, ce n'est pas assez. On a un variant qui circule beaucoup, on a des jours avec des dizaines de milliers de contaminations, on a une hausse de plus de 20 % de l'activité hospitalière en réa liée au Covid, il fragilise notre hôpital et notre système de santé, il y a la grippe qui commence, elle est précoce, on ne sait pas, mais il n'est pas impossible qu'elle soit forte, on a 15 % de réduction de la vaccination des Français par rapport à l'année dernière, contre la grippe, ce n'est pas normal.

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais vous savez, vous, si vous pouvez vous faire vacciner ou pas, moi je ne sais plus.

OLIVIER VÉRAN
Moi je me suis fait vacciner…

APOLLINE DE MALHERBE
On ne sait plus à quel…

OLIVIER VÉRAN
Je me suis fait vacciner hier contre la grippe.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais la grippe, sur les moins de 60 ans, sur le Covid, les vaccins, vous ne dites plus… c'est-à-dire que vous dites à la fois c'est très grave, il faut solennellement remettre le masque, il y a une situation très dure, on ne sait même pas comment sera la grippe, et dans le même temps, oui, il faut se faire vacciner, mais pas les moins de 60 ans, il y a un an on nous disait que les moins de 12 ans allaient peut-être même devoir se faire vacciner, et aujourd'hui, non, finalement…

OLIVIER VÉRAN
Parce qu'on parle du rappel et du booster de vaccin, c'est-à-dire que les gens qui sont jeunes et qui ont été exposés, ou qui ont été vaccinés, gardent une immunité plus solide que les gens plus âgés, mais si vous voulez que je le rappelle, je le rappelle bien volontiers, et merci de me donner l'occasion de le faire, je m'adresse aux Français. Si vous avez 60 ans, et plus, si vous êtes porteur de maladie, ou si vous êtes en contact au quotidien avec des gens fragiles, ou âgés, faites-vous vacciner contre la Covid, si vous n'êtes pas à jour de votre rappel, ça vous prend 5 minutes et ça vous protégera, ça limitera les risques de complications et d'hospitalisation.

APOLLINE DE MALHERBE
Pourquoi 60 et plus, pourquoi vous avez mis le curseur à 60 ?

OLIVIER VÉRAN
C'est le critère scientifique, au-delà de 60 ans le système immunitaire est moins solide qu'avant 60 ans, bien lui aussi il a des signes d'usure.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que ça veut dire a posteriori que le fait d'avoir fait vacciner y compris les enfants jusque jeune, à partir de 12 ans…

OLIVIER VÉRAN
Non, parce que vous avez une première exposition à travers la vaccination quand vous êtes jeune qui donne une immunité plus forte et une mémoire immunitaire plus forte.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous comprenez que tout ça soit un peu confus pour les Français ?

OLIVIER VÉRAN
En fait l'immunité, moi j'adore expliquer ça mais l'immunité c'est de la mémoire. C'est de la mémoire. Mon corps garde en mémoire la capacité de produire une arme pour empêcher le virus de rentrer.

APOLLINE DE MALHERBE
On a plus de mémoire quand on a 12 ans que quand on en a 60.

OLIVIER VÉRAN
Et on a plus de mémoire quand on a 12 ans que quand on a 60, sans faire injure aux gens qui ont plus de 60 ans dans notre pays. Et donc c'est pour ça qu'on cible la vaccination, en particulier sur les personnes les plus fragiles. Mais je vous le dis, même chez les plus fragiles on est à 20 % de vaccination à jour, ce n'est passé donc il faut y aller.

APOLLINE DE MALHERBE
Les médecins sont en grève aujourd'hui, les médecins généralistes. Plus de la moitié des cabinets sont fermés. Vous entendez cette souffrance ? Ils disent : en fait, on est les moins bien payés d'Europe. Ils veulent une consultation revalorisée, voire même jusqu'à 50 euros. Est-ce que vous leur donnerez ?

OLIVIER VÉRAN
Il y a une négociation conventionnelle, c'est-à-dire une négociation entre les partenaires sociaux et l'assurance maladie qui est en cours. Il n'est pas rare que pendant ce type de négociation, il y ait un petit coup de rappel ou un petit coup de pression à travers un mouvement social.

APOLLINE DE MALHERBE
Pardon, mais les médecins ils n'ont pas été en grève depuis 15 ans.

OLIVIER VÉRAN
On verra comment la grève est suivie. Il y a eu d'autres grèves depuis 15 ans.

APOLLINE DE MALHERBE
Non, il y a eu parfois des grèves administratives, c'est-à-dire ils refusaient de prendre la carte Vitale et ils envoyaient des papiers mais enfin refuser des patients, c'est-à-dire fermer le cabinet, ce n'est pas arrivé depuis des années.

OLIVIER VÉRAN
Vous savez pour tout le monde de la santé, que vous soyez en ville ou à l'hôpital ? Il y a un problème identique : c'est qu'il n'y a pas assez de gens. On n'a pas assez de médecins, on n'a pas assez de toubibs dans notre pays et on le sait. Ce n'est pas de notre faute, ce n'est pas de la vôtre, c'était qu'on a empêché pendant 50 ans…

APOLLINE DE MALHERBE
C'est un peu plus de ma faute que de la vôtre parce que vous au moins, vous êtes médecin donc vous avez tenté le coup.

OLIVIER VÉRAN
Non mais en termes de décisions de politique publique, pendant 50 ans on a empêché des jeunes Français d'apprendre la médecine en France. C'était le numerus clausus, on l'a supprimé en 2018. Si vous faites le calcul avec moi, donc le président de la République l'a supprimé dès qu'il est devenu président.

APOLLINE DE MALHERBE
Ça n'aura d'impact que dans quelques années puisqu'il y a toutes les années de formation.

OLIVIER VÉRAN
Donc on manque de médecins en ville et à l'hôpital, donc c'est dur pour les médecins qui sont en exercice, qui sont obligés de travailler plus longtemps, plus dans la journée, plus rapidement et donc ils sont soumis à des pressions. Ce qu'on rencontre à l'hôpital et en ville, c'est ça. C'est un manque global de médecins dans notre pays.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous estimez légitime, Olivier VÉRAN, la revalorisation qu'ils demandent ?

OLIVIER VÉRAN
Il y a souvent des revalorisations à travers les négociations conventionnelles. Je ne suis plus ministre en charge de la santé, permettez-moi de ne pas m'exprimer sur le fond de ce dossier.

APOLLINE DE MALHERBE
Non mais ce n'est pas exclu pour vous que la consultation à 25, elle passe à 30.

OLIVIER VÉRAN
Il y a d'autres modalités de paiement des médecins généralistes que le paiement forfaitaire de la consultation. Il y a tout ce qu'on appelle les à-côtés c'est-à-dire quand vous avez des consultations longues qui sont mieux rémunérées quand vous êtes face à un patient qui est âgé, vous avez des consultations de suivi, vous avez des indicateurs de santé publique qui vous permettent d'être mieux payé quand vous suivez les indicateurs de santé publique. Bref, il y a plein de modalités. Un médecin ne touche pas 25 euros TTC pour une consultation. Il faut y ajouter en moyenne des parts forfaitaires qui sont liées à différentes activités.

APOLLINE DE MALHERBE
Précisément ce matin, je recevais l'un des responsables des syndicats de médecins qui disait : mais justement en fait, nous on demande de faire un paquet global, vous revalorisez la consultation et vous arrêtez tous ces… Parce que pour avoir chacun de ces petits à-côtés dont vous parlez, c'est des papiers à remplir et c'est des patients en moins à voir.

OLIVIER VÉRAN
C'est en fait de l'intérêt de santé publique pour les malades aussi. Enfin je veux dire, quand on dit à un médecin que lorsqu'il évite de prescrire 2 ou 3 anxiolytiques à une personne âgée, il sera revalorisé pour sa consultation, en fait c'est plutôt bien pour la personne âgée, et on a enregistré plutôt une baisse des prescriptions de psychotropes, de somnifères aux personnes âgées, donc c'est bien pour leur santé. Donc il y a des choses qui vont dans le sens de la santé publique. Et ensuite, il y a des moments où les médecins demandent plus de forfaits, des moments où ils demandent plus de valeur de l'acte de consultation. Ça varie, etc. Donc je vous dis, laissons l'Assurance maladie travailler avec les syndicats, et je comprends parfaitement le stress voire la détresse dans laquelle se trouvent un certain nombre de nos médecins parce qu'ils sont crevés et parce qu'ils sont tout seuls, en fait c'est ça le problème, et donc il faut les aider dans la période, les soutenir la même manière qu'on le fait avec l'hôpital. Et on identifie, il y a notamment l'objet du Conseil national de la refondation sur la santé avec des centaines de territoires qui se mobilisent pour identifier aussi localement des solutions pour pallier au manque de médecins.

APOLLINE DE MALHERBE
Avec notamment les maisons de santé.

OLIVIER VÉRAN
Oui, et puis on donne un peu plus de responsabilités à des non-médicaux. Enfin je veux dire, la France et des derniers pays dans lequel une infirmière n'a pas le droit prescrire du paracétamol à un malade alors qu'elle peut le prescrire à son gamin quand elle rentre à la maison.

APOLLINE DE MALHERBE
Et ça, vous allez le libérer ?

OLIVIER VÉRAN
Il le faut. Enfin moi, j'avais commencé à le faire. Ça va dans le sens de l'Histoire.

APOLLINE DE MALHERBE
J'ai l'impression que ça met un temps, ces histoires ! Vous en avez parlé il y a quelques années, ce n'est pas si compliqué quand même. Si ?

OLIVIER VÉRAN
Il y a des décisions qu'on peut prendre et qui parfois font très vite dans certains contextes, François BRAUN en prend beaucoup. On est dans cette phase de consultation dans les territoires et on dit aux gens localement : de quoi vous avez besoin ? Nous en fait, on est là pour vous faciliter la vie et vous faciliter la tâche.

APOLLINE DE MALHERBE
65 ans, c'est bien ça l'horizon pour la réforme des retraites Olivier VÉRAN ?

OLIVIER VÉRAN
C'est l'âge avec lequel on rentre dans la négociation. Mais attention Apolline de MALHERBE, parce que quand on dit 65 ans, on crée parfois de la confusion, parce qu'on va être très simple et très direct. Moi j'ai vu la dernière fois des salariés qui m'ont dit : franchement 65 ans, quand on a commencé à bosser à 18 ans, ça fait quand même une très longue carrière. Non mais attendez, quelqu'un qui commence à travailler à 18 ans ne s'arrêtera pas à 65 ans. Ni aujourd'hui, ni hier, ni demain. Il y a ce qu'on appelle les carrières longues, mais ça c'est des mots qui deviennent vite compliqués et on perd un peu les gens. Il faut retenir que quelqu'un qui a commencé à travailler tôt, il pourra continuer de partir tôt comme il partait tôt hier par exemple. Deuxième point important, 65 ans ce n'est pas demain. Moi j'ai vu quelqu'un la dernière fois qui avait 61 ans et demi et qui me dit : moi je devais partir dans 6 mois, ça veut dire qu'il faut que je parte dans trois ans et demi.

APOLLINE DE MALHERBE
Ça ne concerne pas ceux qui déjà aujourd'hui ont 65 ans.

OLIVIER VÉRAN
Non, pas du tout. Puis ce sera progressif, c'est-à-dire qu'on parle de trois ou quatre mois je crois de plus par an et donc c'est quelque chose de très progressif. Et ensuite la pénibilité, ça fait partie de la concertation que mène Olivier DUSSOPT qui est le ministre en charge de la réforme, le ministre du Travail, pour identifier des moyens simples de ne pas passer à côté de quelqu'un qui a été brisé par sa carrière parce qu'il avait un boulot qui était difficile physiquement et qui mérite et qui peut et qui doit, en réalité, partir plus tôt.

APOLLINE DE MALHERBE
Olivier VÉRAN, porte-parole du gouvernement, merci d'avoir répondu à mes questions et donné beaucoup de détails ce matin. Vous espérez ne pas avoir recours à des coupures de courant mais vous ne pouvez exclure d'éventuelles coupures de courant en janvier.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 décembre 2022