Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
L'invité du jour, c'est vous, Bruno LE MAIRE, bonjour.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Apolline de MALHERBE.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes le ministre de l'Économie, bien sûr, tout le monde vous connaît ici. Vous venez vous adresser aux gros bosseurs, comme vous le dites, désormais parce qu'ils sont sur RMC, cette France qui se lève tôt, qui est dure à la tâche, qui est dure à la peine. On va parler électricité, on va parler inflation. On va parler embauches. Mais d'abord, ce cri du cœur des boulangers, on l'a entendu, ça fait trois semaines qu'ils nous appellent régulièrement sur RMC. On en avait même un qui disait : on va tout simplement vers la fin des artisans, la fin des artisans début janvier si rien n'est fait face aux explosions des prix des contrats d'électricité. Qu'est-ce que vous leur dites ce matin ?
BRUNO LE MAIRE
Je leur dis que nous avons entendu le cri d'inquiétude des boulangers, je les ai entendus sur votre antenne, j'ai surtout entendu en discutant directement avec eux, avec Olivia GRÉGOIRE, nous les avons reçus à plusieurs reprises, je me suis rendu à Monceaux-les-Mines pour échanger directement avec un artisan boulanger, voir ses factures, très concrètement, à quoi il était confronté. Vous savez que je passe beaucoup de temps à Saint-Pée-sur-Nivelle, dans le Pays basque, il y a un boulanger qui s'appelle BENAT, qui est un des meilleurs boulangers…
APOLLINE DE MALHERBE
On le salue…
BRUNO LE MAIRE
De la côte basque, qu'on salue. Et BENAT m'a montré aussi ses factures, me les a envoyées, je les ai étudiées. Et donc nous avons vu, depuis des semaines que nous travaillons là-dessus avec les artisans boulangers, que la situation n'était pas tenable pour eux, et donc qu'il fallait aller plus loin sur l'aide que nous leur apportions. Et que ça vaut pour les artisans boulangers, ça vaut aussi pour les bouchers, ça vaut pour un certain nombre de PME qui aujourd'hui sont inquiètes quand elles reçoivent leurs factures, alors, ne les paient pas encore, mais je me mets à leur place, on est début décembre…
APOLLINE DE MALHERBE
Ce qui est très dur, et c'est ce qu'ils me disent, c'est ce qui est très dur c'est d'anticiper, c'est-à-dire que…
BRUNO LE MAIRE
Exactement…
APOLLINE DE MALHERBE
Il y a l'inquiétude des boulangers, des bouchers, on a eu aussi…
BRUNO LE MAIRE
C'est exactement le problème…
APOLLINE DE MALHERBE
Une femme de menuisier qui nous disait qu'elle n'arrivait pas à imaginer l'année prochaine, elle ne peut plus se projeter…
BRUNO LE MAIRE
Mais je comprends profondément cette inquiétude et cette angoisse de tous les artisans, qui voient arriver Noël, se disent : il faut qu'on paye les cadeaux de nos enfants, on a des charges, les charges fin d'année, et puis, il y a la facture qui vient de tomber, et on se dit : mais, je ne vais pas pouvoir payer, je vais me retrouver le lendemain de Noël avec des factures qui vont m'étrangler. Donc c'est cette angoisse que j'ai voulu comprendre…
APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous les entendez…
BRUNO LE MAIRE
Et à laquelle nous voulons apporter une réponse…
APOLLINE DE MALHERBE
Et qu'est-ce que vous leur répondez ?
BRUNO LE MAIRE
La première chose, c'est de leur dire : vous allez avoir 20 % de moins sur cette facture, puisque nous avons décidé, avec la Première ministre, qu'il y aurait pour toutes les PME, toutes les entreprises de moins de 250 salariés, ce qu'on appelle un amortisseur, je ne vais pas expliquer techniquement comment ça marche, c'est trop compliqué…
APOLLINE DE MALHERBE
Quand vous dites toutes les PME, pardon, je voudrais juste qu'on comprenne, ça veut dire qu'il n'y a pas eu cette notion de gros consommateurs d'électricité ou pas…
BRUNO LE MAIRE
Non…
APOLLINE DE MALHERBE
Toutes les PME, vous avez lâché, vous avez simplifié…
BRUNO LE MAIRE
Faisons simple, je sais que vos auditeurs, ils sont attachés, ils ont raison, je suis aussi attaché qu'eux à la simplicité, donc à partir du 1er janvier, je rappelle que toutes les PME…
APOLLINE DE MALHERBE
C'est une sorte de bouclier ?
BRUNO LE MAIRE
C'est un bouclier sur l'électricité, appelez-le comme vous voulez, c'est un amortisseur qui fait que toutes les factures que, aujourd'hui, un artisan boulanger reçoit, il faut qu'il défalque 20 %, ce sera 20 % de moins, et j'ai d'ailleurs demandé aux énergéticiens, lorsqu'ils envoient leurs factures, on y travaille, qu'ils mettent ces 20 %, que le boulanger puisse se dire : mais dans le fond…
APOLLINE DE MALHERBE
Ça, je ne paie pas…
BRUNO LE MAIRE
Ça ne va pas être autant que je pensais, ça ne va pas être 1.000 euros, ça va être 800. C'est 20 % de moins, c'est l'amortisseur général que nous avons décidé avec la Première ministre, pour toutes les entreprises de moins de 250 salariés…
APOLLINE DE MALHERBE
Alors, ça, ça existait déjà, mais vous nous dites, ça y est, ça rentre en fonction…
BRUNO LE MAIRE
Ça, ça existait.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais que faire d'autre ?
BRUNO LE MAIRE
Mais les boulangers, les boulangers ou d'autres, les bouchers, certains artisans qui consomment aussi beaucoup d'électricité m'ont dit : mais, c'est très bien 20 %, mais, moi, ma facture, elle est passée de 1.000 à 4.000 euros, c'est 4 fois. Donc 20 %, ok, je prends, mais 4 fois, je ne vais pas y arriver, donc il faut que vous fassiez davantage. Pour répondre à cette demande et cette inquiétude de toutes les PME qui consomment beaucoup d'électricité, il y aura donc cet amortisseur, 20 %, et nous maintiendrons le guichet qui existe aujourd'hui au 1er janvier 2023. Ce guichet…
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire que ce guichet qui devait s'arrêter à la fin de l'année, vous nous annoncez ce matin sur RMC que vous le prolongez…
BRUNO LE MAIRE
Le guichet électricité, dont bénéficiaient aujourd'hui les PME, qui devait être supprimé au 1er janvier 2023, sera maintenu au 1er janvier 2023, pour alléger un peu plus la facture des artisans, de toutes les PME qui consomment beaucoup d'électricité, ça représentera un allègement de la facture, cette fois, jusqu'à 35 % de leur facture.
APOLLINE DE MALHERBE
Je voudrais qu'on se mette un tout petit peu à la place de celui dont vous imaginiez le scénario, il voit sa facture passer de 1.000 à 4.000 euros, à la fin, il paiera combien ?
BRUNO LE MAIRE
Il a une facture de 1.000 euros, et puis, il vient de recevoir sa facture, 4.000 euros, il se dit : je ne peux pas payer…
APOLLINE DE MALHERBE
La facture de janvier, c'est-à-dire, c'est EDF qui lui dit : eh bien, voilà, on va changer le contrat, ce sera 4.000 euros…
BRUNO LE MAIRE
Première chose, EDF ou autre fournisseur d'énergie va indiquer sur la facture qu'en fait, ce n'est pas 4.000 euros, c'est sans doute autour de 3.200 euros, c'est-à-dire 20 % en moins. Et là, le boulanger va dire, mais, 3.200 euros, c'est toujours au-dessus de 3 % de mon chiffre d'affaires, je n'arrive toujours pas à faire face, il va déclarer sa facture au guichet de manière très simple au 1er janvier 2023, et sa facture sera ramenée à 2.600 euros, 35 % en moins…
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire qu'à la fin, les 4.000 euros, il n'aura plus qu'à payer 2.600…
BRUNO LE MAIRE
Il aura 2.600 euros à payer…
APOLLINE DE MALHERBE
C'est toujours plus que les 1.000 euros de cette année…
BRUNO LE MAIRE
Alors, c‘est toujours plus que les 1.000 euros de cette année, mais c'est un effort considérable, c'est le travail qu'on a fait avec la CPME, François ASSELIN nous avait fait cette proposition, il y a quelques semaines, nous l'avons étudiée, c'est ce que demandaient les artisans boulangers, c'est ce que demandaient également les artisans bouchers et tous ceux qui consomment beaucoup d'électricité pour le chaud ou pour le froid ; ça permettra d'alléger la facture jusqu'à 35 %…
APOLLINE DE MALHERBE
Alors, ça allège, ça reste beaucoup, ça reste une très nette augmentation, même si, en effet, vous allez l'alléger, et vous nous l'annoncez encore ce matin…
BRUNO LE MAIRE
Je précise quand même, Apolline de MALHERBE…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais qu'est-ce qu'il faut qu'ils fassent, il faut qu'ils augmentent le prix du pain, est-ce que vous leur dites ce matin : eh bien, écoutez, voilà, nous, on prend notre part, le reste, c'est les consommateurs qui le prendront, augmentez le prix de la baguette…
BRUNO LE MAIRE
Mais, il y a des limites, il y a des limites à l'augmentation du pain, mais quel est l'objectif de long terme, parce que je comprends les inquiétudes de court terme, et j'y réponds, amortisseur, 20 % de baisse, maintien d'un guichet pour toutes les PME au 1er janvier 2023, jusqu'à 35 % de baisse. Mais ma responsabilité de ministre de l'Économie et des finances, c'est de regarder un peu plus loin, notre objectif, c'est : faire baisser l'inflation dans le courant de l'année 2023, et pour ça, il faut que le poids de l'inflation soit réparti entre tous les acteurs, l'État, eh bien, l'État, il va payer l'amortisseur, payer le guichet, il faut que le consommateur en prenne une part, et il en prend une part déjà aujourd'hui avec une répercussion sur effectivement le prix de la baguette, tout le monde constate en allant chez son boulanger que le prix de la baguette a augmenté. Mais, on ne peut pas faire augmenter le prix de la baguette indéfiniment, il faut une certaine limite. Et une autre partie, la dernière, qui est prise par l'entrepreneur, par le patron de la PME, qui va assumer une part des charges, si chacun prend une juste part de l'inflation sur lui, eh bien, nous pourrons sortir de l'inflation.…
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce qu'on peut espérer, Bruno LE MAIRE, oui Emmanuel…
EMMANUEL LECHYPRE
Bruno LE MAIRE, est-ce que vous considérez aujourd'hui qu'il n'y a plus de trou dans la raquette des aides pour justement supporter ces factures énergétiques ?
BRUNO LE MAIRE
Je pense qu'en apportant cette réponse ce matin, c'est une réponse forte, c'est une réponse claire, c'est une réponse simple, qui doit soulager l'inquiétude de tous ceux qui consomment beaucoup d'électricité et qui se disent : je ne pourrai pas faire face à ma facture. Je rappelle aussi, et c'est la dernière chose que nous allons mettre en place, que pour tous ceux qui ont des difficultés, j'ai géré la crise du Covid, on n'a laissé tomber personne, eh bien, je ne laisserai tomber personne face à l'inflation. Donc nous allons mettre en place dans chaque département un accompagnement personnalisé des entrepreneurs qui en auraient le plus besoin, nous mettons en place un numéro vert, je profite de votre antenne pour le donner…
APOLLINE DE MALHERBE
Allez-y, dites-le...
BRUNO LE MAIRE
0806 000 245, je répète : 0806 000 245. Vous êtes une PME…
APOLLINE DE MALHERBE
Ça, c'est quoi, c'est les entreprises qui appellent…
BRUNO LE MAIRE
Vous avez une difficulté, vous venez de recevoir votre facture, les 20 % en moins sont indiqués, vous savez qu'au 1er janvier, en plus de cela, vous pourrez déclarer vous facture au guichet que je viens d'annoncer et avoir une réduction jusqu'à 35 %, et malgré ça, vous avez accumulé des dettes d'URSSAF, vous avez accumulé des problèmes de trésorerie…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez parfois le PGE…
BRUNO LE MAIRE
Vous n'y arrivez pas. Et malgré tout, votre entreprise, votre boulangerie avec 5 ou 6 salariés, elle a de belles perspectives devant elle, et il n'y a aucune raison qu'elle ferme, vous appelez, on vous apportera une aide, ça pourrait être un étalement de la dette sociale, ça pourrait être un soutien de trésorerie, il y aura un soutien pour chaque entreprise…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous ne laisserez tomber personne. Alors j'avoue que les numéros verts, c'était un peu notre risée, ces derniers temps, parce qu'on a l'impression que dès qu'il y a un problème, on sort un numéro vert…
BRUNO LE MAIRE
Mais toutes les bonnes idées, je les prends…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais, mais là, bon, bon…
BRUNO LE MAIRE
Vous savez, c'est comme ça qu'on arrive…
APOLLINE DE MALHERBE
Il y aura quelqu'un au bout du fil ?
BRUNO LE MAIRE
C'est comme ça qu'on arrive à passer une crise, la crise de l'inflation est une crise très compliquée à gérer, pourquoi, je ne vais pas vous faire part des difficultés du ministre de l'Économie et des finances, ce n'est pas le sujet, c'est difficultés des entrepreneurs, mais la difficulté, c'est que si vous aidez trop, de manière trop massive, et de manière qui n'est pas ciblée, là, c'est ciblé, c'est un guichet pour ceux qui ont vraiment des problèmes avec l'électricité, eh bien, vous risquez d'alimenter l'inflation, alors même qu'il faut se débarrasser de l'inflation, là, il y a une question de dosage qui est difficile à trouver, mais je pense que nous avons trouvé le bon dosage entre le soutien à tous ceux qui en ont réellement besoin, et la nécessité de sortir de l'inflation le plus vite possible.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 décembre 2022