Interview de M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention, à France Info le 13 décembre 2022, sur la prévention et la lutte contre le tabagisme.

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Média : France Info

Texte intégral

MARC FAUVELLE
Bonjour François BRAUN.

FRANÇOIS BRAUN
Bonjour.

MARC FAUVELLE
Après des années et des années de baisse, le tabagisme repart à la hausse en France, 700.000 fumeurs de plus en deux ans, est-ce que c'est un échec des politiques de santé publique ?

FRANÇOIS BRAUN
En tout cas ce n'est pas une bonne nouvelle, nous avions réussi à faire baisser de façon importante le tabagisme, puisqu'il y avait un peu plus de 2 millions de Français qui avaient arrêté de fumer, et cette reprise, avec environ 700.000 personnes qui refument, n'est pas une bonne nouvelle pour la prévention.

MARC FAUVELLE
Dans le détail on voit que ce sont les plus modestes qui fument, ou refument le plus, est-ce que ça veut dire que ça marque l'échec de la hausse du prix des cigarettes à répétition de ces dernières années, ça ne marche plus aujourd'hui, ça ne semble plus marcher en tout cas ?

FRANÇOIS BRAUN
Oui, je pense qu'il est un peu prématuré de dire que ça ne marche plus, en tout cas ça a bien fonctionné, ça fonctionne encore pour près d'1,5 millions de nos concitoyens, donc je crois que ça reste quand même quelque chose d'important. Maintenant, moi ce qui me préoccupe en tant que ministre de la Santé, et de la Prévention, vous savez bien, c'est tout ce cumul, un petit peu, de mauvais signes, on dit que c'est les plus modestes, c'est effectivement ceux qui sont les plus loin du soin, ceux qui fument le plus, donc il y a un cumul d'inégalités au niveau de la santé et vous savez que je fais de la lutte contre ces inégalités l'objectif principal dans ma mission actuelle.

MARC FAUVELLE
Y aura-t-il de nouvelles hausses programmées pour les cigarettes ?

FRANÇOIS BRAUN
Ce n'est pas impossible. Là, pour l'instant, nous avons prévu dans le financement de la Sécurité sociale une hausse pour remettre le prix du tabac, des cigarettes en tout cas, un petit peu en parallèle avec l'inflation, puisque paradoxalement le prix devenait moins cher, et puis il y a aussi les autres produits, les autres produits du tabac, le tabac à chauffer, le tabac à rouler, qui n'avaient pas les mêmes taxes, qui étaient moins chers, on va remettre au même niveau que les cigarettes.

SALHIA BRAKHLIA
Est-ce qu'il y a quelque chose à faire au niveau de la stratégie, votre prédécesseur disait ce matin dans "Le Parisien Aujourd'hui en France", "il faut arrêter de culpabiliser les fumeurs avec des photos chocs, des slogans chocs, et plutôt choisir des slogans, des messages, plutôt positifs, vous arrêtez de fumer vous aurez une meilleure peau, vous arrêtez de fumer ça ne veut pas dire grossir", pourquoi on ne change pas de stratégie, puisqu'on voit que ça ne marche moins ?

FRANÇOIS BRAUN
Je défends, depuis que je suis arrivé, une stratégie positive sur la prévention d'une façon générale. C'est vrai que nous ne sommes pas une société de prévention pour l'instant, c'est un enjeu majeur puisque la santé des concitoyens dans les 10 ans qui viennent, dans les 15 ans qui viennent, dans les 20 ans qui viennent, on la construit aujourd'hui, avec des actes et des gestes de prévention, et cette prévention il faut qu'elle soit positive, c'est par exemple quand on met en avant, "Sport santé" par exemple, ce n'est pas pour dire vous devez faire du sport pour être en bonne santé, mais c'est montrer que, quand on prend les escaliers plutôt que l'ascenseur, eh bien très vite, au bout de 15 jours, trois semaines, on va se sentir mieux.

SALHIA BRAKHLIA
Mais pourtant sur les paquets de cigarettes ce n'est pas ce qu'on voit, on voit des trous dans la gorge, on voit des images horribles.

FRANÇOIS BRAUN
Pour l'instant oui, mais parce que ça a fonctionné.

MARC FAUVELLE
Ça pourrait changer, peut-être, des messages plus positifs ?

FRANÇOIS BRAUN
Ça pourrait changer, ça pourrait changer, c'est tout l'enjeu de faire cette société plus axée vers la prévention, avec des messages effectivement plus positifs, sur les actes de prévention.

MARC FAUVELLE
Je ne sais pas si vous avez passé récemment devant un collège ou devant un lycée, mais vous avez, si c'est le cas, pu mesurer le succès des Puff, ce sont les cigarettes électroniques aux couleurs flashy, au goût vanille, chocolat, ou même marshmallow, interdits à la vente aux mineurs, mais on les trouve absolument partout aujourd'hui sur Internet, que faut-il faire ?

FRANÇOIS BRAUN
Un, faire respecter la loi, c'est interdit…

MARC FAUVELLE
Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

FRANÇOIS BRAUN
C'est interdit de vente aux mineurs, il faut sanctionner s'il y a une vente aux mineurs. Deux, les Puff posent un véritable problème, parce qu'on a pu constater, surtout… aussi les États-Unis nous ont apporté un certain nombre d'informations à ce sujet, c'est un moyen pour les jeunes d'entrer dans le tabagisme, ça devrait être au contraire un moyen pour arrêter de fumer finalement, c'était ça le principe de base…

MARC FAUVELLE
Arrêter de fumer à 14 ans, a priori…

FRANÇOIS BRAUN
Oui, non mais c'est pour ça, c'est-à-dire que ça a été complètement changé, c'est-à-dire on démarre avec des produits qui n'ont pas de nicotine et qui ont des parfums, et puis progressivement ils ont de la nicotine, et progressivement les jeunes deviennent addicts et passent au tabac, donc ça c'est un véritable problème, sur lequel nous sommes en train de travailler, avec aussi des associations qui s'occupent de lutte contre le tabac, mais d'abord il faut faire respecter la loi.

MARC FAUVELLE
Donc, fin de la vente sur Internet, est-ce qu'il faut réserver la vente aux bureaux de tabac, comme le réclament les buralistes, qui disent "nous on fait le tri, on sait faire" ?

FRANÇOIS BRAUN
Écoutez, je n'ai pas pris de décision en ce sens pour l'instant, le sujet est effectivement sur la table, nous sommes en train de travailler autour de ce problème des Puff qui effectivement doivent être mieux régulés.

SALHIA BRAKHLIA
François BRAUN, pour ceux qui nous écoutent, je signale que vous portez un masque chirurgical pendant cette interview, à plusieurs milliers de kilomètres d'ici la Chine a décidé d'alléger ses restrictions contre le Covid, conséquence, une violente flambée du nombre de cas de Covid, et chez nous en France les cas et le taux d'incidence remontent aussi, est-ce que ça veut dire que la neuvième vague, que l'on connaît aujourd'hui chez nous, va devenir un tsunami ?

FRANÇOIS BRAUN
Écoutez, il faut être très prudent, je le dis depuis le début, face à cette pandémie c'est très difficile d'anticiper et de prévoir ce qui va se passer dans les semaines qui viennent. Ce que l'on constate c'est une reprise épidémique depuis à peu près trois semaines maintenant, avec un taux d'incidence qui est élevé, puisqu'on est à 600 pour 100.000, si on se repositionne il y a un an et demi, deux ans, c'était un taux très très élevé, et tout le monde était très inquiet, donc 600 ça reste beaucoup. Le fameux R qui montre combien de…

SALHIA BRAKHLIA
Le taux de reproduction.

FRANÇOIS BRAUN
Voilà, une personne en contamine combien, est toujours supérieur à 1, j'attends les résultats aujourd'hui, c'est tous les mardis que nous avons les résultats de Santé Publique France, pour voir un peu l'évolution des choses, les hospitalisations augmentent, le nombre de cas par jour augmente, donc oui on est dans une remontée de la circulation épidémique, avec un variant, c'est-à-dire un virus, un petit peu modifié par rapport à ce BA5 que l'on connaît, qui, c'est le côté positif des choses, n'est pas plus dangereux que le BA5, donc on le connaît.

SALHIA BRAKHLIA
Mais plus contaminant, contagieux.

FRANÇOIS BRAUN
Mais il est plus contaminant, donc ce qui est important, je le redis, c'est vraiment de protéger les plus fragiles, pour protéger les plus fragiles il faut qu'ils soient vaccinés, pour protéger les plus fragiles il faut que nous reprenions l'habitude des gestes barrières, le lavage de mains, le port de masque, et puis ça marche pour la grippe, ça marche pour le Covid, ça marche pour les bronchiolites, donc c'est plutôt bien.

MARC FAUVELLE
Est-ce qu'il y a un effet Coupe du monde, en ce moment les rassemblements dans les bars, dans les fan-zones, devant les écrans, ou tout simplement à la maison, est-ce qu'on le mesure déjà ?

FRANÇOIS BRAUN
On ne le mesure pas pour l'instant, pas encore, mais c'est vrai que des lieux où on est en grande promiscuité, des lieux clos, c'est, on le sait, c'est un bon moyen de diffuser le virus.

MARC FAUVELLE
On va parler, dans un instant, du masque, du vaccin, des autres mesures sanitaires que vous comptez peut-être mettre en place dans les jours ou dans les semaines qui viennent, le temps du Fil info à 8h40 avec Valentine LETESSE.

(…)

SALHIA BRAKHLIA
Toujours avec François BRAUN, le ministre de la Santé. Après plusieurs semaines de flottement, et alors que la vaccination de rappel patine, vous avez annoncé qu'elle était désormais ouverte à tous, combien de personnes ont fait leur rappel aujourd'hui ?

FRANÇOIS BRAUN
Alors, elle a toujours été ouverte à tous, je me permets de la préciser…

SALHIA BRAKHLIA
On n'était pas au courant.

FRANÇOIS BRAUN
En tout cas elle a toujours été à privilégier pour les personnes les plus fragiles, globalement plus de 60 ans et avec des maladies chroniques, mais elle a toujours été ouverte à tous, la vaccination de la grippe est d'ailleurs ouverte à tous aussi, même si on a privilégié au départ là aussi les personnes les plus fragiles.

MARC FAUVELLE
Combien de personnes l'ont faite aujourd'hui ?

FRANÇOIS BRAUN
Pas assez devrais-je dire, pas assez, surtout sur ces personnes les plus fragiles, on considère qu'à peu près 25 % des personnes de plus de 80 ans sont à jour de leur vaccination, c'est vraiment les plus fragiles, en particulier quand elles sont dans des maisons de retraite, dans ces EHPAD, et puis de l'ordre de 40 % des 60 à 80 ans, c'est insuffisant bien entendu.

MARC FAUVELLE
Quand on dit "ouverte à tous", c'est à partir de quel âge ?

FRANÇOIS BRAUN
Alors à partir de 15 ans globalement, 15, 16 ans, il n'y a pas de souci, c'est surtout à cet âge-là effectivement qu'il faut… voire, on peut vacciner des plus petits, mais…

MARC FAUVELLE
Vous savez, pour en avoir fait l'expérience personnelle, que les pharmacies ne sont pas au courant aujourd'hui, certaines en tout cas ?

FRANÇOIS BRAUN
Écoutez, tout à été fait pour qu'elles le soient.

MARC FAUVELLE
La circulaire qui a changé les règles, ou en tout cas qui a clarifié la situation, date du 21 novembre, il y a des pharmaciens aujourd'hui qui ne l'ont pas lue.

FRANÇOIS BRAUN
Alors hier ils ont reçu un message, ce qu'on appelle les messages d'alerte rapide sanitaire, qui leur reprécisent que c'est bien l'ensemble, mais la circulaire disait simplement "les personnes les plus fragiles, les personnes cibles", mais n'a jamais interdit de vacciner tout le monde bien sûr.

SALHIA BRAKHLIA
Alors, pour qu'on puisse rappeler les règles à tous, la vaccination de rappel c'est au bout de combien de temps ?

FRANÇOIS BRAUN
On va faire simple, c'est six mois, six mois après votre dernière injection, pour l'immense majorité des gens, après il y a des cas particuliers où c'est trois mois, c'est si vous avez plus de 80 ans et si vous avez fait l'infection, l'infection on considère qu'il faut entre trois et six mois, donc considérons trois mois, mais si vous avez la moindre question, prenons six mois comme base, si vous avez la moindre question vous la posez à votre médecin traitant.

SALHIA BRAKHLIA
Est-ce que les vaccins dont on dispose sont efficaces contre le variant BQ.1.1, dont vous avez fait la référence tout à l'heure ?

FRANÇOIS BRAUN
Oui, ils sont efficaces, ils sont un petit peu moins efficaces, mais ils restent de toute façon efficaces, ils restent efficaces, et là aussi il faut bien préciser les choses, pour éviter les formes graves, ce qui est quand même la chose la plus importante, parce qu'il y a toujours des morts, tous les jours, avec le Covid, et ils diminuent quand même la contamination, ils diminuent notre possibilité de contaminer les autres, donc c'est important.

MARC FAUVELLE
Vous avez dit récemment que votre main ne tremblerait pas s'il fallait décider de rendre à nouveau le masque obligatoire dans les transports, pourtant on a le sentiment qu'elle tremble en ce moment, les trois quarts des Français disent "il faut le rendre à nouveau obligatoire", ils sont d'ailleurs nettement moins nombreux à le porter alors que c'est volontaire dans les transports…

FRANÇOIS BRAUN
C'est bien paradoxal.

MARC FAUVELLE
Qu'est-ce qui vous fait peur ?

FRANÇOIS BRAUN
Ça ne me fait pas peur, mais je pense que, il faut qu'on sorte de cette idée que tout doit être régi par des règles, des textes, des lois, des règlements. Je donnais l'exemple, quand vous traversez la rue, vous regardez à gauche et à droite, il n'y a pas de texte qui vous dit qu'il faut regarder à gauche et à droite, c'est de la simple prudence. On parlait tout à l'heure de la prévention…

SALHIA BRAKHLIA
Il y a des feux, c'est le code de la route.

MARC FAUVELLE
Il y a le code de la route, on peut être verbalisé si on traverse au mauvais moment ou si la voiture passe…

FRANÇOIS BRAUN
Oui, mais on ne vous verbalisera pas si vous ne regardez pas des deux côtés.

MARC FAUVELLE
Je vous pose la question autrement François BRAUN. Pendant plus d'un an on nous a dit le masque il faut le porter, non pas pour soi-même, mais pour protéger les autres, aujourd'hui la règle c'est le chacun pour soi.

FRANÇOIS BRAUN
Non, surtout pas.

MARC FAUVELLE
Bah !

FRANÇOIS BRAUN
C'est le principe justement de ces messages, de porter le masque, c'est pour se protéger, mais pour protéger les autres.

MARC FAUVELLE
S'il y a trois personnes dans une rame, qui portent un masque, elles ne sont pas protégées aujourd'hui.

FRANÇOIS BRAUN
Oui, mais il faut surtout qu'elles protègent effectivement elles-mêmes, et les autres, c'est le principe des gestes barrières, on se protège soit, et on protège les autres.

MARC FAUVELLE
Est-ce que vous vous fixé des critères à partir desquels, si on franchit un nombre de malades par jour à l'hôpital, ou un nombre de morts, ou un taux d'incidence, à partir desquels automatiquement vous rendrez le masque obligatoire ?

FRANÇOIS BRAUN
Il n'y a pas d'automatisme, pourquoi, parce que…

MARC FAUVELLE
Donc ça ne bougera pas ?

FRANÇOIS BRAUN
Non, il n'y a pas d'automatisme parce que les critères sont multiples. On voit bien que nous sommes face à une triple épidémie, la grippe, le Covid et la bronchiolite, et c'est bien d'ailleurs cet ensemble qui fait que les choses sont compliquées.

MARC FAUVELLE
Donc on peut dire clairement que le masque ne redeviendra jamais obligatoire en France ?

FRANÇOIS BRAUN
On ne peut pas dire clairement ça.

MARC FAUVELLE
On ne peut pas dire non plus, bon !

FRANÇOIS BRAUN
Non plus. Non, non, mais je vous l'expliquais tout à l'heure, je crois qu'il faut qu'on soit extrêmement humble devant ce qui arrive. On a une situation d'une triple épidémie qui est compliquée, avec un hôpital qui est en grande difficulté, c'est cette conjonction d'éléments qui fait dire que, attention, et qui me fait dire faisons attention, faisons attention pour nous-mêmes, et il faut également faire attention pour notre système de santé, si on sature l'hôpital…

SALHIA BRAKHLIA
C'est pour ça que votre position elle semble incohérente Monsieur le ministre, vous dites c'est tendu à l'hôpital, on a trois épidémies qui traversent le pays, mais je ne prends pas la décision de rendre le masque obligatoire.

FRANÇOIS BRAUN
Mais parce que j'ai confiance dans ce que font les Français, il faut qu'on sorte de cette logique.

SALHIA BRAKHLIA
Mais vous prenez les transports en commun ?

FRANÇOIS BRAUN
Je prends les transports en commun, il y a très peu de gens qui ont le masque, malheureusement, mais chaque fois je re-plaide pour le port du masque, il faut qu'on sorte de cette logique où il faut systématiquement mettre des textes pour faire des gestes simples. Si je veux aller vers une société de prévention, et c'est ce que je souhaite, on ne va pas faire des textes réglementaires sur la prévention, il faut que ça devienne une habitude, il faut que ça devienne un réflexe.

MARC FAUVELLE
En fait votre modèle c'est l'anti-modèle de ce qu'on a fait pendant toutes les vagues précédentes.

FRANÇOIS BRAUN
Ce n'est pas l'anti-modèle parce que les circonstances sont différentes.

MARC FAUVELLE
Est-ce que vous recommandez d'annuler les pots de fin d'année dans les entreprises ?

FRANÇOIS BRAUN
Non, je recommande d'être prudent avec les gestes barrières, quand on est dans un endroit clos, en forte promiscuité, il faut faire attention.

MARC FAUVELLE
Est-ce que vous excluez un changement de protocole sanitaire à l'école à la rentrée ?

FRANÇOIS BRAUN
Pour l'instant oui, ce n'est pas sur la table.

MARC FAUVELLE
Si c'était le cas, à quel moment les parents et les enfants seraient au courant ?

FRANÇOIS BRAUN
Comme je vous l'ai dit, en fonction de l'évolution de l'épidémie et des discussions que j'aie avec mon collègue Pap NDIAYE sur la situation, nous pourrions être amenés, ou pas, à modifier les règles.

SALHIA BRAKHLIA
François BRAUN, aucune décision, donc, vont être prises d'ici les fêtes de fin d'année, 16 % des lits sont fermés…

FRANÇOIS BRAUN
Ce n'est pas ce que j'ai dit non plus, j'ai dit qu'on suivait la situation quotidiennement et que les décisions seraient prises en fonction de l'évolution.

MARC FAUVELLE
Mais vous avez dit aussi qu'il n'y a pas de critères établis aujourd'hui pour décider ou pas…

SALHIA BRAKHLIA
Pas de seuil.

FRANÇOIS BRAUN
Il y a une multitude d'éléments, et il n'y a pas un seuil qui dirait à partir de 683 pour 100.000 on impose le masque.

MARC FAUVELLE
Très clairement, la décision, aujourd'hui, elle est sanitaire, ou elle est politique ?

FRANÇOIS BRAUN
Elle est forcément les deux, elle est forcément les deux. Elle est sanitaire dans la décision, elle est politique dans l'acceptabilité. Si vous prenez une décision qui n'est pas appliquée, qui n'est pas acceptée, elle n'a aucun intérêt.

SALHIA BRAKHLIA
Ah, vous dites en fait que même si vous prenez la décision, personne ne va la suivre ?

FRANÇOIS BRAUN
Non, ce n'est pas ce que je dis, je dis l'intérêt d'une décision c'est qu'elle ait aussi son acceptabilité dans la société pour que les gens l'appliquent.

SALHIA BRAKHLIA
Juste une question sur la situation à l'hôpital, vous l'avez dit, elle est tendue, 16 % des lits fermés, soit deux fois plus qu'en 2019, rapporte Nicolas REVEL, le patron de l'AP-HP, dans "Le Parisien aujourd'hui en France", comment c'est possible ça ?

FRANÇOIS BRAUN
On manque de soignants, les lits ne sont pas fermés pour le plaisir, les lits sont fermés parce qu'on manque de soignants, on manque d'infirmières, on manque d'aides-soignantes, on manque de médecins, les postes sont là, mais on a du mal à recruter sur ces postes.

MARC FAUVELLE
Est-ce qu'il faut revenir sur les 35 heures à l'hôpital, pour payer mieux les soignants, pour essayer de les faire revenir ?

FRANÇOIS BRAUN
Il faut surtout se préoccuper, et c'est ma préoccupation bien entendu, de la reconnaissance de la pénibilité de ces métiers à l'hôpital…

MARC FAUVELLE
Ce n'est pas tout à fait ma question.

FRANÇOIS BRAUN
Non, mais…

MARC FAUVELLE
Sur les 35 heures c'est tranché, vous ne reviendrez pas dessus ?

FRANÇOIS BRAUN
Non, il n'y a pas de sujet sur les 35 heures, il y a un sujet sur la reconnaissance de la pénibilité à l'hôpital, et je crois que c'est important, c'est des métiers, quand on travaille la moitié de son temps la nuit, quand on travaille aussi le week-end, il y a des pénibilités qui sont différentes. On a commencé à travailler dessus, avec la reconnaissance, certes pour l'instant financière, du travail de nuit, pour les infirmières, pour les aides-soignantes, la reconnaissance de la pénibilité dans les services de soins critiques, pour les infirmières puéricultrices et puis les aides puéricultrices, qui étaient un petit peu exclues de tout ça, on avance progressivement, mais c'est vraiment cette pénibilité pour redonner de l'attractivité à l'hôpital.

SALHIA BRAKHLIA
Juste, est-ce que vous demandez, vu la situation tendue à l'hôpital, est-ce que vous demandez aux soignants de renoncer à leurs congés de fin d'année ?

FRANÇOIS BRAUN
Chaque établissement s'organise comme il le fait, je ne peux pas demander aux soignants de renoncer à leurs congés puisque de toute évidence ils ont aussi besoin de congés, comme tout le monde, ça c'est certain, et puis ça fait deux ans et demi maintenant que tous les soignants sont au front, à l'hôpital comme en ville d'ailleurs, simplement on s'organise. Ce sont des métiers pour lesquels on a ce qu'on appelle la permanence, la continuité des soins, on ne peut pas fermer un hôpital la journée, par exemple, pendant une semaine.

MARC FAUVELLE
Vous avez la certitude que toutes les personnes qui attrapent en ce moment la grippe, la bronchiolite pour les tous petits, ou le Covid, pourront être soignées effectivement à l'hôpital, ou vous dites honnêtement je ne le sais pas, aujourd'hui je n'ai pas de visibilité suffisante sur la situation ?

FRANÇOIS BRAUN
Non, on a un système de santé qui fonctionne quand même, effectivement il y a des difficultés, il y a beaucoup de choses, mais il fonctionne…

MARC FAUVELLE
De façon tendue.

FRANÇOIS BRAUN
De façon tendue, les gens sont pris en charge, les urgences, d'une façon générale bien entendu, si on parle des urgences, les urgences sont prises en charge, ce qu'il faut éviter le plus possible c'est ce qu'on appelle la déprogrammation, c'est-à-dire des interventions qui seraient prévues, qu'on est obligé de repousser, c'est malheureusement le cas aujourd'hui, il faut être très vigilant dans cette déprogrammation, pour éviter une dégradation des soins, ce qu'on a pu connaître dans le début des vagues Covid, mais en tout cas oui, on continue à être soigné dans notre pays, et mieux qu'ailleurs.

MARC FAUVELLE
François BRAUN, le ministre de la Santé, invité de France Info jusqu'à 9h, il est 8h50, Valentine LETESSE pour le Fil info.

(…)

SALHIA BRAKHLIA
Avec le ministre de la Santé, François BRAUN, Amoxicilline, Doliprane en sirop pour enfants, les pénuries de médicaments s'accumulent, ça va durer combien de temps ?

FRANÇOIS BRAUN
Alors, de quoi parle-t-on, on parle de deux choses qui sont un peu différents, si je peux me permettre, entre l'Amoxicilline et le Doliprane, le Doliprane, le paracétamol, on a eu des difficultés, il y a un mois et demi à peu près, qui étaient liées vraiment, des difficultés d'avoir le produit paracétamol. Là, une difficulté sur le Doliprane sirop pour enfants, qui est essentiellement liée à un mouvement social chez SANOFI, chez le distributeur, un peu sur la production, un peu sur le distributeur, le produit est majoritairement produit en Allemagne ; c'est en train d'être réglé, le mouvement social est réglé, on est en train de revenir à un niveau normal, on a eu une augmentation de la demande et une diminution de la distribution. Donc forcément, il y a eu des tensions, il y a aussi des attitudes, et là, je veux appeler à être à être raisonnable, c'est-à-dire que c'est jeudi dernier, par exemple, quand on a commencé vraiment à en parler, en une journée, on a consommé trois jours de stock.

SALHIA BRAKHLIA
Ah, les Français ont fait des stocks.

FRANÇOIS BRAUN
Les gens ont fait des stocks, je veux dire, attention, on aura toujours du paracétamol, bien entendu, il y a des formes sinon alternatives, on peut prendre autre chose, et vous savez, en France, on a un système de surveillance qui est extrêmement précis sur ces stocks de médicaments, quand on dit qu'on est en pénurie, ça veut dire qu'on a un stock de moins d'un mois, alors, effectivement, c'est préoccupant, mais ça nous laisse quand même toujours un petit peu de réaction. En ce qui concerne l'Amoxicilline, c'est sur la fabrication, les anticipations de fabrication par les industriels ont été insuffisantes par rapport à la consommation...

SALHIA BRAKHLIA
Mais là, c'est grave parce que ça représente deux tiers des prescriptions pour enfants.

FRANÇOIS BRAUN
Oui, alors là aussi, l'ensemble des sociétés savantes, scientifiques, d'infectiologie, de pédiatrie ont communiqué, fin de semaine dernière, sur tous les autres antibiotiques qu'on peut prendre en fonction des situations, donc on ne laisse pas des gens sans soins.

MARC FAUVELLE
En cas de coupures d'électricité, il y a eu un petit flottement ces derniers jours, on va dire ça comme ça, sur la question des personnes qui sont hospitalisées à domicile, celles par exemple qui sont sous respirateur artificiel, que se passera-t-il ?

FRANÇOIS BRAUN
Alors, ce n'est pas quelque chose déjà de nouveaux, puisque c'est quelque chose qu'on connaît dans le monde de la santé, lorsqu'il y a des inondations, lorsqu'il y a des grosses chutes de neige, des choses comme ça, donc on a une anticipation, cette anticipation, elle a été un petit peu plus travaillée cette fois-ci, mais c'est le rôle, c'est le rôle du Gouvernement d'anticiper ce qui peut se passer, même si la probabilité est faible, c'est mon rôle au sein de ce gouvernement d'anticiper pour les personnes, alors, les hôpitaux, bien sûr, les personnes qui sont hospitalisées à domicile, déjà, on les répertorie, on les répertorie par plein de moyens différents, pour vraiment être sûr de n'oublier personne, les personne peuvent se déclarer, ou elles sont déclarées par leur médecin traitant, généraliste ou spécialiste, on va aller regarder aussi avec les fournisseurs de matériels à la maison, donc on établit des listes, pour chaque personne, une solution est proposée.

MARC FAUVELLE
Et ensuite, oui, quand vous dites une solution, pour vous, ça veut dire que, soit, elles auront, ces personnes, des batteries de secours…

FRANÇOIS BRAUN
Oui…

MARC FAUVELLE
On va s'en assurer, soit, on leur proposera d'aller à l'hôpital ?

FRANÇOIS BRAUN
Soit, on leur proposera un dieu intermédiaire aussi, on travaille avec les communes, c'est-à-dire un lieu qui est secouru par un groupe électrogène plus important où on pourra…

MARC FAUVELLE
Une caserne de pompiers…

FRANÇOIS BRAUN
Voilà, où on pourra les rapatrier, ou à la salle des fêtes ou des choses comme ça. Et sinon, elles seront transportées à l'hôpital pour la durée de la coupure, il y a beaucoup de matériels qui ont aussi des batteries qui permettent de tenir pendant 2h.

MARC FAUVELLE
Question pratique, en cas de délestage volontaire, on nous explique qu'il faudra appeler le 112, qu‘il y aura un seul numéro qui fonctionnera dans ces cas-là, or, le 112 aujourd'hui ne couvre pas certaines zones rurales en France, dans ces zones-là, on fait quoi ?

FRANÇOIS BRAUN
Il faut continuer à appeler les numéros d'urgence, déjà, continuer à appeler le 15, il faut continuer à appeler le 18, continuer à appeler le 17...

SALHIA BRAKHLIA
S'ils ne sont pas accessibles…

FRANÇOIS BRAUN
Si ça ne fonctionne pas, vous faites le 112…

MARC FAUVELLE
On fait dans cet ordre-là, d'abord, les…

FRANÇOIS BRAUN
Oui, vous faites vos numéros habituels, il y a quand même énormément de chances que cela fonctionne, après effectivement, l'intérêt du 112, quel est son intérêt, c'est qu'il prendre n'importe quel opérateur, c'est-à-dire qu'il n'est pas attaché à un opérateur, si votre téléphone est avec un opérateur…

MARC FAUVELLE
Il attrape l'antenne la plus proche, quelle qu'elle soit…

FRANÇOIS BRAUN
Voilà, l'opérateur le plus proche, quel que soit votre abonnement, donc voilà, c'est l'avantage qu'il peut y avoir, mais là aussi, j'ai travaillé avec le ministère de l'Intérieur et mon collègue Gérald DARMANIN, il va y avoir des permanences dans toutes les casernes de pompiers, il va y avoir des permanences dans tous les lieux au niveau des gendarmeries, etc., les gens seront présents physiquement, donc on pourra y aller. On réfléchit aussi sur le principe des maraudes, dans ces cas-là, pour aller dans des quartiers qui seraient éventuellement loin, s'il y a le moindre problème, nous anticipons sur tout ce qui pourrait arriver, c'est normal, ce n'est pas pour ça que ça va se passer, mais en tout cas, il est normal de travailler sur l'anticipation.

SALHIA BRAKHLIA
Ça devait se faire après-demain, finalement, Emmanuel MACRON a décidé de reporter d'un mois la présentation de la réforme des retraites, on se dirige tout droit vers un âge de départ à 65 ans, ou alors, ça peut encore changer ?

FRANÇOIS BRAUN
Non, c'est ce qui est pour l'instant sur la table, dans les discussions avec les partenaires sociaux.

SALHIA BRAKHLIA
On vous pose la question parce que les aides-soignants, par exemple, font partie des catégories actives, ils peuvent partir aujourd'hui à 57 ans, est-ce qu'eux aussi vont devoir travailler plus ?

FRANÇOIS BRAUN
Écoutez, en tout cas cette réforme des retraites, je crois qu'il y a trois points essentiels, le premier point, elle est indispensable, pour garder notre principe de retraite par répartition. Juste, pour ne pas être trop long, juste un petit exemple, en 2000 c'était deux actifs pour un retraité, on est aujourd'hui à 1,17 et on va aller dans 10 ans à peu près à 1,4, donc on voit bien que si on veut maintenir ce principe de retraite par répartition, pas diminuer les pensions, pas augmenter les cotisations, il faut réformer la retraite, la réformer c'est travailler plus longtemps.

MARC FAUVELLE
Y compris à l'hôpital, y compris pour les aides-soignants ?

FRANÇOIS BRAUN
Ça concerne tout le monde, les aides-soignants sont ce qu'on appelle en catégorie active, ce qui leur permet de partir plus tôt, ils seront toujours en catégorie active et ils partiront plus tôt par rapport aux autres…

MARC FAUVELLE
Mais plus tard par rapport à aujourd'hui.

FRANÇOIS BRAUN
Plus tard par rapport à aujourd'hui, mais moi ce qui m'importe beaucoup c'est… là aussi je reviens sur la reconnaissance de la pénibilité, sur les fins de carrière, comment aménager les fins de carrière de gens qui sont fatigués, on le sait, ils arrivent souvent en fin de carrière avec des troubles musculo-squelettiques, avec des difficultés à effectuer leur travail, donc comment travailler sur ces fins de carrière, c'est une occupation importante.

MARC FAUVELLE
Merci beaucoup François BRAUN, ministre de la Santé, invité ce matin de France Info, bonne journée à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 décembre 2022