Interview de M. Gabriel Attal, ministre chargé des comptes publics, à France Info le 16 décembre 2022, sur la réforme des retraites, la politique fiscale, le SMIC, l'accord européen en faveur d'un impôt minimum de 15 % concernant les bénéfices des multinationales, les aides aux entreprises, la fraude à la TVA et la contrebande du tabac.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France Info

Texte intégral

LORRAIN SÉNÉCHAL
Bonjour Gabriel ATTAL.

GABRIEL ATTAL
Bonjour.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Avant d'évoquer vos dossiers en tant que ministre délégué aux Comptes publics et notamment la réforme des retraites, un mot de ce drame qui a eu lieu cette nuit dans un immeuble de Vaulx-en-Velin près de Lyon, dix morts dont cinq enfants. Vos collègues de l'Intérieur Gérald DARMANIN et du Logement Olivier KLEIN se rendent sur place.

GABRIEL ATTAL
C'est un drame absolument bouleversant, terrible, choquant. J'ai évidemment une pensée pour les victimes, pour leur famille. Je veux dire tout mon soutien également à la maire de Vaulx-en-Velin Hélène GEOFFROY. Mes collègues, vous l'avez dit, se rendent sur place et une enquête va évidemment être diligentée pour déterminer les causes de ce drame absolu.

LORRAIN SÉNÉCHAL
On a eu tout à l'heure sur France info le député LR Alexandre VINCENDET qui nous expliquait que c'était un immeuble de copropriété. C'est quelque chose que vous allez regarder également ? Est-ce qu'il faudra peut-être lancer un audit ?

GABRIEL ATTAL
Je n'ai pas d'informations sur les conditions dans lesquelles cet incendie s'est déclaré. Il y aura évidemment une enquête. Il faudra tirer évidemment au clair ce qui s'est passé mais là, on est encore vraiment dans le temps de l'émotion absolue. C'est vraiment un drame bouleversant et je veux redire tout mon soutien aux victimes.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Pour l'heure, le Gouvernement est auprès des victimes.

NEILA LATROUS
Gabriel ATTAL, la réforme des retraites devait être présentée hier par la Première ministre, elle le sera finalement le 10 janvier, quelques semaines de plus pour discuter. Les syndicats n'y croient pas vraiment. Philippe MARTINEZ de la CGT était hier à votre place.

PHILIPPE MARTINEZ, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA CGT
La Première ministre a dit d'ailleurs sur les médias " j'attends que les syndicats fassent des propositions ", mais ça fait trois ans qu'on fait des propositions sur les retraites. Trois ans ! Moi je n'oublie pas l'épisode de DELEVOYE, vous vous rappelez, la concertation. Ça parlait des retraites aussi et on avait des propositions.

NEILA LATROUS
Alors Jean-Paul DELEVOYE qui est cité par Philippe MARTINEZ, il était Haut commissaire à la réforme des retraites, il a intégré le Gouvernement en septembre 2017. Vous espérez en trois semaines faire ce qui n'a pas été fait en cinq ans ?

GABRIEL ATTAL
D'abord ce n'est pas la même réforme que celle qui avait été portée par Jean-Paul DELEVOYE. Vous savez, la réforme de Jean-Paul DELEVOYE visait à avoir une réforme systémique, là on a une réforme qui vise d'abord à faire en sorte que notre système par répartition puisse continuer à exister. Moi je veux que les retraités actuels puissent continuer à recevoir leur retraite et que les Français qui travaillent puissent bénéficier d'une retraite le moment venu. Ça nécessite une réforme.

NEILA LATROUS
Mais tout va se faire en trois semaines ?

GABRIEL ATTAL
Non, il y a un gros travail qui a été fait ces derniers mois, mais l'essentiel c'est que le calendrier qui a été annoncé, c'est-à-dire un début d'entrée en vigueur de la réforme à l'été prochain, sera tenu. Et on peut effectivement, pendant quelques semaines, continuer à discuter sur certains points. On parle beaucoup sur cette réforme de la question de l'âge légal de départ qui est évidemment une question essentielle.

NEILA LATROUS
Qui cristallise la colère des syndicats qui vous donnent d'ailleurs attendez-vous en janvier dans la rue.

GABRIEL ATTAL
Et qui est une question très importante et j'imagine que tous les Français qui nous écoutent évidemment se posent la question de savoir ce qui sera arbitré. Mais il y a aussi d'autres enjeux et d'autres paramètres dans cette réforme : comment est-ce qu'on tient compte de la pénibilité des métiers, des carrières longues ? Comment est-ce qu'on agit pour favoriser, renforcer l'emploi des seniors ? Sur tous ces sujets-là, on peut évidemment continuer à discuter pendant quelques semaines avec les syndicats et avec les partis politiques. Je vous rappelle qu'il vient d'y avoir des élections professionnelles, et donc vous avez des représentants syndicaux qui ont changé. Vous avez par ailleurs eu des élections dans plusieurs partis politiques, ç'a été âprement commenté.

NEILA LATROUS
Mais ça, c'était prévu.

GABRIEL ATTAL
Oui, mais donc vous avez de nouveaux interlocuteurs ; ça justifie que pendant quelques semaines, il puisse y avoir des échanges avec eux et le gouvernement.

NEILA LATROUS
On va revenir sur la question de l'âge puisque vous évoquez les carrières longues, un point assez clair. Les personnes ayant cotisé cinq trimestres avant vingt ans pourront partir deux ans plus tôt. Est-ce que ça inclut les personnes qui ont fait des stages ou des jobs d'été ?

GABRIEL ATTAL
Alors tout ça sera précisé au moment où on présentera la réforme.

NEILA LATROUS
Il n'est pas question d'exclure les jobs d'été du calcul de la carrière longue ?

GABRIEL ATTAL
L'important, c'est que le dispositif carrières longues qui sera adopté dans le cadre de cette réforme permette à des personnes qui ont commencé à travailler jeune et qui ont eu des métiers pénibles de pouvoir partir avant les autres. Sur les paramètres sur la manière dont concrètement ça va se mettre en place, ça sera annoncé par le gouvernement. Il y a aujourd'hui un dispositif carrières longues, il s'agit de préserver un dispositif carrières longues et il s'agit ensuite de revoir les paramètres.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Et sur la pénibilité justement, vous avez enlevé des critères de pénibilité au début du premier quinquennat d'Emmanuel MACRON. Est-ce que certains peuvent être remis, notamment les charges lourdes ?

GABRIEL ATTAL
Ils ont été retirés, notamment parce qu'il y avait une très grande complexité que ce soit pour les entreprises ou pour les salariés eux-mêmes, pour être capables d'identifier, de détecter et de déclarer les critères de pénibilité. L'enjeu, ce n'était évidemment pas que tous les salariés soient suivis de quelqu'un qui contrôle s'ils portent des charges lourdes etc Il n'y a pas d'obstacle de principe évidemment à réintroduire certains critères de pénibilité, encore faut-il que ce soit techniquement faisable.

LORRAIN SÉNÉCHAL
C'est-à-dire vous préférez vous baser sur des symptômes décrits par des médecins, autrement dit une fois que les symptômes sont apparus ?

GABRIEL ATTAL
Non. Je pense qu'il y a plusieurs possibilités. Il y a aussi la possibilité de tenir compte de conditions de travail au cours de la carrière, mais encore une fois encore faut-il qu'en termes pratiques ce soit faisable.

NEILA LATROUS
Sur le travailler plus, travailler plus longtemps tout cas Gabriel ATTAL, contesté par les syndicats, cette nécessité. Sans aucune réforme - aucune – en laissant avancer la réforme Touraine, on partira en 2040 à 64 ans. Sur le déficit, le COR prévoit une vingtaine d'années où ça ne va pas très bien et un rétablissement des comptes à la même échéance, d'ici 2040, une vingtaine d'années. Ce que vous dites c'est qu'en fait, 2040 ça ne suffit pas, il faut aller plus vite.

GABRIEL ATTAL
D'abord moi je me méfie des prévisions à 2040 ou 2050 ; et on a vu que les estimations et les prévisions du COR…

NEILA LATROUS
Vous dites tout de suite que ça n'ira pas bien, donc il faut que tout de suite la réforme soit adoptée.

GABRIEL ATTAL
Non mais on a vu ces dernières années que les prévisions du COR, y compris à court terme, pouvaient évoluer et qu'à certains moments, quand ils estimaient que le régime pouvait s'équilibrer avant vingt ans, finalement ensuite dans de nouvelles estimations, ils prévoyaient un déficit. La réalité quand même, c'est qu'on a aujourd'hui de moins en moins d'actifs par rapport aux retraités. Je rappelle que notre système fait que les retraites des personnes qui sont à la retraite sont payées par les actifs qui travaillent et qu'il y a, je crois, une trentaine ou une quarantaine d'années on avait quatre actifs pour un retraité, qu'il y a une vingtaine d'années on était à deux actifs pour un retraité et qu'on se rapproche de plus en plus de 1,5 actif voire un actif pour un retraité.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Oui mais ça, c'est la pyramide des âges à cause du baby-boom. Au bout d'un moment, ça va se rééquilibrer naturellement.

GABRIEL ATTAL
C'est le baby-boom. C'est par ailleurs le fait qu'on vit plus longtemps, que la science progresse et c'est une bonne nouvelle, mais le fait est que si vous voulez garder un système par répartition où les actifs qui travaillent financent la retraite de ceux qui sont à la retraite, on doit globalement travailler plus longtemps.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Et vous dites que ce système, il est en danger. Ce n'est pas du tout ce que dit le COR.

GABRIEL ATTAL
Le COR prévoit un déficit quand même important dans les années à venir. Vous avez cité vingt ans mais, encore une fois, je veux dire savoir ce qui se passera dans vingt ans, qui dépendra aussi beaucoup de la situation de l'emploi, du niveau de l'emploi, le fait est qu'il y a à court et à moyen terme un déficit du système.

LORRAIN SÉNÉCHAL
C'est pour sauver le système ou est-ce que c'est pour financer par exemple une nouvelle branche de l'assurance maladie, pour financer des nouvelles dépenses que vous prévoyez dans les prochaines années ?

GABRIEL ATTAL
Alors un, c'est pour préserver le système. Pour faire en sorte que les retraités actuels continuent à recevoir leur pension et que les Français qui travaillent puissent compter sur un système. Deux, ça permet de financer des mesures supplémentaires pour nos retraités sur la prise en charge de l'autonomie, sur le fait d'avoir une retraite minimum pour que des Français qui ont travaillé toute leur vie, qui ont travaillé toute leur vie puissent avoir une retraite d'au moins 1 100 euros. C'est un progrès majeur.

LORRAIN SÉNÉCHAL
C'était 1 200. C'était passé à 1 200 à cause de l'inflation.

GABRIEL ATTAL
L'engagement de la campagne c'est 1 100 mais vous avez raison. On passera probablement à garanti à 85 % du SMIC, et donc ça sera à 1 200 euros, vous avez raison de le dire. Mais vous avez des Français qui ont travaillé toute leur vie, qui aujourd'hui ont une retraite de 900, 950, 1 000 euros. On veut qu'il ait une retraite minimum pour ceux qui partent à la retraite.

NEILA LATROUS
Mais c'est pour ceux qui arriveront, c'est ceux qui bénéficieront de la retraite, ce n'est pas pour les personnes déjà…

GABRIEL ATTAL
Oui, pour ceux qui partent à la retraite. Pour les Français qui vont travailler un peu plus longtemps.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Vous dites donc à ceux qui sont juste en dessous, à 900 ou 1 000 euros actuellement, d'attendre quelques mois que cette réforme elle se mette en place pour pouvoir bénéficier des 1 200 euros minimum ?

GABRIEL ATTAL
Ce que je dis, c'est qu'on va demander avec cette réforme à tous les Français globalement de travailler un peu plus longtemps, mais qu'il y a entre guillemets une contrepartie positive pour des Français qui, sans cette réforme, seraient partis avec une retraite autour de 900 euros, qui là partiront avec une retraite de 1 200 euros. Et puis par ailleurs, le fait qu'on allonge globalement l'âge de départ à la retraite fait que vous aurez plus de Français qui travailleront, volume de Français qui travaillent plus important, et donc c'est des recettes supplémentaires effectivement pour porter des politiques publiques.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Ça, c'est assumé.

GABRIEL ATTAL
Oui, je ne parle pas des cotisations retraite. Les cotisations retraite continueront toujours à financer les retraites, mais plus vous avez de Français qui travaillent, plus vous avez de recettes fiscales, des recettes sociales et nous estimons à 12 milliards d'euros les recettes supplémentaires en 2027 liées à la réforme des retraites. Il faut améliorer dans notre pays ce qu'on appelle le taux d'emploi, c'est-à-dire le nombre de Français qui travaillent. Si on avait le même taux d'emploi que nos voisins allemands, en tant que ministre du Budget j'aurais beaucoup moins de travail puisque nos budgets seraient beaucoup plus équilibrés parce qu'on aura des recettes supplémentaires pour financer nos politiques. Et donc améliorer le taux d'emploi, c'est quoi ? C'est faire en sorte que les jeunes puissent travailler, d'où ce qu'on fait sur l'apprentissage, sur la réforme du lycée professionnel et c'est faire en sorte qu'on travaille un peu plus tout au long de la vie, avec notamment la réforme des retraites.

(…)

NEILA LATROUS
65 ans en 2031, on évoquait le report de l'âge de départ à la retraite, c'est l'objectif qui était fixé pendant la campagne présidentielle d'Emmanuel MACRON. C'est de la gonflette, disent les LR qui vous proposent 64 ans et on cotise plus longtemps. Est-ce que c'est possible, 64 ans et on cotise plus longtemps ? Ou est-ce que vous dites : c'est 65 ans ou rien ?

GABRIEL ATTAL
Non, d'ailleurs le Président lui-même a dit qu'il n'y avait absolument aucun tabou sur ce sujet-là, il a eu l'occasion de le dire dans une interview à FRANCE 2 il y a quelques semaines. Il y a toujours une discussion et il y aura un débat parlementaire. L'important, c'est que les LR que vous venez de citer, soutiennent une réforme qui vise à ce que globalement, on travaille plus longtemps tout en tenant compte de la pénibilité et des carrières longues puisque j'ai entendu certaines déclarations ces derniers jours ou ces dernières semaines, y compris de responsables des LR, qui remettaient en cause le principe d'une réforme…

NEILA LATROUS
La droite dit : si le Gouvernement veut venir sur nos positions, il peut y avoir une réforme des retraites…

GABRIEL ATTAL
On aura un débat parlementaire avec eux évidemment…

NEILA LATROUS
Il n'est pas question de laisser les Républicains rédiger l'intégralité de la réforme de ce que je comprends.

GABRIEL ATTAL
Vous savez, quand vous portez une réforme au Parlement, vous discutez avec les différents groupes, y compris de l'opposition et puis ensuite, vous cherchez une majorité pour adopter cette réforme et donc on cherchera à discuter avec l'ensemble des parlementaires mais encore une fois, il faut à mon sens que les LR se conforment aux engagements qu'ils ont pris devant les Français. Je rappelle quand même que pendant la campagne présidentielle, leur candidate a défendu une réforme des retraites avec un report de l'âge légal de départ. Ils ont eux-mêmes fait campagne pour les élections législatives sur la base de ce projet ; il serait, je crois, assez incompréhensible pour leurs électeurs…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Et ils viennent de désigner Éric CIOTTI à la tête du parti, ça change quelque chose pour vous ? Ça rend plus difficile l'obtention d'un accord ?

GABRIEL ATTAL
Non je ne crois pas, pour moi ça ne change pas les engagements qu'ils ont pris devant les Français il y a moins de 6 mois. Il y a moins de 6 mois, ils étaient devant les Français, ils ont reconnu eux-mêmes que notre système de retraite était en danger, qu'il fallait le réformer et qu'il fallait le réformer en travaillant un peu plus longtemps. Aujourd'hui, vous avez le Gouvernement qui propose cette réforme ; je trouverais incompréhensible qu'ils s'y opposent alors même qu'ils la défendaient il y a 6 mois.

NEILA LATROUS
Gabriel ATTAL, pour la 10e fois depuis le début de la législature en juillet, Élisabeth BORNE a utilisé l'article 49.3 de la Constitution pour faire adopter le budget 2023 ; ça dit quoi ? Que la discussion en réalité n'existe pas vraiment à l'Assemblée, que le dépassement est un échec déjà ?

GABRIEL ATTAL
Il y a une vraie discussion. C'est la 10e fois, vous l'avez dit, mais sur le même texte. Enfin il y a deux textes : le budget, le budget de la Sécurité sociale…

LORRAIN SÉNÉCHAL
C'est-à-dire qu'ils font des allers-retours avec le Sénat…

GABRIEL ATTAL
Voilà… des allers-retours entre l'Assemblée et le Sénat et comme les oppositions ne changent pas leur position en disant : on votera contre ; quand le texte est obligé de revenir à l'Assemblée, vous êtes obligé de redéclencher un 49.3…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Mais vous pouvez aussi voter ce que vous proposent les oppositions…

GABRIEL ATTAL
Mais non puisque vous savez, on a démarré la discussion avec les oppositions et je les ai reçues dès la fin du mois d'août, le début du mois de septembre et ce qu'elles nous ont dit dès le départ mais elles l'on dit aussi dans les médias, c'est que quoi qu'on mette dans le budget, de toute façon, elles voteraient contre parce que pour elles, le vote d'un budget, c'est symbolique ; si vous votez le budget, vous êtes dans la majorité, c'est ce qu'elles nous ont dit. Et donc elles ont dit : quoi qu'il y ait dans le budget, on votera contre. Et puis donc on vous obligera à utiliser le 49.3.

NEILA LATROUS
Le texte a évolué entre justement le mois de septembre et aujourd'hui, il y a eu des ajouts, l'amortisseur électricité pour les entreprises…

GABRIEL ATTAL
Une taxation des superprofits des énergéticiens pour financer le bouclier tarifaire, 11 milliards d'euros supplémentaires dès l'an prochain… Donc il y a eu des ajouts y compris des ajouts venant des oppositions, sur la question du soutien aux collectivités locales pour améliorer encore le filet de sécurité pour les communes qui ont du mal à payer leurs factures d'énergie, sur la question des Français qui travaillent. Moi, ce que dont je suis très fier avec ce budget, c'est que c'est un budget résolument tourné vers les classes moyennes qui travaillent. Ces Français qui nous écoutent peut-être et qui se disent que parfois, ils ont l'impression qu'on dépense beaucoup d'argent public pour aider d'autres Français qui ne travaillent pas forcément, alors qu'eux qui travaillent, qui se lèvent tous les matins, qui prennent leur voiture avec une essence qui coûtent cher, ils ne sont pas forcément accompagnés… Qu'est-ce qui change…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Il n'y a plus la ristourne de 10 centimes par exemple, remplacée par un chèque.

GABRIEL ATTAL
Oui, d'abord on prend une mesure sur l'impôt sur le revenu pour éviter que leurs impôts sur le revenu augmentent puisqu'avec l'inflation, sinon, l'impôt sur le revenu aurait augmenté de 6 milliards d'euros. Deuxièmement, je parle toujours des classes moyennes qui travaillent, vous en avez beaucoup qui doivent faire garder leurs enfants pour aller travailler, dans une crèche, chez une assistante maternelle ; ça coûte de l'argent ; il y a un crédit d'impôt. On relève de 50 % le plafond des dépenses éligibles au crédit d'impôt : ça passe de 2.300 à 3.500 euros. C'est une mesure pour les classes moyennes qui travaillent.

NEILA LATROUS
Pour que je comprenne bien : pour les classes moyennes qui font garder leurs enfants, jusqu'à 3.500 euros qu'elles donnent à l'assistante maternelle, eh bien tout ça c'est supprimé de la feuille d'impôt….

GABRIEL ATTAL
Vous avez accès au crédit d'impôt pour la garde d'enfants.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Si vous dépensez 7.000 euros, vous pourrez toucher jusqu'à 3.500 euros de crédit d'impôt sur l'année…

GABRIEL ATTAL
Et c'était jusqu'à 2.300 euros auparavant, donc c'est un vrai progrès, c'est une augmentation de 50 % du plafond. Troisième mesure, troisième exemple : on remonte la valeur du ticket Restaurant qui passe de 11,80 euros à 13 euros, là aussi c'est vraiment une mesure pour les Français qui travaillent. Vous voyez, on a ajouté des choses…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Le déficit budgétaire a été gonflé de 7 milliards d'euros entre le texte de septembre et celui qui vient de retourner à l'Assemblée ; il n'y a pas de dérive budgétaire là… on n'est plus à l'euro près !

GABRIEL ATTAL
Quand j'ai présenté le budget avec Bruno LE MAIRE au mois de septembre, on prévoyait un déficit à 5 % l'an prochain et à la fin de l'examen de ce budget, on est toujours à 5 % de déficit. On a aussi des recettes supplémentaires qui sont prévues notamment sur la taxe sur les superprofits et sur les énergéticiens. Par ailleurs, on a une économie qui résiste et qui résiste remarquablement et donc on voit qu'on a des recettes plus importantes que prévu. Je vous donne un exemple : j'ai annoncé ce matin que nous aurons en 2022, 3 milliards d'euros de recettes supplémentaires par rapport à ce qu'on prévoyait, notamment sur l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur le revenu parce que l'activité économique résiste, parce que la croissance résiste…

NEILA LATROUS
C'est le dynamisme du marché de l'emploi qui permet ces rentrées….

GABRIEL ATTAL
Oui, parce que notre économie résiste et c'est une bonne nouvelle, il faut le dire. Et je ne dis pas ça pour dire : c'est grâce uniquement au gouvernement, il fait tout bien ; c'est grâce aux entreprises qui continuent à investir, qui continuent à embaucher, c'est grâce aux millions de Français qui continuent à se lever tous les matins pour aller travailler et qui font qu'on a une croissance qui résiste et qui est nettement supérieure à celle de la moyenne de la zone euro.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Et pour autant, pas de coup de pouce pour les smicards. Le SMIC va augmenter mais vraiment mécaniquement.

GABRIEL ATTAL
Oui, il y a une revalorisation du SMIC qui est prévue…

LORRAIN SÉNÉCHAL
1,8 % au 1er janvier.

GABRIEL ATTAL
Oui je rappelle que sur l'année, entre janvier 22 et janvier 2023, ça aura été une hausse de 6,6 % et donc le SMIC sera passé de 1.269 euros à 1.353 euros.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Mais la facture d'électricité va augmenter de 15 %, la facture de gaz va augmenter de 15 %, je ne parle même pas des péages d'autoroute ; il y a quand même un décalage qui va se créer.

GABRIEL ATTAL
Alors pour les Français qui sont au SMIC, qu'on vient d'évoquer, il y a un soutien par ailleurs sur la facture d'électricité et de gaz, je le rappelle, avec un chèque énergie exceptionnel qui leur est adressé en ce moment même. Maintenant, je ne nie pas, Lorrain SÉNÉCHAL, que la situation est difficile ; elle est difficile pour tout le monde, qu'il y a des Français qui ont du mal à joindre les deux bouts. Ce que je dis, c'est qu'on prend des mesures pour limiter au maximum l'impact de l'inflation, qu'on est aujourd'hui en France le pays de la zone euro qui a l'inflation la moins élevée ; il y a une inflation, elle reste trop importante pour les Français dans leur quotidien mais on prend des mesures, vous avez évoqué la hausse de la facture d'électricité et de gaz de 15 % l'an prochain, si on ne prenait pas une mesure dans le budget que nous venons d'adopter, ce serait 120 % d'augmentation ; tous les Français qui nous écoutent, verraient leur facture d'électricité et de gaz augmenter de 120 %. Donc ce que je dis, c'est qu'on protège, je crois, comme aucun autre pays européen la facture des Français en luttant contre l'inflation.

Fil info

NEILA LATROUS
Gabriel ATTAL, il y a eu cet accord on peut dire historique cette nuit des 27, qui se sont mis d'accord donc sur un impôt minimum de 15 % sur les bénéfices des multinationales. Qu'est-ce que ça change concrètement ? Ça veut dire plus d'argent aussi pour les caisses de l'Etat ?

GABRIEL ATTAL
C'est un aboutissement majeur et historique, vous l'avez dit et c'est l'aboutissement d'un combat qu'on a mené, la France, qu'a mené le Président de la République depuis plusieurs années. On entend souvent parler et je pense que les Français qui nous écoutent en entendent parler dans les émissions, de ces grandes entreprises, ces multinationales qui ne payent pas l'impôt qu'elles doivent parce qu'elles transfèrent une partie de leurs profits vers des filiales ou vers des maisons mères qui sont dans d'autres pays qui sont par exemple des paradis fiscaux. On porte depuis plusieurs années l'idée qu'il y ait un impôt minimal à 15 % partout pour être certain que les entreprises payent les impôts qu'elles doivent en fonction de leurs profits.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Et donc ça veut dire 15 % pour une entreprise en France mais aussi en Irlande, à Malte, à Chypre, partout en Europe.

GABRIEL ATTAL
Voilà. Et donc qu'est-ce qu'on a fait ? On s'est battu d'abord au niveau de l'OCDE et on a obtenu un accord en 2021 ; il fallait ensuite un accord au niveau européen. Ça a été difficile, il y a des pays qui mettaient leur veto et ce qui a été annoncé hier, c'est ces pays levaient leur veto et que donc, on a cet accord pour un impôt minimal…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Et qui entrera en application dans un an.

GABRIEL ATTAL
Il faut transcrire la directive européenne dans le droit français dans l'année 2023, on va y travailler et ensuite, il y aura une entrée en vigueur effectivement qui vise encore une fois, à faire en sorte que les multinationales paient l'impôt qu'elles doivent, que ce soit en France ou dans d'autres pays. C'est des recettes supplémentaires mais c'est aussi de la justice parce que nos PME, nos TPE qui elles, ne sont pas des multinationales, qui ne peuvent pas délocaliser leurs profits, elles, payent plein pot leurs impôts.

NEILA LATROUS
… et vous demandent d'ailleurs un geste supplémentaire dans deux secteurs notamment : l'hôtellerie- restauration et la construction qui ne sont pas sûrs finalement d'aller si bien que ça l'année prochaine ; est-ce que le ministre des Comptes publics prévoit des dérogations par exemple supplémentaires puisqu'il y en a déjà, pour le remboursement des prêts garantis par l'État qui ont été contractés pendant le Covid ?

GABRIEL ATTAL
Alors vous avez raison, il y a donc les prêts garantis par l'État qui ont été contractés par les entreprises. D'abord, ce qu'on constate aujourd'hui, c'est qu'il n'y a pas un niveau important de défaut de remboursement de PGE.

NEILA LATROUS
Ça s'est bien passé. D'ailleurs l'argent que vous aviez mis de côté pour éventuellement venir en secours… il vous en reste encore.

GABRIEL ATTAL
On a un milliard d'euros qu'on avait provisionnés pour aider les entreprises qui avaient un défaut de PGE, qu'on n'a pas dépensé, c'est positif ; il y a 4,6 % en moyenne de défaut de PGE… ce qui est à peu près le chiffre qu'on a sur des prêts commerciaux. Donc c'est plutôt une bonne nouvelle ; ça montre que les entreprises résistent. Ensuite, il y a des inquiétudes sur 2023. Moi ce que je veux rappeler, c'est que l'entreprise qui a des difficultés à rembourser son PGE, peut se rendre à la Banque de France, demander à rencontrer le médiateur du crédit et négocier un rééchelonnement de son PGE jusqu'à dix ans au lieu de six ans, sans passer par la justice… voilà, vous pouvez facilement obtenir de rééchelonner votre PGE à 10 ans au lieu de 6 ans. Ensuite, on n'a pas souhaité mettre en place de mesures on va dire qui concernent tout un secteur, vous en avez cité certains puisque vous avez dans certains secteurs y compris dans ces secteurs-là, des entreprises qui sont en bonne santé financière ; ce ne serait pas très juste que dans ces secteurs, une entreprise en bonne santé financière ait une mesure spécifique sur son PGE alors que dans d'autres secteurs que vous n'avez pas cités, il y a des entreprises en difficulté qui elles, n'en bénéficieraient pas.

NEILA LATROUS
Mais il y aura du cas par cas…

GABRIEL ATTAL
Il y a déjà du cas par cas ; il y en aura toujours ; une entreprise, encore une fois, qui a des inquiétudes et difficultés à rembourser son PGE, elle peut demander au médiateur du crédit, un rééchelonnement jusqu'à 10 ans au lieu de 6 ans.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Pour réussir à obtenir des nouveaux crédits, vous voulez aussi faire la chasse à la fraude, la fraude à la TVA par exemple ; votre objectif c'est quoi ? C'est d'obtenir de récupérer dans le giron de l'État 500 millions d'euros par an au lieu de 250 millions actuellement, c'est ça ?

GABRIEL ATTAL
Alors sur la fraude à la TVA, vous avez une étude de l'INSEE récente qui estime autour de 20 milliards d'euros par an le niveau de fraude à la TVA dans les entreprises. Et donc pour ça, on a un chantier majeur qui est le chantier de la facturation électronique entre les entreprises qui va commencer à se mettre en place à partir de 2024. On peut dire que c'est l'équivalent du prélèvement à la source côté entreprises. Donc c'est un chantier majeur. L'Italie par exemple a déjà mis en place une telle réforme, elle récupère plusieurs milliards d'euros par an de TVA qu'elle ne récupérait pas auparavant. Le chiffre auquel vous faites référence, c'est parce qu'il y a un autre levier de fraude auquel je souhaite m'attaquer, qui est la fraude à l'Assurance maladie. Aujourd'hui, on recouvre 250 millions d'euros par an de fraude à l'assurance maladie et je fixe comme objectif qu'à partir de 2024, on ait doublé le montant des recouvrements et qu'on atteigne 500 millions d'euros. Je présenterai en début d'année, au 1er trimestre, un plan global de lutte contre la fraude, qu'il s'agisse de la fraude fiscale, de la fraude sociale, de la fraude douanière. Je compte y travailler avec les parlementaires de tous les groupes politiques, c'est un enjeu, je crois, qui peut traverser tous les groupes et les clivages politiques. J'ai déjà commencé à prendre des mesures, notamment dans le budget qu'on évoquait tout à l'heure.

NEILA LATROUS
C'est combien de milliards qui échappent à l'État en additionnant toutes les fraudes ?

GABRIEL ATTAL
C'est très difficile à estimer, si on regarde fraude par fraude, vous avez des estimations parfois qui peuvent diverger – j'ai cité la fraude à la TVA autour de 20 milliards d'euros – un autre enjeu qui est pour moi majeur, c'est la fraude au travail non déclaré ; on estime que c'est entre 5 et 7 milliards d'euros par an. Donc voilà, vous avez différents leviers de fraude sur lesquels il faut qu'on agisse. J'ai pris des mesures dans le PLF ; quand on parle de fraude fiscale et de fraude à la TVA, on va pouvoir retirer très rapidement à une entreprise son numéro de TVA si on voit qu'elle fraude. Sur la fraude aux prestations sociales, j'ai décidé qu'à partir du 1er juillet prochain, on ne pourrait plus verser d'allocations sociales sur des comptes bancaires étrangers parce qu'il y a parfois des versements d'allocations sociales sur des comptes étrangers et on doute, je le dis, parfois de l'existence du bénéficiaire ; est-ce qu'il est encore en vie ou pas ? Est-ce que ce sont des proches qui reçoivent des allocations indûment ? A partir du 1er juillet 2023, vous ne pouvez plus recevoir d'allocations sociales si c'est sur un compte étranger.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Et ce qui coûte cher enfin, c'est la contrebande du tabac notamment, 3 milliards d'euros de pertes pour l'État. Ce que vous voulez, c'est qu'on traite les trafiquants de tabac comme les trafiquants de drogue, c'est-à-dire que pour l'instant ils ne risquent pas du tout les mêmes peines de prison.

GABRIEL ATTAL
Non et ce qu'on voit, c'est que des réseaux mafieux internationaux de trafic de drogue se sont reportés sur le tabac. En 2017, on saisissait autour de 200 tonnes par an de tabac de contrebande. L'an dernier, on était à 400 tonnes. Et cette année, on sera probablement autour de 800 tonnes, c'est-à-dire que ça double ; on était déjà à 600 tonnes au bout de 10 mois. C'est un véritable fléau.

NEILA LATROUS
Vous faites un appel aux consommateurs aussi : n'achetez pas de cigarettes de contrebande ?

GABRIEL ATTAL
Evidemment, mais moi je lutte contre les réseaux d'abord ; j'ai annoncé qu'on allait augmenter les moyens techniques de la douane pour être capable de démanteler les réseaux, d'intercepter ; qu'on allait augmenter aussi les peines effectivement, j'y travaille avec Eric DUPOND-MORETTI pour les trafiquants de tabac. Il faut bien se rendre compte qu'on a démantelé cette année, pour la première fois dans notre histoire sur le territoire national, trois usines clandestines de fabrication de cigarettes de contrefaçon. Il y avait des usines cachées qui produisaient entre un million et 2 millions de cigarettes par jour, de contrefaçon ; on les a démantelées. Donc on voit qu'il y a des réseaux mafieux qui se sont tournés vers le commerce de tabac en se disant que c'était aussi lucratif et donc il faut une sévérité absolue ; c'est aussi un enjeu pour nos buralistes qui se sont pris entre guillemets les hausses du paquet de cigarettes, ça a un impact sur leur chiffre d'affaires… eh bien, il faut aussi par respect pour les buralistes et pour leur permettre de tenir…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Pas de hausse du paquet d'ailleurs Gabriel ATTAL dans les semaines qui viennent ?

GABRIEL ATTAL
Pas de nouvelle hausse par rapport à ce qui a déjà été annoncé, c'est-à-dire une hausse de 50 centimes au 1er mars, qui avait déjà été annoncée par la Première ministre.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Gabriel ATTAL, merci beaucoup.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 décembre 2022