Texte intégral
LORRAIN SÉNÉCHAL
Bonjour Christophe BÉCHU.
CHRISTOPHE BÉCHU
Bonjour.
LORRAIN SÉNÉCHAL
Est-ce que vous nous confirmez ce matin que le Gouvernement renonce à interdire la chasse le dimanche ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Je vous confirme qu'il y aura en début de semaine prochaine des annonces en termes de sécurité sur la chasse. Le sujet, ce n'est pas seulement un jour ou une demi-journée sans chasse ; le sujet, c'est la sécurité, toute la semaine, à la fois pour les chasseurs et puis pour ceux qui vont dans la nature. Et ce sera présenté en début de semaine prochaine très vraisemblablement par la secrétaire d'État Bérengère COUILLARD.
NEÏLA LATROUS
Willy SCHRAEN, président de la Fédération nationale des chasseurs, était ce matin sur France Info sur cette journée éventuelle sans chasse. Écoutez ce qu'il disait ce matin.
WILLY SCHRAEN, PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION NATIONALE DES CHASSEURS
Il y a 85 % de la forêt qui est privée en France. Ça veut dire qu'on va expliquer aux gens qu'ils ne peuvent pas chasser chez eux. On laisse le territoire ouvrir à d'autres personnes. Si on met des lois comme ça en place, je ne vous donne pas cinq ans et vous avez la ruralité à feu et à sang. Il y a des gens qui vont bunkeriser la campagne. Mais moi, je ne peux pas chasser chez moi, il n'y a pas de problème. Mais vous n'allez plus mettre un pied dans mon bois, alors que c'est au niveau local et que ça se passe très bien tous les jours.
NEÏLA LATROUS
Le "Jour sans chasse", ça existe en Angleterre, aux Pays-Bas, en Suisse, en Espagne, en Italie et au Portugal. Willy SCHRAEN, président de la Fédération des chasseurs, vous dit : "Ce n'est pas possible en France".
CHRISTOPHE BÉCHU
D'abord, le sujet, encore une fois je le redis, ce n'est pas de regarder les pays dans lesquels ça existe parce que si je fais la liste des pays dans lesquels ça n'existe pas, à ce jeu-là, on s'apercevra que pour le moment, il y a largement plus de pays qui n'ont pas légiféré. En revanche, la question de la sécurité n'est pas secondaire.
NEÏLA LATROUS
Vous dites : "C'est une question sur toute la semaine, ce n'est pas simplement sur la question d'une journée", donc ça semble enterrée justement cette idée de "Jour sans chasse" puisque de ce que je comprends, vous voulez plutôt travailler sur la semaine que sur un jour en particulier.
CHRISTOPHE BÉCHU
Les deux ne s'opposent pas nécessairement, mais on ne peut pas faire comme si en sanctuarisant une demi-journée, on réglait le problème de manière totale. Et on sait que derrière, c'est plutôt la question du partage de la nature au sens large qui se pose, avec parfois d'autres conflits d'usage, moins spectaculaires, qui ne font pas la Une des journaux, mais entre des vététistes et des promeneurs, entre d'autres types d'usage. Donc, à ce stade, je le redis, il y aura un temps à la fois de présentation de ces annonces et ensuite de discussions, et vraisemblablement à la fin un temps de débat législatif, parce que quelles que soient les mesures…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Attendez. Il y aura des annonces lundi, mais ensuite, il y aura un débat, et finalement un texte qui peut être différent ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Ce que je veux dire, c'est que des annonces, elles vont devoir ensuite pour prendre effet, passer par un texte de loi. Vous ne pourrez pas juste vous contenter de faire une annonce, quelles que soient d'ailleurs ces annonces en termes de sécurité, en disant : ça s'applique à partir de demain. On est dans un pays de droit ; dans ce pays, il appartient au Gouvernement d'aller proposer des choses, mais il faudra ensuite que la représentation nationale les valide, même sur un sujet qui semble faire consensus, compte tenu de l'interview que vous avez faite ce matin avec le président de la Fédération nationale de la chasse, comme l'alcoolémie, ça ne se fait pas en un claquement de doigts : il faut un texte, il faut une base, il faut expliquer dans quel contexte vous le faites, quelles sont les sanctions qui sont encourues ? Donc on est au début d'un processus, on est dans la suite d'une réflexion sur les questions de sécurité, quelques jours avant des annonces, qui vont elles-mêmes amorcer un débat et ensuite un texte.
NEÏLA LATROUS
Information de Paul BARCELONE du service politique de France Info : donc ce délit d'alcoolémie va être créé, selon les informations de notre service politique, le délit d'alcoolémie concernant les chasseurs pendant notamment les battus. Est-ce que vous nous confirmez que cette piste de réflexion a été entérinée ? Cette décision était entérinée ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Je vous confirme qu'il y a plein de sujets qui sont en train d'atterrir pour les annonces qui auront lieu lundi, et que la question d'alcoolémie…
NEÏLA LATROUS
C'est-à-dire, vous nous dites qu'à ce stade, à l'heure où on se parle, le vendredi matin, il n'y a aucune décision qui est sanctuarisée ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Non. Je suis en train de vous dire que vous venez d'expliquer qu'il y aurait - lundi - des annonces, et qu'aujourd'hui, nous sommes vendredi.
LORRAIN SÉNÉCHAL
Bon. En tout cas, les informations de France Info sont qu'il y aura un test d'alcoolémie. En gros, ce sont les mêmes règles.
CHRISTOPHE BÉCHU
Il se trouve que les infos de France Info sont souvent très justes, même quand elles devancent les revendications gouvernementales.
LORRAIN SÉNÉCHAL
Merci Christophe BÉCHU.
CHRISTOPHE BÉCHU
Je ne vais pas aller plus loin, mais à ce stade…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Mais l'idée, ce seraient les mêmes règles pour la route et pour la chasse. C'est ce que réclame Willy SCHRAEN lui-même.
CHRISTOPHE BÉCHU
Ecoutez, s'il le réclame, il sera content lundi.
LORRAIN SÉNÉCHAL
Une dernière chose : est-ce qu'il faudra… est-ce que vous encouragez les Français à l'avenir à télécharger une application pour pouvoir savoir où les chasseurs seront en train de se déployer ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Je serai ravi qu'on en reparle dans quelques jours.
LORRAIN SÉNÉCHAL
Bon. On verra ça avec vous, Christophe BÉCHU. Vous reviendrez pour nous détailler ces annonces. À vous, Neïla LATROUS.
NEÏLA LATROUS
La fin de l'enquête sur l'empoisonnement des Antilles au chlordécone. Les juges d'instruction ont prononcé un non-lieu lundi. On est encore là-dessus, cette décision hier. "Les faits sont prescrits", disent-ils. Ils parlent tout de même de "scandale sanitaire". Je rappelle que le chlordécone, c'est un pesticide qui était interdit en métropole dans les années 90, mais il y a une dérogation pour l'autoriser dans les bananeraies en Guadeloupe et en Martinique jusqu'en 1993. 90 % de la population adulte de ces départements contaminés ; un taux d'incidence du cancer de la prostate parmi les plus élevés au monde. Un scandale sanitaire donc mais un non-lieu. Est-ce que vous soutenez les élus et les habitants qui veulent faire un appel ? Et puis surtout, est-ce que vous parlez de "fiasco" concernant la gestion de cette affaire ?
CHRISTOPHE BÉCHU
D'abord, en effet, c'est une décision de justice ; et critiquer une décision de justice, ça emmène toujours - quand on représente le pouvoir politique - dans une fente qui peut être dangereuse sur les séparations des pouvoirs. Ensuite, il y a deux choses. Est-ce qu'il y a un scandale chlordécone ? Est-ce qu'il y a des conséquences sanitaires avec des empoisonnements de population qui ont donné lieu aujourd'hui à des faits qui sont documentés ? Personne ne le conteste. La question qui était posée aux juges, c'était : quelles poursuites pénales éventuelles et contre qui ? Et la réponse des juges, ce n'est pas de nier les faits du chlordécone, c'est de dire : "On est en 2022, on est en train de discuter de quelque chose qui s'est déroulé au début des années 90 pour lesquels on a à la fois des difficultés de prescription pénale et des difficultés d'identification des responsabilités". Et donc ça n'est pas une manière d'aller nier ni la réalité du scandale, des difficultés, de ceux qui ont été marqués dans leur chair par l'ensemble de ça. C'est une décision sur une question pénale précise, ça n'est pas une remise en cause à la fois de la peine de ces populations et du préjudice qu'elles ont subi. Il faut insister là-dessus…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Mais qu'est-ce que vous dites à ces populations, on leur dit, là, il y a un scandale, effectivement, c'est scandaleux ce qui vous est arrivé, mais la justice ne passera pas.
CHRISTOPHE BÉCHU
Non, la justice dit : on ne peut pas identifier un responsable, et faire en sorte de le condamner pénalement compte tenu des délais dans lesquels nous sommes…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Et qu'est-ce que vous dites à ces personnes, c'est difficilement entendable ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Mais dans des quantités d'affaires, et parfois des affaires qui sont individuelles au lieu d'être collectives, on est capable d'identifier quelqu'un comme étant l'auteur présumé d'un crime, mais d'expliquer qu'on ne peut pas le poursuivre parce que les faits sont prescrits. Est-ce qu'il faut aller vers une inscriptibilité généralisée, quels que soient les domaines dont on parle, dès lorsqu'il y a une volonté d'avoir une restauration pénale, ce qui est terrible, c'est le signal qui donnerait le sentiment qu'il n'y a pas de sujet, ce n'est pas ce que disent les juges, et en tout cas, ce n'est pas ce que dit le ministre que je suis, ce matin, les juges, ils disent : d'un point de vue pénal, malgré le scandale, on ne peut pas avoir une poursuite nominative qui établit une responsabilité pénale spécifique si longtemps après les faits, ça n'est pas une remise en cause de la réalité des conséquences de cet usage prolongé.
NEÏLA LATROUS
Il y a un projet de décret qui a été publié sur le site du ministère de l'Agriculture pour accorder une nouvelle dérogation aux betteraviers pour que ces agriculteurs soient autorisés une année de plus à utiliser des néonicotinoïdes, c'est des insecticides jugés néfastes pour la biodiversité, ils étaient interdits jusqu'en 2018, il y a eu une première dérogation pour l'année 2021, une deuxième pour l'année 2022, et un projet pour cette nouvelle dérogation pour 2023, est-ce que ça veut dire qu'une fois de plus l'agriculture passe avant la biodiversité ?
CHRISTOPHE BÉCHU
D'abord vous avez raison de rappeler le processus. En 2018 l'interdiction elle a abouti à ce que sur les 130 usages agricoles qui utilisaient ce pesticide il n'y en ait plus qu'un seul qui soit autorisé, on n'est pas revenu dans la situation 2018. Il y avait 4,5 millions d'hectares, en 2018, il y a cinq ans, qui étaient traités avec cet insecticide dont on connaît les dégâts et les dangers, en particulier pour les abeilles. Une loi en 2020 a dit, pour les 129 usages, orge, laitue, pruniers, pommiers, on arrête tout, et on arrête tout, tout de suite, mais on a une catégorie qui pose une difficulté, c'est la betterave sucrière, et la loi de 2020, ce n'est pas ce gouvernement ici, maintenant, a dit en 2021, en 2022 et en 2023, au pire, ou au maximum, il pourra y avoir des dérogations uniquement pour cette betterave sucrière, donc le sujet…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Ça veut dire que c'est la dernière.
CHRISTOPHE BÉCHU
Quoi qu'il arrive c'est la dernière.
NEÏLA LATROUS
Il n'y aura pas de nouvelle loi, pour 2024, 2025 ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Je vous assure qu'il n'y aura pas de nouvelle loi, y compris parce que même l'usage il a diminué entre 22 et 21, entre 21 et 20…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Chez les betteraviers.
NEÏLA LATROUS
Oui, il y a des betteraviers qui arrivent à s'en passer d'ailleurs, l'an dernier…
CHRISTOPHE BÉCHU
Et tout l'enjeu c'est qu'il n'y en n'ait plus un qui puisse se réfugier derrière "il n'y a pas d'alternative", parce que le gouvernement a mis des crédits, je parle de 20 millions d'un programme national de recherche, pour qu'on puisse faire en sorte de trouver des alternatives, ces alternatives elles continuent de se développer, et encore une fois il faut que ce dernier usage, que ces derniers hectares qui sont concernés, eux aussi ils puissent sortir des néonicotinoïdes, c'est un enjeu de cohérence, mais c'est aussi un enjeu tout le monde de santé et de respect de l'environnement.
NEÏLA LATROUS
Donc vous dites aux betteraviers c'est la dernière fois, l'année prochaine il va falloir de toute façon trouver une autre solution ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Quoi qu'il arrive, je vous le dis de la façon la plus claire qui soit.
LORRAIN SÉNÉCHAL
Et c'est quoi les autres solutions, c'est d'autres… ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Non, c'est des techniques d'assolement, c'est d'autres… je ne suis pas un spécialiste de l'ensemble de ces sujets, j'ai évoqué le fait qu'il y avait…
LORRAIN SÉNÉCHAL
C'est d'autres variétés de betteraves aussi.
CHRISTOPHE BÉCHU
130 types d'usages agricoles qui utilisaient…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Parce que la betterave est attaquée par…
CHRISTOPHE BÉCHU
Par un puceron, de manière particulière, en fonction de certaines températures, bref, n'entrons pas dans la technique, et là pour le coup ce n'est pas mon domaine d'expertise, ma responsabilité c'est de faire en sorte que nous diminuions de manière continue l'ensemble des usages de pesticides qui ont des conséquences sur la biodiversité et les écosystèmes.
NEÏLA LATROUS
Cette nouvelle dérogation pour 2023 elle n'est pas automatique, il y a une consultation publique qui est ouverte jusqu'au 24 janvier, qui est ouverte sur le site du ministère de l'Agriculture, les betteraviers ont lancé un appel de leur côté à leurs troupes en disant "allez participer, sinon vous ne laissez la parole qu'aux ONG", les ONG s'organisent aussi de leur côté pour participer à cette consultation publique, est-ce que ça la détourne de son objet si c'est groupes d'intérêts contre groupes de pression ?
CHRISTOPHE BÉCHU
C'est souvent à ça qu'aboutissent les consultations publiques, ceux qui s'expriment sont ceux qui se sentent à la fois les plus concernés, parce qu'ils sont contre un projet, ou parce qu'ils y sont favorables, c'est ce qui existe quand vous conduisez une concertation aussi bien sur un projet local que sur un projet national. Encore une fois on est dans ce processus de concertation qui, quoi qu'il arrive, existe pour la dernière fois sur le sujet compte tenu de ce que dit la loi de 2020, et pour lesquels on aura, dans quelques semaines, les conclusions de tout ça.
NEÏLA LATROUS
Et le gouvernement suivra l'avis du public quel qu'il soit, c'est-à-dire que si la consultation publique aboutit à une très forte opposition de cette nouvelle dérogation, le gouvernement ne signera pas le décret ?
CHRISTOPHE BÉCHU
A la minute où je vous parle on est dans les premières heures du lancement de cette consultation, parce que je crois qu'elle a été lancée le 3 janvier, donc on est au début de ce processus, moi ma responsabilité elle consiste à dire la sortie des pesticides, et des néonicotinoïdes de manière plus particulière, on est sur une pente continue d'amélioration, je sais les émotions qui existent autour de "on va encore peut-être pour quelques hectares, quelques usages, différer les choses", la pente elle est connue, le sens il est irrémédiable, et nous devons sortir le plus vite possible, je l'ai exprimé publiquement, je l'ai dit…
NEÏLA LATROUS
Mais l'avis du public il a vocation à guider la décision du gouvernement ou c'est un avis consultatif, c'est-à-dire que si une majorité de personnes s'expriment contre la nouvelle dérogation aux néonicotinoïdes, le gouvernement peut dire en février nous signerons quand même la dérogation ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Il ne s'agit pas d'un avis conforme, il s'agit d'un avis informatif pour être capable d'accompagner les autres éléments de décision.
NEÏLA LATROUS
Donc vous n'êtes pas obligé de suivre.
LORRAIN SÉNÉCHAL
Christophe BÉCHU, tout augmente évidemment, 15 % de hausse pour les tarifs de l'électricité depuis quelques jours, bientôt c'est le gaz qui va augmenter en février de 15 % également, et ce qu'on avait peut-être moins anticipé c'est la hausse du prix de l'eau, jusqu'à 20 % en plus pour le mètre cube dans certaines communes, est-ce qu'il va y avoir un bouclier tarifaire, est-ce qu'il est prévu, pour le prix de l'eau également ?
CHRISTOPHE BÉCHU
D'abord, il y a des écarts considérables sur le prix de l'eau dans ce pays, parfois parce qu'il y a des territoires qui gèrent mieux, mais aussi parfois parce qu'il y a des territoires qui ont tardé à faire des investissements. On a 20 % de l'eau potable de ce pays qui part dans des fuites et sur certains territoires on peut atteindre 50, 60, 70 % de fuites par rapport à l'eau potable qui est produite.
NEÏLA LATROUS
70 % de l'eau qui passe dans les tuyaux, qui partent dans la nature.
CHRISTOPHE BÉCHU
70 %, les territoires les plus mauvais que nous avons dans ce pays, on est jusqu'à 70 % de taux de fuites, et souvent, là où on a des taux de fuites très élevés, on a un prix de l'eau qui est très faible, parce qu'on a refusé d'aller augmenter le prix de l'eau pour faire les travaux qui permettaient d'aller accompagner ces réseaux. Moi mon premier sujet, y compris compte tenu de la sécheresse qu'on a vécue l'été dernier, et de la volonté qu'on ne se retrouve pas dans la même situation dans quelques mois, ça a été de lancer, avec Bérangère COUILLARD, ma secrétaire d'État à l'Écologie, à Marseille, fin septembre, les Assises de l'eau qui ont permis d'associer tous les acteurs. On a reçu hier une partie des pré-conclusions, et à la fin du mois de janvier nous indiquerons des mesures, pour lutter contre les fuites, pour faire en sorte d'aller diminuer les usages, pour regarder comment on réutilise des eaux traitées, bref, à l'intérieur de tout ça…
LORRAIN SÉNÉCHAL
C'est-à-dire une enveloppe de l'État pour que les collectivités puissent faire des travaux ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Attendez, à l'intérieur de tout ça le sujet ce n'est pas qu'on aille apporter des subventions à des gens qui ont différé des travaux qui étaient nécessaires et de demander à ceux qui ont payé un juste prix d'aller compenser ceux qui n'ont pas payé parce qu'on a refusé de faire des travaux…
NEÏLA LATROUS
Il y a les bons élèves et les mauvais élèves de la gestion de l'eau.
CHRISTOPHE BÉCHU
Il faut qu'on ait des mécanismes qui permettent d'accompagner ceux qui ont des besoins, mais il ne faut pas qu'on se substitue à des décisions qui consistent à ce que l'eau ait un prix.
LORRAIN SÉNÉCHAL
Et alors, quels mécanismes, comment on fait ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Vous savez, à la fin, ce qui n'a pas de coût ça n'a pas de valeur et on le gaspille, donc il faut à la fois des mesures qui permettent d'éviter les conséquences pour les Français les plus fragiles, mais pas basculer dans un système où on anesthésie l'effet prix et où on a le sentiment qu'on gaspille. Chacun d'entre nous, Français, on consomme 148 litres d'eau potable par jour.
NEÏLA LATROUS
De ce que je comprends de ce que vous nous dites, vous nous dites il y aura des annonces fin janvier, mais il ne faut pas pénaliser les communes qui ont investi dans la rénovation de leur réseau, ça veut dire que…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Et pourtant il faut colmater les fuites.
NEÏLA LATROUS
Le bouclier tarifaire, pour vous, c'est une mauvaise solution ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Mais, il y a des communes où le prix n'augmente pas, il y a des communes où il augmente, vous avez autant de situations qu'il y a de territoires de gestion, parce qu'il y a plein de sortes, et il faut mesurer une chose…
NEÏLA LATROUS
Donc de ce que je comprends, c'est une fausse bonne idée en fait !
CHRISTOPHE BÉCHU
Ce que je veux dire c'est qu'on a appelé nos concitoyens à la sobriété, en ce qui concerne l'électricité, le gaz, parce que si on veut sortir des énergies fossiles, si on veut être au rendez-vous de la lutte contre le dérèglement climatique, il faut qu'on s'habitue à consommer moins, ce qui est vrai pour les énergies fossiles, l'est pour l'eau, dans d'autres raisons, avec une nuance, c'est que tous les ans, de manière continue, la consommation des ménages elle diminue, elle diminue parce que les machines que nous utilisons sont plus économes, elle diminue parce qu'on met dans les robinets ce qui va permettre de limiter les choses…
NEÏLA LATROUS
La consommation d'eau potable c'est 21 % de la consommation d'eau en France, c'est très en deçà de l'agriculture ou du refroidissement des centrales nucléaires par exemple.
CHRISTOPHE BÉCHU
C'est ça, c'est en gros 1 milliard de mètres cubes, si on discute, sur les cinq milliards que nous utilisons.
LORRAIN SÉNÉCHAL
Christophe BÉCHU, si je comprends bien, il n'y aura pas de bouclier tarifaire pour les clients, même si la facture d'eau explose, il n'en n'est pas question pour l'instant.
CHRISTOPHE BÉCHU
Mais, il y a un prix national, si vous voulez, sur les questions d'électricité, vous avez des leviers, même s'il y a plusieurs fournisseurs, là on efface un kaléidoscope territorial, avec énormément de secteurs…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Le client particulier ne peut pas choisir son fournisseur en France.
CHRISTOPHE BÉCHU
C'est tout à fait exact.
LORRAIN SÉNÉCHAL
C'est au niveau de la commune, donc il n'y aura pas de bouclier tarifaire, et je n'ai pas bien compris qui allait payer pour colmater ces fameuses brèches, dont vous nous avez parlé tout à l'heure, qui parfois entraînent une perte de 70 %, vous nous dites, de l'eau potable.
CHRISTOPHE BÉCHU
Aujourd'hui la responsabilité de la gestion de l'eau elle est au niveau des collectivités locales, elle va le rester, nous avons autant de situations que nous avons de collectivités locales. A l'intérieur de ça la première responsabilité…
LORRAIN SÉNÉCHAL
D'accord, mais vous nous dites il faut un mécanisme pour pousser les communes qui n'ont pas fait les travaux à le faire…
CHRISTOPHE BÉCHU
C'est tout à fait exact.
LORRAIN SÉNÉCHAL
Et en même temps il ne faut pas qu'on paye pour ces mauvais élèves.
CHRISTOPHE BÉCHU
Ce que je veux dire c'est que l'État ne va pas se substituer à des travaux qui sont rendus nécessaires sur des territoires…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Vous allez pousser la commune à faire les travaux.
CHRISTOPHE BÉCHU
Il a vocation à accompagner ceux qui sont dans des situations qui sont très complexes, mais pas à se substituer à un prix qui soit juste et quitte tienne compte des travaux qui parfois ont été différés pour de mauvaises raisons.
NEÏLA LATROUS
Christophe BÉCHU ce début d'année ressemble au fond à la fin de l'année 2022, avec des températures extrêmement douces, est-ce que vous craignez une canicule pour cet été, est-ce que ça veut dire qu'il y aura de nouvelles restrictions d'eau, où en sont les nappes phréatiques aujourd'hui, à date ?
CHRISTOPHE BÉCHU
D'abord ça fait des années que malheureusement la fréquence de ces épisodes caniculaires augmente, et ce n'est pas parce qu'on a des températures douces en janvier qu'on augmente le risque d'avoir une canicule à l'été…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Non, mais le fait est que ça s'accélère.
CHRISTOPHE BÉCHU
Mais le fait est que ça s'accélère et le fait que la pente, indépendamment de ce que nous vivons maintenant, il n'y a rien qui nous laisse à penser qu'on n'aura pas à nouveau des épisodes de canicule pendant l'été qui arrive. La sécheresse elle est liée à deux choses, à l'augmentation de ces températures et au déficit pluviométrique, on a eu, de ce point de vue, un début d'automne avec peu de pluie, globalement, et la situation, que nous continuons à suivre, et qui explique que nous ayons prévu, dans quelques semaines, fin janvier, de faire des annonces sur l'eau, parce que ce n'est pas en juillet que vous prenez des mesures contre la sécheresse, il faut les prendre en amont.
LORRAIN SÉNÉCHAL
La sobriété elle vaut aussi pour l'eau.
CHRISTOPHE BÉCHU
Bien sûr.
LORRAIN SÉNÉCHAL
Christophe BÉCHU, vous restez avec nous, on va parler aussi de cette grève, XXL si j'ose dire, qui s'annonce dans les transports, contre la réforme des retraites, vous qui êtes ministre de la Transition écologique.
NEÏLA LATROUS
Toujours avec Christophe BÉCHU, ministre chargé de la Transition écologique et des territoires. Je vous repose la question que je vous posais juste avant Le Fil Info, où en sont les nappes souterraines aujourd'hui, est-ce qu'on est en situation de sécheresse, là, à l'heure où on se parle ?
CHRISTOPHE BÉCHU
On est dans une situation de vigilance, et il ne faudra pas attendre cet été pour à nouveau prendre des mesures de restriction…
NEÏLA LATROUS
Vous dites, l'état des nappes doit nous pousser dès aujourd'hui à réduire la consommation d'eau ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Bien entendu. Durant l'été prochain, pardon, au cours de l'été précédent, j'ai pris un décret qui autorise à ce qu'on puisse prendre des mesures de restriction, y compris pendant l'hiver, et dans les discussions que nous avons avec le Conseil national de l'eau, avec chacune des agences de bassin, et dans les décisions que nous aurons à prendre à la fin du mois de janvier, c'est précisément regarder où nous en sommes, avant qu'on arrive au mois de juillet, pour prendre des mesures préventives et ne pas nous retrouver dans la même situation que celle qu'on a connue, il y a tout juste un an.
LORRAIN SÉNÉCHAL
Le but du jeu, c'est d'éviter que le robinet ne coule plus, ce qui a été le cas cet été dans beaucoup de communes, notamment dans le Var ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Vous avez raison, il y a plusieurs sujets, il y a d'abord les communes qui sont privées d'eau potable, ça, ce sont les cas…
LORRAIN SÉNÉCHAL
… Ce sera maintenant ça la nouvelle norme…
CHRISTOPHE BÉCHU
Extrêmes…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Tous les étés, il faudra s'y habituer, à ce que dans certaines communes, le robinet ne coule plus.
CHRISTOPHE BÉCHU
Si le robinet ne coule pas, ce n'est seulement à cause de la sécheresse, c'est aussi, ça accentue le problème, mais c'est aussi parfois parce que, dans un certain nombre d'endroits, les travaux de sécurité ou d'interconnexion n'ont pas eu lieu, mais le message, il est simple, le message, c'est : ça n'est pas parce qu'on s'est habitué pendant des décennies à avoir le sentiment qu'on avait de l'eau de manière extrêmement simple, et qu'en ouvrant un robinet, il y en avait, qu'il ne faut pas qu'on s'habitue, d'un point de vue écologique, à en consommer le moins possible, lutter contre le gaspillage, c'est le geste le plus écologique, le plus simple qui soit, c'est bon pour la planète, et en plus, c'est bon pour le pouvoir d'achat.
LORRAIN SÉNÉCHAL
Christophe BÉCHU, le PDG de la SNCF, Jean-Pierre FARANDOU, s'attend à une réaction assez vive, ce sont ses mots, c'est une litote, des cheminots concernant la réforme des retraites, est-ce que vous aussi ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Je suis surpris de la formule qui consiste, en début d'année, à expliquer qu'on redoute quelque chose, quelle est la situation, la situation, c'est que, on est face à un problème démographique, que tous les pays autour de nous vont affronter, qui est celui de l'âge de départ à la retraite, et des engagements pris par le président de la République, pris par ceux qui se sont présentés aux élections législatives, qui vont nous conduire à présenter une réforme des retraites, à la fois pour sauver le système, et pour augmenter le niveau des petites pensions, est-ce qu'il y aura des réactions, j'espère le moins possible, est-ce qu'elles seront vives ? Je n'espère pas trop. Est-ce que ça conduira au blocage du pays, je ne le souhaite évidemment pas, ce n'est pas que je le redoute, c'est que je ne le souhaite pas, et je considère qu'à un moment, même si la contestation, elle peut être légitime, la manifestation, elle est normale, le fait de s'opposer, elle se comprend en démocratie, les raisons pour bloquer un pays, elles n'existent pas.
NEÏLA LATROUS
La dernière fois que le gouvernement a tenté de réformer les retraites, ça s'était soldé par un mois et demi de grève à la SNCF, entre décembre 2019 et 2020, il y a eu un mouvement à Noël, et de mémoire, Emmanuel MACRON avait demandé aux ministres de réfléchir à un cadre, à un nouveau cadre pour assurer la continuité des services publics, je le cite, en toutes circonstances, est-ce que la réflexion a avancé, est-ce que vous avez des pistes de réflexion à nous livrer s'il y a un mois et demi de grève à la SNCF ?
CHRISTOPHE BÉCHU
On n'est pas là-dessus, on n'est pas aujourd'hui en train de se demander comment on va contourner une grève qui n'a pas été votée par une réforme qui n'a pas été présentée, ce serait quand même au-delà…
NEÏLA LATROUS
…La réflexion a été lancée fin décembre, donc…
CHRISTOPHE BÉCHU
On a eu un épisode fin décembre qui a profondément marqué les Français, parce qu'avoir une grève le week-end de Noël déclenchée, alors même qu'elle n'était pas à l'appel des organisations syndicales, ça a choqué…
NEÏLA LATROUS
Mais couverte par un préavis de grève…
CHRISTOPHE BÉCHU
Mais oui, mais couverte par précisément des préavis de grève flottants, qui permettent de déclencher des grèves quand on veut, en dérogation pour le coup par rapport à l'esprit de ce que doit être à la fois et le dialogue social et le droit de grève, et des quantités français ont été profondément choqués qu'on puisse, le week-end de Noël, qui est un temps familial, qui est un temps de trêve, surtout, après une année 2022 qui, à bien des égards, avait été dure, utiliser ce moyen par rapport à des revendications qui étaient de seulement…
LORRAIN SÉNÉCHAL
C'est un contournement du droit de grève pour vous ?
CHRISTOPHE BÉCHU
J'ai eu l'occasion de dire que je considérais que ça n'était pas digne, que ça abîmait le droit de grève d'avoir ce type d'usage et que ce n'était perdant/perdant et pour l'entreprise et pour les grévistes…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Et donc il faudrait changer les règles pour éviter ces préavis flottants, comme vous dites ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Ça ne me choquerait pas qu'on ouvre une réflexion, mais ce n'est pas une annonce, le sujet aujourd'hui, encore une fois, c'est nous avons besoin d'une réforme des retraites dans ce pays, elle sera présentée dans quelques jours. Il y aura ensuite un temps de débat et de vote dans un cadre démocratique, qui est le seul qui vaille en République.
NEÏLA LATROUS
Les amateurs de restauration rapide, ce sera ma dernière question, Christophe BÉCHU, ont déjà constaté : fini les emballages jetables pour les sandwiches ou les frites depuis le 1er janvier, les repas à manger sur place, s'il y a plus de 20 couverts, doivent être servis de la vaisselle réutilisable, c'est combien de déchets en moins dès cette année ?
CHRISTOPHE BÉCHU
200.000 tonnes, quand la mesure sera complète, 20 milliards de gobelets, de couvercles, d'assiettes, de couverts en plastique en moins à usage unique. Cet après-midi, à 14h30, je réunis et les 25 plus grands acteurs de la restauration rapide pour faire le point avec eux, je vous disais 200.000 tonnes…
NEÏLA LATROUS
Vous allez leur demander d'aller plus vite, certains disent : on a du mal à faire la bascule vers ces nouveaux contenants réutilisables ?
CHRISTOPHE BÉCHU
On a deux ou trois sujets, ceux qui s'y sont pris, il y a un an, ils sont globalement au rendez-vous, ceux qui s'y sont pris, il y a 3 mois, ils constatent que c'est un peu court pour faire en sorte de pouvoir disposer de tout ça ; on a un petit sujet, le petit sujet, c'est que, on constate environ 15 % de clients qui pensent qu'ils peuvent partir avec cette vaisselle réutilisable le premier mois…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Oui, un phénomène de mode apparemment. Est-ce que vous craignez que ça s'installe dans la durée…
CHRISTOPHE BÉCHU
Je ne crois pas, parce que dans une enseigne de restauration rapide célèbre, dans laquelle je me suis rendu dès le 2 janvier…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Oui, une lumière rouge avec un logo jaune…
CHRISTOPHE BÉCHU
Exactement. Et qui est passée au mois d'octobre, ils ont constaté que c'était 15 % le premier mois, 10 % le deuxième mois, 5 %, le troisième mois.
LORRAIN SÉNÉCHAL
Bon, c'est la petite blague du début…
CHRISTOPHE BÉCHU
La blague ou le fait que certains sans s'en rendre compte pensent vraiment que c'est une opération commerciale ou temporaire, je ne l'exclus pas, ce que je veux dire, c'est que…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Ils sont là pour durer ces supports réutilisables dans les…
CHRISTOPHE BÉCHU
Ils sont là pour durer et c'est un enjeu très important encore une fois, 20 milliards d'objets qu'on évite de jeter, 200.000 tonnes, j'ajoute que…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Et donc ne les gardez pas parce que sinon, eh bien, il faut en produire des nouveaux…
CHRISTOPHE BÉCHU
Il faudra en produire davantage…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Et ça fausse totalement l'opération. Merci.
CHRISTOPHE BÉCHU
Et j'ajoute que c'est une opération qui est bonne pour le pouvoir d'achat puisqu'un tiers de la vaisselle produit l'est en France pour cette même enseigne, ce qui permet en plus de générer des emplois, là aussi, c'est bon pour le climat et c'est bon pour le pouvoir d'achat.
LORRAIN SÉNÉCHAL
Christophe BÉCHU, merci beaucoup. Bonne journée à vous.
CHRISTOPHE BÉCHU
Merci à vous.
Source : Service d'information du gouvernement, le 9 janvier 2023