Texte intégral
MARC FAUVELLE
Bonjour Olivier VERAN.
OLIVIER VERAN
Bonjour.
MARC FAUVELLE
Une heure, il fallait bien ça pour expliquer cette réforme des retraites, répondre aussi aux questions des auditeurs et téléspectateurs de Franceinfo. Pour interroger le porte-parole du Gouvernement vous appelez le standard dès maintenant. Je redonne le numéro de téléphone, 0809 40 41 42, c'est évidemment un appel non surtaxé. Vous aurez la parole à partir de 9 heures pour interroger Olivier VERAN. Dites-nous si cette réforme vous inquiète, si au contraire vous la soutenez. Dites-nous aussi ce qui n'est pas claire dans les annonces du gouvernement. On va revenir bien sûr Olivier VERAN sur les différentes mesures, d'abord la réplique des syndicats. Elle est tombée dans la soirée quelques heures seulement après l'annonce de cette réforme. Journée de grèves et de manifestations jeudi de la semaine prochaine. Tous les syndicats unis pour la première fois depuis 12 ans, ça vous fait peur ?
OLIVIER VERAN
Non, ça ne me fait pas peur. Les dernières fois où il y a un front uni des syndicats dans notre pays, c'était lorsqu'il a fallu réformer les retraites. Que ce soient des réformes d'ailleurs qui ont pu être passées sous des gouvernements de droite, certaines ont été passées sous des gouvernements de gauche.
MARC FAUVELLE
La CFDT à l'époque soutenait la réforme.
OLIVIER VERAN
La toute dernière, parce que la toute dernière n'emportait pas de conséquences de court terme. Elle décalait l'entrée en vigueur de mécanismes de retraite mais si ç'avait été pour tout le monde, il y aurait sans doute eu également un front syndical uni. Donc dans l'histoire contemporaine de notre pays, à chaque fois qu'il a fallu travailler un peu plus longtemps, à chaque fois qu'il a fallu réformer le système des retraites pour l'adapter aux conditions socioprofessionnelles et économiques du moment, il y a eu une mobilisation des syndicats.
MARC FAUVELLE
Vous tiendrez compte de l'ampleur des manifestations ou pas ?
OLIVIER VERAN
Mais on tient déjà compte de ce que nous disent les syndicats. La meilleure preuve, c'est les annonces qui ont été portées par la Première ministre et les membres du gouvernement hier qui n'auraient pas été les mêmes s'il n'y avait pas eu des mois de concertation avec les syndicats.
SALHIA BRAKHLIA
Aller plus loin ?
OLIVIER VERAN
Mais non. Lorsqu'on parle des travailleurs d'utilité collective par exemple, lorsqu'on parle des carrières hachées, lorsqu'on parle de la reconnaissance des trimestres pour les gens qui ont été des aidants familiaux, c'est quelque chose qui est absolument nouveau, et tout cela a été porté comme revendication par les syndicats dans la concertation et le gouvernement retient ces propositions.
MARC FAUVELLE
Et vous dites clairement, Olivier VERAN, à ceux qui s'apprêtent à manifester jeudi de la semaine prochaine : ça ne changera rien, on ne regardera pas le nombre de manifestants.
OLIVIER VERAN
Ce que je dis, c'est que la manifestation ne va pas permettre d'équilibrer par magie, hélas, un système des retraites qui est extrêmement déséquilibré financièrement dans les années à venir. Rendez-vous compte quand même qu'on parle de 150 milliards d'euros de déficit accumulés sur dix ans si nous n'intervenons pas. Et ce que je peux vous dire, c'est que si je peux comprendre parfaitement qu'une réforme des retraites, que le fait de devoir travailler un peu plus longtemps puisse mobiliser les Français ou en tout cas ne pas faire plaisir ou inquiéter, et on est là aussi pour rassurer et expliquer le sens de cette réforme et pourquoi c'est une réforme qui est aussi porteuse de progrès, de justice et d'équilibre. Mais ces mêmes Français dans dix ans si on leur expliquait que, faute de réforme, notre système des retraites ne peut plus tenir et qu'il nous faut baisser en catastrophe les pensions des retraités ou augmenter les impôts de ceux qui cotisent c'est-à-dire les salariés, ces mêmes Français ne seraient pas contents et à juste titre. Donc c'est en responsabilité que nous posons aujourd'hui les jalons pour un système des retraites équilibré dans la durée. Cette réforme nous permet de dire à des jeunes qui entrent sur le marché du travail qu'en confiance ils peuvent cotiser tout au long de leur carrière puisqu'ils auront accès à la même retraite, au même système de retraite par répartition que leurs parents et leurs grands-parents. Et nous pouvons dire aussi et je termine juste là-dessus à tous les retraités qui nous écoutent que le seul risque qu'ils prennent avec cette réforme, c'est de voir leur pension de retraite majorée c'est-à-dire augmentée, c'est-à-dire le seul risque finalement – ce qui, du coup, n'est pas un risque mais une chance – c'est d'avoir un meilleur revenu demain avec la réforme qu'avant.
SALHIA BRAKHLIA
Ça, on va parler plus précisément tout à l'heure. Clairement Olivier VERAN ce matin, vous dites peu importe l'importance de la mobilisation dans la rue dans les jours à venir, on ira jusqu'au bout ?
OLIVIER VERAN
C'est un projet que nous allons présenter en conseil des ministres le 23 et qui sera ensuite examiné par le Parlement. La Première ministre n'a pas annoncé la promulgation d'une loi, elle a annoncé la présentation à venir d'un projet de loi en en examinant les contours détaillés parce que c'est important.
SALHIA BRAKHLIA
Vous irez jusqu'au bout Olivier VERAN ?
OLIVIER VERAN
Mais nous voulons aller jusqu'au bout. Nous voulons aller jusqu'au bout parce que si nous ne le faisions pas, nous n'équilibrerions pas le système des retraites et donc nous dirions aux Français qu'il n'y a que deux alternatives : celle qui consiste à augmenter les impôts ou celle qui consiste à baisser le niveau de vie des retraité. Nous ne le souhaitons pas.
MARC FAUVELLE
Mais c'est amendable ? Le texte est encore amendable ?
OLIVIER VERAN
Mais le texte, par définition, il ira au Parlement. Le Parlement, c'est une institution qui a vocation à travailler sur un texte et donc à pouvoir l'amender et à le modifier s'il le souhaite. Mais d'ores et déjà, nous avons fait quelque chose qui est assez différent des réformes précédentes, c'est-à-dire que la Première ministre a déjà internalisé, intégré, annoncé les propositions principales des groupes de majorité et des oppositions, notamment les LR, qui avaient dit que si on intégrait ces dispositions ils étaient susceptibles de voter la réforme. C'est-à-dire que sans même attendre le débat, nous avons déjà amendé, amélioré et renforcé notre texte pour qu'il puisse répondre à une majorité qui sera, je l'espère, une majorité absolue au Parlement.
SALHIA BRAKHLIA
Sur la première mesure de cette réforme, le report de l'âge légal est donc porté à 64 ans en 2030, 63 ans et trois mois à la fin du quinquennat avec 43 années de cotisation. C'est donc une clause de revoyure, ça veut dire que le prochain président en 2027 pourra dire : à 63 ans, c'est bon, on arrête.
OLIVIER VERAN
Ce n'est pas une clause de revoyure, c'est une étape, c'est-à-dire que comme nous allons augmenter d'un trimestre tous les ans la durée, enfin la durée de travail, eh bien ça nous amènera factuellement en 2027 à 63 ans et trois mois, ce qui est peu ou prou d'ailleurs l'âge moyen constaté de départ à la retraite aujourd'hui. Quand on parle d'âge légal à 62 ans, il faut savoir qu'il y a une grande partie de nos compatriotes qui, de fait, partent déjà au-delà de 62 ans et qui, en pratique, partent plutôt à 63 ans et demi. Ça va même naturellement monter à 63,8 ans et donc vous voyez qu'en 2027, l'âge légal rejoindra finalement l'âge moyen constaté de départ à la retraite actuel.
MARC FAUVELLE
Toutes les études, Olivier VERAN, montrent que ce sont ceux qui commencent à travailler assez tôt, 18, 19, 20 ans, ceux qui ont des carrières hachées, plutôt les femmes, ceux qui ont des petits salaires qui vont devoir travailler le plus dans cette réforme. Est-ce que vous assumez le caractère injuste du report de l'âge légal à 64 ans ? Est-ce que vous dites : il n'y avait pas le choix à partir du moment où on touche à ce critère-là ? Argument qu'avait lui-même dénoncé Emmanuel MACRON il y a quelques années.
OLIVIER VERAN
Pardon Marc FAUVELLE, ce que vous dites est factuellement faux et je veux bien qu'on en discute.
MARC FAUVELLE
Emmanuel MACRON l'avait dit lui-même.
OLIVIER VERAN
Je suis arrivé ce matin, j'ai croisé une personne qui m'a dit : moi, je ne suis pas content de la présentation. Je n'invente rien.
MARC FAUVELLE
Quelqu'un de Radio France ?
OLIVIER VERAN
Peu importe qui mais quelqu'un de Radio France et votre collège peut en témoigner. Qui m'a dit : je ne suis pas content parce que je suis né en 63 et j'ai commencé à travailler à 20 ans mais en réalité avant 20 ans j'ai déjà cotisé 5 trimestres et j'ai appris hier qu'il me faudrait travailler deux trimestres de plus. Je lui ai dit : eh bien non.
MARC FAUVELLE
Parce que là, on est dans le dispositif carrière longue.
OLIVIER VERAN
Vous venez de me dire : les perdants sont ceux qui ont commencé à travailler tôt. Factuellement, la personne est partie de la discussion en étant rassurée, en disant : ah bon ? Parce qu'en fait la situation ne va pas changer.
MARC FAUVELLE
Ça c'est pour ceux qui ont commencé avant 20 ans, vous avez raison Olivier VERAN, mais si on a commencé à travailler à 20 ou 21, on n'est pas dans le dispositif carrière longue et il faudra aller jusqu'à 64 ans.
OLIVIER VERAN
Pardonnez-moi, vous me posez la question de ceux qui ont commencé à travailler tôt. Factuellement ceux qui ont commencé à travailler tôt dans notre pays, c'est des gens qui ont commencé à travailler avant l'âge de 20 ans, ce n'est pas de notre réforme, c'est déjà des réformes précédentes, ils sont nombreux, et pour eux des dispositifs d'accompagnement persistent et voire même ils sont renforcés. C'est-à-dire que si vous avez commencé à travailler très tôt, c'est-à-dire avant 16 ans vous pourrez même partir plus tôt factuellement avec notre réforme à la retraite qu'avant la réforme. Ça, c'est un point qui est important. Deuxième point que vous avez dit, parce que je veux qu'on soit précis, quand vous dites les femmes et les carrières hachées, pardonnez-moi notre réforme ne sacrifie pas, loin s'en faut, les femmes et les carrières hachées. Je vais vous donner un exemple : on va enfin prendre en compte le congé parental qui concerne des milliers de femmes dans notre pays chaque année et qui jusqu'ici pendant le congé parental ne validait pas des trimestres. Ce sera désormais différent. C'est-à-dire que si vous avez un congé parental, ça comptera dans votre durée pour valider votre accès à la retraite.
MARC FAUVELLE
Emmanuel MACRON il y a trois ans quand il disait au moment de défendre une autre réforme : si on touche à l'âge légal on fait une erreur, il se trompait. C'était un autre Emmanuel MACRON ?
OLIVIER VERAN
Je reviens sur le dernier élément. Prenez un autre exemple, les aidants familiaux. Si vous êtes obligé d'arrêter de bosser parce que votre parent, un parent etc malade ou en situation de handicap nécessite que vous soyez plusieurs mois à ses côtés, aujourd'hui c'est à perte pour votre retraite. On ne considère pas que vous avez validé des trimestres. Avec notre réforme, les gens qui sont en situation d'aidance familiale valideront des trimestres. Donc vous voyez quand on me dit : c'est injuste, on peut tout critiquer évidemment et on est en démocratie et encore une fois je comprends parfaitement que le fait de dire aux Français qu'il faudra travailler un peu plus longtemps ne fasse pas des heureux et je le comprends. Encore une fois on explique pourquoi il faut qu'on le fasse. C'est en responsabilité. Mais dire qu'en plus ce serait injuste, c'est le contraire Marc FAUVELLE, et vous avez deux manières d'aborder une réforme des retraites. Et d'ailleurs il y a eu des réformes des retraites dans le passé où on augmentait la durée de cotisation pour tout le monde, où on reculait l'âge de départ à la retraite pour tout le monde, et ce n'était pas grave. Là, ce n'est pas ce que la Première ministre hier. Elisabeth BORNE a annoncé au contraire une attention particulière portée aux carrières qui ont été complexifiées par des accidents de la vie. (…)
SALHIA BRAKHLIA
Toujours avec le porte-parole du gouvernement, Olivier VERAN. En ce qui concerne les personnes qui font un métier pénible, il faudra donc un avis médical pour partir plus tôt. Cette visite médicale obligatoire, elle aura lieu à 61 ans, qui va le délivrer cet avis médical, le médecin traitant ou la médecine du travail ?
OLIVIER VERAN
C'est plutôt sur la médecine du travail que les choses reposent, après elles seront affinées en fonction des négociations qui auront lieu. Mais ça aussi c'est une nouveauté.
SALHIA BRAKHLIA
Est-ce qu'on pourrait prendre…
OLIVIER VERAN
Non mais ce n'est pas que désormais il faudra un avis médical pour pouvoir partir plus tôt, c'est que désormais grâce à un avis médical il sera possible de partir plus tôt, c'est un nouveau mécanisme. En fait si vous voulez la pénibilité, ça a été abordé sous pleins d'angles, moi j'ai été député y compris sous d'autres mandats parlementaires, d'autres majorités, on avait essayé de mettre en place des dispositifs pour reconnaitre la pénibilité etc… Mais alors là vous faites des jardins à la française très vite avec des critères, avec de nombreuses heures passées… dispositif compliqué.
MARC FAUVELLE
Le dispositif a été ratiboisé par Emmanuel MACRON.
OLIVIER VERAN
Parce qu'en fait ça ne marchait pas et les gens en bénéficiaient assez peu.
MARC FAUVELLE
Et d'ailleurs ça ne s'appelle plus pénibilité aujourd'hui.
OLIVIER VERAN
Ce ne s'appelle plus, aujourd'hui on veut prévenir l'usure professionnelle, déjà prévenir l'usure professionnelle, moi qui suis médecin, ça me parle, prévenir. Je préfère honnêtement qu'on se pose la question pendant la carrière d'un salarié de comment on fait pour éviter qu'il ait les reins brisés à 60 ans, plutôt que de constater les dégâts à 60 ans et de dire à la personne, vous pouvez partir plus tôt.
SALHIA BRAKHLIA
Mais faire cette visite à 61 ans…
OLIVIER VERAN
Donc on va investir massivement dans la prévention des risques professionnels.
SALHIA BRAKHLIA
Faire cette visite médicale à 61 ans, ce n'est pas déjà trop tard ?
OLIVIER VERAN
Déjà on fait de la prévention, la prévention ce n'est pas à 61 ans. Quand vous avez un fonds d'un milliard d'euros sur la durée du quinquennat pour financer la prévention de l'usure professionnelle, je vais vous donner un cas pratique que je connais bien à l'hôpital, on va financer des lèves-malades. Moi j'ai été aide-soignant pendant trois ans en Ehpad, j'avais, j'étais jeune, d'ailleurs j'ai cotisé, j'étais jeune, je devais avoir une petite vingtaine d'années, je retournais des malades dans leur lit avec tout l'amour et toute l'attention du monde à 5h00 du matin pour pouvoir les changer etc, mais ça m'a brisé le dos en trois ans de nuit, alors qu'aujourd'hui il existe des dispositifs qui permettent de ne pas se fatiguer physiquement comme des lèves-malades, on va les financer pour permettre de faire de la prévention, ça c'est très pratique.
MARC FAUVELLE
C'est donc le médecin traitant, je reviens parce que c'est une précision que n'avait pas donné Elisabeth BORNE hier, le médecin…
OLIVIER VERAN
C'est le médecin du travail qui est habilité à faire la visite.
MARC FAUVELLE
Le médecin du travail de l'entreprise.
OLIVIER VERAN
Après je vous dis il y a des choses qui sont à affiner si on se rend compte qu'il n'y a pas assez de médecin du travail et que ça peut passer par le médecin traitant.
MARC FAUVELLE
Donc à 61 ans il dira si la personne peut s'arrêter avant 62 ans. Il y a 6 critères aujourd'hui de pénibilité, est-ce qu'il va y en avoir des nouveaux, certains par exemple qui avaient été supprimés ces dernières années vont revenir ?
OLIVIER VERAN
C'est ce qui va être concerté, négocié, l'idée c'est d'arriver à tenir compte du plus de situations possibles qui objectivement fatiguent les corps, usent les corps. Mais vous avez aussi des critères qu'on va laisser chiffrer mais qu'on va d'ailleurs améliorer pour le travail de nuit. Moi aussi j'ai bossé de nuit comme je vous le disais tout à l'heure, jusqu'ici il faut travailler 120 nuits par an pour considérer que vous avez …
SALHIA BRAKHLIA
Pour avoir des points.
MARC FAUVELLE
Ça va passer à 100.
OLIVIER VERAN
Ça va passer à 100. Quand vous faites les trois huit, quand vous êtes obligé de changer en permanence de rythme de vie, un jour vous bossez la nuit, le lendemain vous bossez la journée etc, là aussi on va simplifier, on va diminuer puisqu'on va passer de, je ne sais plus pardon le chiffre précis, peu importa, mais enfin on va simplifier.
SALHIA BRAKHLIA
Donc des critères plus importants, plus élargis en tout cas, une visite médicale à 61 ans, la CFDT…
OLIVIER VERAN
De la prévention tout au long de la vie.
SALHIA BRAKHLIA
La CFDT veut que ce soit automatique, vous dites quoi, la visite médicale ?
OLIVIER VERAN
Elle sera obligatoire, elle sera systématique.
MARC FAUVELLE
Mais la CFDT demande que ce soit la pénibilité en elle-même, le fait d'avoir pour un déménageur porté des meubles toute sa vie, le fait d'avoir travaillé la nuit qui donne droit automatiquement à un départ plus tôt. Vous vous dites, non, non on gardera ce passage chez le médecin à 61 ans forcément.
OLIVIER VERAN
Non il y aura sans doute des carrières, des métiers, des situations qui justifieront une sorte d'automaticité, tout ça va être concerté.
MARC FAUVELLE
Ah bon ça n'a pas été dit à ma connaissance hier par Elisabeth BORNE.
OLIVIER VERAN
C'est parce qu'il y a encore des choses…
MARC FAUVELLE
Un déménageur par exemple, des professions comme les déménageurs qui soulèvent…
OLIVIER VERAN
En fait de fait si quelqu'un, parce que si vous travaillez dans une entreprise de déménagement, ça ne veut pas forcément dire que vous faites du déménagement, vous êtes d'accord avec moi, vous avez des postes administratifs etc, donc ce n'est pas la même chose. Donc il faut être sûr que les personnes aient bien effectuées des missions, un métier qui a entraîné un risque d'usure professionnelle et qui justifie de partir plus tôt.
SALHIA BRAKHLIA
Il y a d'autres points Olivier VERAN qui restent à trancher et qui n'ont pas été très clairs hier. D'abord sur ce qu'on appelle le minimum de pension, de combien va-t-il être augmenté ?
OLIVIER VERAN
Il va être augmenté en moyenne de 100 euros par mois et là le chiffre est impressionnant.
MARC FAUVELLE
Brut ou net ?
OLIVIER VERAN
Ça concerne, quand je disais tout à l'heure que le seul risque que prenaient les retraités, c'est d'avoir leur pension actuelle augmentée, c'est ça, donc ce n'est pas un risque mais une chance, deux millions de retraités actuels qui ont une retraite qui est inférieure à 1200 euros verront leur retraite majorée à 1200 brut par mois.
SALHIA BRAKHLIA
On parle en brut ou en net là.
OLIVIER VERAN
Pourquoi est-ce qu'on parle de brut, d'abord les pensions de retraite on parle toujours du brut, pourquoi, parce que votre pension de retraite elle va être touchée par un taux de CSG et que le taux de CSG il dépend des revenus du foyer. Ca veut dire que si vous avez une petite retraite mais que votre conjoint gagne beaucoup d'argent, vous allez avoir une CG qui peut monter par exemple à 4 %. Si en revanche vous avez une petite retraite et que votre conjoint, ou vous n'en avez pas ou votre conjoint a lui-même des petits revenus, vous n'avez pas de CSG. Donc il y a des situations dans lesquelles le brut devient le net, donc il y a un grand nombre de retraités qui auront une pension minimum de 1200 net en pratique et d'autres qui seront aux alentours de 1170 euros net par mois, vous voyez qu'il n'y a pas un gros écart entre le brut et le net quand on parle des petites retraites.
MARC FAUVELLE
Donc 100 euros brut en plus pour deux millions d'actuels retraités.
OLIVIER VERAN
C'est une moyenne…
MARC FAUVELLE
C'est une moyenne, ça concerne ceux qui ont une carrière complète et ceux qui ont eu cette carrière au Smic au minimum. Pour ceux qui n'ont pas tous leurs trimestres nécessaires, on a pu lire dans la presse, dans Les Echos pour ne pas les citer qu'il y aurait peut-être aussi un dispositif au prorata du nombre de trimestres cotisés, je sais que c'est technique mais ça intéresse sans doute des millions et des millions de retraités actuels, est-ce que ce sera le cas, est-ce qu'il y aura quelque chose, moins de 100 euros mais quelque chose quand même ?
OLIVIER VERAN
D'abord vous dire que ce dont on parle là, c'est-à-dire d'avoir enfin une pension de retraite digne pour pouvoir vivre, ça va concerner deux millions de retraités actuels et 200000 nouveaux retraités chaque année, ce n'est pas rien, c'est une part conséquente des retraités. Et ensuite vous dire qu'il existe d'autres dispositifs comme le minimum vieillesse qui permettent à des personnes qui, notamment des indépendants qui ont eu… les gens qui ont eu des carrières très hachées avec des carrières incomplètes, avec un niveau que le président de la République avait déjà revalorisé à 1000 euros lors du mandat précédent.
SALHIA BRAKHLIA
Mais ça c'est dès cette année, c'est financé ?
OLIVIER VERAN
C'est financé et c'est dès cette année, c'est-à-dire à partir de septembre 2023 quand la réforme va s'appliquer, eh bien des millions de Français vont voir leur pension, leur petite pension monter.
MARC FAUVELLE
Automatiquement, d'un seul coup, ce ne sera pas progressif.
OLIVIER VERAN
Et je crois qu'on peut tous saluer ça. Vous parlez des syndicats, il n'y a pas de désaccord au contraire des syndicats autour de ce point-là et il n'y a pas de désaccord des groupes d'opposition sur cet aspect-là. Donc vous voyez que la réforme des retraites, il y a l'âge, ok, d'accord, mais enfin c'est ce qui nous permet d'équilibrer tout le reste et vous avez tout un tas de mesures dont on a égrené quelques-unes déjà sur les femmes, sur les aidants, sur les petites pensions de retraite, qui elles font consensus parce qu'elles vont dans le bon sens et ce sont des mesures de justice, d'équilibre et de progrès.
MARC FAUVELLE
Le coeur de la réforme ou l'un des coeurs de cette réforme, Olivier VERAN, c'est le travail des seniors, c'est-à-dire qu'il y ait davantage de personnes de 50 à 64 ans, qui soient encore dans un emploi au moment de partir à la retraite. La mesure phare, dans ce domaine, mise en place, proposée par le gouvernement, c'est la mise en place d'un indexe, qui concernerait les entreprises de plus de 300 salariés, pour recenser leurs effectifs de séniors, c'est-à-dire de plus de 50 ans dans leur entreprise. Question toute bête : si une entreprise publie cet index, mais qu'elle n'a aucun senior, il se passe quoi ?
OLIVIER VERAN
Alors, on va en discuter, mais dans les autres cas d'index qui peuvent exister, comme par exemple le recrutement de salariés en situation de handicap, il peut y avoir des pénalités financières pour l'entreprise.
MARC FAUVELLE
Alors, l'index sera obligatoire, mais pour l'instant le caractère obligatoire de proportion de seniors, elle n'est pas…
OLIVIER VERAN
Non, non, mais l'idée est bien que lorsqu'il y a un index qui soit mis en place, c'est qu'il serve à quelque chose, donc tout ça va être concerté, vous connaissez l'esprit. Après, il faut bien comprendre un truc, en France, d'ailleurs dans les précédentes réformes, et partout ailleurs en Europe, à chaque fois qu'il y a eu un recul de l'âge de départ à la retraite, il y a eu un recul de l'âge des difficultés rencontrées par les seniors dans l'entreprise, c'est-à-dire que plus les gens travaillent tard, dans un pays européen, en conséquence d'une réforme, eh bien plus les seniors restent longtemps dans l'entreprise…
SALHIA BRAKHLIA
Vous dites que la tendance c'est de garder les seniors…
OLIVIER VERAN
… et généralement c'est un mécanisme parallèle, c'est-à-dire que vous faites + 2 ans, c'est + 2 ans de l'autre côté. Donc, ça veut dire qu'il y aura de toute façon davantage d'investissements dans l'entreprise, pour les seniors.
SALHIA BRAKHLIA
Mais pas d'obligation ?
MARC FAUVELLE
Mais vous n'excluez pas que les entreprises qui ne jouent pas le jeu ou qui licencient, qui se séparent de trop de seniors, paient des amendes ou soient sanctionnées ?
OLIVIER VERAN
Je vous dis que l'esprit aujourd'hui, c'est d'avoir une responsabilité au sein de l'entreprise, avec un nouvel outil. Après, on va regarder par branches professionnelles, et c'est quelque chose qui deviendra un outil obligatoire dans la gestion des effectifs au sein de l'entreprise. Quand on dit qu'il y a une obligation, en général ça veut dire que l'obligation elle est contrôlée et que si l'obligation n'est pas respectée, il se passe des choses. Mais ensuite, ça sera la concertation.
SALHIA BRAKHLIA
Olivier VERAN, François BAYROU dit qu'on aurait pu ajouter une autre mesure dans cette réforme, c'est une petite hausse des cotisations patronales sur les retraites. Est-ce que vous êtes prêts à le faire ?
OLIVIER VERAN
Eh bien en fait, on va avoir un mécanisme de hausse, de 0,1 % des cotisations, qui va être compensé par une réduction de 0,1 %, c'est-à-dire la même chose, des cotisations dans une autre branche de la Sécu, je vous épargne les détails, vous en êtes d'accord, parce que ça me passionne moi, puisque j'étais rapporteur général du budget de la Sécu, mais honnêtement c'est…
MARC FAUVELLE
Mais ça ne coutera pas 1 € aux entreprises, c'est compensé.
OLIVIER VERAN
Non mais pourquoi ? Parce qu'en fait si vous augmentez les cotisations patronales, c'est vrai, pourquoi est-ce qu'on ne fait pas payer davantage les entreprises ? En fait, parce que vous allez casser de l'emploi. Et si vous augmentez par exemple de 0,7 ou d'un point les cotisations des entreprises pour financer les retraites, c'est ce qu'il faudrait à peu près pour équilibrer une partie du dispositif, une partie, vous cassez 150 000 à 200 000 emplois directs. Donc ça veut dire que si vous détruisez 150 000 emplois…
MARC FAUVELLE
Bruno LE MAIRE a donné le chiffre, hier, Olivier VERAN, il est important…
OLIVIER VERAN
… ça veut dire que vous allez verser plus d'allocations chômage, et donc ça va coûter à la Sécu, et donc vous déséquilibrez la Sécu, et donc par effet de conséquence, ça rejaillit ensuite sur les retraites.
MARC FAUVELLE
Olivier VERAN, Bruno LE MAIRE a donné le chiffre, hier, il a dit : pour revenir à l'équilibre en 2030, si on ne faisait aucune mesure d'âge, si on augmentait uniquement les cotisations des employeurs, il faudrait les augmenter de 440 € par an, ce qui fait précisément 36 € par mois. Pour 36 € par mois, on évite la retraite à 64 ans, ça ne vaut pas le coup ?
OLIVIER VERAN
En fait, je vous donne l'impact en termes d'emploi. Après, vous savez, nous on se bat pour le plein emploi, et on vise le plein emploi et c'est notre priorité. Et ça tombe bien, parce que le chômage est en chute libre dans notre pays, et que la France est un pays qui réindustrialise. Vous n'aurez pas, vous aurez noté qu'il y a 2 semaines on parlait de pourquoi est-ce qu'il n'y a pas d'usines qui fabriquent du Paracétamol ? Il y a 2 mois, pourquoi on n'a pas d'usines textile pour fabriquer les trucs des Jeux olympiques ?
SALHIA BRAKHLIA
Oui, mais là, quand on voit les 36 €, on se dit…
OLIVIER VERAN
Non mais attendez, à chaque fois…
SALHIA BRAKHLIA
… c'est ridicule par rapport à l'effort demandé aux Français.
OLIVIER VERAN
Mais ça vous semble ridicule, je vous dis jusque que la dynamique, pour des entreprises de la stabilité fiscale ou de la réduction des impôts, est une dynamique qui crée, de fait, des emplois dans notre pays. Et donc…
MARC FAUVELLE
Sachant que les impôts des entreprises baissent de 15 milliards cette année.
OLIVIER VERAN
Et donc on ne peut pas la casser, cette dynamique, parce que sinon ça va nous coûter plus cher en prestations sociales à verser aux chômeurs, et ça va déséquilibrer le système des retraites davantage.
MARC FAUVELLE
Donc c'est « niet », si le MoDem pose cet amendement pendant l'examen au Parlement, il ne sera pas retenu par le gouvernement, parce que c'est François BAYROU qui le propose aujourd'hui.
OLIVIER VERAN
Mais nous avons… J'ai bien compris, j'ai bien entendu les propositions de François BAYROU, et nous en discutons. Ce que je vous dis, c'est que le choix que nous faisons, c'est de ne pas augmenter les impôts, ni des Français, ni des entreprises, mais de continuer à la baisser, ce que nous faisons, parce que c'est important pour le pouvoir d'achat des Français, et parce que c'est important pour la logique du plein emploi, et que nous avons fait le choix de demander de consacrer les efforts sur le fait de travailler un peu plus longtemps que sur la matraquage fiscal des uns et des autres ou sur les baisses de pensions des retraités.
SALHIA BRAKHLIA
Je rebondis, puisque vous parliez du débat parlementaire. La réforme va être examinée à partir du 6 février, dans le cadre du projet de loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale, ce qui vous permet de limiter les débats dans le temps, 30 jours de débat, dont 20 maximum à l'Assemblée nationale. C'est pour éviter de donner du souffle aux manifestants, en fait ?
OLIVIER VERAN
Non. D'abord je souhaite qu'il y ait des débats à l'Assemblée nationale, et je crois que, je suis même certain que les groupes de la majorité…
SALHIA BRAKHLIA
Là, vous limitez.
OLIVIER VERAN
… et que plusieurs oppositions responsables souhaitent qu'il y ait du débat. Et il faut montrer aux Français, parce que c'est important, que la démocratie est vivante, et que les retraites font l'objet de véritables joutes verbales, de discussions, d'échanges, et pourquoi pas d'amélioration par des amendements, de notre texte. Ce que je crains, c'est que les conditions du débat ne soient pas réunies. Quand j'entends madame PANOT, la présidente du groupe de La France insoumise, ou la présidente du parti écolo, donc pour mettre une ZAD, j'avais déjà dénoncé le zadisme parlementaire, le zadisme parlementaire c'est ce qui consiste à empêcher les débats, c'est-à-dire à vous couvrir, à vous inonder d'amendements, alors ils sont très contents, madame PANOT nous explique que chaque député de La France insoumise déposera 1 000 amendements. Alors, ne me dites pas que ce sont des amendements qui visent à discuter le fond du texte, ce sont des amendements dont le nombre vise à interdire le débat. Interdire le débat. Et ça c'est dommage, parce qu'on a besoin de ce débat démocratique.
SALHIA BRAKHLIA
Le fait de pouvoir présenter ce texte dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale, vous permet aussi d'utiliser le 49.3, en gardant votre joker, le dernier 49.3 qui vous reste.
OLIVIER VERAN
Non, on aurait pu utiliser un 49.3 sur un autre texte, le dernier gros texte de la réforme des retraites, je crois que c'était le texte de François FILLON, a eu 29 jours de débats au Parlement. Là, nous aurons 20 jours à l'Assemblée nationale et 15 jours au Sénat. Donc ça veut dire qu'on n‘est pas en train de ratiboiser du tout la durée. Et ensuite, nous souhaitons l'adopter sans 49.3. Et je vais vous dire une chose, je reste évidemment prudent, je ne vais pas parler au nom de groupes d'opposition, mais si j'écoute ce que disent Les Républicains et les réactions à la présentation du projet de la Première ministre, il semble qu'on ne soit pas loin d'avoir un vote favorable, sous conditions, et je respecte évidemment les groupes d'opposition, et je ne parlerai certainement pas à leur place, mais si nous obtenions effectivement cet accord de la part du groupe des Républicains, nous disposerions de fait d'une majorité absolue. Ça veut dire qu'il n'y aurait pas besoin dans tous les cas de recourir au 49.3.
MARC FAUVELLE
Si ça coince, si ça ne se passe pas comme prévu, Olivier VERAN, est-ce qu'à un moment ou à un autre, vous consulterez les Français par référendum ?
OLIVIER VERAN
Alors, il n'y a jamais eu de référendum sur la question des retraites…
MARC FAUVELLE
Non, mais enfin…
OLIVIER VERAN
Et reconnaissez au président de la République d'avoir été très clair au cours de la campagne, je ne dis pas qu'il a été élu pour maintenir cette réforme, je vous dis qu'il a été…
MARC FAUVELLE
Ah, pas tout à fait, il s'est fait élire, Olivier VERAN, sur les 65 ans. Et il a changé d'avis entre les deux tours…
OLIVIER VERAN
Ce n'est pas un changement d'avis…
MARC FAUVELLE
Ah ben, si ! Sur le programme, il y avait écrit, vous le savez…
OLIVIER VERAN
Vous avez deux mécanismes...
MARC FAUVELLE
65…
OLIVIER VERAN
Vous avez deux mécanismes qui permettent d'atteindre l'équilibre en 2030 du système des retraites. Ce qui est notre objectif. Vous avez 64 ans plus accélération de la réforme Touraine, les gens ne comprennent pas forcément…
MARC FAUVELLE
C'est-à-dire, passage aux 43 années de cotisations…
OLIVIER VERAN
Le gouvernement socialiste sous le quinquennat HOLLANDE, avait décidé et voté que, à terme, les Français devraient cotiser 43 ans, et ça se met en place progressivement. On accélère le rythme de cette mise en place pour arriver au même résultat. Ça, c'est ce qu'on appelle l'accélération de la Touraine, et en le faisant, en fait, on dégage suffisamment d'argent, pour ne pas être obligé de demander aux Français de travailler jusqu'à 65 ans. Donc c'est ça, c'est l'adaptation. Et c'est aussi le fruit de la concertation et de la négociation avec les partenaires sociaux…
MARC FAUVELLE
Mais je reviens sur ce que j'ai dit sur les tracts d'Emmanuel MACRON, candidat à l'élection présidentielle, il était inscrit passage…
OLIVIER VERAN
Mais je me souviens bien…
MARC FAUVELLE
A la retraite à 65 ans, pas à 64…
OLIVIER VERAN
... Il était bien inscrit…
MARC FAUVELLE
Donc il n'a pas été d'une clarté absolue pendant la campagne…
OLIVIER VERAN
Il a été donc bien écrit sur tous les tracts de campagne que si le président de la République était élu, on devrait travailler plus longtemps dans ce pays, donc il n‘y a pas besoin de…
MARC FAUVELLE
Oui, c'est le chiffre qui n'était pas le bon.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 janvier 2023