Texte intégral
Mme la présidente.
L'ordre du jour appelle le débat sur les aides publiques aux entreprises. La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties : dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; dans un second temps, nous procéderons à une séance de questions-réponses.
(…)
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'industrie.
M. Alexandre Loubet.
Et de la désindustrialisation !
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie.
Pour commencer, je souhaite remercier le groupe LFI-NUPES d'avoir demandé l'inscription de ce débat à l'ordre du jour. Il a donné lieu, dans l'ensemble, à des discussions intéressantes, focalisées sur un sujet extrêmement important, celui de l'utilisation des deniers publics, sans trop de caricatures – à une ou deux exceptions près.
Je suis, et j'espère que la plupart d'entre vous le sont aussi, très fier du modèle social français,…
M. Nicolas Meizonnet.
C'est pour cela qu'il ne faut pas le détruire !
Mme Sophie Taillé-Polian.
Mais pour vous, tout va bien !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
…qui fait que la santé, l'éducation, les retraites, la recherche, la petite enfance sont financées grâce aux deniers publics, lesquels – il n'y a pas d'argent magique –proviennent pour l'essentiel de prélèvements obligatoires payés par celles et ceux qui travaillent,…
Mme Sophie Taillé-Polian.
Et la TVA ?
M. Roland Lescure, ministre délégué.
…les hommes et les femmes qui constituent les entreprises et, bien sûr, par les entreprises elles-mêmes.
J'ai bien compris qu'au cours des semaines à venir, on allait voir, sur certains bancs, chaque débat ramené à celui des retraites.
M. Emeric Salmon.
C'est tout de même important !
M. Mickaël Bouloux.
Tous ces sujets sont liés !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Puisqu'ils sont liés, j'aimerais rappeler que, parmi les prélèvements obligatoires, les cotisations retraite sont pour 80 % acquittées par les entreprises. Ces dernières financent donc l'essentiel d'un système auquel nous sommes tous très attachés.
M. Pierre Dharréville.
Merci patron !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons engagé une réforme, dont vous aurez tout le temps de discuter ici, visant à pérenniser le système des retraites sans alourdir de manière excessive les prélèvements qui pèsent déjà sur les entreprises et sur les ménages.
M. Pierre Dharréville.
Pas de risque, avec vous !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Si nous aidons beaucoup les entreprises, nous prélevons aussi énormément sur leurs revenus.
M. Pierre Dharréville.
De moins en moins !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
C'est le choix qui a été fait en France ; si nous dessinions aujourd'hui ensemble un nouveau dispositif de prélèvements et d'aides aux entreprises, sans doute les taxerions-nous et les aiderions-nous beaucoup moins. En tout état de cause, la sédimentation progressive des aides et des prélèvements – dont le nombre est très important, vous l'avez dit –, rend le système actuel assez compliqué, comme l'a dit M. Albertini, y compris quand il s'agit d'en évaluer l'efficacité. Je vous remercie donc de nous donner l'occasion d'ouvrir ce débat.
Monsieur Dharréville, vous disiez que 100 % des groupes du CAC40 avaient bénéficié d'aides publiques. J'ajoute que 100 % de ces groupes paient leurs impôts en France,…
Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES.
Non !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
…paient des cotisations sociales et des prélèvements obligatoires, et contribuent ainsi au financement du système de retraite que vous appelez de vos vœux.
M. Pierre Dharréville.
Pas suffisamment !
M. François Ruffin.
Vous les couvrez, monsieur le ministre délégué !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Les impôts de production mentionnés par monsieur Daubié – notamment la C3S, dont je confirme qu'elle est assez perverse – représentent cette année, malgré les baisses que nous avons votées et que vous décriez, 4,5 % du PIB en France. C'est le deuxième taux le plus élevé de l'Union européenne. Nos entreprises paient trois fois plus d'impôts de production que leurs homologues allemandes. Par ailleurs, je le répète, les cotisations sociales, et notamment les cotisations retraite, représentent plus de 340 milliards, dont les trois quarts sont payés par les entreprises. Il est difficile de comparer précisément les aides accordées par les différents pays européens mais, pour prendre l'exemple des aides d'État, celles-ci se sont montées en France à 53 milliards en 2020, dont 30 milliards d'aides covid dans le cadre du "quoi qu'il en coûte" ; c'est le deuxième plus gros montant d'aides en Europe, après l'Allemagne.
Mme Christine Arrighi.
Le problème, ce n'est pas le montant des aides, mais les conditions posées pour en bénéficier !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Si elles sont donc importantes, les aides publiques viennent en partie compenser, il faut le reconnaître, des prélèvements obligatoires qui le sont également. Elles permettent de mener des politiques stratégiques sur lesquelles je reviendrai et qui, de mon point de vue, sont efficaces. Elles constituent aussi un signal fort aux investisseurs, y compris aux investisseurs internationaux – lesquels, ne vous en déplaise, monsieur Loubet, viennent s'installer en France et y créer de l'emploi, y compris chez vous, en Moselle, où des dizaines d'emplois vont être créés par une entreprise allemande productrices de rails, lesquels permettront de reconstruire l'Ukraine.
M. Alexandre Loubet.
Je parlais de la commande publique !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Nous continuerons à aider de telles entreprises. Ce qui nous importe, c'est l'emploi et l'investissement en France, et accessoirement la reconstruction de l'Ukraine.
M. Alexandre Loubet.
Quinze milliards de déficit commercial avec l'Allemagne !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Ces aides publiques sont donc utiles. Elles contribuent à faire de la France est le pays le plus attractif d'Europe et, je le répète, compensent en partie les hausses d'impôts passées qui nous ont amenés à des niveaux de prélèvements obligatoires insupportables.
Cela veut-il dire pour autant qu'il ne faut pas évaluer l'efficacité des dépenses publiques ? Bien sûr que non. Comme l'a rappelé M. Viry, nous lancerons dès janvier une revue des dépenses publiques annuelles qui nous permettra d'identifier, avec toutes celles et ceux qui souhaitent y contribuer, les politiques publiques que nous souhaitons rendre plus efficaces. Les assises des finances publiques se tiendront en février 2023 à Bercy. Vous y êtes tous invités ; venez y contribuer, nous vous écouterons.
Mme Christine Arrighi.
Cela va prendre du temps !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
J'ai beaucoup entendu parler de conditionnalité des aides publiques. J'ai un scoop pour Mme Arrighi et MM. Dharréville, Brun et Ruffin :…
M. Louis Boyard.
Et moi ? (Sourires sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Roland Lescure, ministre délégué.
…mis à part le "quoi qu'il en coûte" – dont j'espère que vous reconnaîtrez qu'il a été très efficace et qu'il a permis de sortir la France de l'ornière dans laquelle la crise sanitaire l'avait jetée, bien mieux qu'ailleurs en Europe et dans le monde –,…
M. Alexandre Loubet.
Six cents milliards de dette !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
…les aides publiques sont, pour l'essentiel, soumises à conditions.
Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES.
Ce n'est pas vrai !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
On peut débattre des critères, mais elles le sont : vous ne pouvez pas bénéficier du crédit d'impôt recherche si vous ne financez pas des dépenses de recherche et d'innovation (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES),…
M. Antoine Léaument.
Les dépenses de recherche et d'innovation de la banque et de la grande distribution ?
M. Pierre Dharréville.
C'est open bar !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
…et vous ne pouvez pas bénéficier du crédit d'impôt innovation si vous ne financez pas des politiques d'innovation.
Je reste convaincu que le "quoi qu'il en coûte", voté par la majorité et repoussé par la plupart des groupes d'opposition, était une bonne politique menée au bon moment. Il était indispensable.
M. Pierre Dharréville.
C'est vrai.
Mme Christine Arrighi.
Mais toutes les entreprises qui en ont bénéficié ont licencié ! Voyez Sanofi !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Depuis, qu'avons-nous fait ? France Relance. C'est cette politique qui fait qu'aujourd'hui, la croissance est positive en France alors que le reste de l'Europe est en récession, et que le chômage et l'inflation y sont au plus bas. Ce sont 100 milliards d'euros dont un tiers était fléché vers des dépenses environnementales, madame Arrighi, et dont la plus grande partie visait à améliorer la compétitivité et la cohésion de la France.
L'évaluation a montré que ces 100 milliards d'euros avaient permis à la France de sortir de l'ornière plus rapidement que par le passé, que France Relance avait eu des résultats sur l'activité et sur l'emploi et que le plan avait mené à des réalisations concrètes en matière d'environnement. Actuellement, 18 % des véhicules vendus en France sont soit électriques, soit hybrides rechargeables ; c'est six fois plus qu'avant la crise. France Relance a permis d'orienter les dépenses publiques vers des dépenses plus vertes. Vous devriez nous en féliciter et vous en satisfaire.
France 2030, comme l'a très bien dit le député Xavier Roseren, est un plan doté de 54 milliards pour transformer durablement des secteurs clés de notre économie, avec des priorités stratégiques bien définies. Pas moins de 60 % des fonds engagés, soit 11 milliards d'euros, sont destinés aux PME et 0 % aux grandes entreprises financières. Vous devriez vous en réjouir, monsieur Dharréville.
À M. Castellani, je rappellerai que 50 % de ces dépenses sont consacrées à la décarbonation de l'économie et de l'industrie. Grâce à France 2030, nous sommes en train de décarboner les cinquante sites les plus émetteurs, non pas en opposant les entreprises et l'argent public, mais les faisant travailler de concert. J'en profite pour préciser que je transmettrai au ministère de l'intérieur sa question sur les comptes régionaux, à laquelle je n'ai pas la réponse.
Enfin, beaucoup de remarques et de questions, voire de critiques – parfois un peu caricaturales –, ont été formulées s'agissant des aides que nous avons instituées il y a quelques semaines pour lutter contre la crise énergétique. Là encore, M. Roseren les a bien décrites : elles sont efficaces. Hier soir – je ne sais pas si vous étiez là, monsieur Loubet –, nous avons passé deux heures à débattre de la politique énergétique. Rappelons que l'Espagne et le Portugal ne sont pas sortis du marché européen de l'énergie.
M. Alexandre Loubet.
Ce n'est pas ce que j'ai dit !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Ils subventionnent le prix de l'énergie d'une manière différente de la nôtre et récupèrent l'équivalent de cette subvention par l'intermédiaire de taxes.
M. Jocelyn Dessigny.
Cela s'appelle renégocier !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
On ne paie pas son électricité moins cher en Espagne ou au Portugal qu'en France ; les ordres de prix sont les mêmes,…
M. Alexandre Loubet.
Non, cela va du simple au double : 138 euros contre 280 !
M. Nicolas Meizonnet.
Ils font mieux pour leurs entreprises !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
…et ils sont bien inférieurs à ce qu'ils sont ailleurs en Europe.
Nous sommes favorables à une conditionnalité intelligente et efficace, et c'est bien ce qui caractérise les aides françaises. Je le répète, le crédit d'impôt recherche est subordonné à l'investissement dans la recherche et le développement. On peut évidemment l'améliorer, et nous nous sommes engagés à le faire ; n'hésitez pas à nous faire des propositions à ce sujet.
Mme Christine Arrighi.
Trois rapports lui ont déjà été consacrés !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
N'oubliez pas cependant que le CIR fait désormais partie de la marque France et que c'est grâce à lui que de plus en plus d'investisseurs internationaux viennent y créer de l'emploi et améliorer la compétitivité de l'industrie française.
Mme Christine Arrighi.
Évidemment ! Il ne fait l'objet d'aucun contrôle !
Mme Sophie Taillé-Polian.
C'est de l'argent facile !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
De même, le bénéfice du crédit d'impôt innovation ou du statut de jeune entreprise innovante, outre que ces dispositifs sont réservés aux PME, est lui aussi soumis à des conditions relatives à l'industrialisation et à la recherche et développement.
Monsieur Brun, vous parliez du bilan difficile de la France en matière d'innovation. Il est assez ironique que vous ayez pris 2014 comme année de départ : si je ne m'abuse, c'est l'année où votre groupe dominait entièrement la majorité.
M. Fabien Di Filippo.
Avec Emmanuel Macron !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Depuis, la France a progressé dans les classements internationaux. Nous sommes désormais classés à la douzième place mondiale en innovation et à la neuvième place en recherche. Cette progression récente a été saluée à Las Vegas dans le cadre du Consumer Electronics Show, où la France est désormais reconnue comme l'un des champions mondiaux de l'innovation.
M. Philippe Gosselin.
Las Vegas ! Ce n'est pas rien ! (Sourires sur les bancs des groupes LR et RN.)
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Eh oui, cela ne s'invente pas. Le CES, où la France est le pays le plus présent à l'exclusion des États-Unis, a lieu à Las Vegas depuis des années. Je vous assure, pour avoir été le député de cette circonscription, que ce n'est pas la ville la plus excitante du pays, mais c'est là que ça se passe. (Sourires sur les bancs des groupes RE, RN et LR.)
M. Philippe Gosselin.
Si vous le dites !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Comme vous le savez, ce qui se passe à Las Vegas reste à Las Vegas… (Rires.)
Retenons donc ensemble que la France aide beaucoup et taxe beaucoup ; c'est le modèle social que nous avons choisi ensemble, et il est efficace,…
Mme Christine Arrighi.
Comment le savoir si vous ne l'évaluez pas ?
M. Roland Lescure, ministre délégué.
…malgré des complexités administratives que je reconnais bien volontiers et que j'aimerais réduire.
Il est efficace car le chômage et l'innovation sont est au plus bas de la zone euro, car les émissions de gaz à effet serre baissent, car l'innovation accélère. Continuons à travailler en ce sens. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – M. Philippe Gosselin applaudit également.)
Mme la présidente.
Nous en venons aux questions. Je rappelle que la durée des questions, comme celle des réponses, est limitée à deux minutes et qu'il n'y a pas de droit de réplique.
La parole est à Mme Charlotte Leduc.
Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES).
Selon un rapport de l'Ires – Institut de recherches économiques et sociales – paru en octobre 2022, les aides publiques aux entreprises représentent environ 156 milliards d'euros par an, soit 25 % de la masse salariale du secteur privé, ce qui équivaut à deux fois le budget de l'Éducation nationale et à 33 % du budget de l'État ; ce serait le premier poste budgétaire de l'État si ces aides étaient comptabilisés comme telles. Le soutien aux entreprises a été multiplié par quinze depuis 1980, alors que la richesse produite n'a été multipliée que par quatre au cours de la même période. Les derniers chiffres connus portent sur l'année 2019, c'est-à-dire avant la pandémie et le "quoi qu'il en coûte". On peut donc estimer sans risque que l'aide publique aux entreprises est encore plus colossale aujourd'hui. Certains économistes parlent déjà de 200 milliards par an.
Le rapport de l'Ires ne se contente pas de chiffrer le volume global des aides publiques aux entreprises, il essaie également d'évaluer leur efficacité. Et là, grosse surprise ? Pas vraiment. Ces aides n'ont pas fait baisser le coût du travail. Elles ne permettent donc pas d'augmenter la compétitivité-prix. Pire, les chercheurs décèlent un effet d'accoutumance : les entreprises ne voient plus ces aides comme des gains exceptionnels, mais comme une rentrée courante. En outre, un lien fort est établi entre distribution d'aides publiques et distribution de dividendes. Bref, actuellement, les aides publiques finissent dans les poches des actionnaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Ce que nous montrent ces chiffres fous, ce pognon de dingue, c'est que le capitalisme contemporain est un capitalisme de rente où des milliardaires sans talent particulier sont abreuvés d'argent public sans créer de richesse. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.) Le scandale que représentent les 156 milliards d'aides publiques aux entreprises montre bien que l'État a les moyens d'investir s'il le souhaite. Face à l'inefficacité des dispositifs, ne serait-il pas temps de faire évoluer notre politique ? Pourquoi l'État n'investit-il pas directement dans les services publics et la bifurcation écologique – en passant par des nationalisations, si nécessaire – au lieu de déverser des aides publiques inefficaces et coûteuses ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente.
Merci, madame Leduc.
Mme Charlotte Leduc.
Cette situation montre une fois de plus la nécessité de soumettre les aides à des critères stricts. Je vous en propose un : l'interdiction de distribuer des dividendes pour une entreprise qui touche… (Mme la présidente coupe le micro de l'oratrice, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Je crois avoir déjà répondu à plusieurs des questions que vous m'avez posées et qui recoupent certaines critiques déjà émises. Je n'ai vu nulle part ce chiffre de 200 milliards d'euros que vous mentionnez ; en réalité, le montant est plus proche de 150 milliards. C'est trois à quatre fois moins que le budget de la sécurité sociale, dont je rappelle qu'il est en grande partie financé par les entreprises elles-mêmes. Évaluons, évaluons, évaluons ; nous allons continuer à le faire dans le cadre des budgets à venir.
Mme Clémence Guetté.
Il faut agir, aussi ! L'État ne fait rien.
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Je ne pense pas que l'État fera seul la transition écologique que vous appelez de vos vœux. Les entreprises sont prêtes à s'associer à lui dans le cadre de la stratégie de décarbonation que nous avons instituée.
Mme Christine Arrighi.
Sanofi a licencié ! Air France a licencié ! Vous ne contrôlez rien.
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Je le répète, le bénéfice de France 2030 est soumis à conditions, comme l'était celui de France Relance, et nous continuerons à subordonner les aides à la définition de stratégies ambitieuses. C'est ce qui fait que la France reste le pays le plus redistributif d'Europe,…
M. Fabien Di Filippo.
Ce n'est pas forcément une bonne chose.
M. Roland Lescure, ministre délégué.
…l'un des pays les plus dynamiques du continent et l'un des pays qui fait le plus d'efforts dans la voie de la décarbonation.
Mme Sophie Taillé-Polian.
Tout va bien !
Mme la présidente.
La parole est à M. David Guiraud.
M. David Guiraud (LFI-NUPES).
Ce débat sur les aides publiques aux entreprises démontre à quel point le système économique que vous avez construit est basé sur l'injustice, qui met en danger notre pays. À l'heure où vous criez que les caisses sont vides et qu'il va falloir se saigner au travail, rappelons que l'État français, l'un des plus riches du monde, distribuait, avant même la crise du covid, plus de 150 milliards d'euros par an aux grandes entreprises.
Qui reçoit cette fortune colossale ? Dans votre capitalisme féodal, ce sont les plus proches du pouvoir qui captent les aides. Lorsque l'on fait le compte de vos aides cachées et de vos défiscalisations, on constate que les TPE et les PME paient plus d'impôts sur les sociétés que les très grandes entreprises. En effet, les multinationales et leurs armées d'avocats et de fiscalistes n'ont qu'à pousser la porte des ministères pour être entendus tandis que nos artisans et nos commerçants – les boulangers en sont, en ce moment même, le meilleur exemple – sont seuls, isolés et abandonnés. Ils passent des dizaines de coups de fil et se noient dans la paperasse pour tenter d'obtenir un remboursement de 40 % sur une facture de 10 000 euros… (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Autant dire que leur commerce sera mort dans deux ou trois mois.
Rendez-vous compte : 170 milliards d'euros de profits pour le CAC40 en 2022 et 80 milliards versés aux actionnaires, qui redistribuent non pas aux acteurs du tissu économique français, mais à leurs enfants ! Pendant ce temps, les TPE et les PME ont perdu 11 points de trésorerie en six mois. Les trois quarts d'entre elles seront contraintes d'augmenter leurs prix en 2022, au détriment de tous les Français ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)
L'économie est pilotée par et pour les rentiers. Il n'y a plus de méritocratie dans notre pays, mais une "héritocratie" ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.) S'il fallait un exemple de décision qui mène le pays au chaos et à l'instabilité, c'est la transformation du CICE en exonération de charges, soit un coût de 20 milliards d'euros par an, c'est-à-dire le montant du déficit du système de retraite sur dix ans – si l'on en croit les chiffres que vous avancez pour justifier votre réforme des retraites et tuer les Français au boulot !
Mme la présidente.
Veuillez conclure, cher collègue.
M. David Guiraud.
Il est temps de rétablir de l'ordre dans les comptes publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente.
Merci, monsieur Guiraud, votre temps est écoulé.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Monsieur Guiraud, décidément, nous ne connaissons pas la même France ! ("En effet !" et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Veuillez, s'il vous plaît, cesser de tout caricaturer !
Mme Clémence Guetté.
Mais vous dites que tout va bien, c'est incroyable !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Je passe mes journées dans des entreprises industrielles à discuter… (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Antoine Léaument.
Avec les patrons !
Mme la présidente.
Un peu de calme, chers collègues !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Monsieur le député, à chaque fois que je me rends dans une usine, je rencontre les organisations syndicales. Voulez-vous un scoop ? Aucune d'elles ne m'a parlé de la réforme des retraites ! (Exclamations et rires sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)
Eh oui !
De quoi me parlent-elles ? De la crise énergétique, du pouvoir d'achat et des aides ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Antoine Léaument.
Augmentez les salaires !
Mme la présidente.
S'il vous plaît !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Et savez-vous ce qu'elles me disent sur les aides, le "quoi qu'il en coûte" et le plan France relance ? "Merci, continuez !"
M. Louis Boyard.
Tout le monde vous aime, monsieur le ministre, vous êtes parfait !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Alors je vous en prie, calmez-vous un peu sur le capitalisme féodal comme modèle de l'économie française ! Je le répète, notre économie est la plus redistributive en Europe et l'une des trois premières au monde en matière de taxation des entreprises. Elle possède par ailleurs, ce dont je suis très fier, un modèle social unique, que nous souhaitons pérenniser. Ne caricaturez donc pas les ministres et les députés !
Mme Christine Arrighi.
Ne vous caricaturez pas vous-même !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Le capitalisme féodal en France ? Franchement, non. Nous ne vivons pas dans le même pays ! Celui que je connais travaille et investit. Très souvent, les salariés et les dirigeants d'entreprise y sont unis et cherchent ensemble à obtenir des protections supplémentaires.
Mme Christine Arrighi.
Le paradis macronien, ça n'existe pas !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Ce n'est pas un pays dans lequel l'embrasement est à tous les coins de rue (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES) et j'espère que cela continuera comme cela, malgré la volonté de certains et de certaines de souffler sur les braises ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme Clémence Guetté.
On n'en veut pas de votre réforme des retraites !
Mme Charlotte Leduc.
Qui souffle sur les braises ? C'est vous qui défendez cette réforme !
Mme la présidente.
Chers collègues, s'il vous plaît !
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo (LR).
La période du "quoi qu'il en coûte" préélectoral a engendré une profusion d'aide et de dépense d'argent public à crédit, ainsi que l'inflation. Les précédents orateurs l'ont dit, 157 milliards d'aides ont été distribuées aux entreprises en 2019, soit un tiers du budget de l'État – 32 milliards sous forme de subventions directes, 125 milliards sous forme de niches fiscales. Si ces aides n'existaient pas, 461 milliards seraient payés par les entreprises sous forme de prélèvements, soit un cinquième de la richesse nationale. Un record européen !
Vous l'avez souligné vous-même, monsieur le ministre délégué, le choix de votre gouvernement est de taxer beaucoup pour aider beaucoup. Or ces aides sont complexes, difficilement accessibles, instables, inéquitables et parfois inefficaces. D'où ma première question : comment comptez-vous les simplifier ? Réduire les prélèvements opérés par l'État permettrait de diminuer le nombre de dispositifs, actuellement proche de 2 000 ! L'enjeu est triple : la lisibilité des dispositifs pour le chef d'entreprise, la capacité pour lui de vivre des fruits de son travail et uniquement de ceux-ci, et l'attractivité de la France pour les investissements français et étrangers.
Ma deuxième question concerne l'apprentissage. L'objectif du Gouvernement est d'atteindre le chiffre de 1 million d'apprentis à la fin du quinquennat. Ils étaient 800 000 en 2022, mais ce chiffre est trompeur compte tenu du taux d'abandon des contrats d'apprentissage : 30 % d'entre eux sont abandonnés avant la fin du contrat et 53 % des ruptures à l'initiative des élèves sont justifiées par le manque d'activités formatrices. Auparavant, les aides aux entreprises étaient subordonnées à l'obligation pour le tuteur de consacrer une certaine période de formation à son apprenti. Ne devraient-elles pas l'être de nouveau, ce qui permettrait de réduire le nombre de procédures prud'homales et d'améliorer le taux de réussite des contrats d'apprentissage ?
Enfin, monsieur le ministre délégué, permettez-moi de vous interroger sur le dispositif d'aide aux TPE face à la hausse du prix de l'électricité. Avec le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, vous avez annoncé le plafonnement du prix du mégawattheure à 280 euros pour les entreprises de moins de dix salariés, mais il s'agit là d'un tarif annuel moyen, qui inquiète fortement les boulangers. En effet, un grand nombre d'entre eux s'organisent aujourd'hui pour cuire leur pain la nuit pendant les heures creuses. Ils craignent donc un lissage des prix par le haut, qui serait contre-productif.
M. Pierre Cordier.
C'est vrai !
Mme la présidente.
Merci, cher collègue.
M. Fabien Di Filippo.
Pouvez-vous leur donner davantage de garanties ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Il y a beaucoup de questions dans votre intervention, monsieur Di Filippo ! Vous avez subrepticement glissé que la préférence pour l'impôt était le fait de notre gouvernement. En France, on taxe plus qu'ailleurs, mais, rappelons-le, c'est notre majorité qui a appliqué une baisse d'impôts sans précédent, de 50 milliards, bénéficiant pour moitié aux entreprises et pour moitié aux ménages – vous avez voté contre ! "Ce n'est qu'un début, continuons le combat", comme diraient certains. Reste que c'est notre gouvernement qui a réduit les impôts dans de telles proportions !
Je partage votre volonté de simplifier les dispositifs. Nous le ferons notamment dans le cadre du plan France 2030, dont nous souhaitons que les mesures soient plus efficaces.
En ce qui concerne l'apprentissage, je vous avoue que je n'ai pas tout à fait saisi votre question. Je serai heureux d'y répondre par écrit si vous voulez bien me la transmettre. (M. Fabien Di Filippo acquiesce.) Soulignons toutefois que nous avons plus d'apprentis aujourd'hui en France que nous n'en avons jamais eus, et deux fois plus qu'il y a cinq ans. Ils sont 700 000 et seront bientôt un million. Il y a aujourd'hui plus d'apprentis en France qu'en Allemagne. C'est l'un des principaux succès du quinquennat précédent.
M. Fabien Di Filippo.
Mais il y a plus d'abandons !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
On peut sans doute améliorer le système et je suis prêt à me pencher sur la question que vous soulevez, mais convenons ensemble que l'apprentissage est aujourd'hui un succès dans notre pays, ce dont je suis très fier à titre personnel.
Quant au bouclier tarifaire, le plafonnement du prix du mégawattheure à 280 euros pour les entreprises de moins de dix salariés concerne en effet une moyenne sur l'année. Il est cumulable avec l'amortisseur et le guichet. Le montant réel des factures se situera donc évidemment au-dessous. Quant aux boulangers qui ont souscrit des contrats en heures creuses, ils ne se verront évidemment pas appliquer un prix du mégawattheure à 280 euros. Ces contrats permettent à une partie d'entre eux de bénéficier de tarifs préférentiels et c'est tant mieux !
Mme la présidente.
La parole est à M. Pascal Lecamp.
M. Pascal Lecamp (Dem).
Les aides publiques aux entreprises doivent permettre de maintenir leur viabilité face aux fluctuations conjoncturelles, de soutenir leur compétitivité globale et de garantir l'emploi. Depuis 2020, avec votre gouvernement, monsieur le ministre, elles ont été au rendez-vous. Je m'inscris donc en faux s'agissant de l'explosion des défaillances de PGE annoncée pour 2023 par notre collègue Alexandre Loubet. Ce matin, la commission des finances a auditionné le directeur général de BPIFrance, qui gère la plupart des PGE. Nicolas Dufourcq a annoncé un taux de sinistralité inférieur à 4 %. Ce que vous dites n'est pas vrai, monsieur Loubet !
Nous connaissons les écueils des aides publiques, mis en exergue durant l'épidémie de covid. Il s'agit notamment des effets d'aubaine ou de la fraude, et surtout du manque d'information. Les entreprises sont souvent éligibles à des aides dont elles ignorent l'existence. On l'imagine aisément, un entrepreneur confronté à des difficultés financières n'a pas forcément un rapport facile avec l'État et ses représentants. Nous avons la responsabilité de nous assurer que l'action publique en faveur des entreprises atteint chaque TPE et chaque PME, y compris dans les zones rurales et là où les gens sont moins à l'aise avec les démarches administratives. Les aides doivent aussi, ce qui n'est pas souvent le cas, être adaptées aux besoins qui ne rentrent pas forcément dans les cases. Il y a encore trop de laissés-pour-compte. Les aides ne vont pas toujours au bon endroit.
Les conseillers départementaux à la sortie de crise des directions départementales des finances publiques (DDFIP), désignés en 2021 dans le cadre du plan d'accompagnement aux entreprises fragilisées par la pandémie pour leur offrir un soutien personnalisé, pourraient constituer une solution intéressante, réactive et rationnelle. Même s'ils ne sont pas encore bien identifiés, malgré les efforts consentis pour travailler localement avec les chambres consulaires, ces points de contact permettent d'orienter les entrepreneurs qui font face à l'inflation. Pensez-vous utile de pérenniser ce dispositif et d'amplifier temporairement son déploiement en fonction des besoins des départements ? Quels sont aujourd'hui les retours des entreprises qui bénéficient de l'accompagnement des conseillers départementaux à la sortie de crise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Je vous remercie pour cette question, monsieur Lecamp, mais aussi d'avoir précisé que la situation des PGE est satisfaisante à ce stade. Les taux de défaut sont même inférieurs à ceux qui avaient été anticipés.
M. Jocelyn Dessigny.
Attendez un peu, nous n'avons pas encore les chiffres de fin 2022 !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Pour l'instant, la situation est bonne !
M. Jocelyn Dessigny.
Pour l'instant !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Évidemment, on peut passer son temps à voir le verre à moitié vide, mais les PGE ont permis d'accompagner l'économie française pendant la crise et, je le répète, les taux de défaut sont inférieurs aux prévisions, ce dont nous devrions tous nous réjouir.
Vous avez raison, monsieur Lecamp, les conseillers départementaux à la sortie de crise ont une action très efficace. J'espère que nous sortirons tôt ou tard de la crise, ce qui réduira du même coup leur utilité. D'ici là, nous maintiendrons évidemment ce dispositif extrêmement utile, qui complète de manière opportune le système d'accompagnement existant. Celui-ci comprend d'abord les chambres consulaires, qui sont mobilisées pour informer les entreprises sur les aides auxquelles elles ont droit. Elles nous ont beaucoup aidés pendant la crise sanitaire et continuent de le faire pendant la crise énergétique. Les commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés en entreprises (CRP) permettent également de soutenir les entreprises en difficulté, généralement de taille plus importante, dont les effectifs sont situés entre cinquante et quelques centaines d'employés. Enfin, le comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri), situé à Bercy, aide les plus grosses entreprises.
Au total, nous disposons d'un dispositif complet, qui permet d'accompagner les entreprises de manière efficace et utile, ce dont elles attestent régulièrement. N'hésitez cependant pas à nous faire connaître les difficultés spécifiques rencontrées dans vos territoires.
Mme la présidente.
La parole est à M. Mickaël Bouloux.
M. Mickaël Bouloux (SOC).
Déjà sous la présidence Hollande, Emmanuel Macron s'était fait remarquer pour sa politique obstinément tournée vers les entreprises, à travers notamment l'instauration du CICE. À l'époque, le dispositif représentait autour de 20 milliards annuels d'aides aux entreprises, sans condition. Le CICE préfigurait l'axe actuel de la politique du Gouvernement en matière d'aide aux entreprises : "un pognon de dingue", qui crée un effet d'aubaine et qui ne participe en rien à l'amélioration du pouvoir d'achat des Français.
M. Pierre Cordier.
Il est bon de rappeler qu'Emmanuel Macron était ministre de François Hollande !
M. Mickaël Bouloux.
Ma question porte sur le crédit d'impôt recherche. Avec un coût estimé à 7 milliards en 2023, en constante augmentation, le CIR sert à financer les programmes de recherche et d'innovation des entreprises, mais aussi, ce qui paraît moins légitime, leurs opérations de communication, de sous-traitance ou leurs frais d'assurance. Il existe en outre une fraude au CIR, qui n'est pas sans conséquences sur nos finances publiques, mais qui ne fait l'objet d'aucune évaluation sérieuse.
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, le groupe Socialistes et apparentés et les autres groupes de la NUPES avaient déposé plusieurs amendements visant à mieux encadrer le CIR et à le diriger vers des objectifs de transition écologique. Tous ont été balayés d'un revers de la main, avant même leur examen, lors de l'adoption brutale du projet de loi de finances par la procédure du 49.3.
En tant que rapporteur spécial du budget de la recherche, j'ai mené de nombreuses auditions et je me suis forgé une conviction : le CIR doit être profondément réformé. Il faut verdir ses objectifs, évaluer précisément ses effets sur l'innovation et l'investissement et prévoir des procédures de contrôle strictes pour mesurer sérieusement les phénomènes de fraude.
Le Gouvernement saisira-t-il la Cour des comptes pour obtenir des évolutions en ce sens ? La direction générale des finances publiques (DGFIP) dispose-t-elle déjà d'évaluations ? Si c'est le cas, quand seront-elles rendues publiques ? Si ce n'est pas le cas, le Gouvernement lancera-t-il rapidement une telle démarche ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Beaucoup de choses ont déjà été dites sur le CIR. Je le répète, nous sommes prêts à évaluer ce dispositif dans le détail afin d'en mesurer l'efficacité et nous le ferons dans le cadre du prochain projet de loi de finances. Les investisseurs internationaux qui envisagent de s'installer en France y sont fortement incités par le CIR, ne l'oublions pas. Le dispositif rend la France compétitive car il réduit les coûts d'un ingénieur, d'un laboratoire ou d'un système de recherche pour les entreprises. Sans doute existe-t-il des abus. Quant aux fraudes, j'espère que la justice fait son travail pour les sanctionner.
En tout état de cause, nous sommes prêts à évaluer l'efficacité du CIR. Veillons cependant à ne pas bouleverser un dispositif dont je suis convaincu qu'il a fait ses preuves car il renforce l'attractivité de la France, en particulier dans des secteurs innovants.
Vous parlez de le conditionner à des investissements verts ; pour ma part, je me méfie de l'utilisation d'un même instrument pour deux objectifs. Le crédit d'impôt recherche vise avant tout à encourager la recherche et l'innovation : concentrons-le à cette fin.
Faut-il par ailleurs envisager des crédits d'impôt destinés à renforcer le verdissement de l'industrie ? J'y suis personnellement favorable et nous pourrions le faire en supprimant certaines niches fiscales qui permettent – à l'inverse – de préserver des activités dommageables à l'environnement. Nous en discuterons dans le cadre de l'examen du projet de loi "industrie verte", dont Bruno Le Maire a annoncé le dépôt prochain ; la phase de concertation est en cours et n'hésitez pas à nous envoyer vos idées…
Mme Christine Arrighi.
Des idées, on n'en manque pas !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
…quant à la manière de mieux inciter les entreprises françaises à verdir leur activité grâce à des crédits d'impôt – pourquoi pas ? N'oubliez tout de même pas que les États-Unis ont annoncé un plan de verdissement de leur économie très puissant et très efficace, et nous devons en tenir compte dans nos réflexions car c'est la compétitivité du territoire français qui est en jeu.
Mme la présidente.
La parole est à M. Frédéric Valletoux.
M. Frédéric Valletoux (HOR).
Le prêt garanti par l'État, que je vais évoquer à mon tour, constitue un dispositif exceptionnel que le Gouvernement a instauré il y a bientôt trois ans, non pour des raisons électorales, comme certains l'ont dit, mais parce que la pandémie touchait notre pays comme l'ensemble de la planète. Il a permis de soutenir le financement bancaire à hauteur de 300 milliards d'euros, en faveur d'entreprises fragilisées par la crise. Entre mars 2020 et juin 2022, plus de 700 000 prêts garantis par l'État ont été accordés par les banques, pour un montant total dépassant 143 milliards d'euros ; ils ont permis à de nombreuses entreprises de tenir le coup pendant la pandémie et de renflouer leur trésorerie à des conditions avantageuses. Reçu comme une bouée de sauvetage par plus de 690 000 sociétés qui l'ont souscrit, le PGE s'est aussi avéré être un facilitateur de croissance, que ce soit pour les entreprises de taille intermédiaire ou pour les TPE et les PME.
Dès le début de l'année 2021, 45 % des PGE ont commencé à être remboursés et une grosse vague d'entreprises a entamé le paiement de leur échéance à partir du printemps 2022. Néanmoins, nombreuses sont les TPE et les PME, notamment dans les secteurs de la construction et de l'hébergement-restauration, qui sont confrontées à des difficultés de remboursement ; c'est d'autant plus le cas en ce moment, alors que la conjoncture économique a tendance à se tendre. S'il est indéniable que les pouvoirs publics ont massivement accompagné les entreprises et que le PGE s'érige en bouclier économique efficace, certains chefs d'entreprise font face à des mensualités encore trop importantes. Vous avez obtenu de la Commission européenne, en juin dernier, la possibilité pour les TPE et les PME de prolonger leur PGE de cinq à dix ans, et je salue cette avancée ; cependant, à ce jour, 9 % d'entre elles redoutent de ne plus être en mesure de rembourser leur prêt, selon le dernier baromètre trimestriel de BPIFrance.
Face aux difficultés rencontrées par certaines TPE et PME, quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour aider ces entreprises qui subissent une nette détérioration de leur trésorerie ? Et de manière plus générale – mais vous avez déjà apporté une réponse à ce sujet –, quel bilan pouvez-vous faire du PGE ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Merci de votre question, monsieur le député Valletoux, qui complète certaines remarques précédentes. Le PGE a fonctionné : il est venu soutenir les entreprises qui se trouvaient dans une situation très difficile du fait de la crise de la covid – fermeture administrative pour beaucoup d'entre elles, disparition des clients pour la plupart –, et leur a permis de passer cette période délicate. Vous l'avez dit, les remboursements sont en cours et se déroulent plutôt bien. Les reports de charges ont eux aussi permis d'alléger la trésorerie des entreprises : sur les 28 milliards d'euros de reports de charges, 14 milliards ont déjà été remboursés. S'agissant des PGE, 40 milliards avaient été remboursés à la fin du mois d'août – je découvre que les chiffres dont je dispose sont un peu anciens et j'espère que nous en avons de plus récents.
Je le répète : globalement, nous n'avons pas de craintes fortes à ce sujet. En moyenne, le taux de défaut devrait sans doute atteindre 4 à 5 % ; c'est en tout cas ce que la Banque de France prévoit et c'est en fonction de ce chiffre que nous avons évalué le coût du PGE pour les entreprises – puisque, je le rappelle, le PGE a un coût pour elles. Ces moyennes peuvent cependant dissimuler des cas particuliers, notamment parmi les TPE et les PME, que nous devons soutenir. Je les incite à se rapprocher du Médiateur du crédit, car – vous le savez – nous avons obtenu de la Commission européenne de pouvoir rééchelonner certains PGE sur six à dix ans par son intermédiaire.
Quant aux entreprises de taille plus importante, elles doivent le cas échéant ouvrir une procédure de conciliation, qui est confidentielle, auprès du tribunal de commerce. Nous ne souhaitons pas rééchelonner de manière générale et automatique l'ensemble des PGE – je vous vois opiner de la tête, monsieur Valletoux. Ce serait à la fois contre-productif et potentiellement très coûteux pour les finances publiques, et cela conduirait surtout à une iniquité entre des entreprises qui vont bien et qui ont intérêt à rembourser leur PGE – nous avons tous intérêt à ce qu'elles le fassent –, et d'autres qui ont besoin d'un traitement particulier que nous continuerons à leur accorder – nous nous y engageons.
Mme la présidente.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES).
Vous ne cessez de dire que nous vous posons toujours les mêmes questions, mais – pardonnez-nous de le dire –, vos réponses ne sont pas très satisfaisantes ! Je vais formuler la mienne d'une manière un peu différente : en tant que citoyen et en tant que ministre, trouvez-vous normal que d'un côté, quelqu'un qui est au RSA, par exemple, doive justifier de ses revenus au centime près tous les trois mois, pour savoir quelle aide il va toucher ; que dans la moindre association, il faille remplir de nombreux dossiers, passer des heures en dialogue de gestion pour dresser des conventions d'objectifs et de gestion (COG), elles aussi contrôlées au centime près, en tenant compte d'indicateurs tous plus complexes les uns que les autres, confinant parfois à l'absurde ;…
M. Pierre Cordier.
On n'est pas dans un conseil départemental ! Ça ne se passe pas du tout de cette manière !
Mme Sophie Taillé-Polian.
…et trouvez-vous normal que dans un certain nombre de services publics, il soit nécessaire de remplir plusieurs formulaires pour avoir accès à certains moyens et à certaines autorisations, tandis que d'un autre côté, pour ce qui est des aides aux entreprises, on soit dans le flou le plus total ? Ce n'est pas nous qui le disons, mais bien l'Inspection générale des finances (IGF), qui ne parvient pas à nous donner une évaluation précise de chacun des 2 000 dispositifs qui sont – plus ou moins – accessibles aux entreprises pour se faire aider.
Il y a là une question démocratique majeure : que faisons-nous de cet argent public ? Vous pouvez toujours nous répondre que tout va bien, que la France que vous observez est formidable et se porte parfaitement bien – visiblement, nous n'avons pas affaire à la même France ; quoi qu'il en soit, il faut maintenant cesser de donner cet argent public sans aucune justification et sans évaluation précise. C'est une question de justice ! Utilisons l'argent public avec mesure, avec efficacité, pour l'intérêt général, pour la justice sociale et pour la lutte contre les dérèglements climatiques, et arrêtons d'arroser le sable et de subventionner – c'est parfois le cas – les actionnaires ! (Mme Christine Arrighi, M. Léo Walter et Mme Elsa Faucillon applaudissent.)
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Votre question, madame la députée Taillé-Polian, comporte deux volets. Vous démontrez d'abord, là encore de manière peut-être un peu caricaturale, une capacité inénarrable à opposer les entreprises, dont vous faites une sorte d'objet ou d'animal magique et malfaisant,…
Mme Sophie Taillé-Polian.
Non, nous parlons d'argent public !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
…aux salariés qui en composent la réalité ou aux personnes – vous les avez mentionnées – qui ont besoin d'aides sociales et qui les méritent.
Mme Christine Arrighi.
Ce n'est pas du tout ce que nous avons dit ! C'est vous qui caricaturez !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Derrière les entreprises, il y a des employés ;…
Mme Sophie Taillé-Polian.
Et derrière un RSA, il y a une personne !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
…derrière ces aides, il y a des investissements et des recrutements.
Mme Sophie Taillé-Polian.
Derrière les aides, il y a des êtres humains !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Derrière l'installation d'une entreprise américaine – quel gros mot, quelle horreur ! – il y a aussi des actionnaires – eh oui !
Mme Sophie Taillé-Polian.
Ça n'a rien à voir avec ma question ! Répondez-y !
Mme Émilie Bonnivard.
Écoutez-le !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Je plaide pour ma part depuis toujours pour qu'on aligne davantage les intérêts des actionnaires et ceux des salariés grâce à de l'intéressement, à de la participation.
Quand l'entreprise va bien, il faut permettre aux salariés de bénéficier davantage de primes d'intéressement et de participation, contre lesquelles vous votez systématiquement ! Alors arrêtons d'opposer les méchantes entreprises et les bons salariés :…
Mme Sophie Taillé-Polian.
Ce n'est pas ce que j'ai dit !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
…nous avançons tous dans le même sens.
Mme Sophie Taillé-Polian.
Vous ne répondez pas !
Mme la présidente.
Madame Taillé-Polian, s'il vous plaît.
Mme Sophie Taillé-Polian.
Il n'a pas répondu à ma question !
Mme la présidente.
Il n'y a pas de droit de réplique.
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Quant à la conditionnalité des aides que vous mentionnez, la difficulté des tâches administratives, dont vous donnez l'impression qu'elle n'affecte que les seuls les bénéficiaires du RSA et d'autres aides sociales, concerne aussi les chefs d'entreprise. Demandez-leur : ils nous reprochent régulièrement des procédures trop compliquées ! C'est un problème que nous rencontrons dans le cadre du plan "France 2030". Nous sommes en train de simplifier les procédures, mais il y a des PME qui nous disent que demander des aides – qui sont, je le répète, conditionnées – est trop compliqué. Nous avons une appétence collective pour les formalités administratives, je suis prêt à le reconnaître, mais je pense que nous sommes tous égaux – entreprises, salariés et bénéficiaires de l'aide sociale – face à ces complexités.
Mme Sophie Taillé-Polian.
Vous ne répondez toujours pas à la question !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Simplifions-les,…
Mme Sophie Taillé-Polian.
Évaluons-les, surtout !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
…mais continuons à poursuivre ensemble l'objectif commun de l'emploi partout et pour tous dans les territoires ; et pour cela, ne vous en déplaise, nous avons besoin de l'entreprise en France.
Mme Sophie Taillé-Polian.
Bien sûr, mais évaluez ! Et répondez aux questions !
Mme la présidente.
S'il vous plaît, chère collègue, je rappelle qu'au cours de ces débats – qui sont intéressants –, aucun droit de réplique n'est prévu, et certainement pas pendant que le ministre s'exprime.
Mme Christine Arrighi.
C'est dommage !
Mme la présidente.
La parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES).
Je me chargerai donc de la réplique.
Mme Sophie Taillé-Polian.
C'est gentil !
Mme Elsa Faucillon.
En 2018, les aides aux entreprises représentaient l'équivalent de 5,6 % du PIB, ce qui correspondait à une augmentation de 215 % sur un peu plus de dix ans. C'est énorme, et l'augmentation s'est encore accrue au gré des aides d'urgence, des plans de relance et des aides contre l'inflation débloquées depuis mars 2020. On peut dire qu'elles sont rares, les grandeurs économiques qui augmentent à un tel rythme moyen pendant plus de dix ans, surtout quand il s'agit de dépenses publiques que tous les gouvernements successifs disent vouloir compresser ! Les aides publiques aux entreprises ont progressé trois fois plus vite que les aides sociales et cinq fois plus vite que le PIB entre 2007 et 2018, sans que cela n'émeuve grand monde, surtout pas celles et ceux qui sont si enclins à dénoncer le poids des dépenses sociales – ce "pognon de dingue".
Mais surtout, l'augmentation des aides publiques aux entreprises ne s'est pas accompagnée d'une hausse proportionnelle de leur contribution aux finances publiques par la fiscalité ; c'est même exactement le contraire qui s'est produit. La tendance se retrouve à l'identique du côté du financement de la sécurité sociale : les ménages sont les premiers financeurs d'une sécurité sociale dont le budget est de plus en plus grevé par la généralisation des exonérations de cotisations pour les entreprises – nous aurons l'occasion d'y revenir au cours du débat sur la réforme des retraites.
Et pourtant, il n'existe aucune évaluation publique systématique de l'efficacité de chacune de ces 2 000 aides publiques existantes. Elles représentent désormais plus de 8 % du PIB – 8 % ! – et croissent cinq fois plus vite que lui ! Nous préparons des questions mais, au lieu de nous répondre, vous nous dites que nous opposons entreprises et particuliers, public et privé ; mais quand l'Assemblée nationale disposera-t-elle annuellement et systématiquement des outils permettant d'évaluer ces aides publiques aux entreprises qui croissent chaque année ? Voilà la réponse que nous attendons, monsieur le ministre délégué. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES. – M. Mickaël Bouloux applaudit également.)
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Vous donnez les chiffres, sans doute exacts, qui concernent les années 2007 à 2018.
Mme Elsa Faucillon.
J'ai évoqué la suite, aussi !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Entre 2007 et 2018, les aides aux entreprises ont donc augmenté trois fois plus vite que les aides sociales : adressez-vous à ceux qui, sur vos bancs, étaient en charge de l'économie française entre 2012 et 2017, ou à ceux qui, en face, l'étaient entre 2007 et 2012 !
Mme Elsa Faucillon.
Faites plutôt l'évaluation !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Nous avons obtenu des résultats économiques et sociaux dont nous rêvions tous, je pense, depuis des années, que ce soit en matière de chômage, d'attractivité de la France, d'investissement ou de recettes publiques – que nous avons enfin stabilisées, ce qui nous a permis de sortir d'une procédure de déficit excessif (PDE) dans laquelle nous nous trouvions depuis plusieurs années. Alors oui, il est possible d'améliorer les choses et je vous rejoins : ces 2 000 aides, comme les autres, doivent être mieux évaluées. Je le répète : nous nous engageons dès ce mois de janvier dans un processus d'évaluation systématique de toutes les aides concernant les entreprises mais aussi les ménages, d'ailleurs, auquel je vous invite à participer. Ce sera à Bercy, dans le courant du mois de janvier : venez, rejoignez-nous !
S'agissant du financement de notre modèle social, je le répète : 75 % des cotisations sociales sont payées par les entreprises.
Mme Émilie Bonnivard.
Eh oui !
Mme Elsa Faucillon.
Et la valeur, qui la crée ?
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Cela représente donc l'essentiel du modèle social français – retraites ou assurance maladie – et derrière chaque entreprise, il y a des salariés dont le travail permet de payer ces cotisations sociales.
Mme Elsa Faucillon.
Ça n'empêche pas les actionnaires de se gaver de dividendes !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Là encore, je ne souhaite pas opposer les uns et les autres. Encore une fois, les cotisations sociales versées par les employeurs financent aux trois quarts le modèle social français.
Mme la présidente.
La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac (LIOT).
Je souhaite profiter de ce débat sur les aides publiques aux entreprises pour évoquer la question de la conditionnalité des aides et la façon dont nous les leur versons. Dans les périodes de crise que nous traversons, hier sanitaire et aujourd'hui énergétique, nos entreprises sont particulièrement exposées, au point que leur pérennité est désormais menacée. Or, pour un territoire rural, une entreprise qui ferme, c'est bien souvent un drame : lorsqu'une boulangerie ferme dans un village, c'est tout le quotidien des habitants qui s'en trouve affecté et cela génère une perte de lien social, qui constitue pourtant le ciment de nos sociétés.
Vous le savez, la crise actuelle de l'énergie touche toutes les entreprises. Certaines sont plus fragiles ou plus exposées que les autres, et il est nécessaire de pouvoir ajuster et calibrer les aides qui leur sont fournies. Il ne s'agit pas de remettre en question les mesures élaborées au sein de votre ministère, mais nous nous demandons si l'échelon central est véritablement le plus adéquat pour élaborer de telles décisions, puisqu'il ne permet pas de différenciation. En effet, en tant qu'élus de terrain, nous sommes très souvent sollicités dans nos permanences par les entrepreneurs de nos circonscriptions, parce qu'ils ne rentrent pas dans les cases prévues – à cause d'effets de seuil ou des clauses de conditionnalité.
Il me vient ainsi en tête un cas récent à propos duquel j'ai été interpellé, celui de l'éleveur porcin d'une exploitation familiale comprenant deux employés, dont le chiffre d'affaires est bien inférieur au seuil de 2 millions d'euros mais qui ne peut pas prétendre aux aides du bouclier tarifaire, car la puissance de son compteur électrique dépasse 36 kilovoltampères (kVa). Pourtant, pour cette exploitation, la facture d'électricité va être multipliée par huit sans possibilité de compenser la hausse de ce coût de production. Il est heureux que les députés puissent vous solliciter directement, et surtout que cet éleveur ait eu l'idée de me faire part de ses difficultés ; sinon, j'aurais pu ne rien en savoir. Nous l'avions déjà observé pendant le covid : il faut faire remonter énormément d'informations pour que les trous de la raquette se comblent. J'en viens donc à ma question : comment pourrions-nous être plus efficaces, afin d'éviter que certains passent à côté des aides ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Merci, monsieur le député Molac, pour cette intervention très dense dans laquelle vous questionnez la conditionnalité des aides tout en reconnaissant leur grande utilité, et vous questionnez l'homogénéité de ces aides sur le territoire – à cet égard, je pense qu'il faut garder une certaine équité des aides entre les différents territoires et éviter de les rendre trop dépendantes de la géographie.
Quant à l'entrepreneur auquel vous faites référence, il est désormais éligible au bouclier tarifaire fixé à 280 euros le mégawattheure dont nous avons généralisé l'application, ainsi qu'à l'amortisseur électricité et au guichet de l'aide gaz et électricité. Il est vrai que si sa consommation d'énergie dépasse le seuil de 36 kilovoltampères, il n'est pas éligible aux fameux tarifs réglementés de vente (TRV), qui concernent les ménages et tout de même les deux tiers des TPE françaises. Pour celles qui font partie du tiers restant, nous avons plafonné la facture depuis vendredi. Votre entrepreneur ne devrait donc pas voir sa facture multipliée par huit.
J'en viens au rôle que jouent les députés pour nous informer et nous alerter sur des problèmes. Je l'appelle de mes vœux : n'hésitez pas ! Certains députés de la majorité nous ont alertés très tôt sur les défauts de dispositifs que nous avons pu adapter en conséquence. Le Président de la République l'a fait de manière très volontaire et ambitieuse dès jeudi dernier. Je vous engage donc à continuer. Nous vous écouterons et nous serons toujours à l'écoute des remontées des territoires.
Mme la présidente.
La parole est à Mme Fanta Berete.
Mme Fanta Berete (RE).
Dans le contexte complexe qui affecte nos PME et ETI, notamment celles du secteur de l'artisanat, il est heureux que le Gouvernement ait mis en place des mesures de protection renforcée depuis plusieurs semaines. Mais ce contexte particulier, qui nous rappelle celui de la crise sanitaire, doit peut-être nous inviter à repenser plus globalement l'efficacité pérenne de notre système d'aides aux entreprises.
Un rapport, publié en mai 2022 par des économistes de l'université de Lille, souligne l'inefficacité de certaines aides publiques en faveur de la compétitivité des entreprises, accordées depuis plusieurs décennies par les précédents gouvernements, notamment le CIR ou le CICE, qui ont coûté respectivement 6 et 19 milliards d'euros en 2019.
Plutôt que ces dispositifs, les auteurs du rapport proposent que l'État planifie ses aides aux entreprises par le biais de subventions à l'innovation à travers la commande publique, ce qui permettrait d'orienter la production, d'accélérer la relocalisation d'activités et la reconversion de notre économie à partir de critères environnementaux et sociaux, et d'enrichir la nation avec une contrepartie matérielle aux subventions.
Après les crises liées à la pandémie de covid-19 et à la hausse du coût de l'énergie, le Gouvernement serait-il prêt à repenser notre système d'aides aux entreprises, afin que celles-ci puissent répondre aux enjeux de notre siècle tout en devenant réellement compétitives ? (Mme Maud Petit applaudit.)
Mme Christine Arrighi.
Bravo !
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Merci, madame la députée pour cette question à laquelle je réponds oui, trois fois oui ! J'ai déjà eu l'occasion de répondre sur les défis liés à l'évaluation et à l'évolution du CIR, même si je suggérerais de ne le toucher que d'une main tremblante, pour reprendre une célèbre formule. Transformons-le si cela peut conduire à plus d'innovations et de recherches puisque tel est son objet.
Quoi qu'il en soit, je tiens à rappeler que Bruno Le Maire et moi-même avons annoncé un projet de loi visant à réindustrialiser la France et à accélérer le verdissement de l'industrie française. Nous souhaitons en profiter pour revoir les dispositifs fiscaux dont certains sont incitatifs aux activités trop carbonées et insuffisamment incitatifs au verdissement de nos industries. Nous sommes donc prêts à ouvrir le champ des crédits d'impôt. N'hésitez pas à participer à la consultation.
Quant à la commande publique, là encore, trois fois oui ! C'est un sujet qui m'est cher. Dans ce domaine, nous sommes encore trop royalistes en France, et même plus royalistes que le roi.
M. Fabien Di Filippo.
Le roi Macron !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Des dispositions permettant d'intégrer des considérations environnementales et de souveraineté dans la commande publique ont été adoptées dans cet hémicycle. Les acheteurs publics ne se sont pas assez saisis de ces dispositions qui doivent nous permettre d'acheter davantage européen et français. Si nous devons adopter des dispositions législatives dans le cadre du prochain projet de loi pour améliorer cet état de fait, nous le ferons avec grand plaisir. N'hésitez pas à nous faire des propositions.
Mme la présidente.
La parole est à M. Dominique Da Silva.
M. Dominique Da Silva (RE).
J'aimerais commencer mon propos en rappelant une évidence : les aides publiques aux entreprises sont avant tout un soutien à l'activité économique, à la prise de risque, à la création de richesse et à l'emploi. N'en déplaise à certains, elles profitent à la société française tout entière, ce qui est le sens même de l'intérêt général. Comme dans le cas de l'apprentissage, les aides publiques permettent aux entreprises de s'engager pour le bien commun.
Avec la volonté du Président de la République, notre majorité a vraiment mis les moyens pour que le plan "1 jeune 1 solution" ne soit pas qu'un slogan. Les aides à l'embauche de jeunes alternants, que nous avons favorisées, portent leurs fruits.
Une étude publiée en décembre dernier par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) confirme que notre politique en faveur de l'apprentissage fonctionne. En effet, six mois après leur sortie d'étude en 2021, 65 % des apprentis étaient en emploi salarié dans le privé en janvier 2022. C'est, en moyenne nationale, un bien meilleur taux que les sorties de formation pour les demandeurs d'emploi.
Cela étant, nous ne devons pas perdre de vue que l'argent public n'est pas de l'argent magique. Les besoins sont immenses pour la santé, l'éducation, la sécurité et la justice. Dès lors, il est indispensable de conditionner les aides versées aux résultats et de pouvoir en évaluer l'efficacité chaque année.
Ma question porte sur le risque d'effet d'aubaine dont nous alerte la Fédération nationale des directeurs de centres de formation d'apprentis (Fnadir) au sujet de l'aide à l'embauche de 6 000 euros pour 2023 et les années suivantes – que j'approuve – qui serait versée dès la signature du contrat d'apprentissage, alors que 15 à 20 % de contrats en moyenne sont rompus à l'issue de la première année. Comment le Gouvernement appréhende-t-il ce risque et quelles dispositions peut-on envisager pour limiter ces effets de rupture de contrat ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Je vous remercie de rappeler la très grande efficacité de la politique de développement de l'apprentissage en France, qui va nous permettre de doubler le nombre d'apprentis : ils étaient 350 000 au début du quinquennat précédent, ils seront près de 700 000 à la fin de ce quinquennat, et nous espérons qu'ils seront bientôt 1 million.
Cette politique a permis d'abaisser le taux de chômage des jeunes en France à son plus bas niveau historique. Il faut la poursuivre, notamment à l'égard de ceux qui ont les niveaux de qualification les moins élevés. L'apprentissage s'est développé dans l'enseignement supérieur, nous devons poursuivre et élargir ce combat, notamment dans le cadre de la réforme du lycée professionnel.
Y a-t-il des effets d'aubaine ? À ce stade, nous n'en notons pas. Le taux de rupture de contrat après un an, qui est de l'ordre de 18 %, n'a pas augmenté avec la croissance très forte du nombre d'apprentis. Cela ne m'étonne pas : un entrepreneur qui investit dans la formation d'un jeune pendant un an n'a aucune volonté ou envie de s'en débarrasser, sauf si la conjoncture est difficile, ce qui est quand même le cas dans certains secteurs, ou si, comme cela arrive malheureusement, la personne recrutée n'est plus volontaire ou ne correspond plus aux raisons pour lesquelles elle avait été embauchée.
Nous nous engageons auprès de vous à continuer de suivre cet indicateur de près. Pour l'instant, ce système a montré son efficacité et donné des résultats dont vous pouvez être très fiers puisque ces réformes ont été adoptées ici, au cours du quinquennat précédent, par des parlementaires dont vous étiez, monsieur le député.
Mme la présidente.
La parole est à Mme Violette Spillebout.
Mme Violette Spillebout (RE).
Nul ne peut ignorer les difficultés que rencontrent les entreprises face à la hausse des coûts de l'énergie, mais nul ne peut ignorer non plus les aides publiques importantes annoncées récemment pour les boulangers et appréciées par la profession, ni le fait que plusieurs de ces aides sont désormais accessibles à de nombreuses TPE.
Je vous en remercie, monsieur le ministre délégué, car avec Bruno Le Maire et Olivia Grégoire, vous avez été toujours à l'écoute au cours des derniers mois lorsque je vous alertais sur tel ou tel dossier concernant ma circonscription lilloise.
Cependant, nombre d'autres entreprises souffrent de la hausse du prix de l'électricité, car les augmentations parfois exponentielles suscitent beaucoup d'inquiétudes pour l'avenir, malgré les efforts réguliers qu'elles font pour réduire leur consommation. Ces inquiétudes touchent en particulier les entrepreneurs qui viennent d'ouvrir ou de reprendre un fonds de commerce, qui ne peuvent justifier ni des comptes de société ni de consommations d'électricité pour les années précédentes.
Aussi, monsieur le ministre délégué, qu'en est-il pour ceux qui ont ouvert ou récupéré un fonds de commerce récemment ? C'est le cas de cette très belle fromagerie qui a ouvert en décembre à Lille, dans le quartier de quartier Saint-Maurice Pellevoisin. Ce commerçant m'a interpellée car il s'inquiète beaucoup de n'avoir accès à rien et de voir ses factures exploser.
Mme Émilie Bonnivard.
On retrouve les trous de la raquette de la crise du covid-19 !
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Merci, madame la députée pour votre question et surtout pour tous les efforts que vous avez faits pour nous alerter sur la situation d'entreprises particulières de votre circonscription, ce qui nous a permis, comme je l'indiquais précédemment, d'améliorer et de compléter les dispositifs. La plupart des entreprises bénéficient désormais d'une protection grâce au bouclier tarifaire à 280 euros le mégawattheure, à l'amortisseur électricité et au guichet de l'aide gaz et électricité.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire longuement hier soir, dans le cadre du débat sur les aides énergétiques, nous faisons face à une guerre aux portes de l'Europe, qui a un coût collectif dont nous devons malheureusement partager les dommages. L'État a montré qu'il savait prendre une bonne part de ces dommages à sa charge : la taxe sur les énergéticiens, votée dans le cadre du budget que vous avez adopté, permet de libérer quelques recettes pour ce faire.
Qu'en est-il pour les entreprises récentes ? Nous sommes en discussions avancées avec la Commission européenne pour intégrer ces entreprises dans le dispositif d'aides dont elles sont actuellement exclues puisque, par définition, elles ne peuvent pas fournir des données concernant l'année 2021, référence du calcul de ces aides.
J'espère pouvoir revenir très vite vers vous et surtout vers votre fromager, qu'il aura eu les aides qu'il mérite et que nous pourrons déguster ensemble un bon vieux-lille ou un maroilles. Nous souhaitons accompagner les commerçants, anciens et nouveaux. Souhaitant accompagner le développement des entreprises, nous resterons à leurs côtés, ce qui suppose évidemment une discussion – déjà largement engagée – avec Bruxelles.
Mme la présidente.
La parole est à M. Antoine Villedieu.
M. Antoine Villedieu (RN).
Cinq ans et six mois de macronisme, et la France n'a jamais connu un tel chaos : hausse du prix des hydrocarbures et des matières premières, crise énergétique, baisse du pouvoir d'achat, et ainsi de suite. Ce n'est pas le fruit du hasard mais bien d'une absence de stratégie politique nationale depuis que vous avez confié les clefs de notre pays à Bruxelles.
Face à vos constants changements de position, permettez-moi de m'inquiéter de votre politique d'aides publiques aux entreprises et encore plus de votre capacité à sortir de la crise financière qui touche notre pays. En 2022, d'après les données de la Banque de France, les faillites d'entreprises ont bondi de 48 % et les prévisions pour 2023 sont alarmantes puisqu'elles font état d'une hausse supplémentaire des défaillances d'entreprises. Pensez-vous sincèrement que de simples aides ponctuelles puissent permettre à nos entreprises d'avoir une vision sur le long terme ?
Gouverner c'est prévoir, ne rien prévoir c'est courir à sa perte. Si nos entreprises sont en crise, ayez le courage de reconnaître que cela résulte de votre manque d'anticipation et d'écoute. Marine Le Pen, lors de sa campagne présidentielle, avait anticipé toutes les difficultés qui touchent notre pays actuellement, y compris celles de nos entreprises.
Votre absence de stratégie vous oblige systématiquement à réagir dans l'urgence. Tel un pompier pyromane, vous tentez alors d'éteindre l'incendie. En plus d'être d'une efficacité plus que limitée, ces mesures augmentent considérablement une dette abyssale dont vous êtes les seuls responsables et qui devra être payée par les Français.
Cela fait près de six ans que vous jouez au Don Juan de l'économie, appliquant avec rigueur les paroles de Molière : "Tout le plaisir de l'amour est dans le changement."
M. Pierre Cordier.
Et le changement, c'est maintenant !
M. Antoine Villedieu.
Évidemment, dans ce cas précis, nous parlons de changement de politique. Comptez-vous définir une véritable stratégie de développement économique et de soutien pérenne aux entreprises nationales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Cela fait vingt-cinq ans que vous nous jouez Le Misanthrope , que votre parti se nourrit des difficultés économiques et sociales de nos concitoyens.
M. Antoine Villedieu.
Si elles existent, ce n'est pas de notre faute !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Je comprends que les améliorations notables enregistrées depuis cinq ans vous fassent du mal. Je comprends que, du coup, vous jouiez avec les chiffres pour continuer à laisser penser à nos concitoyens que la France est dans une crise historique digne du Moyen Âge, comme le disaient d'autres sur d'autres bancs. La réalité est toute autre.
En France, il y a bien sûr des gens qui rencontrent des difficultés et nous souhaitons continuer de les accompagner. Mais quand reconnaîtrez-vous que la performance économique et sociale de la France en 2022 est l'une des meilleures d'Europe ? Quand reconnaîtrez-vous que l'inflation en France est la plus faible d'Europe ? Quand reconnaîtrez-vous que le chômage des jeunes n'a jamais été aussi bas en France ?
M. Jocelyn Dessigny.
Et les radiations ?
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Vous ne le reconnaîtrez sans doute jamais.
Vous dites des défaillances d'entreprises qu'elles ont connu une hausse importante en 2022 par rapport à 2021.
M. Antoine Villedieu.
600 milliards de dette !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Or vous savez bien que le nombre de défaillances demeure de 20 % inférieur à ce qui avait cours avant la crise – si vous l'ignorez, c'est de l'incompétence, mais je ne vous ferai pas ce procès, contrairement, peut-être, à celui de la mauvaise foi.
Il est évident que les défaillances d'entreprises ont été empêchées pendant la crise : nous avons aidé tout le monde. Il est également évident que certaines des entreprises que nous avons aidées ne se redressent pas. Tout comme il est évident que nous devons accompagner tous les salariés concernés, ce que nous faisons.
Arrêtez donc de noircir systématiquement le tableau de l'économie française : vous vous en nourrissez, mais c'est terminé ! Nous continuerons à améliorer la situation des entreprises et des salariés français, poursuivant ainsi l'objectif important de réduire vos scores électoraux.
M. Jocelyn Dessigny.
Bonne chance !
Plusieurs députés du groupe RN.
Bon courage !
M. Alexandre Loubet.
Si c'est ça, votre objectif !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Je m'y attacherai, comme je m'y attache depuis cinq ans.
Mme la présidente.
La parole est à M. Jocelyn Dessigny.
M. Jocelyn Dessigny (RN).
Au-delà des tristes constats qui ont déjà été dressés, je tiens à vous rapporter certaines remontées réelles du terrain : celles du quotidien des entreprises que vous asphyxiez et que vous laissez crever sur le bord de la route.
Non, les différentes aides instaurées par le Gouvernement n'ont pas été salutaires pour les TPE-PME. Pourquoi ? Parce que les entrepreneurs n'ont pas le temps de remplir vos dossiers complexes de demande d'aide ou de subvention. Et parce qu'ils sont déjà submergés par vos normes et votre politique fiscale de plus en plus lourde et difficile à comprendre.
Ce dont les entrepreneurs ont besoin, c'est de plus de liberté d'action, d'une meilleure visibilité sur la politique gouvernementale, de formation en lien avec les besoins en main d'œuvre pour les jeunes de leur territoire, et de davantage de flexibilité dans l'emploi des salariés.
Voilà ce que vous sauriez si vous descendiez un peu plus sur le terrain. Mais du terrain, vous ne voyez que ce que vous voulez voir, et des problèmes des PME, vous n'entendez que ce que vous voulez d'entendre.
Eussiez-vous d'ailleurs l'humilité qu'il faut pour aller à la rencontre des TPE-PME que vous n'auriez ni l'idée ni la volonté de le faire. Les entrepreneurs ne viendront pas à vous d'eux-mêmes et ils n'auraient de toute façon probablement pas le temps de vous poser leurs questions, tant ils doivent être au charbon pour sauver leur entreprise.
On ne résout pas les problèmes avec ceux qui les ont créés. Quand écouterez-vous donc les propositions de bon sens que Marine Le Pen vous a déjà exposées à plusieurs reprises et qui pourraient sauver les entreprises françaises ? Il faut en effet revoir les règles du marché européen de l'énergie, choisir en priorité les entreprises françaises dans les marchés publics, et alléger les démarches administratives et fiscales.
Il est temps de prendre conscience de vos échecs et de changer radicalement de camp, pardon, de cap. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué.
Au risque de vous décevoir, je ne compte changer ni de camp, ni de cap. Notre politique fonctionne, même si elle peut sans doute être améliorée, notamment, et je vous rejoindrai sur ce point, pour simplifier les démarches de nos très petites entreprises.
Ne me dites pas que je ne vais pas sur le terrain. Je me déplace partout en France deux à trois fois par semaine. Je rencontre des entreprises industrielles de toutes les tailles, qu'elles soient très petites, petites, moyennes, ou grandes. Chaque fois, je m'entretiens avec les salariés et les organisations syndicales, lesquels, je le répète, nous disent de continuer de les soutenir et nous remercient de ce que nous avons fait depuis trois, quatre, voire cinq ans pour les aider à surmonter les crises successives.
Aucune entreprise ne me parle de sortir du marché européen de l'énergie. À cet égard, j'encourage celles et ceux qui souhaitent encore surfer sur le fantasme de la sortie de l'Europe à traverser la Manche et à constater le désastre qu'est le Brexit – que Marine Le Pen, que vous avez citée, appelait ardemment de ses vœux il y a encore cinq ans. La mémoire est courte, chez vous ! Il y a cinq ans, votre présidente voulait sortir de l'Europe – tout comme, il y a dix ans, elle voulait sortir du nucléaire.
M. Matthieu Marchio.
Et vous, où étiez-vous il y a dix ans ?
M. Lionel Tivoli.
Elle ne voulait pas sortir de l'Europe !
M. Roland Lescure, ministre délégué.
En ce qui nous concerne, nous n'avons pas la mémoire courte. Apprenez de vos erreurs et reconnaissez au moins certains des succès que le Gouvernement obtient. Je le répète, la situation de la France est certainement perfectible, mais les Françaises et les Français, quels qu'ils soient, sont les mieux protégés d'Europe face au choc énergétique. S'ils bénéficient d'une électricité bon marché et décarbonée, c'est grâce à notre politique, que nous allons continuer de mener.
Votez donc les prochains projets de loi qui vous seront soumis dans ce domaine. Nous allons continuer d'aider les TPE et, de ce point de vue, je crains que vous n'ayez d'ailleurs un épisode de retard – dans une série qui, je le reconnais, a commencé cet automne. En effet, à la suite des annonces faites par le Président de la République la semaine dernière, nous avons discuté avec les énergéticiens vendredi afin de les concrétiser. Il n'y aura pas de démarches à faire : un plafond de 280 euros le mégawattheure s'appliquera aux TPE, lesquelles, pour en bénéficier, n'auront qu'à déclarer leur statut sur l'honneur à leur fournisseur d'énergie. (Mme Maud Petit applaudit.)
Mme la présidente.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard (NI).
L'avantage – ou l'inconvénient – de parler en dernier est que toutes les questions ont déjà été posées. Pour ma part, je souhaitais vous interroger sur deux aides aux entreprises, que nous avons donc largement abordées et qui ont été remises en question par France Stratégie, institution rattachée à Matignon : il s'agit bien sûr du crédit d'impôt recherche et du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi.
En effet, France Stratégie estime que ces deux dispositifs se sont révélés relativement inefficaces. À l'en croire, le CIR n'a pas eu "d'effet économique significatif en ce qui concerne les entreprises de taille intermédiaire et les grandes entreprises", alors que ce sont ces dernières qui en ont le plus bénéficié. Quant au CICE, il aurait permis la création d'environ 100 000 emplois par an, ce qui, toujours selon France Stratégie, "est faible rapporté [à son] coût, de l'ordre de 18 milliards d'euros en 2016".
Dans la mesure où vous avez déjà partiellement répondu aux questions relatives à ces deux crédits d'impôt, je vous interrogerai plus généralement sur les aides allouées à nos TPE-PME. Ma question est simple : quand remettrons-nous à plat le CIR et le CICE afin de les réserver aux entreprises qui en ont réellement besoin, c'est-à-dire les TPE-PME ?
Vous n'ignorez pas que la principale difficulté des petites entreprises est de pouvoir accéder aux aides. Nous l'avons vu durant la crise sanitaire et, à cet égard, je ne saurai trop vous recommander de vous appuyer, comme nous l'avions fait à Béziers, sur le réseau des experts-comptables, qui sont les plus fins connaisseurs de notre tissu économique.
Que prévoyez-vous pour privilégier nos TPE-PME dans l'accès aux aides publiques – je ne parle pas ici de l'accès des aides relatives à l'énergie, que vous avez détaillées – et pour simplifier au maximum les procédures et la diffusion des informations nécessaires pour en bénéficier ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué.
J'ai en effet l'impression que nous sommes dans Un jour sans fin et cette configuration me rappelle l'époque où je présidais la commission des affaires économiques : vous étiez déjà non inscrite et – c'est le lot des députés dans cette situation – vous parliez en dernier, en me reprochant gentiment d'avoir déjà répondu aux questions.
En l'occurrence, je me suis déjà amplement exprimé sur le crédit d'impôt recherche.
S'agissant du CICE, vous avez raison, et si nous l'avons supprimé, c'est en raison de sa complexité et de ses résultats décevants en matière de création d'emplois. Nous l'avons transformé en allègement de charges pérenne, allègement qui permet de réduire le coût du travail et qui, je le crois, contribue au niveau historiquement bas du taux de chômage.
En ce qui concerne les PME, je vous rejoins sur la nécessité de les soutenir dans l'accès aux aides. Vous avez évoqué les experts-comptables : sachez que la direction générale des entreprises à Bercy en anime un réseau et que ceux-ci, vous l'avez dit, sont présents auprès des TPE-PME pour leur faire bénéficier de leur expertise et les accompagner dans l'accès aux aides aux entreprises.
Quant à la nécessité de prioriser les TPE et les PME dans l'accès aux aides, nous en sommes tout à fait conscients. Vous le savez, le Président de la République a demandé qu'au moins 50 % des fonds du plan France relance soient consacrés aux petites et moyennes entreprises. À cet égard, sur les engagements déjà enregistrés au titre de l'année 2022, qui sont de l'ordre de 11 milliards d'euros, 60 % ont bénéficié aux TPE-PME, ce qui constitue un premier succès.
Nous nous assurerons qu'il en reste ainsi et que les petites et moyennes entreprises de nos territoires bénéficient de ces aides qui, je le répète, visent à construire la France de demain et d'après-demain et qui, je le répète également, sont conditionnées.
Mme la présidente.
Le débat sur les aides publiques aux entreprises est clos.
Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 13 janvier 2023