Déclaration de Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels sur le thème "Mieux rémunérer le travail en France : la nécessité d'un Grenelle sur les salaires", au Sénat le 10 janvier 2023.

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  • Carole Grandjean - Ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels

Circonstance : Débat organisé à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain "Mieux rémunérer le travail en France : la nécessité d'un Grenelle sur les salaires", au Sénat le 10 janvier 2023

Texte intégral

M. le président. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, sur le thème "Mieux rémunérer le travail en France : la nécessité d'un Grenelle sur les salaires".

(…)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, notre débat se tient à peine neuf mois après le début de la crise la plus profonde que l'Europe et le monde aient connu depuis la Seconde Guerre mondiale.

De fait, l'agression russe a replongé l'économie mondiale dans de nouvelles incertitudes. La guerre en Ukraine a attisé la crise énergétique et fait s'envoler les prix des matières premières. Aussi, malgré les efforts de chacun, l'inflation a rejoint les sommets où nous l'avions laissée à la fin des années 1980, ravivant le spectre d'une inflation autoentretenue par une boucle prix-salaire.

C'est dans ce contexte troublé que la question du pouvoir d'achat s'est naturellement installée au cœur du débat public, ce qui nous amène aujourd'hui à nous interroger sur des questions fondamentales de répartition.

La rémunération du travail est-elle juste et suffisante ? Le partage de la valeur, entre le capital et le travail, est-il satisfaisant ? Faisons-nous assez pour garantir que les salaires permettent une vie décente, même à ceux qui dépendent de faibles revenus ? Voilà les questions de fond qui nous réunissent pour ce débat sur l'opportunité d'un Grenelle des salaires, dans la perspective de mieux rémunérer le travail en France.

Je remercie donc les sénatrices et sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain de nous donner ainsi l'occasion de nous saisir de cette question fondamentale. Je tiens aussi à excuser l'absence de M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, Olivier Dussopt.

J'aimerais d'abord dresser un tableau objectif de l'évolution récente des salaires et du pouvoir d'achat en France.

Rappelons en premier lieu que la France a le système le plus protecteur d'Europe pour les bas salaires.

Notre pays est une exception européenne, non seulement parce que tous les États membres de l'Union européenne n'ont pas mis en place de salaire minimal universel, mais aussi parce que cinq pays seulement ont instauré un mécanisme d'indexation automatique du salaire minimal, garantissant qu'il soit aussi stable que possible en termes réels, et donc en pouvoir d'achat.

Le mécanisme français d'indexation du salaire minimal est protecteur à trois égards.

D'abord, il est indexé sur l'indice des prix à la consommation pour les 20 % des Français les plus modestes, pour lesquels l'énergie constitue une part importante des dépenses. Cela permet mécaniquement de surindexer le Smic par rapport au reste de la population.

Ensuite, en plus de l'inflation, le Smic est augmenté chaque année de la moitié du gain moyen de pouvoir d'achat des employés et ouvriers, de sorte à aussi prendre en compte le mouvement des autres salaires.

Enfin, la revalorisation du Smic intervient tous les ans au 1er janvier, mais également en cours d'année dès que la hausse des prix depuis la dernière revalorisation atteint 2 %, ce qui permet de limiter les périodes pendant lesquelles l'inflation rogne sur le pouvoir d'achat du Smic.

Ce mécanisme, auquel s'ajoutent les dispositions du code du travail sur la négociation salariale, mais aussi, parfois, d'amicales invitations du Gouvernement à négocier sur les salaires, entraîne une diffusion progressive des revalorisations. La direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) estime ainsi qu'entre septembre 2021 et septembre 2022, période pendant laquelle le Smic a connu une hausse historique, le salaire mensuel de base a augmenté de 4,4 % pour les ouvriers, de 4,6 % pour les employés, et de 2,7 % pour les cadres.

Rappelons ensuite que le Gouvernement a mis en place depuis le début de la crise énergétique, à l'été 2021, une série de mesures protégeant le pouvoir d'achat.

L'énergie est l'un des postes de dépenses les plus contraints, qui pèse d'abord sur les ménages les plus modestes. C'est pourquoi le Gouvernement a mis en place un bouclier tarifaire d'une ampleur sans précédent, qui a consisté à plafonner le prix du gaz et de l'électricité et à financer une prime à la pompe.

Ces mesures massives et généralisées ont eu un effet très important sur le taux d'inflation en France, qui est quasiment le plus bas d'Europe. Au mois de décembre dernier, il représentait près de la moitié de celui de l'Italie et était inférieur de trois points à celui de l'Allemagne. De même, l'État a allégé de 11 milliards d'euros les dépenses en énergie des entreprises.

Je tiens à rappeler ces chiffres, car ils permettent de mesurer à quel point, grâce aux lois que vous avez votées au mois d'août dernier, nos concitoyens ont été protégés comme dans nul autre pays en Europe.

Rappelons enfin l'existence des comités des salaires, leur utilité et la fréquence de leurs réunions.

La valeur travail est au cœur de notre projet. Toutefois, si la valorisation du travail passe aussi par une hausse des salaires, soyons clairs : ce n'est pas à l'État d'en décréter l'ampleur. C'est par le dialogue social, à l'échelon des branches et des entreprises, que les mouvements de salaires se décident. L'État doit y accorder une attention soutenue et peut, parfois, faciliter les négociations, mais il ne doit en revanche jamais se substituer à l'une des parties.

L'équilibre dans la concertation est, à n'en pas douter, la méthode qui a le plus contribué à penser, à construire et à transformer notre pacte social.

Le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion préside ainsi le comité de suivi des salaires, qui réunit chaque semestre l'ensemble des organisations patronales et syndicales pour dresser un bilan des négociations salariales dans les 171 principales branches. Le dernier a eu lieu au mois de novembre 2022. Compte tenu de la forte inflation que nous connaissons depuis plus d'un an, il a notamment visé à vérifier la conformité au Smic des minima de chacune de ces branches.

Ce comité démontre que le choix de la concertation est payant. Le nombre de branches qui affichent, de manière structurelle, des minima inférieurs au Smic est passé de 112 à 57 entre mai et décembre 2022. En novembre dernier, seules quatre branches étaient dans une situation de non-conformité depuis plus d'un an, contre une vingtaine en moyenne auparavant.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l'idée d'un Grenelle des salaires convoque immédiatement l'imaginaire des négociations glorieuses qui ont fait l'histoire de la gauche – je pense notamment au Grenelle de 1968 –-, lesquelles ont été autant de pierres ajoutées à notre système social si protecteur, si envié et auquel nous sommes, à raison, si attachés. Néanmoins, ce sont là des souvenirs d'un temps où l'économie était radicalement différente de celle d'aujourd'hui.

Cette nostalgie d'un temps où l'État et les partenaires sociaux pouvaient décréter une hausse globale de tous les salaires n'est probablement pas une boussole actuelle pour les politiques publiques. À cette époque, chaque salaire était encadré par des grilles, le chômage ne dépassait pas quelques pourcents et la croissance, comme la productivité du travail, progressait chaque année à un rythme effréné. Vous pouvez certes le regretter, mais telle n'est plus notre réalité.

Alors un Grenelle des salaires, pour quoi faire, mesdames, messieurs les sénateurs ? Pour instaurer un comité de suivi des salaires à côté de celui qui existe déjà ? Je pense vous avoir montré la dynamique de notre démocratie sociale décentralisée et la force et l'efficacité des actions du Gouvernement en faveur du pouvoir d'achat.

À ce stade, le Gouvernement fait le choix de poursuivre le dialogue dans le cadre du comité de suivi, dont nous observons les effets.


- Débat interactif -

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.

Le Gouvernement dispose pour répondre d'une durée équivalente. Il aura la faculté, s'il le juge nécessaire, de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L'auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Franck Menonville.

M. Franck Menonville. Madame la ministre, le marché du travail doit aujourd'hui faire face à deux problèmes.

Le premier est le différentiel trop important entre salaire net et salaire brut. En effet, le salaire brut engendre un coût du travail trop élevé pour nos entreprises et un salaire net trop bas pour nos salariés, ce qui ne valorise pas assez le travail.

Le second réside dans la difficulté chronique des entreprises à recruter, quel que soit leur secteur d'activité, et ce alors que notre taux de chômage demeure l'un des plus élevés d'Europe. Plusieurs causes expliquent cette difficulté.

Certains chômeurs ont ainsi des problèmes de mobilité, d'autres sont dans des situations personnelles complexes – je pense aux publics très éloignés de l'emploi. Nous le constatons tous les jours sur le terrain, dans nos territoires. Enfin, il existe aussi des freins au travail, qui n'encouragent pas suffisamment le retour à l'emploi.

Nous avons récemment adopté un projet de loi visant à réformer l'assurance chômage. Les règles d'indemnisation sont désormais plus strictes et incitent davantage au retour à l'emploi.

Il nous reste toutefois un long chemin à parcourir avant d'atteindre notre objectif de retour au plein emploi. Il nous faudra sans doute défendre et mettre en œuvre de nouvelles mesures pour continuer de mieux valoriser le travail.

Il faut créer un cercle vertueux, car plus les gens travaillent, plus le volume de cotisations augmente et plus le volume des indemnisations diminue.

Je l'ai dit d'emblée, il est nécessaire de rémunérer le travail, mais cela ne doit pas se faire au détriment de la compétitivité des entreprises en augmentant le coût de la main-d'œuvre.

Madame la ministre, quelle stratégie comptez-vous mettre en œuvre pour réduire l'écart entre le salaire brut et le salaire net ? Quelles sont vos hypothèses de travail ? Comment accompagner une meilleure valorisation du travail dans notre pays et rétablir la valeur travail ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels. Monsieur le sénateur Menonville, vous demandez comment augmenter les salaires nets sans augmenter les salaires bruts.

Le Gouvernement considère bien sûr qu'il faut soutenir les salaires. C'est une condition absolue pour parvenir au plein emploi, comme vous l'avez très justement rappelé.

L'État soutient les salaires au moyen de plusieurs dispositifs. Il a ainsi instauré la prime de partage de la valeur (PPV), que près de 5 millions de personnes ont perçue entre 2018 et 2020, pour un montant compris entre 2 et 3 milliards d'euros. En 2022, cette prime a été étendue aux salariés gagnant jusqu'à 3 000 euros, voire jusqu'à 6 000 euros sous certaines conditions. En cumul, 2,4 milliards d'euros ont ainsi été distribués en 2022 au titre de la prime de partage de la valeur, auxquels il faut ajouter 0,9 milliard au titre de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (Pepa), en vigueur jusqu'au mois de mars.

La prime d'activité a été pour nous un autre levier. Un salarié au Smic à temps complet perçoit un supplément de 225 euros, soit un revenu net de 1 578 euros, alors que le montant net du Smic s'établit à 1 353 euros.

Enfin, un processus de revalorisation du Smic extrêmement protecteur a été mis en œuvre. La France est l'un des pays, avec les pays du Nord, où les inégalités de salaires sont les plus faibles. En 2018, les différences constatées entre salaires bruts étaient de l'ordre de 3, contre 3,2 aux Pays-Bas, 3,6 en Allemagne et 3,4 en Espagne.

Je pense que nous pouvons dire que les inégalités de salaires ont très peu progressé en France au cours des vingt-cinq dernières années. C'est là un encouragement au retour vers l'emploi.

Entre 1996 et 2020, le salaire médian, en euros constants, a augmenté de 16 %. Les revenus du premier décile et du neuvième décile ont augmenté respectivement de 18,5 % et de 19 %. C'est là aussi un signe d'adéquation entre les différents niveaux de salaires. La politique de soutien des salaires est donc pertinente.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la ministre, cela fait deux ans maintenant que l'inflation rogne le pouvoir d'achat des Français, notamment des ménages les plus pauvres.

L'indice des prix à la consommation harmonisé a augmenté de près de 6,7 % au mois de décembre, soit plus que dans certains pays européens, comme l'Espagne.

En 2023, l'Insee prévoit 7 % d'inflation au premier semestre, une augmentation des prix de l'alimentation de 13 % et un recul du revenu disponible brut et du pouvoir d'achat. De même, selon l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le pouvoir d'achat par unité de consommation va continuer de s'affaisser, portant la baisse à 1,4 % sur deux ans, soit la plus forte depuis quarante ans. Il précise qu'aucune valorisation, ni du Smic ni des aides, ne parvient à compenser cette perte.

La situation est d'autant plus intenable pour les ménages ruraux comme pour les plus pauvres que l'énergie et l'alimentation constituent des postes de dépenses plus importants que pour la moyenne des Français. Ces ménages subissent de plein fouet l'explosion des prix de l'alimentation, notamment des premiers prix des produits de base, qui ont augmenté de 16 % en moyenne dans les grandes surfaces. Ainsi, l'évolution du Smic sur un an ne compense pas l'explosion de ces postes de consommation.

Des politiques publiques sont nécessaires. Il faut provoquer des négociations salariales de branche et mettre fin aux coefficients immergés, aider les TPE (très petites entreprises) à supporter les coûts auxquels elles font face en redéployant les aides, qui bénéficient surtout aux grands groupes. Enfin, il convient de bloquer les prix des produits de première nécessité.

Pourquoi ne pas revaloriser sensiblement le Smic, lui donner "un coup de pouce" ? Une telle hausse a un effet d'entraînement avéré sur les bas salaires.

Madame la ministre, plutôt que d'adopter des postures idéologiques, quand les services de l'État nous fourniront-ils des études sérieuses sur l'effet positif de l'augmentation du Smic dans la formation des salaires, afin de sortir la France de la déflation salariale ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels. Madame la sénatrice Poncet Monge, je pense vous apporter le maximum d'éléments chiffrés, tirés d'études sérieuses, à l'appui de chacune de mes interventions. À cet égard, selon les conclusions des travaux récents d'un groupe d'études, accéder à votre demande aurait un effet contraire à celui que vous recherchez.

D'après l'OCDE, à la fin de l'année 2022, le pouvoir d'achat des ménages serait de 2 % supérieur au niveau de la fin de l'année 2019, quand il aurait diminué de 4 % en Allemagne et au Royaume-Uni.

Diverses dispositions ont permis d'atteindre ce résultat : la revalorisation du Smic, bien évidemment, mais aussi la hausse du nombre de créations d'emplois. Ainsi, 420 000 emplois devraient avoir été créés sur l'ensemble de l'année 2022, dont 360 000 au cours des trois premiers trimestres. Ce résultat s'explique également par l'efficacité des mesures de pouvoir d'achat votées en 2022.

Grâce au Smic, qui est un système protecteur, le salaire réel des ouvriers et des employés a très peu baissé. L'année dernière, la hausse annuelle du salaire minimum des ouvriers et des employés a été d'environ 4,5 %, contre 2,8 % pour les salaires des cadres et des professions intermédiaires. Le salaire réel des ouvriers et des employés a baissé de 1,2 % environ, celui des cadres et des professions intermédiaires de 3 %.

Ces mesures visent à répondre à l'enjeu de pouvoir d'achat que vous évoquez. Elles sont efficaces, chiffrées et objectives.

M. le président. La parole est à M. Michel Dagbert.

M. Michel Dagbert. Madame la ministre, la retraite est aujourd'hui au cœur de toutes les discussions. Cependant, et nous le savons tous, le débat sur ce sujet ne doit en aucun cas réduire l'attention que nous portons au travail et aux travailleurs dans notre pays, tout particulièrement à la question de leurs salaires.

C'est d'ailleurs dans cette optique que le Gouvernement, et notamment votre ministère, prend depuis plus de cinq ans diverses mesures pour parvenir au plein emploi. Un objectif qui reste à atteindre, mais devenu atteignable.

Si l'accès au travail est au cœur de nos politiques publiques, faire de ce dernier un vecteur d'épanouissement pour le plus grand nombre l'est tout autant.

Par le travail, notre pays saura faire face aux périodes de crise telles que celles que nous traversons actuellement, comme il l'a fait dans le passé. Il sera également mieux armé pour affronter celles qui seraient à venir.

Mais le travail doit aussi, et surtout, assurer à chacun un salaire lui permettant de vivre décemment. Tel est l'objet du comité de suivi des salaires, dont la dernière réunion, présidée par le ministre Dussopt, a eu lieu au mois de juillet dernier.

À cette date, 112 branches sur les 171 suivies affichaient encore des minima inférieurs au Smic. Ce nombre est cependant en baisse par rapport au 1er mai, plus de trente branches étant parvenues depuis lors à proposer des salaires supérieurs ou égaux au Smic, preuve du rôle clef de ces négociations.

Cette forme de concertation se révèle donc la plus utile, car respectueuse du paritarisme.

Depuis la dernière réunion de suivi, avez-vous des retours, madame la ministre, concernant l'avancement de ces négociations de branche ? Pouvons-nous espérer une résorption totale des situations dans lesquelles les minima de branche sont inférieurs au Smic et à quelle échéance ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels. Monsieur le sénateur, comme vous, nous souhaitons un suivi régulier des négociations salariales de branche.

Le comité de suivi des salaires se réunit deux fois par an afin d'inciter les 171 branches du secteur général à engager des discussions. Il s'agit de s'assurer que les branches mettent en œuvre des minima d'un montant équivalent au Smic.

L'augmentation passagère du nombre de branches dont les minima sont en dessous du Smic n'est pas un problème, même si elle suscite des interrogations. La plupart des branches se sont adaptées au rythme de l'inflation, ce qui constitue une véritable évolution.

Les revalorisations du 1er août et du 31 décembre 2022 ont permis de réduire le nombre de branches en situation de non-conformité, passé de 143 à 57. Cela illustre bien le dynamisme de la négociation de branche, à laquelle nous sommes attachés.

Après la revalorisation du Smic, qui a eu lieu au 1er janvier 2023, de nouvelles branches vont mécaniquement devoir effectuer un travail de mise en conformité : 133 d'entre elles sont désormais en situation de non-conformité, 77 ayant été rattrapées par la hausse du Smic du 1er janvier 2023. Elles ont quarante-cinq jours pour engager des négociations et se mettre en conformité.

Nous avons évidemment confiance dans le dialogue social, les branches ayant l'habitude de négocier et de conclure des accords salariaux.

Je tiens à souligner que le nombre de branches affichant de manière structurelle des minima inférieurs au Smic est particulièrement faible, comme je l'ai souligné dans mon propos liminaire. Elles sont quatre désormais, et ce depuis plus d'un an. Nous sommes évidemment vigilants et nous travaillerons avec elles, mais une vingtaine de branches sont habituellement dans cette situation ; nous assistons donc à une véritable évolution à cet égard.

J'y insiste, nous faisons confiance aux partenaires sociaux et à leur capacité à faire de la négociation collective un réel outil de progrès.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet.

Mme Isabelle Briquet. Madame la ministre, la question des salaires ne peut s'envisager sans évoquer celle du salaire différé, qui regroupe les indemnisations chômage, les cotisations d'assurance maladie, de retraite, en d'autres termes les cotisations sociales. Ce salaire fait donc intégralement partie de l'attractivité des métiers, notamment des plus pénibles d'entre eux.

Ce concept économique est déjà bien connu du Gouvernement puisque nous aurons examiné pas moins de deux textes sur ces sujets depuis le début de la session parlementaire : la deuxième réforme de l'assurance chômage et la réforme des retraites, présentée aujourd'hui même.

Cette part de salaire semble n'être pour le Gouvernement qu'une simple marge de manœuvre économique. Or les cotisations sociales sont essentielles au bon fonctionnement de nos caisses d'assurance collective et constituent le ciment de la solidarité intergénérationnelle dans notre pays.

L'entêtement idéologique libéral et la flexibilisation du marché du travail ont conduit à une réduction de la part consacrée aux cotisations sociales dans les salaires, comme en attestent la facilité avec laquelle le Gouvernement met régulièrement en œuvre des exonérations de cotisations ou encore l'instauration de primes financées par la TVA et la contribution sociale généralisée (CSG), donc par les travailleurs eux-mêmes.

Ces exonérations représentent bel et bien des baisses de salaire, qui mettent à mal notre système collectif et solidaire de protection sociale.

Madame la ministre, notre système de protection sociale lié au travail mérite d'être renforcé. Dans une perspective de justice sociale et d'attractivité des métiers pénibles, quelle est votre position sur le salaire différé ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels. Madame la sénatrice, ces exonérations ont eu un effet sur les créations d'emplois et ont été dûment compensées par l'État. Elles ont permis de créer plus de 1,5 million d'emplois. C'est l'un des leviers que j'évoquais en faveur du pouvoir d'achat.

Le travail est au cœur de notre projet politique. C'est évidemment par le travail que l'individu acquiert du pouvoir d'achat et trouve sa place dans la société.

Ces exonérations, je le répète, sont un levier qui ont permis des créations d'emplois en volume, ce qui est une véritable source de satisfaction.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour la réplique.

Mme Isabelle Briquet. Madame la ministre, je vous ai bien écoutée, mais je ne suis pas sûre que vous ayez répondu à ma question ! (Marques d'approbation sur les travées du groupe SER.)

Le travail, madame la ministre, doit être émancipateur et le droit du travail et le système social doivent être protecteurs. Notre système social ne doit pas servir à maintenir des travailleurs dans la pauvreté. On parle non pas d'emploi aujourd'hui, mais de cotisations sociales. J'aurais aimé une réponse un peu plus précise à ma question. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Je tiens tout d'abord à remercier le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain d'avoir pris l'initiative de ce débat.

Madame la ministre, dans un contexte de forte inflation, de nombreuses luttes ont lieu dans les entreprises afin d'obtenir des augmentations de salaire et de rattraper les pertes de pouvoir d'achat. Il n'est pas acceptable, dans la septième puissance économique du monde, de ne pouvoir vivre dignement de son travail. Or c'est bien ce qui se passe, madame la ministre !

Selon le dernier rapport de l'Observatoire des inégalités, le nombre de travailleurs pauvres en France est supérieur à un million. Rémunérés bien souvent au Smic, de nombreux salariés subissent des contrats précaires et des temps partiels imposés. Les femmes sont particulièrement touchées par ce phénomène : elles représentent 60 % des salariés au Smic et occupent 80 % des emplois à temps partiel, et même 97 % des emplois d'aide à domicile.

Le 29 juillet dernier, Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demandait à toutes les entreprises qui le peuvent d'augmenter les salaires. Elles n'ont visiblement pas répondu à cette invitation puisque les salaires n'ont progressé que de 2,5 % en 2022, comme vous l'avez souligné, madame la ministre. C'est très en dessous de l'inflation – faut-il vous le rappeler ? –, qui s'est envolée deux fois plus vite.

Les seules augmentations significatives qui ont eu lieu en 2022 sont celles des dividendes, qui ont progressé de 32 % au deuxième trimestre pour atteindre 44 milliards d'euros. Quelle différence !

Madame la ministre, quand allez-vous revaloriser les salaires, en particulier ceux des 120 branches professionnelles dans lesquelles le salaire minimum est inférieur au Smic ? Quand allez-vous revaloriser de 10 points le montant des traitements des agents des trois fonctions publiques et indexer le point d'indice sur l'inflation ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels. Je commencerai par rappeler un principe de base, madame la sénatrice : ce n'est pas l'État qui décide du montant des salaires.

Je rappellerai ensuite que, selon le rapport que Christine Erhel et Sophie Moreau-Follenfant ont remis à la ministre du travail en décembre 2021, ce sont les conditions de travail les plus morcelées qui créent la pauvreté : horaires atypiques, temps partiels, successions de contrats courts…

En 2019, le taux moyen de pauvreté était de 14,6 % dans l'ensemble de la population et de 6,9 % chez les seuls salariés. Ce taux était de 15,1 % pour les salariés à temps partiel. Il s'élevait même à 24 % pour les salariés à temps partiel dont la quotité de travail était inférieure ou égale à 50 % d'un temps plein. C'est très frappant.

Je rappelle encore une fois que, à la fin de l'année 2022, le pouvoir d'achat des ménages était de 2 % supérieur au niveau de la fin de l'année 2019, sous l'effet conjugué de la hausse du Smic, de l'augmentation des créations d'emplois et des mesures en faveur du pouvoir d'achat votées en 2022. Notre système protecteur du Smic est un atout.

Enfin, je le redis, le salaire horaire net moyen atteignait 16,3 euros en 2020. Le premier décile est à 1 343 euros mensuels, le neuvième à 4 033 euros. Seulement 1 % des Français gagnent plus de 9 638 euros par mois. La médiane, qui se situe à 2 500 euros, est relativement constante.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.

Mme Laurence Cohen. Le Smic, au 2 décembre 2022, s'élevait à 1 329,05 euros. C'est très compliqué de vivre avec un tel salaire.

Il est de votre responsabilité de faire appliquer la loi, madame la ministre, notamment l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, ce qui est loin d'être le cas. Cela permettrait pourtant d'accroître les ressources de notre caisse de sécurité sociale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno.

M. Olivier Henno. Madame la ministre, j'aborderai une question qui me tient particulièrement à cœur et qui devrait être, à mon sens, une priorité nationale : la revalorisation du salaire des professeurs et des enseignants.

Je rappellerai d'ailleurs opportunément que le Président de la République, durant sa campagne électorale, s'était engagé à revaloriser d'environ 10 % les salaires des enseignants, et ce de manière inconditionnelle.

Une telle revalorisation devrait être une priorité nationale. Malheureusement, force est de constater que tel n'est toujours pas le cas. Or un pays qui n'investit pas dans l'éducation est promis au déclin. Cette phrase sonne comme une évidence. Les alertes sont nombreuses : le nombre de candidats au certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (Capes) a été divisé par quatre en dix-sept ans et il est désormais inférieur au nombre de postes ouverts aux concours.

Par ailleurs, le niveau d'ensemble des élèves français ne cesse de baisser, comme l'a reconnu le ministre de l'éducation nationale.

Enfin, les comparaisons salariales avec les autres pays européens sont éclairantes : en quinze ans, les salaires des professeurs ont augmenté de 30 % en Allemagne, par exemple, quand ils ont stagné chez nous.

Madame la ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement en matière de revalorisation des salaires des professeurs ? Des discussions sont-elles ouvertes avec les syndicats ? Quel est le calendrier du Gouvernement ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels. Monsieur le sénateur Henno, nous partageons bien sûr pleinement votre conviction et vos préoccupations concernant l'attractivité du métier d'enseignant, la juste reconnaissance de leur engagement et de leur place au sein de notre système éducatif.

Un point ne fait plus débat : si on la compare avec celle d'autres pays à l'échelle internationale, voire avec celle du reste de la fonction publique en France, la rémunération de nos enseignants est peu conforme à leur niveau de diplôme, d'engagement et de responsabilité.

C'est pourquoi le Président de la République s'était engagé, au cours de sa campagne électorale, à poursuivre la revalorisation engagée dans le cadre du Grenelle et à augmenter la rémunération des enseignants "d'environ 10 % par rapport au statu quo ante pour nos enseignants et là, de manière totalement inconditionnelle", engagement qu'il a réitéré devant tous les cadres de l'éducation nationale lors de la grande réunion de rentrée du 25 août 2022 à la Sorbonne. C'est ce que nous appelons souvent dans nos échanges, parfois un peu techniques, le "socle" de la revalorisation.

À ce même socle viendra s'ajouter un pacte avec les enseignants qui s'engageront à réaliser des missions supplémentaires et à effectuer de nouvelles tâches rémunérées. Cette rémunération supplémentaire pourra représenter une augmentation de 20 %.

Ces deux volets sont indissociables, car notre objectif est double : revaloriser nos professeurs, mais aussi transformer notre école en nous appuyant sur le pacte. Il s'agit de mieux reconnaître des missions, dont certaines sont déjà effectuées par nos enseignants, et d'en encourager de nouvelles.

Cette hausse et ces différentes mesures seront mises en œuvre à partir du mois de septembre 2023. Nous sommes actuellement en concertation avec les partenaires sociaux.

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour la réplique.

M. Olivier Henno. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.

C'est bien l'État qui décide de la hausse des salaires des enseignants, contrairement à d'autres professions. Avec ma question, je tenais à insister sur l'urgence de revaloriser le salaire de celles et ceux qui exercent ce beau métier.

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Christian Bilhac. Madame la ministre, le 1er juin 1968, les accords de Grenelle entérinaient une augmentation de 10 % des salaires des Français et une hausse du Smig (salaire minimum interprofessionnel garanti) de 35 % à Paris et 38 % en province. Vous l'avez dit, c'est de l'histoire ; les temps ont changé, et les salariés s'en sont aperçus !

Les salariés modestes, notamment les ouvriers ou employés, ont vu au fil des années leur situation financière se dégrader, à mesure que disparaissaient plusieurs aides, ce dont je ne vous fais pas porter la responsabilité.

Je pense à la perte des aides personnelles au logement (APL) pour les locataires et les propriétaires ou à la suppression de la déductibilité des intérêts d'emprunt pour l'acquisition de la résidence principale. Je pense aussi à l'augmentation du coût des mutuelles de santé, avec les déremboursements décidés par la sécurité sociale. Je pense enfin à la disparition des aides versées autrefois par la caisse d'allocations familiales (CAF) pour les vacances ou la rentrée scolaire.

Qu'ont-ils fait pour mériter cela, tous ces travailleurs qui se lèvent tôt le matin ? Aujourd'hui, l'écart se resserre entre les bas salaires et les minima sociaux, malgré la prime d'activité. Avec le retour de l'inflation, les salaires réels diminuent. Il devient urgent d'indexer les salaires sur les prix.

Une négociation doit s'ouvrir avec les partenaires sociaux pour revaloriser les salaires au bénéfice des plus précaires, des emplois les plus utiles et les plus pénibles.

Vous me répondrez sans doute, comme le ministre de l'économie et des finances, que cela entraînerait une augmentation de l'inflation. Mais ne peut-on pas faire le même effort pour les travailleurs que pour les banquiers, dont les taux d'intérêt ont été alignés sur l'inflation ?

Madame la ministre, même si vous avez déjà répondu dans votre propos liminaire, je vous repose la question : comptez-vous organiser une conférence sur les salaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels. Monsieur le sénateur Bilhac, je crois en effet avoir déjà répondu à cette question dans mon propos liminaire. Le comité de suivi, présidé par M. le ministre du travail, Olivier Dussopt, se réunit deux fois par an pour accompagner les branches dans la revalorisation de leurs grilles salariales. Il se concentre naturellement sur le cas des branches qui n'ont pas procédé à une revalorisation depuis longtemps faute d'une dynamique suffisante ; je pense aux pompes funèbres ou aux casinos.

Je rappelle que nous avons pris de nombreuses mesures visant à favoriser le pouvoir d'achat. La loi de finances pour 2023 prolonge le bouclier tarifaire jusqu'au 30 juin 2023. La hausse des tarifs du gaz est limitée à 15 % à compter du 1er janvier 2023 et celle de l'électricité l'est à compter du 1er février 2023. Ces mesures ont un impact très concret sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Ainsi, l'augmentation moyenne des factures sera de 25 euros par mois pour les ménages qui se chauffent au gaz, au lieu des 200 euros par mois sans le bouclier tarifaire. Pour les ménages se chauffant à l'électricité, l'augmentation sera de l'ordre de 20 euros par mois contre 180 euros sans le bouclier tarifaire.

Le comité de suivi vise évidemment un ajustement à l'augmentation du Smic, mais nous prenons aussi de nombreuses mesures en faveur du pouvoir d'achat des Français pour les accompagner dans cette période d'inflation.

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny.

Mme Pascale Gruny. Je reviens sur l'engagement de campagne, déjà rappelé par Olivier Henno, du candidat Macron, qui avait promis une augmentation de 10 % pour tous les enseignants, sans aucune contrepartie, dès le mois de janvier 2023.

La semaine dernière, nous avons assisté à un certain cafouillage. Le ministre Pap Ndiaye a en effet déclaré : "Nous n'avons jamais dit cela." Le ministère a tenté laborieusement de se rattraper en repoussant l'augmentation au mois de septembre, sans préciser comment elle serait mise en œuvre ni à qui elle profiterait.

Alors que le candidat Macron promettait une hausse générale, le ministère parle aujourd'hui de 10 % d'augmentation en moyenne des rémunérations. Or ce n'est pas pareil qu'augmenter chaque enseignant de 10 % ! Cette hausse devait aussi être inconditionnelle. Elle serait désormais liée à l'accomplissement de tâches nouvelles… C'est flou, donc il y a un loup !

Pouvez-vous nous dire clairement si le Président de la République sera en mesure de tenir sa promesse de campagne, toute sa promesse de campagne ? Et si oui, à quelle échéance ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels. Madame la sénatrice Gruny, l'engagement et la place des enseignants dans notre système éducatif, ainsi que l'importance des responsabilités qu'ils exercent ont été plusieurs fois soulignés par le Président de la République durant sa campagne.

Lors de la réunion de rentrée des cadres, le 25 août dernier en Sorbonne, le Président de la République a exprimé sa volonté d'organiser une augmentation de la rémunération d'environ 10 %, de manière totalement inconditionnelle. Il s'agit là de ce que nous appelons la revalorisation-socle de 10 %, pour certains enseignants.

S'y ajoutera le pacte, que le Président de la République a expliqué en Sorbonne. En plus de missions que certains enseignants exercent déjà, ils pourront en proposer d'autres, dans le cadre du Conseil national de la refondation ou de concertations locales, par exemple sur des projets d'établissement. Les enseignants auront donc l'occasion de déployer de nouvelles missions pour accompagner la réussite et le développement des élèves et améliorer les conditions d'exercice pour les professeurs eux-mêmes et les équipes pédagogiques. Dans le cadre du pacte, une rémunération supplémentaire sera proposée, ce qui pourra porter l'augmentation jusqu'à 20 %.

Ces deux axes ont été tracés par le Président de la République depuis plusieurs mois déjà. Ils font actuellement l'objet de concertations avec les partenaires sociaux. L'objectif est de déployer les mesures au mois de septembre 2023.

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.

Mme Pascale Gruny. J'ai bien entendu qu'il n'y aurait pas 10 % pour tout le monde, puisque vous avez parlé de certains enseignants… Avec le pacte viennent des conditions : cela ne correspond pas à la promesse de campagne, qui était donc un mensonge.

Vous parlez d'une augmentation. Si elle était de 10 %, elle coûterait 3,6 milliards d'euros pour une année pleine. Or le budget de 2023 ne prévoit que 1,9 milliard d'euros en année pleine, auxquels s'ajoutent 300 millions d'euros. Le compte n'y est pas. Qu'allons-nous faire ? Nous sommes déjà les derniers sur tout, avec le plus grand nombre d'élèves devant les enseignants, les enseignants les moins payés… Nous avons tout faux ! En plus, nos élèves ne sont pas les meilleurs ! Le "en même temps", le "quoi qu'il en coûte", c'est pour qui ? Ce ne sont que des mensonges ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. La conférence salariale que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain appelle de ses vœux doit aussi prendre en compte la dimension sociétale du travail et du rapport au travail de nos concitoyens.

La valeur travail repose sur une activité utile, qui fait sens pour celui qui l'exerce comme pour la société. Si elle est amenée à se transformer profondément, elle doit rester au centre du projet collectif national. C'est particulièrement vrai des jeunes travailleurs. C'est vrai aussi des métiers de première ligne, que nous avons tous salués pendant la pandémie, mais qui ont trop vite été oubliés depuis.

Pouvez-vous nous présenter les actions éventuelles que vous menez pour construire ou redonner à la valeur travail la place qui devrait être ou redevenir la sienne ? Auprès de qui menez-vous ces actions ? Comment ? Et quel résultat quantifiable ont-elles ? Il va de soi que le salaire est un moyen fondamental pour atteindre cet objectif, mais il ne me paraît pas être le seul.

Portez-vous une conception extensive de la notion de travail ? Le travail doit-il être limité aux formes qu'on lui connaît classiquement ? Ne faut-il pas le penser autrement, comme une contribution au service de la société et de sa cohésion ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels. Monsieur le sénateur, je tiens à vous remercier de cette question, qui me permet d'évoquer les travailleurs de la seconde ligne, dont nous avons déjà largement salué l'engagement, notamment durant la crise de la covid-19.

M. Franck Montaugé. De la première ligne !

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée. Je rappelle d'abord tout ce que le pays doit à ces 4 millions de travailleurs de la deuxième ligne : agents d'entretien, facteurs, hôtes de caisse, conducteurs de bus… Ils ont rendu possible la vie quotidienne de nos concitoyens pendant la crise.

M. Franck Montaugé. Ce n'est pas la question !

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée. J'ai évoqué tout à l'heure le rapport que Christine Erhel et Sophie Moreau-Follenfant ont remis au ministre du travail. Celui-ci a bien établi que ces salariés gagnaient 30 % de moins en moyenne que les autres. Je crois que cela répond bien à votre remarque. Ce rapport montre aussi que ces salariés ont des conditions de travail plus morcelées : horaires atypiques, temps partiels, succession de contrats courts…

En 2019, le taux moyen de pauvreté était de 14,6 % pour l'ensemble de la population, mais de 6,9 % pour les salariés. Le travail apparaît donc comme un antidote efficace contre la pauvreté.

Le taux de pauvreté est de 15,1 % pour les salariés à temps partiel, et il atteint même 24 % pour les salariés à temps partiel dont la quotité de travail est inférieure à 50 % du taux plein. Même si l'on augmentait les salaires, ce serait insuffisant. Pour ces salariés, la question est de pouvoir travailler à temps complet.

Il s'agit de créer les conditions permettant à ces travailleurs de trouver des contrats plus stables à temps complet. C'est un objectif majeur du Gouvernement. Pour l'atteindre, nous mettons en œuvre des programmes spécifiques dans le cadre de France Travail et nous incitons les entreprises à utiliser des contrats plus stables, notamment par la réforme du bonus-malus. (M. Ludovic Haye applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.

M. Franck Montaugé. Madame la ministre, sans remettre en question votre bonne volonté, je ne suis pas sûr que vous ayez bien compris ma question. (Sourires sur les travées du groupe SER.) Je vais donc essayer de l'illustrer.

Je suis de ces générations qui ont vécu – je pèse mes mots – le dédain, la dévalorisation des métiers manuels et des formations courtes.

Votre réponse est centrée sur la question des salaires. C'est l'un des aspects très importants du sujet. Mais votre propos n'a pas pris en compte le problème dans toute son ampleur.

Les enjeux de reconnaissance, et pas seulement par le salaire, sont considérables. Or votre gouvernement n'y fait aucunement face : aucun plan ne prend en compte cet aspect fondamental de la question. Je le regrette. Mais il n'est jamais trop tard. Je me tiens à votre disposition pour en discuter, madame la ministre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Jacquemet.

Mme Annick Jacquemet. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur le niveau de rémunération du travail des femmes.

Les données publiées par l'Insee en 2022 montrent tout le chemin qu'il reste à parcourir pour atteindre l'égalité économique et professionnelle entre les femmes et les hommes. Pour ne citer qu'un seul chiffre, en France, en 2019, le revenu salarial moyen des femmes était inférieur de 22 % à celui des hommes.

Sans remettre en cause la bonne volonté du Gouvernement pour agir sur le sujet, et malgré la lente décrue des inégalités salariales observée depuis vingt ans, un tel constat demeure inacceptable.

Outre la différence de volume de travail, les femmes étant plus souvent à temps partiel, cet écart de revenus s'explique aussi par le fait que les femmes n'occupent pas les mêmes emplois et ne travaillent pas dans les mêmes secteurs d'activité.

De plus, alors que le principe de l'égale rémunération des femmes et des hommes "pour un même travail" est inscrit dans le code du travail depuis 1972, des écarts de rémunération injustifiés persistent dans le secteur privé à poste équivalent et à compétences égales.

Si la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a instauré une obligation de résultat, avec la création de l'index de l'égalité professionnelle pour les entreprises d'au moins cinquante salariés, force est de constater que la situation est toujours loin d'être satisfaisante.

J'ajoute que ces inégalités de carrière et de salaires créent, voire amplifient d'autres inégalités, notamment au moment de la retraite, puisque les pensions de droit direct des femmes sont en moyenne inférieures de 40 % à celles des hommes.

Il me semble urgent d'envisager de nouvelles actions avec l'ensemble des acteurs économiques.

Madame la ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement pour remédier plus efficacement aux différences salariales entre les femmes et les hommes dans le monde du travail ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels. Madame la sénatrice Jacquemet, merci de cette question, qui nous permet d'aborder un sujet de société essentiel, sur lequel je vous sais extrêmement mobilisée. Je peux vous assurer également de notre engagement extrêmement convaincu.

Il est vrai que l'obligation d'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes existe depuis 1972 et qu'elle n'est toujours pas devenue réalité : l'écart de salaire inexpliqué entre les femmes et les hommes à travail égal est encore de 9 %. C'est pourquoi le Gouvernement a fait du sujet une grande cause nationale du quinquennat précédent, et de l'actuel.

Il a mis en place l'index de l'égalité professionnelle, qui pose une obligation de résultat, et non plus uniquement de moyens. C'est un changement majeur. Les premiers résultats montrent que cet index modifie les comportements, même si certains ne sont toujours pas à la hauteur des exigences législatives. Je pense notamment à l'obligation d'augmenter la rémunération des femmes à leur retour de congé maternité.

L'inspection du travail est largement mobilisée pour accompagner les entreprises. Si l'approche se veut dans un premier temps pédagogique, le recours aux sanctions va également s'accroître pour faire appliquer les obligations légales.

L'adoption en fin d'année dernière de la directive sur la transparence des rémunérations m'a réjouie, car cela renforcera encore l'exigence de transparence et de réduction de l'écart salarial entre les femmes et les hommes dans les entreprises.

Je rappelle également d'autres engagements que nous avons pris et qui me paraissent extrêmement forts, autour du compte personnel de formation : nous avons les mêmes droits à temps partiel qu'à temps complet. Mais souvent, les contrats courts et le temps partiel s'associent à des conditions de travail précaires.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée. Je rappelle enfin la mesure que nous avons prise sur les pensions alimentaires, et qui viendra en soutien du pouvoir d'achat. Nous partageons donc votre engagement.

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pascal Allizard. Madame la ministre, depuis plusieurs années, l'économie française est à la peine, et beaucoup de nos concitoyens éprouvent des difficultés pour s'en sortir au quotidien. Déjà, en 2018, les "gilets jaunes" alertaient l'opinion sur la paupérisation des territoires et de franges entières de la population : fractures territoriales et fractures sociales.

Au cours de mes déplacements sur le terrain, j'entends fréquemment – comme, je suppose, mes collègues – des agriculteurs, des artisans, des employés, me dire que le travail ne paie plus. Pourtant, ces acteurs économiques du territoire font partie de cette France qui se lève tôt et qui ne compte pas toujours ses heures, souvent dans des métiers ou des filières difficiles.

Le poids des normes et des charges laisse peu de marges de manœuvre pour investir sur l'avenir et augmenter les salaires. Et nous devons aussi rester compétitifs. Des secteurs entiers qui ne manquent pas d'activité peinent à recruter, notamment en raison des niveaux de salaire. Je pense aux soignants et aux enseignants, pourtant si nécessaires, dont les métiers n'attirent plus les jeunes.

La crise sanitaire, la guerre en Ukraine ont conduit à des bouleversements supplémentaires qui ont des conséquences directes sur la vie quotidienne de nos concitoyens : pertes de revenus, hausse du prix des énergies et des matières premières, difficultés d'approvisionnement, hausse des taux d'intérêt et restrictions sur les prêts…

Tous ces effets délétères concourent à un appauvrissement général, en particulier dans les territoires éloignés des métropoles et de leur dynamisme. On comprend d'autant mieux les attentes des Français sur les salaires et leurs inquiétudes quant à la réforme des retraites.

Madame la ministre, quelles mesures sont prises par le Gouvernement pour redonner de l'espoir à tous ces actifs qui veulent pouvoir vivre dignement du fruit de leur travail et, plus largement, pour réduire ces fractures françaises ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels. Monsieur le sénateur Allizard, vous attendez de l'État, bien au-delà des questions salariales, un engagement qui le dépasse.

Bien sûr, il s'agit d'agir sur les tensions de recrutement, avec les acteurs, notamment les branches et les entreprises, qui travailleront sur l'attractivité des métiers. Cela ne se limite pas aux questions de rémunération : l'ensemble des conditions de travail entrent en jeu.

Les périodes de confinement que nous avons connues ont accéléré une mutation des comportements et accru les mobilités dans l'économie française. Les attentes de nos concitoyens ont changé, aussi : ceux-ci ont eu le temps de prendre du recul et de chercher d'autres parcours de vie.

Beaucoup de branches ont engagé de grandes réflexions autour de l'attractivité de leurs métiers et des questions de rémunération. Le secteur des hôtels, cafés, restaurants (HCR), par exemple, a augmenté les salaires de plus de 16 %. Dans les transports routiers, la hausse est de 6 %. À ce travail sur l'attractivité de chaque filière s'ajoutent des efforts de recherche de nouveaux profils, d'accompagnement des compétences et d'aide à la construction de parcours de carrière plus sécurisés, ainsi qu'une meilleure attention portée à la santé au travail.

L'attractivité est donc un enjeu pluriel, tout comme le pouvoir d'achat, qui ne dépend pas que de la rémunération, mais qui peut aussi être renforcé par le niveau de l'emploi et les mesures prises par le Gouvernement, ainsi que par la revalorisation du Smic.

Au fond, votre question était très systémique. Au-delà des travaux du comité de suivi, des négociations régulières sont menées par les branches sur l'attractivité des métiers en tension.

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour la réplique.

M. Pascal Allizard. Je vous remercie de cette réponse technique et appliquée.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée. C'est assez misogyne !

M. Pascal Allizard. On peut aussi attendre du Gouvernement une vision stratégique et une politique d'aménagement du territoire. Cela s'est fait à une époque, avec succès.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Mme Corinne Féret. Madame la ministre, en France, les crises sanitaires et économiques se succèdent malheureusement, mettant en lumière une demande forte de reconnaissance, notamment par le salaire, de l'utilité économique et sociale de nombreux travailleurs précaires, à temps partiel et faiblement rémunérés.

Alors que l'inflation galope au rythme effréné de 6 % sur un an, un sentiment de déclassement accable des millions de Français, contraints de s'en remettre à des primes, des allocations ou des chèques pour simplement survivre.

Ces dernières années, le salaire des 10 % de travailleurs les mieux payés a augmenté trois fois plus vite que celui des 10 % les moins rémunérés. Légitimement, s'exprime le besoin d'un meilleur partage des richesses produites et la volonté de vivre dignement avec des salaires décents.

On voit bien qu'il y a urgence à engager la revalorisation du facteur travail par l'augmentation des salaires, et ce sans avoir pour seule réponse des primes aléatoires, la défiscalisation et la désocialisation d'heures supplémentaires, les rachats de RTT ou d'autres mesures qui, au final, n'impliquent que les salariés eux-mêmes.

Au mois de novembre dernier était organisée la première réunion nationale interprofessionnelle sur le partage de la valeur ajoutée. Le Gouvernement a clairement orienté le travail des partenaires sociaux vers les dispositifs de participation, d'intéressement, d'épargne salariale, d'actionnariat salarié et la prime de partage de la valeur ajoutée. Et quid des salaires ?

Madame la ministre, vous ne cessez de rappeler l'importance de la valeur du travail, souvent d'ailleurs pour stigmatiser ceux qui en sont privés. Nous avons parfaitement conscience qu'une augmentation générale des salaires ne se décide pas par la loi, mais relève du dialogue social, autrement dit d'échanges, d'écoute et de négociations.

Ce n'est pas par nostalgie que nous en appelons à un Grenelle sur les salaires. Madame la ministre, quand engagerez-vous enfin un vrai dialogue social sur la question des salaires en France ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels. Madame la sénatrice, votre question porte en fait, plus que sur le sujet du jour, sur le rapport au travail. Ce rapport évolue. Cette évolution s'est accélérée au cours des dernières années, notamment par les crises que nous avons rencontrées. De nouvelles aspirations sont exprimées par nombre de nos concitoyens.

Des organisations nouvelles du travail, comme le télétravail, se font jour, et d'autres réalités se transforment, avec l'accélération des transitions écologiques et numériques, sans parler d'un certain nombre d'évolutions sociétales. Cela crée de nouvelles attentes et de nouvelles aspirations.

Les assises du travail que nous avons lancées visent à accompagner ces évolutions sociétales et à réfléchir sur la place du travail et sur la manière dont il peut répondre à ces nouvelles attentes, et à un meilleur lien entre vie personnelle et professionnelle.

Trois thématiques y sont abordées : le rapport au travail, la santé et la qualité de vie au travail, et la démocratie au travail. Ces trois domaines ont connu de fortes évolutions ces dernières années, avec une accélération importante au cours des derniers mois. Ces assises réunissent des partenaires sociaux, mais aussi des universitaires, des personnalités qualifiées, des experts des ressources humaines. L'objectif est d'aboutir en mars prochain à des propositions devant nous permettre, avec l'ensemble des acteurs, de repenser l'attractivité du travail.

Il s'agit aussi d'accompagner les initiatives que nous prenons pour les métiers en tension, comme dans les métiers du soin, où, au-delà de la rémunération, les questions d'organisation sont fondamentales pour attirer les talents dans de nombreuses branches. C'est un enjeu systémique.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour la réplique.

Mme Corinne Féret. Avec plus de 6 % d'inflation, comment pouvez-vous rester ainsi figée dans votre refus d'organiser une grande concertation sur les salaires ? Les Français doivent pouvoir vivre dignement. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti.

Mme Catherine Belrhiti. Madame la ministre, mieux rémunérer le travail nécessite avant toute chose de favoriser l'égale rémunération des femmes et des hommes. C'est sur ce point que je voudrais aujourd'hui appeler votre attention, car les inégalités dans ce domaine décroissent trop lentement. En 2020, l'Insee estimait que le revenu salarial des femmes était encore inférieur en moyenne de 28 % à celui des hommes. Un peu moins d'un tiers de cet écart s'explique par des différences de durée de travail. Et la maternité continue d'interrompre ou de réduire sensiblement plus l'activité des femmes que celle des hommes. Les postes les mieux payés demeurent enfin, toujours selon l'Insee, moins accessibles aux femmes qu'aux hommes. La meilleure rémunération des femmes reste l'objectif à atteindre en priorité pour songer, ensuite, à une amélioration générale des revenus liés au travail.

Il s'agit également d'une condition centrale pour de nombreuses priorités gouvernementales actuelles. Comment lutter, par exemple, contre les violences intrafamiliales sans que les femmes, majoritairement concernées, détiennent la même indépendance économique que leur conjoint ?

Comment assurer effectivement le plein emploi sans que cet objectif se réalise indistinctement pour les femmes et les hommes ?

Le Président de la République a déjà déclaré grande cause du quinquennat l'égalité entre les femmes et les hommes. Les indicateurs et les constats d'inégalité se sont multipliés depuis la création de l'index de l'égalité professionnelle en 2018. Il est temps d'agir et d'exiger des résultats à la hauteur des engagements.

Mieux rémunérer le travail en France ne peut pas s'accomplir sans justice sociale. L'égale rémunération des femmes et des hommes en constitue un pilier central. Quelles mesures concrètes le Gouvernement entend-il adopter afin de la favoriser ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels. Madame la sénatrice Belrhiti, permettez-moi de réaffirmer la profonde volonté du Gouvernement et notre conviction, partagée avec vous, que l'égalité de rémunération doit être effective, concrète, et devenir une réalité pour toutes les Françaises.

Les inégalités de traitement fondées sur le sexe d'une personne n'ont pas leur place dans notre société. Elles doivent appeler notre mobilisation collective.

L'engagement très fort du Gouvernement s'est traduit par la mise en place de l'index de l'égalité professionnelle, qui a permis de modifier les comportements d'entreprises non vertueuses en matière d'égalité salariale entre les femmes et les hommes, mais aussi, au travers des obligations de transparence, de donner à ces dernières plus de visibilité.

Cette mesure, ainsi que celles que prévoit la loi du 24 décembre 2021 sur l'égalité économique et professionnelle, dit notre engagement à faire avancer les choses. En fixant des objectifs de représentation équilibrée dans les instances dirigeantes des entreprises, ces évolutions législatives feront évoluer concrètement l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Nous avons vu les effets de la loi Copé-Zimmermann sur la composition des conseils d'administration. Je suis pleinement convaincue que nous verrons demain sur ces instances dirigeantes les effets de la législation récente.

L'objectif est que d'ici à huit ans, les entreprises de plus de 1 000 salariés soient tenues de compter au moins 40 % d'hommes ou de femmes dans leur conseil d'administration. Cela produira un effet de ruissellement. Grâce à ces bonnes pratiques, les femmes concernées joueront un rôle modèle dans l'ensemble des différents secteurs d'activité. Leur parcours professionnel fera d'elles des fers de lance pour les jeunes générations.

Je suis en effet extrêmement préoccupée par le faible engagement des femmes dans certains secteurs d'activité. L'égalité de rémunération passe aussi par l'accès à des filières trop souvent "genrées". Je pense notamment aux filières d'avenir que sont le numérique, la transition écologique ou encore l'énergie. Les rémunérations y sont souvent plus élevées, et les femmes y sont sous-représentées.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour la réplique.

Mme Catherine Belrhiti. Madame la ministre, les engagements et les efforts du Gouvernement, notamment dans le domaine de la mesure des inégalités, ne sont pas contestables.

Il reste toutefois à leur donner un cadre de propositions et d'applications concrètes qui soient fixées dans le temps et dans leurs effets.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne.

Mme Chantal Deseyne. Madame la ministre, face à la hausse des prix, le ministre de l'économie a demandé aux entreprises qui le peuvent d'augmenter les salaires pour redonner du pouvoir d'achat aux Français.

Il s'est d'ailleurs réjoui d'une augmentation du salaire horaire de base des ouvriers et des employés de 4,4 % sur la dernière année.

Cela appelle deux réflexions. Sur la réalité des chiffres, tout d'abord, la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) estime que cette évolution doit être mise en regard de l'inflation, le coût de la vie ayant augmenté de 5,7 % entre la fin du mois de septembre 2021 et la fin du mois de septembre 2022.

Ce faisant, on constate, selon les termes de la Dares, non pas une augmentation, mais une diminution du salaire horaire, estimée à 1,3 % sur un an en euros constants.

Ensuite, les augmentations de salaire sont, pour le moment, le fait d'un nombre restreint d'entreprises, dont la plupart souhaitent d'ailleurs retenir leurs salariés.

Or la majorité des entreprises ne disposent pas de telles marges de manœuvre. Beaucoup d'entre elles, notamment les TPE et PME, subissent les effets de l'inflation sur le prix des composants, des matières premières et de l'énergie. Leur situation économique ne leur permet pas de procéder à des augmentations.

De nombreux économistes recommandent donc une autre voie : baisser la pression fiscale sur les entreprises et sur les ménages.

Notre groupe appelle à une baisse du coût du travail, qui permettrait aux entreprises d'augmenter les salaires. Le Gouvernement ne s'est pas engagé dans cette voie, mais procède à des aides ponctuelles, comme la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat.

Madame la ministre, pourriez-vous nous donner votre point de vue et nous préciser si vous souhaitez faire évoluer cette situation ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels. Pour soutenir le pouvoir d'achat des salariés, le Gouvernement privilégie la confiance dans le dialogue social et les négociations salariales qui s'inscrivent dans un cadre garantissant la mise en œuvre des mécanismes protecteurs de revalorisation du Smic. Il privilégie également l'attribution de la prime d'activité.

Depuis le 1er octobre 2021, le Smic a été revalorisé à cinq reprises, au total de près de 10 % – 9,71 % –, soit bien plus que l'indice des prix sur la même période.

Fondé sur des logiques d'indexation automatique, le mécanisme permettant de calculer le Smic est l'un des plus protecteurs d'Europe.

Dans leurs négociations salariales, les branches suivent ces évolutions, mais les salaires réels s'ajustent effectivement à l'inflation avec un décalage habituel de plusieurs mois. Ils continueront donc à s'ajuster tandis que l'inflation devrait commencer à baisser.

Je réaffirme le choix du Gouvernement de faire confiance au dialogue social, en poursuivant de constants efforts pour impulser une dynamique et provoquer des négociations rapides.

Par ailleurs, le ministère du travail examine l'avancée des négociations de branche, notamment dans les branches présentant un minimum conventionnel inférieur au Smic. Présidé par M. le ministre, le comité de suivi des salaires se réunit deux fois par an. Sa dernière réunion, en novembre 2022, a permis de constater le dynamisme des négociations de branche sur les salaires et le recul des situations de blocage structurel.

D'autres outils sont également à la main des entreprises pour augmenter le pouvoir d'achat des salariés. Ainsi, la prime de partage de la valeur (PPV) a été pérennisée dans la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.

En cumul, 245 137 établissements ont versé 2,43 milliards d'euros de prime PPV entre le mois d'août et le 21 décembre 2022.

En revanche, le Gouvernement n'est pas favorable à l'exonération des cotisations et contributions patronales pour les entreprises accordant une revalorisation d'au moins 10 %.

Cette mesure rendrait beaucoup plus complexe l'activité déclarative des entreprises. Les prélèvements sociaux applicables aux rémunérations selon les entreprises deviendraient illisibles. Cela nuirait à la fluidité et au bon fonctionnement du marché du travail.

Enfin, le coût de la mesure pour les pouvoirs publics serait très élevé, et ses effets d'aubaine très importants, tandis que des effets de seuil questionnent sa solidité juridique.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour la réplique.

Mme Chantal Deseyne. Madame la ministre, je vous concède que le Smic constitue en quelque sorte un filet de sécurité.

Néanmoins, vous savez parfaitement que la France occupe le dernier rang du classement en matière de rémunération du travail. Pour 100 euros, charges salariales et patronales comprises, 46,70 euros seulement reviennent au salarié.

Des efforts sont tout de même possibles, en particulier pour favoriser la compétitivité de nos entreprises.

M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade.

Mme Florence Lassarade. Madame la ministre, le 1er janvier dernier, le Smic a été revalorisé de 1,81 %.

La décision ayant donné lieu à des débats, ma question portera sur le niveau de revalorisation et, plus précisément, sur les conclusions du rapport publié au mois de novembre dernier par le groupe d'experts sur le Smic, qui a alerté sur les conséquences négatives que pourrait avoir une plus forte augmentation du salaire minimum.

L'argument principal relayé par de nombreux économistes repose sur l'augmentation du coût du travail qui en résulterait. Les effets sur l'emploi des travailleurs les plus fragiles – les 15 % de salariés dont le salaire se situe entre 1 et 1,1 Smic – seraient négatifs.

En outre, l'effet d'une plus forte hausse sur le pouvoir d'achat serait annulé en quasi-totalité par l'augmentation des impôts sur le revenu, ainsi que par une baisse des aides sociales pour les ménages qui en bénéficieraient.

Enfin, une forte revalorisation du Smic contribuerait au tassement de la hiérarchie des salaires, entraînant une frustration légitime chez ceux qui se voient rattrapés par le Smic.

Plus généralement, les auteurs du rapport expliquent que le problème n'est pas tant le niveau élevé du salaire minimum que le fait que les salaires progressent plus vite que la productivité.

L'augmentation des coûts de production du fait de la hausse des salaires conduirait les entreprises soit à réduire l'emploi, soit à augmenter leurs prix de vente, et, partant, à perdre en compétitivité-prix, ou encore à réduire leurs marges, ce qui pénaliserait leur capacité à investir et à innover.

Madame la ministre, pourriez-vous nous faire part de votre analyse à partir de ces recommandations ? Vous semblez en effet les avoir suivies, en appliquant la règle d'indexation classique pour la revalorisation du Smic en début d'année sans coup de pouce supplémentaire. Ce positionnement pourrait-il évoluer si l'inflation continue à augmenter en 2023 ?

Par ailleurs, le groupe d'experts recommande de modifier la formule de revalorisation du Smic. Parmi les pistes envisagées, il suggère d'indexer automatiquement ce dernier sur la moyenne des évolutions de minima salariaux d'un panel de branches représentatives.

Ce changement renforcerait le rôle de la négociation collective et responsabiliserait ainsi les partenaires sociaux dans la définition des normes salariales et des minima de branche. Qu'en pensez-vous, madame la ministre ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels. Madame la sénatrice Lassarade, je tiens à le redire : le mécanisme d'indexation du Smic est l'un des plus protecteurs d'Europe.

Le Smic est indexé sur l'inflation, mais il est également augmenté à hauteur de la moitié de la hausse du pouvoir d'achat des ouvriers et des employés. Dernièrement, il a été revalorisé trois fois : en mai 2022, de 2,65 % ; en août 2022, de 2,01 % ; au 1er janvier 2023, de 1,81 %. Ainsi, sur un an, la hausse du Smic brut s'élève à 6,6 %, pour une inflation estimée à 5,9 % en novembre 2022.

Ce mécanisme très protecteur répond donc à la nécessité que vous soulignez de préserver de façon constante le pouvoir d'achat des salariés les plus modestes. Dans le contexte d'inflation que nous connaissons, il aura produit des effets particulièrement bienvenus pour nombre de nos concitoyens.

Par le jeu des négociations collectives et des revalorisations des grilles salariales consécutives aux augmentations du Smic, les hausses se transmettent aux ouvriers et aux employés.

En septembre 2022, la hausse de salaire des ouvriers et employés était d'environ 4,5 %, contre 2,7 % pour les cadres. À titre de comparaison, entre janvier 2021 et septembre 2022, le salaire minimum avait nettement moins progressé en Allemagne, aux Pays-Bas ou en Espagne que les prix à la consommation. L'écart est de plus de 10 points aux Pays-Bas, de 2,5 points en Allemagne et de plus de 5 points en Espagne.

À partir du second semestre 2023, la Banque de France prévoit une baisse de l'inflation. Les effets de l'augmentation des salaires seront donc différés. Ils continueront de se produire, malgré la baisse de l'inflation.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. Madame la ministre, permettez-moi tout d'abord de saluer ceux qui ont pris l'initiative de ce débat sur la rémunération du travail. La valeur travail est essentielle.

Le Smic bénéficie chaque année, au 1er janvier, d'une augmentation automatique tenant compte de la hausse des prix. Il vient ainsi d'être augmenté de 24 euros pour être porté à 1 353 euros net.

Des revalorisations interviennent également en cours d'année, dès que l'inflation dépasse 2 %. Ainsi le Smic a-t-il été revalorisé trois fois en 2022, deux hausses exceptionnelles ayant eu lieu le 1er mai et le 1er août dernier.

Si ces revalorisations sont nécessaires pour le pouvoir d'achat des salariés et s'inscrivent dans une logique législative, leurs modalités ne sont pas sans conséquence, aussi bien pour les chefs d'entreprises que pour les branches professionnelles.

À l'occasion de la publication du dernier rapport du groupe d'experts sur le Smic, plusieurs organisations représentatives des entreprises ont évoqué, dans leur contribution au rapport, les difficultés liées au rythme accéléré des revalorisations du Smic.

Les TPE, PME et les entreprises les plus fragiles, qui rencontrent actuellement de grandes difficultés, voient leur masse salariale augmenter de manière imprévue et pérenne.

En outre, la question de l'inflation percute le temps nécessaire aux entreprises et aux branches pour mener des négociations salariales viables et apaisées pour l'ensemble de la grille.

Dans le contexte inflationniste actuel, l'application automatique du seuil de 2 % de l'indice mensuel des prix à la consommation pour revaloriser le Smic en cours d'année oblige les branches à engager de nouvelles négociations sur les salaires peu de temps après que la dernière négociation s'est terminée.

Pour endiguer le phénomène, certains proposent de rehausser le seuil de l'indice mensuel à 3 % par exemple, afin de moins perturber le déroulement des négociations salariales et ainsi de laisser toute sa place au dialogue social.

L'espacement des augmentations automatiques du Smic permettrait selon eux des négociations plus qualitatives dans les branches, lorsque la grille de salaires minima est impactée par l'augmentation du Smic.

M. le président. Il faut conclure !

M. Guillaume Chevrollier. Madame la ministre, que pensez-vous de cette proposition. Envisagez-vous, d'une manière plus générale, de réformer les modalités d'indexation du Smic, comme le recommande le groupe d'experts ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels. Monsieur le sénateur Chevrollier, je le redis : la France a l'un des systèmes les plus protecteurs pour le pouvoir d'achat des salariés les plus modestes.

Dans le contexte que nous connaissons, c'est très important. Le système a fait office ces derniers mois de véritable filet de sécurité.

Depuis le 1er janvier 2014, la revalorisation est assurée par l'indexation du Smic sur l'inflation mesurée pour les ménages du premier quintile de la distribution des niveaux de vie, au plus près de ce que vivent les salariés concernés.

Elle intègre également la moitié du gain de pouvoir d'achat du salaire horaire moyen des ouvriers et employés. Nous sommes ainsi l'un des cinq pays dont le salaire minimum est indexé sur l'inflation et le seul pays d'Europe à s'être doté d'un tel double système. Grâce à ce dernier, la France a pu maintenir un écart constant entre les salaires au cours des vingt-cinq dernières années.

Par ailleurs, le Smic est revalorisé en cours d'année dès lors que la hausse des prix dépasse les 2 %.

Nous avons bien écouté les propositions du groupe d'experts sur le Smic, qui consistent à rehausser le seuil de 2 % à 3 % ou à supprimer l'indexation sur le pouvoir d'achat des ouvriers et des employés.

Ces propositions visent à réduire les risques d'emballement de la boucle prix-salaires. Elles sont sérieuses et dignes d'intérêt : un emballement de l'inflation ne ferait que des perdants, en particulier parmi les plus modestes.

Si l'inflation, un temps circonscrite aux produits alimentaires et à l'énergie, gagne progressivement l'ensemble des biens et services, le risque d'emballement de la boucle prix-salaires n'est toutefois pas avéré à ce jour.

La Banque de France prévoit ainsi un apaisement de l'inflation dans le courant de l'année 2023, puis un retour à un taux de 2,5 % en 2024.

Entre la protection des salariés les plus modestes et les risques d'inflation, nous devons faire des arbitrages. À ce stade et au vu des projections à moyen terme, la protection des salariés demeure prioritaire.

Aussi, je vous confirme que nous ne changerons rien aux modalités de revalorisation du Smic.


Source http://www.senat.fr, le 18 janvier 2023