Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Après l'examen du projet de loi d'urgence sur l'accélération de la production d'énergies renouvelables, je poursuis la feuille de route que je vous ai exposée avec l'examen de ce projet de loi d'urgence sur le nucléaire.
Il est important car il permettra d'accélérer les procédures administratives de construction de nouveaux réacteurs électronucléaires dans notre pays avec deux objectifs : raccourcir les délais de réalisation de ces projets de plusieurs années et contribuer à en baisser le coût pour les consommateurs.
Mais avant de rentrer plus concrètement dans le contenu du texte, je souhaite évoquer le contexte dans lequel il s'inscrit.
Ce contexte, c'est d'abord celui de l'urgence d'une crise climatique qui menace nos écosystèmes, nos sociétés et l'avenir de nos enfants. Une crise qui doit nous amener à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050.
Le contexte c'est ensuite celui de la crise énergétique que connaît l'Europe et une grande partie du monde depuis l'année dernière. La guerre qui se déroule en ce moment aux portes de l'Europe, en Ukraine, remet profondément en cause notre approvisionnement et fragilise notre économie du fait des prix de l'énergie qui se sont envolés en 2022.
Ces deux crises ont la même cause : notre dépendance aux énergies fossiles, pour deux tiers de notre consommation finale d'énergie, qu'il s'agisse du gaz, du charbon ou du pétrole.
C'est la raison pour laquelle l'ambition du Président de la République et du gouvernement mené par la Première ministre est de devenir le premier grand pays industriel à sortir de sa dépendance aux énergies fossiles.
C'est un impératif climatique bien sûr, mais aussi un impératif pour le pouvoir d'achat des Français, un impératif pour la capacité d'investissement de nos collectivités et la compétitivité de nos entreprises à long terme et plus profondément, un impératif pour notre indépendance politique.
Notre stratégie pour sortir des énergies fossiles repose, vous le savez bien, sur quatre grands et indissociables piliers.
D'une part, la réduction de la consommation d'énergie, avec la sobriété et l'efficacité énergétiques.
Car si nous voulons atteindre la neutralité carbone, l'objectif que nous assignent les experts de RTE est de réduire de 40% notre consommation d'énergie à horizon 2050. Le grand plan de sobriété que j'ai présenté début octobre avec la Première ministre est la première brique de cette trajectoire de long-terme, et il produit déjà des effets massifs dans tous les secteurs de l'économie grâce à la mobilisation des entreprises, des collectivités, des administrations et plus largement les Français que je veux remercier.
Grâce à cela, nous sommes dans les meilleures conditions pour passer cet hiver mais surtout, nous continuons à diminuer vos émissions de gaz à effet de serre alors même que la crise fait rage.
Notre stratégie énergétique repose, d'autre part, sur l'augmentation drastique et durable de notre production d'énergie décarbonée.
Sur ce point, nous n'avons pas le luxe de choix idéologiques. L'enjeu n'est pas le nucléaire contre les énergies renouvelables, qui sont des énergies bas carbone. L'enjeu est celui des énergies décarbonées contre les énergies fossiles.
Notre stratégie implique d'abord d'accélérer autant que possible la production d'énergies renouvelables. C'est l'objet du projet de loi d'accélération que vous avez voté à la quasi-unanimité et qui fera l'objet d'une commission mixte paritaire la semaine prochaine.
Notre stratégie implique, ensuite, la relance d'un programme nucléaire dans le contexte d'un parc vieillissant. Ce sont 28 réacteurs qui arriveront à plus de cinquante années d'exploitation d'ici 2035. Vous le savez, le Gouvernement fait le choix de la relance de la construction de réacteurs et la poursuite d'exploitation des réacteurs en exercice, aussi longtemps que les enjeux de sûreté nous le permettront.
Dans le prolongement de l'orientation du Président de la République à EDF en novembre 2018 de travailler à l'élaboration d'un programme de nouveau nucléaire, et de ses déclarations du 10 février à 2022 à Belfort, le projet de loi qui nous rassemble aujourd'hui marque une nouvelle phase de notre politique nucléaire, en introduisant un cadre d'accélération du processus d'autorisations administratives pour les futurs projets nucléaires.
Je veux vraiment insister sur ce point : ce texte ne vise pas à décider ni de la place de l'énergie nucléaire dans le mix énergétique français, ni des détails d'un programme de nouveau nucléaire, ni de la politique en matière de traitement et de recyclage des déchets nucléaires ou de la R&D nucléaire. D'autres textes le feront.
Certaines dispositions isolées ont été introduites en commission la semaine dernière, qui concernent ces aspects de programmation énergétique, nous aurons l'occasion d'y revenir pendant l'examen des amendements, mais vous le savez parfaitement, ce texte n'est pas un texte de programmation énergétique.
En effet, la loi de programmation énergétique doit être précédée d'une grande concertation sur l'avenir de notre mix énergétique, pour recueillir l'avis des Français sur cette prochaine loi qui sera soumise au Parlement en 2023. Cette concertation utile et nécessaire a démarré en octobre dernier et totalise plus de 25 000 contributions à ce jour.
Elle sera conclue, du 19 au 22 janvier 2023, par un " Forum des Jeunesses " qui réunira 200 jeunes de 18 à 35 ans et son résultat vous sera communiqué dans son intégralité pour le débat parlementaire sur la loi de programmation énergie climat et qui conduira à mettre à jour la programmation pluriannuelle de l'énergie.
Le présent texte de loi n'en est pas moins très important. En effet, les dispositions qui sont prévues dans ce texte préparent l'avenir et sécurisent les délais de décisions que vous pouvez prendre dans les mois qui viennent. Elles vont avoir un impact sur le délai de mise en services, et donc sur le coût des éventuels futurs nouveaux réacteurs nucléaires en France.
Je veux également être très claire, vous n'allez pas aujourd'hui acter d'un quelconque affaiblissement des enjeux de sûreté nucléaire, de protection de la biodiversité ou encore de participation du public, en votant ce texte.
Le texte ne modifie ni le processus d'autorisation environnementale, ni le processus d'autorisation de création qui traite des enjeux de sûreté nucléaire. Ces deux autorisations demeurent, de la même manière que les deux enquêtes publiques préalables ou encore que le processus de débat public conduit en ce moment sous l'égide de la Commission nationale du débat public pour la construction d'une première paire à Penly et qui se terminera le 27 février.
Enfin, et c'est important de le préciser, ce cadre d'accélération est borné dans le temps et dans l'espace, de manière à être proportionné et compatible avec l'ambition proposée par le Président de la République qui est de construire 6 réacteurs et de lancer les études pour 8 autres.
Il ne s'applique que pour les projets de construction de réacteurs nucléaires qui sont localisés à proximité du périmètre de sites nucléaires existants et dont la demande d'autorisation de création est déposée dans les vingt ans qui suivent la promulgation de la présente loi.
Enfin, ce texte ne préempte pas la technologie des réacteurs et peut donc s'appliquer tout aussi bien à des EPR qu'à des SMR, et je sais que beaucoup ici sont attachés à ce principe.
Ces précisions étant apportées, je tiens maintenant à vous exposer brièvement ce que fait ce projet de loi.
Pour accélérer les projets de construction de nouveaux réacteurs nucléaires, il commence par rendre possible la mise en compatibilité des documents locaux d'urbanisme. En effet, les procédures existantes en matière d'urbanisme sont incompatibles avec la complexité d'un projet de réacteur électronucléaire et la nécessité de les mettre à jour conduirait à augmenter de plusieurs années la durée de construction.
Il permet ensuite de garantir le contrôle de la conformité au respect des règles d'urbanisme, tout en dispensant de permis de construire les installations et travaux portant sur la création d'un réacteur électronucléaire et des équipements et installations nécessaires à son exploitation.
À compter de l'obtention de la première autorisation environnementale, le texte permet de mener en parallèle l'instruction de l'autorisation de création et les activités relatives aux constructions, aménagements, installations et travaux préalables.
Ce texte vient également rendre possible la construction de réacteurs nucléaires à proximité des réacteurs existants localisés en bord de mer. C'est d'importance car les deux premiers sites envisagés sont ceux de Penly et Gravelines.
Au regard de l'intérêt particulier pour la Nation de ces projets nucléaires, ce texte prévoit des mesures de sécurisation de l'accès au foncier, mobilisables en dernier recours et en cas de blocage, en s'inspirant de ce qui existe déjà pour d'autres projets d'ampleurs comme le projet ITER.
Au total, ce texte permettra de ne pas ajouter un délai de deux à trois années à la construction de nouveaux réacteurs. Dans le contexte dans lequel nous sommes, cela compte.
Proposer un cadre conciliant les impératifs d'accélération et de sécurisation des projets de nouveau nucléaire, tout en conciliant les plus hautes exigences en matière d'association des parties prenantes, de protection de la biodiversité et de sécurité, voilà l'ambition de ce texte.
Ce projet de loi s'insère dans un ensemble de mesures mises en œuvre pour poser les rails juridiques, organisationnels, industriels et procéduraux de la relance d'une politique ambitieuse en matière de nucléaire civil.
Il est un maillon d‘une stratégie d'ensemble engagée depuis plusieurs années pour construire notre indépendance énergétique et mener la bataille du climat en sortant de notre dépendance aux énergies fossiles.
Je souhaite conclure en vous indiquant que ce texte est aussi important qu'il est technique. L'enjeu sera d'éviter que de petits grains de sable ne viennent compliquer, ralentir ou fragiliser juridiquement des projets déjà très complexes par nature.
C'est pourquoi je défendrai aujourd'hui des amendements qui permettront de compléter le travail très significatif et très complet mené par la commission des Affaires économiques et par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable la semaine dernière. Je tiens à les remercier pour cela.
Je remercie tout particulièrement le rapporteur Daniel Gremillet et le rapporteur pour avis Pascal Martin, ainsi que les présidents de commission Sophie Primas et Jean-François Longeot.
Je vous remercie.
Source https://www.ecologie.gouv.fr, le 18 janvier 2023