Texte intégral
AMANDINE BÉGOT
Mon invité ce matin, Gérald DARMANIN, le ministre de l'Intérieur, qui est en train de s'installer. Bonjour Monsieur le Ministre.
GÉRALD DARMANIN
Bonjour.
AMANDINE BÉGOT
Bienvenue sur RTL. On va bien sûr parler de cette journée de mobilisation demain contre la réforme des retraites. Vous êtes inquiet ?
GÉRALD DARMANIN
Non, je suis concentré.
AMANDINE BÉGOT
Monsieur le Ministre, avant d'évoquer, bien sûr, la mobilisation prévue demain contre la réforme des retraites, revenons, si vous le voulez bien, sur ce drame lundi, à Thiais, un adolescent de 16 ans mort poignardé, tout près de son lycée, quatre individus ont été interpellés, ils devraient d'ailleurs être déférés aujourd'hui devant la justice. On évoque une rixe entre bandes rivales, vous nous le confirmez ?
GÉRALD DARMANIN
Non, on ne le sait pas encore, on a effectivement interpellé ceux qu'on pense être les responsables de ce meurtre, de cet assassinat, et ils ont entre 15 et 16 ans. Donc ce sont de jeunes gens. Et on peut penser en effet que les premiers éléments de l'enquête montrent une rixe, mais on n'en est pas tout à fait certain. Donc la police judiciaire travaille sous l'autorité du procureur de la République.
AMANDINE BÉGOT
La victime, visiblement, en tout cas, d'après les premiers témoignages, ne faisait pas du tout partie d'une bande ?
GÉRALD DARMANIN
Je n'en ai pas effectivement connaissance, maintenant, c'est une affaire judiciaire, et je laisserai la justice commenter cela.
AMANDINE BÉGOT
Mais j'imagine que ça vous interpelle, l'âge de ces victimes, 15, 16 ans, tout près d'un lycée ?
GÉRALD DARMANIN
Eh bien, ce qui m'interpelle, c'est l'âge de la victime, et puis, l'âge des auteurs, enfin, moi, je crois que lorsqu'on est à la tête du ministère de l'Intérieur, il y a des choses que l'on peut faire, lutter contre la délinquance dans les transports en commun, contre la drogue, contre la criminalité, de manière générale, il est difficile de se substituer aux parents et au système éducatif et social, et quand on a des gamins de 14, 15 ans, 16 ans qui donnent des coups de couteau à d'autres enfants, parce qu'à 15 ans, je crois qu'on est encore un enfant, je crois que la question de la société est prégnante…
AMANDINE BÉGOT
Ce n'est pas un problème de justice, c'est un problème de parents ?
GÉRALD DARMANIN
Mais il y a, à mon avis, un problème plus de parents que de police et de justice lorsqu'à 15 ans, quelqu'un tue quelqu'un d'autre.
AMANDINE BÉGOT
Et venons-en à cette journée de grève et de manifestation demain donc contre la réforme des retraites, le trafic, on l'a dit, s'annonce très perturbé, dès ce soir, à la SNCF, avec un TGV sur trois ou cinq selon les axes, pas ou très peu de TER, 70 % de grévistes dans le primaire, avec même un tiers des écoles fermées à Paris d'après le premier syndicat d'enseignants du primaire. Est-ce que le ministre de l'Intérieur que vous êtes est inquiet, vous m'avez dit : non, pas inquiet, concentré ?
GÉRALD DARMANIN
Eh bien, d'abord, le ministère de l'Intérieur, les policiers et les gendarmes sont là pour que le droit de manifester soit un droit constitutionnel garanti, donc je veux dire à chacune et à chacun, que ce soit à Paris ou ailleurs, sur le territoire français, le droit de manifester doit être respecté, et c'est l'honneur des policiers et des gendarmes de le permettre. Et donc tous ceux qui veulent aller manifester, montrer leur désaccord, je le respecte profondément, en démocratie, puissent le faire demain en toute sécurité. Je ne sais pas s'il y aura du monde dans les manifestations de demain à Paris, comme ailleurs, mais nous nous préparons sur le fait qu'il y ait du monde, et il y a plus de 10.000 policiers et gendarmes qui seront mobilisés demain, dont 3.500 à Paris, sous l'autorité du préfet de police…
AMANDINE BÉGOT
C'est beaucoup ?
GÉRALD DARMANIN
C'est beaucoup parce que nous nous prévoyons que le nombre de policiers et de gendarmes, c'est 39 unités de forces mobiles par exemple à Paris, puisse encadrer une manifestation qui doit se dérouler de la meilleure façon possible pour les manifestants eux-mêmes, pour les policiers et les gendarmes bien évidemment, et pour la voie publique. On a eu, d'après les informations, des renseignements, un petit millier de personnes à Paris qui pourraient être violentes, alors, soit, c'est des ultra-jaunes, comme on dit, ou des ultragauches, et donc, il nous faut absolument distinguer ceux qui viennent dans les manifestations, et qui sont une immense majorité, j'imagine bien évidemment, qui veulent juste exprimer une opinion politique, leur opposition à la réforme des retraites, et c'est bien légitime en démocratie, et ceux qui veulent casser.
AMANDINE BÉGOT
Mille individus potentiellement violents ?
GÉRALD DARMANIN
Exactement. Alors, je crois qu'on a réussi à démontrer avec monsieur le préfet de police, dont je remercie le travail, que, tant pendant la Coupe du monde de football, que lors des manifestations organisées par LFI elle-même, que par ce qui s'est passé le 31 décembre dernier, il pouvait y avoir des millions de personnes dans les rues de Paris sans qu'il n'y ait d'incident, et c'est l'honneur de la police nationale et de la gendarmerie que de l'avoir organisé, il faut évidemment que dans ces manifestations, qui vont sans doute se répéter pendant les mois de janvier, février, pendant la réforme des retraites, qu'il puisse y avoir du monde dans la rue sans qu'il y ait de problème. Et donc notre travail à nous, c'est de permettre aux gens qui viennent manifester librement et de façon démocratique de ne pas être embêtés par les violents.
AMANDINE BÉGOT
Et on fait comment, on essaie de les interpeller en amont, comme ça a pu être fait par moments ?
GÉRALD DARMANIN
Alors, oui, c'est vrai, mais d'abord, on discute avec les organisations syndicales, moi, je veux remercier le préfet de police d'avoir, à ma demande, reçu l'ensemble des organisations syndicales il y a 48 heures à la préfecture de police pour discuter avec eux du cortège, leur propre sécurité, bien évidemment, de ne pas se confondre avec des éléments perturbateurs, de pouvoir évidemment les signaler, c'est un point très important. Deuxièmement, effectivement, depuis ce matin, il y a de nombreux contrôles, notamment à Paris et autour de Paris, mais aussi dans les grandes villes, qui nous permettent de pouvoir faire des contrôles, parce que dans des manifestations, on ne se balade pas avec des couteaux, on ne se balade pas avec des marteaux…
AMANDINE BÉGOT
Donc dès ce matin, plus de 24 heures avant, pourquoi, pour éviter qu'il y ait des choses cachées sur le parcours, c'est pour être très claire ?
GÉRALD DARMANIN
Exactement, le principe général, c'est qu'on vient quelques heures avant, on dépose des marteaux, des casques, des gaz lacrymogènes dans des buissons, et puis, lors du parcours, on vient les récupérer, donc c'est ça qui permet évidemment de lutter…
AMANDINE BÉGOT
Ça va être fouillé aussi ces lieux, pardon ?
GÉRALD DARMANIN
Exactement, et puis, le nombre de caméras de vidéo-protection désormais à Paris nous permet de faire ce travail aussi, de manière vidéo-surveillée, mais évidemment, c'est le cas depuis ce matin.
AMANDINE BÉGOT
Le cortège parisien partira de la place de la République, direction Nation, un que conseillez-vous aux commerçants qui se trouvent sur ce parcours, certains sont très inquiets, et on se souvient des épisodes précédents, notamment, vous les évoquiez, pendant les gilets jaunes, il vaut mieux qu'ils ferment leur commerce ?
GÉRALD DARMANIN
Eh bien, ce n'est pas à moi de leur dire, ils ont un échange avec à la fois la Mairie de Paris et la préfecture de police, notre travail à nous, et notamment dans ce parcours que vous avez évoqué, République, Bastille, Nation, c'est d'encadrer la manifestation pour que, évidemment, aucun bien privé ni public ne soit attaqué.
AMANDINE BÉGOT
Mais pas de conseils ?
GÉRALD DARMANIN
Je ne sais pas comment un commerce classique peut fonctionner lorsqu'il y a des centaines de milliers de manifestants peut-être qui vont défiler dans une après-midi dans leur rue…
AMANDINE BÉGOT
C'est peut-être mieux de fermer donc ?
GÉRALD DARMANIN
Je n'ai pas de conseil à donner particulièrement aux commerçants, mais il est sûr que je veux leur assurer que les forces de police seront très présentes pour protéger leurs biens.
AMANDINE BÉGOT
Gérald DARMANIN, la fédération CGT des Mines et de l'énergie, envisage, elle, des coupures ciblées contre les élus qui soutiendraient la réforme des retraites, vous leur dites quoi ce matin ?
GÉRALD DARMANIN
Eh bien, ce serait absolument scandaleux, et par ailleurs, moi, je prends ce matin une instruction, ce qu'on appelle en langage préfectoral un télégramme, pour protéger notamment les permanences des élus, notamment des parlementaires, c'est un point très important, parce que de nombreuses dégradations ont eu lieu dans les contestations sociales d'hier et d'avant-hier, et attaquer un élu de la République, quel qu'il soit et quel que soit son bord politique, lui faire une pression, un chantage, finalement, physique, violent, ça relève d'une dictature, ça ne relève pas d'une démocratie…
AMANDINE BÉGOT
Donc la sécurité va être renforcée, la surveillance sur les permanences ?
GÉRALD DARMANIN
Exactement, à partir d'aujourd'hui, puisque l'instruction sera donnée aux forces de police de surveiller et de protéger les permanences des parlementaires, il est évident que toute atteinte aux élus de la République pour leur faire une pression, un chantage, inacceptable, dans leur vie personnelle, comme dans leur vie de parlementaire ou d'élu, sera présentée à la justice si nous en avons connaissance.
AMANDINE BÉGOT
Gérald DARMANIN, il nous reste moins de 2 minutes, les syndicats de policiers appellent eux aussi à la mobilisation contre cette réforme, avec la réforme, ils conservent un droit de partir à la retraite plus tôt que les autres, 54 ou 59 ans selon les métiers, mais ils vont devoir aussi travailler 2 ans de plus, aujourd'hui, le départ à la retraite, c'est entre 52 et 57 ans pour un policier. C'est normal qu'ils travaillent eux aussi 2 ans de plus ?
GÉRALD DARMANIN
Eh bien, j'ai eu l'occasion de dire que ça me paraissait normal que tous les Français travaillent un peu davantage, les policiers et les gendarmes ne sont pas en dehors des Français.
AMANDINE BÉGOT
Ils disent : on est usé, fatigué, c'est de plus en plus dur, est-ce que ça peut faire partie des points de négociation, ça ?
GÉRALD DARMANIN
Mais c'est tout à fait vrai que les policiers et les gendarmes ont un métier extrêmement difficile, je n'oublie pas les sapeurs-pompiers, bien évidemment, après, aujourd'hui, le gardien de la paix, par exemple, il part en retraite officiellement à 52 ans, c'est l'âge d'ouverture des droits, mais en fait, il part à 57 ans, 56 ans et 7 mois exactement, donc passer de 52 à 54 ans l'âge d'ouverture des droits, ça ne change rien pour lui, on ne touche pas à sa catégorie active, le fait que parce qu'il est policier, c'est plus dangereux, et donc il part plus tôt à la retraite, on ne touche pas à son âge de décote, parce que c'est ce point-là qui est le plus difficile pour les policiers, et on permet justement, c'est une amélioration, et je remercie la Première ministre et le ministre du Travail de l'avoir écouté, ce qu'on appelle la portabilité des droits, c'est-à-dire que quand vous êtes policier, et que vous faites un peu le bureau, un peu le terrain, vous ne pouvez pas porter vos droits, si j'ose dire, pour partir plus tôt en retraite, désormais, cette portabilité des droits sera possible…
AMANDINE BÉGOT
Il peut y avoir d'autres points de négociation ?
GÉRALD DARMANIN
Il y a plein d'avantages. Mais dans le cadre de la réforme courageusement portée par Olivier DUSSOPT, je suis évidemment à l'écoute des organisations de police pour pouvoir ici ou là apporter des améliorations bien évidemment.
AMANDINE BÉGOT
Vous ne fermez donc pas la porte. Merci.
GÉRALD DARMANIN
Par nature, voilà, et en remerciant les policiers et les gendarmes pour leur travail de demain, parce que beaucoup d'entre eux seront travail.
AMANDINE BÉGOT
10.000 mobilisés, vous nous l'annoncez ce matin sur RTL. Merci beaucoup Gérald DARMANIN.
GÉRALD DARMANIN
Merci vous.
YVES CALVI
Le ministre de l'Intérieur qui annonce par ailleurs sur RTL que les contrôles policiers ont d'ores et déjà commencé pour encadrer dans de bonnes conditions les défilés de demain, jeudi.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 janvier 2023