Texte intégral
LORRAIN SENECHAL
Bonjour Olivier VERAN, porte-parole du Gouvernement, invité du 8.30. 64 % des Français opposés à la réforme des retraites, c'est le sondage IPSOS Sopra-Steria pour France Info et France Télévisions publié ce matin, 3 points de plus que dans notre dernière enquête il y a quelques semaines, ça veut dire que plus le Gouvernement explique sa réforme et plus les Français sont contre.
OLIVIER VERAN
Alors, il y a un élément que je regarde dans votre sondage qui est intéressant, c'est qu'il y a une majorité de Français qui considèrent qu'il faut réformer les retraites, c'est-à-dire que le message, la conviction que…
LORRAIN SENECHAL
Les trois quarts des Français même.
OLIVIER VERAN
Oui, donc ça veut dire que la conviction que notre système de retraite par répartition doit être conforté, maintenu dans la durée, elle est bien là. Ensuite quand on regarde…
LORRAIN SENECHAL
Mais il y a seulement un quart des Français, puisque vous évoquez ce chiffre, qui pensent que votre réforme est la bonne, il y a 50 % en revanche qui disent il faut une réforme, mais une autre.
OLIVIER VERAN
Il y a 50 %, quand on regarde dans le détail, il y a certains Français qui souhaiteraient qu'on augmente les cotisations patronales, d'autres qu'on augmente les cotisations des salariés, d'autres qu'on prélève des taxes nouvelles, etc., donc en réalité, il est difficile de trouver un scénario qui réunisse une majorité confortable de Français, mais je redis la conviction qui est nous devons pérenniser, conforter notre système de retraite par répartition parce qu'il est déséquilibré dans la durée du fait qu'on vit plus longtemps et qu’il y a un vieillissement de la population, elle est là. Alors ensuite ce qu’on explique aux Français c'est que si nous devions augmenter les cotisations des salariés, de fait on baisserait les salaires, et on les baisserait de façon conséquente, et de manière croissante dans la durée, c'est-à-dire qu'on partirait, on arriverait rapidement à 450 euros de pouvoir d'achat en moins, en moyenne, sachant que pour des Français ce serait davantage que cela encore, ce qui veut dire qu'il y aurait un ralentissement de la croissance et de la consommation, et ça veut dire qu'on aurait encore plus de difficultés à faire face à l'inflation, or nous assumons le fait de ne pas augmenter les impôts, mais de les baisser, depuis 2017, et d'augmenter, de travailler vraiment pour maintenir ou augmenter le pouvoir d'achat des Français.
NEÏLA LATROUS
Olivier VERAN, au soir de la première journée de mobilisation Elisabeth BORNE avait parlé de doutes et d'interrogations, pour vous est-ce qu'on est encore dans cette phase ou est-ce que les Français ont tout simplement… sont contre une réforme qu'ils ont parfaitement comprise ?
OLIVIER VERAN
Je ne doute pas une seconde que les Français se renseignent sur cette réforme des retraites et qu'ils aient appréhendé l'essentiel, etc., et je ne remets pas du tout en question le fait qu'il y ait des Français qui soient contre la réforme des retraites que nous présentons, et je leur reconnais totalement le droit de manifester, parmi les manifestants il y avait aussi des Français d'ailleurs qui voulaient dire leur mal-être et leurs difficultés au quotidien face à l'inflation, le changement de leurs pratiques, etc.
NEÏLA LATROUS
C’est les messages que vous avez entendus ?
OLIVIER VERAN
Bien sûr, il y a un tout si vous voulez, il y a aussi des Français qui considèrent que le rapport au travail doit changer, qu'il faut en faire davantage sur la qualité de vie au travail. Ce que montrent aussi les enquêtes, qui est intéressant ces derniers temps, c'est que les Français sont attachés au travail en réalité, c’est-à-dire à rebours du discours de la NUPES sur la société de la paresse, etc ,les Français disent, considèrent que le travail est un outil pour s'accomplir et se réaliser en société, mais ils souhaitent que leur travail empiète le moins possible sur leur vie personnelle et que le travail ne les empêche pas de se réaliser par ailleurs dans leur vie familiale, etc., c'est quelque chose que nous entendons.
NEÏLA LATROUS
Ça c’est ce que vous traiterez plus tard, dans un texte qui arrivera au printemps…
OLIVIER VERAN
Ce n’est pas ce qu’on traite plus tard, c’est ce qui fera l’objet d’un texte plus tard, mais nous discutons avec les partenaires sociaux, et nous travaillons aussi en lien avec les Français pour adapter la vie professionnelle aux conditions de l'époque.
NEÏLA LATROUS
Pour revenir à la réforme des retraites vous avez eu cette phrase après la première journée de mobilisation, « 700.000 personnes ou plus d’1 million, au fond ça ne change pas grand-chose au projet », vous le rediriez aujourd'hui, quel que soit le nombre, cette réforme se fera ?
OLIVIER VERAN
Non je… un, je ne minimise absolument pas l'ampleur de la mobilisation, qui est une mobilisation dans la rue qui était encore une fois important, et j'ai un profond respect pour la capacité des Français de se mobiliser quand ils ne souhaitent pas quelque chose, et nous entendons ce message. Ce que je dis c'est que nous sommes dans le temps parlementaire, la commission, à l'Assemblée nationale, a pu examiner, ce qu'elle a pu d'ailleurs du texte de loi, parce qu’en raison de l'obstruction parlementaire portée par la NUPES, qui est une obstruction franchement qui veut empêcher le discours, cette commission a quand même pu adopter certains articles, comme par exemple la suppression des régimes spéciaux, et donc le texte va arriver dans l'hémicycle, qui est la maison du peuple, c'est le Parlement, qui doit permettre aux parlementaires de la majorité et des oppositions de discuter, d'améliorer, de renforcer les choses, et je sais que les Français y sont sensibles parce que de fait ils nous ont mis en situation de majorité relative, lors des dernières élections, pour dire « on ne veut pas que vous décidiez tout seul, on veut que vous parliez avec les oppositions et que vous trouviez des accords », c’est parfaitement notre volonté.
LORRAIN SENECHAL
Et donc là, quand vous voyez ce texte arriver avec 20.000 amendements déposés, surtout du côté de la gauche, vous parliez de la stratégie de la NUPES, vous dites quoi, la gauche ne joue pas le jeu ?
OLIVIER VERAN
Non mais c’est… si vous voulez, 20.000 amendements, pour que les Français qui nous écoutent se fassent une idée, ça fait peu près 30.000 pages A4…
LORRAIN SENECHAL
Ça veut dire que c’est impossible d’arriver au bout du texte en 20 jours…
OLIVIER VERAN
En fait j’ai fait mon petit calcul là cette nuit en cherchant le sommeil, je me suis dit combien de temps ça fait ? je vais vous dire une chose, si vous ne faisiez que ça, sans manger, sans boire, et que vous passiez votre temps à lire les amendements les uns après les autres, il vous faudrait 30 fois 24 heures, 30 jours et 30 nuits, d’accord, et si vous faites 35 heures par semaine ça fait à peu près 4 ou 5 mois…
LORRAIN SENECHAL
Or il n’y a que 20 jours à l’Assemblée.
OLIVIER VERAN
Donc ils savent très bien, en déposant 20.000 amendements, que ça n'a pas pour but d'améliorer le texte, mais d'empêcher les parlementaires de travailler, et ça je crois…
NEÏLA LATROUS
Et vous dites le débat ne durera pas 3 ou 4 mois, il est prévu pour durer 11 jours, c’est 11 jours…
OLIVIER VERAN
Mais quand bien même, imaginez le temps de lecture, le temps de lecture, ce serait des mois, donc en réalité le temps pour travailler, analyser et voter, ça prendrait des années, donc ils le savent très bien, donc ils sont dans une stratégie qui consiste à dire on veut empêcher les députés de travailler et d'améliorer ce texte.
NEÏLA LATROUS
Donc en tout état de cause, à l'heure où on se parle, vous dites déjà ces 20.000 amendements ne seront pas examinés.
OLIVIER VERAN
Ah bah on ne peut pas examiner, ça n’existe pas, nulle part, dans aucun pays, mais ce que nous disons aux oppositions c'est qu'il n'est jamais trop tard pour retirer des amendements redondants, je regardais, il y a un amendement qui dit « au-delà de 750 millions 1 euro, au-delà de 750 millions 2 euros », etc., etc., c’est ridicule, pardon, c’est de l’obstruction bête et méchante qui vise à empêcher de parler, de débattre, or moi je crois que les Français attendent de nous que nous puissions discuter et débattre, et nous voulons, nous gouvernement, que les députés enrichissent le texte sur bien des aspects.
LORRAIN SENECHAL
Quels sont justement les amendements qui retiennent votre attention ?
OLIVIER VERAN
Alors, il y a ceux qui la retienne pour de mauvaise raison, il y a certains amendements de la NUPES…
LORRAIN SENECHAL
Non, mais pour des bonnes raisons je voulais dire.
OLIVIER VERAN
Non, mais je le dis quand même parce que…
LORRAIN SENECHAL
On a compris ça, ce message.
OLIVIER VERAN
Non mais le temps parlementaire il a aussi ceci d'intéressant que maintenant c’est cartes sur table, jusqu'ici on discutait du projet du gouvernement, et vous aviez des oppositions, la NUPES et le RN, qui vous expliquaient que eux feraient mieux que nous, alors regardons ce que c'est que de faire mieux que nous. Les amendements de la NUPES, pardonnez-moi, ils ont un sens, c’est-à-dire que la NUPES propose d'augmenter les cotisations patronales pour les artisans, ça ferait monter le prix de la baguette, que les Français nous entendent, quasiment à 2 euros s'ils devaient continuer de payer les salariés et c’est de la taxation…
LORRAIN SENECHAL
Encore une fois, Olivier VERAN, on ne parle pas du projet de la France insoumise, on parle de votre projet, quels sont les amendements qui retiennent votre attention…
OLIVIER VERAN
Non, on a commencé cette émission en se disant que les Français sont conscients qu’il faut une réforme des retraites, mais qu’ils considèrent qu'il y a des meilleures réformes que la nôtre, donc je leur dis soyez attentifs à ce que proposent les oppositions qui vous invitent à manifester, elles vous proposent d'augmenter le prix de la consommation courante de tous les biens, parce qu'elles augmentent très fortement la fiscalité sur le travail, elles baissent les salaires des Français, et ça ne permet pas de stabiliser, d'équilibrer le régime des retraites.
LORRAIN SENECHAL
Certains de vos alliés en tout cas voudraient corriger le texte, l'améliorer peut-être, on va voir avec vous dans un instant ce qui pourrait bouger, et y compris dans un accord éventuel avec les Républicains puisqu’Elisabeth BORNE a dit hier soir qu'elle n'envisageait pas d'utiliser l'article 49.3, elle cherche donc un accord avec la droite, on en on en parle juste après le Fil info Olivier VERAN, puisqu'il est 8h40 et voici Maureen SUIGNARD.
(…)
NEILA LATROUS
Toujours avec Olivier VERAN, ministre délégué chargé du Renouveau démocratique, Porte-parole du gouvernement. Votre défi va être de trouver une majorité pour cette réforme au sein de l'Assemblée, Les Républicains réclament un effort par exemple sur les carrières longues, tous ceux qui ont commencé à travailler à 16, 17, 18, 20 ans et qui devront pour certains cotiser 44 ans au lieu de 43 pour le reste de la population. Déjà est-ce que ça vous semble juste que ces personnes-là cotisent plus que les autres ?
OLIVIER VERAN
Déjà quelle est la situation aujourd'hui avant la réforme ou si on ne réformait pas. Vous avez des Français qui devraient cotiser 43 et d'autres qui devraient cotiser jusqu'à 45 voire 46 ans. Je note que le système actuel, il entérine déjà le fait que quand vous avez commencé à travailler plus tôt, vous êtes capable de travailler, de partir à la retraite au même âge que ceux qui ont pu commencer plus tard, et qu'on a plutôt tendance à fortement gommer cette iniquité de durée de cotisation.
NEILA LATROUS
Est-ce qu'il faut totalement la gommer ?
OLIVIER VERAN
Vous savez qu'en 2003, c'était même 6 à 7 ans d'écart entre deux Français en fonction de l'âge auquel il démarrait. Là, on est en train de parler d’une année.
NEILA LATROUS
Est-ce qu’il faut totalement la gommer ?
OLIVIER VERAN
Je vous dis, on a le mérite de présenter un projet qui est équilibré sur le plan budgétaire, et c'est Bruno LE MAIRE, quand il dit « on est à l'euro près etc », il faut qu'on fasse attention à tout cela. Donc nous on dit aux parlementaires : on est à la recherche d'un projet qui, sorti du Parlement, améliore – vraiment, on est très très souvent là-dessus, je le redis - notre projet de loi mais sans renoncer à l'équilibre et sans renoncer aux grandes valeurs qui le sous-tendent. Donc on discute avec les députés de droite, moi j'aimerais aussi qu'on puisse discuter avec des députés de gauche plus modérée que la gauche Nupes mais aujourd'hui c'est vraiment noyé dans la masse Nupes qui nous empêche finalement d'obtenir des avancées à la gauche de l'hémicycle, ce qui est, je trouve, dommage en termes démocratique.
NEILA LATROUS
Mais pour comprendre sur les 44 ans, vous dites à la droite : pourquoi pas si vous trouvez en face des recettes.
OLIVIER VERAN
Je ne suis pas en train de vous dire ça, je fais très attention à ce que je dis en l’occurrence. Je vous dis, le message c'est de dire : les parlementaires sont souverains pour décider quel texte ils veulent sortir du Parlement, et ensuite à nous de décider si ça ne vous convient ou non. Ce qu'on leur dit, c'est que les règles c'est pas d'augmentation des impôts, pas d'augmentation de la dette et un système équilibré, et que dans ce cadre-là on est effectivement très ouvert. Encore une fois, les Français ont voté, ils ont souhaité qu'on soit en majorité relative et pas absolue, ils veulent que nous travaillions avec les oppositions, ce qu'on a toujours fait depuis le début du quinquennat. Puisqu'à l'exception, et c'était normal, des budgets, on a toujours été chercher un accord politique avec la gauche ou avec la droite. C'est ce qui est très différent des mandats précédents, ça correspond à ce sens démocratique que les Français ont voulu donner à cette mandature. Donc on respecte, on s’y inscrit.
LORRAIN SENECHAL
Le MoDem, cette fois-ci, voudrait corriger un effet pervers en quelque sorte identifié, en tout cas c'est ce que disent les députés MoDem, par cette réforme. Elisabeth BORNE d'ailleurs l'a assumé hier en ce qui concerne les femmes qui ont eu des enfants pendant leur carrière. Elles perdront avec la réforme le bénéfice de tout ou partie des trimestres qu'elles ont obtenus pour maternité. Est-ce qu'il faut corriger également ceci, doubler par exemple le nombre de trimestres qu'on obtient quand on est une femme et qu'on fait un enfant ?
OLIVIER VERAN
Pardonnez-moi mais il n'est pas exact de dire que les femmes perdraient le bénéfice de la maternité.
LORRAIN SENECHAL
J'ai dit tout ou partie. Des femmes perdraient le bénéfice.
OLIVIER VERAN
Alors des femmes, non. La réalité, c'est que nous nous adressons aussi aux femmes qui ont des carrières hachées, des carrières longues. Des femmes qui ont eu des enfants, qui ont été conduites à arrêter de travailler pendant un moment plus long par exemple que le congé maternité. On s'adresse aussi aux femmes qui ont décidé de prendre un congé parental. Toutes ces femmes-là, elles sont gagnantes avec la réforme en fait puisqu’on va avoir une meilleure prise en compte du congé parental et puisqu'on maintient la prise en compte totale des trimestres de maternité.
NEILA LATROUS
Mais le congé parental qui n'est pas indemnisé de la même façon que le congé maternité donc ça se paye sur la pension ensuite.
OLIVIER VERAN
Non mais dès lors que vous avez cotisé un certain nombre d'années, vous avez vos trimestres ce qu'on appelle les trimestres d'assurance ou des trimestres cotisés, c'est suffisant pour pouvoir partir quand vous le devez, c'est-à-dire à l'âge légal etc sans perte, et ça c'est plutôt un système qui est maintenu voire renforcé pour les femmes dans notre pays.
LORRAIN SENECHAL
Ce que le MoDem voudrait, c’est qu’il y ait deux trimestres par congé maternité.
OLIVIER VERAN
Ce que nous disons, c’est qu’à l’issue de la réforme les femmes partiront 2 mois à la retraite en moyenne avant les hommes.
LORRAIN SENECHAL
Oui mais pour les femmes qui ont fait des enfants ?
OLIVIER VERAN
Et l'autre paramètre qu'il faut prendre en compte, c'est le niveau de pension quand vous êtes à la retraite et que le niveau de pension des femmes à la retraite, c'est factuel, c’est vérifiable. Les Français peuvent le vérifier. Le niveau de pension moyen des femmes va plus augmenter que le niveau de pension moyen des hommes. Donc on va réduire les inégalités à la retraite entre les femmes et les hommes, et les mécanismes les plus protecteurs que nous introduisons dans cette loi vont bénéficier en priorité aux femmes. Par exemple l'augmentation de la retraite minimale qui peut atteindre les 1 200 euros par mois, elle va toucher… 60 % des bénéficiaires sont des femmes.
LORRAIN SENECHAL
Mais là vous ne répondez pas donc sur cet amendement MoDem qui consisterait à doubler les trimestres ? Il n’y a pas d’avis du gouvernement sur cette proposition ?
OLIVIER VERAN
Je ne réponds pas parce qu'il y a un débat qui va se tenir dans l'hémicycle et que ce débat, encore une fois, il relève… Il y a la séparation d'Etat. Il y aura un représentant du Gouvernement qui sera au banc dans l'hémicycle et si la Nupes nous permet d'atteindre un examen de cet amendement, ce qui n'est pas garanti à l’heure où je vous parle…
LORRAIN SENECHAL
Mais à ce stade, il n'y a pas d'avis du Gouvernement.
OLIVIER VERAN
L’avis sera donné en temps voulu, voilà. On discute avec les forces politiques. C'est pour montrer aussi l'esprit d'ouverture. D’habitude j'aurais pu vous dire : non, ça c'est non. Là on est ouvert à la discussion.
LORRAIN SENECHAL
Vous pourriez : ça c’est oui mais vous ne le dites pas.
OLIVIER VERAN
Je vous réaffirme ce que nous faisons déjà pour les retraites des femmes : les pensions vont augmenter, elles partiront plus tôt que les hommes à la retraite et c’est les plus grandes bénéficiaires des nouvelles mesures sociales.
NEILA LATROUS
L'ouverture la plus notable évoquée par Elisabeth BORNE hier soir chez nos confrères de France 2, c’est sur l'emploi des seniors. Il y a cet amendement notamment des Républicains qui… Il faut préciser ce que c’est « senior ». C’est vrai, on est senior à partir de quand en France ?
OLIVIER VERAN
C'est une bonne question. Alors il y a des stades, après il y a toujours ce qu'on appelle l'effet de seuil. Moi j’ai horreur des effets de seuil. Vous passez un jour, vous êtes devenu senior, juste avant vous ne l’êtes pas mais bon, la loi est faite de seuils.
NEILA LATROUS
C'est plus de 50 ans, c'est 55 ? Dans l'esprit de la loi aujourd'hui c’est…
OLIVIER VERAN
Je crois que plus important que cela, permettez-moi de le dire, c'est ce qu'on fait pour maintenir dans l'emploi les seniors, pour inciter les entreprises à leur proposer des formations pour de la reconversion professionnelle, comment on fait pour valoriser l'expérience, l'expertise et les compétences des seniors, et comment – et ce qu'a dit la Première ministre hier soir est fondamental en mon sens – comment on fait pour que les entreprises arrêtent entre guillemets de se débarrasser des seniors par des plans de départs volontaires.
LORRAIN SENECHAL
Ça s'applique à qui l’index senior ? C’est quels salariés dont on parle ?
OLIVIER VERAN
C’est-à-dire ?
LORRAIN SENECHAL
Les 55 ans et plus, les 60 ans et plus, les 50 ans et plus ?
OLIVIER VERAN
Aujourd'hui c'est plutôt 55 ans et plus si je ne vous dis pas de bêtises. Je ne crois pas que le fait de changer l’âge de départ changera la donne. Mais comprenez l'état d'esprit : c'est que vous avez des gens qui ont fait 20 ans, 30 ans parfois dans le même poste, parfois qui ont changé, qui ont eu plusieurs emplois, et certains d'entre eux ont peur arrivé à partir d'un certain âge de coûter plus cher à leur entreprise et qu'on leur dise : vous n'êtes plus productif, ce qui est totalement faux en fait. Et on voit d'ailleurs partout ailleurs en Europe qu'à chaque fois qu'il y a eu des réformes pour décaler l'âge de départ à la retraite, vous avez eu aussi un décalage quasi automatique en fait du départ à la retraite des seniors. Donc ça veut dire qu’on va pouvoir travailler davantage sur ce maintien dans l'emploi et l'exploitation de toutes les compétences.
NEILA LATROUS
Ça veut dire sévir notamment sur les plans de départs volontaires qui sont ouverts dans les entreprises et qui…
OLIVIER VERAN
Sans doute.
NEILA LATROUS
Sans doute ?
OLIVIER VERAN
C’est ce qu’a ouvert la Première ministre hier, c’est ce qu’elle a dit. Elle n'était pas opposée à la coercition. Ça fait partie des aspects, je crois que j'ai eu l'occasion de le dire sur votre plateau il y a quelques semaines, ça fait partie des points sur lequel on considère que notre dispositif peut être encore renforcé.
NEILA LATROUS
Et ça arriverait dans la loi du printemps ? Pas dans cette loi immédiate.
OLIVIER VERAN
Alors l'emploi des seniors, c'est quelque chose qui n'a pas forcément d'impact budgétaire, donc qui pourrait faire partie d'une loi ad’hoc.
NEILA LATROUS
Donc il y a d'un côté empêcher les entreprises de se débarrasser des salariés les plus âgés qui se rapprochent de la retraite, et puis d'un autre côté aussi favoriser leur recrutement. Le patronat propose des allègements de charges en disant : finalement, ça nous aiderait à recruter davantage de seniors aussi.
OLIVIER VERAN
Nous allégeons les charges pour les entreprises. Nous avons baissé l'impôt sur les sociétés, ce qui permet de faire baisser le chômage, de regarder le cap du plein emploi avec confiance et de retrouver l'attractivité de notre pays. Donc nous ne sommes pas la majorité qui rechigne à faire tout ce qu'il faut pour créer de l'emploi et la richesse dans notre pays. Néanmoins, nous considérons que l'emploi des seniors est un atout en fait pour les entreprises. La France ne doit pas être un pays dans lequel on regarde les gens à partir d'un certain âge en disant : c'est trop tard pour investir sur vous. Ça ne veut rien dire, c'est l'inverse en réalité. Vous avez énormément à apporter dans votre entreprise, que vous soyez dans une société de services, dans une usine, dans un bureau, c'est fondamental.
LORRAIN SENECHAL
OLIVIER VERAN, vous supprimez les régimes spéciaux, presque tous. Pas ceux par exemple des sénateurs, pourquoi ?
OLIVIER VERAN
Parce que… Ce n’est pas du tout un problème politique, croyez-moi. D'ailleurs les députés ont déjà décidé qu'ils s'appliqueraient à eux-mêmes la réforme des retraites, d’accord. Donc ils vont le faire comme ils l'ont fait d'ailleurs pour les précédentes réformes des retraites, donc ils seront logés à la même enseigne. Et c'est, en fait, la séparation des pouvoirs fait que le gouvernement ne peut pas décider pour les députés ou les sénateurs.
LORRAIN SENECHAL
Il faudrait que les sénateurs votent eux-mêmes la suppression de leur régime spécial.
OLIVIER VERAN
Il faudrait une loi qu’on appelle une loi organique qui n'est pas du tout le même texte, et donc il faut le plus logique, le plus simple, le plus raisonnable : c'est que les parlementaires décident, après l'adoption de la loi, de s'appliquer ce régime.
LORRAIN SENECHAL
Et concernant les autres métiers ? Je pense par exemple à la RATP.
OLIVIER VERAN
Vous noterez qu’on a la majorité à l'Assemblée nationale et que les députés ont décidé de se l’appliquer donc les discussions sont en cours au Sénat et nous verrons.
LORRAIN SENECHAL
La RATP bénéficie d'un régime spécial que vous voulez supprimer alors même que les transports parisiens ont beaucoup de mal à recruter. C'est le bon moment ?
OLIVIER VERAN
Manifestement, si c'était l'âge de départ à la retraite qui était un facteur de difficultés pour recruter, on le saurait.
LORRAIN SENECHAL
Ça donnerait encore moins envie de rejoindre la RATP disons.
OLIVIER VERAN
Je ne crois pas que la difficulté soit de se projeter dans un an ou deux ans de plus d'une carrière. Je pense que la difficulté, elle est ailleurs encore une fois. Je vous parlais tout à l'heure de l'organisation, de la qualité de vie au travail, de comment on fait les choses. Après il est, honnêtement, très cohérent de demander à ce qu’un conducteur parisien travaille le même nombre d'années qu'un conducteur lyonnais, bordelais ou marseillais. Là vous avez des écarts en années qui ne s'expliquent plus, qui ne se justifient plus. Les députés - je vous le dis et je le redis - les députés ont supprimé lors de l'examen en commission les régimes spéciaux.
NEILA LATROUS
Et leur propre régime spécial, ils sont revenus dessus, ils sont alignés désormais sur la Fonction publique ; vous avez dit : c'est parce qu'on a la majorité à l'Assemblée qu'on a pu le faire.
OLIVIER VERAN
Non, c’est parce que les députés de la majorité ont décidé de le faire.
NEILA LATROUS
Est-ce que vous souhaitez que les sénateurs le fassent ?
OLIVIER VERAN
Et certains députés des oppositions d'ailleurs, je crois que les LR l’ont adopté.
NEILA LATROUS
Est-ce que vous souhaitez que les sénateurs le fassent ?
OLIVIER VERAN
Je vous ai parlé de la séparation des pouvoirs donc je…
NEILA LATROUS
Mais vous pouvez un avis personnel.
LORRAIN SENECHAL
Donc joker.
OLIVIER VERAN
Mais moi je pense qu’on doit être exemplaire en tout point, c'est tout, voilà.
NEILA LATROUS
Le législateur doit être exemplaire là-dessus.
OLIVIER VERAN
Je pense qu'il faut être logé exactement comme tout le monde et c'est ce que les Français comprendront….
LORRAIN SENECHAL
Le message est passé. On va parler pouvoir d'achat dans un instant Olivier VERAN. 8h51, c’est le fil info avec Maureen SUIGNARD.
Pause
LORRAIN SENECHAL
Toujours avec le porte-parole du Gouvernement, Olivier VERAN. Le litre d'essence dépasse maintenant souvent les 2 euros en France, on est à des niveaux historiquement élevés, on est quasiment au même niveau qu'au moment de la ristourne de carburant de 18 centimes le litre, c'était la toute première en avril dernier, est-ce qu'il n’est pas question de réintroduire cette ristourne ?
OLIVIER VERAN
En fait, je vais profiter de votre question pour faire un appel aux Français qui vous écoutent : nous avons décidé, le Gouvernement a décidé de mettre en place une indemnité carburant travailleur (ICT) qui atteint les 100 euros pour quelqu'un qui prend sa voiture pour aller travailler, ce qui représente l'équivalent d'une ristourne de 10 centimes jusqu'à 12 000 kilomètres, d’accord ! Pour en bénéficier, il faut avoir un salaire, des revenus qui sont aux alentours de 1.300 et quelques euros net par mois et si vous êtes deux dans le foyer, les deux membres du foyer peuvent en bénéficier. Vous vous souvenez ? on a présenté ça il y a à peu près un mois …
LORRAIN SENECHAL
Le chèque carburant …
OLIVIER VERAN
Voilà. Il y a 11 millions de Français qui peuvent en bénéficier. Pour en bénéficier, il faut se rendre sur le site des impôts - d’ailleurs, il y a un lien rapide, c’est ict.impots.gouv.fr - on vous demande votre plaque d'immatriculation, votre revenu fiscal de référence, je l'ai fait pas à titre d'exemple, pas pour en bénéficier moi, je l’ai fait pour voir si c’était simple, ça m'a pris une minute et dans la semaine, vous recevez directement sur votre compte l’argent.
LORRAIN SENECHAL
Et combien de Français l’ont fait ?
OLIVIER VERAN
Ecoutez, on est sur à peu près entre 10 et 11 millions de Français qui devraient en bénéficier ; on en est à un peu plus de 3 millions de Français qui en ont fait la demande, 3 millions …
LORRAIN SENECHAL
Il reste 7 à 8 millions …
OLIVIER VERAN
Ça veut dire qu’il y a deux Français sur 3 qui doivent recevoir l'équivalent de la ristourne n’en ont pas fait la demande. Donc je profite de votre émission ; vous savez des fois, il y a des aides qui sont calculées par les services comptables en disant « il y aura un taux de non-recours », là en l'occurrence on a prévu de tout dépenser en fait. Donc on demande vraiment aux Français de faire cette demande pour protéger leur pouvoir d'achat.
LORRAIN SENECHAL
Mais est-ce que ça veut dire que justement c'était la bonne mesure puisque les Français n’ont pas l'air de bien comprendre comment ça fonctionne et n’ont pas l'air de faire la demande ?
OLIVIER VERAN
Je vous dis qu'on a déjà fait des mesures qui étaient compliquées à mettre en oeuvre et à demander ; que là, ça vous prend une minute mais vraiment une minute pour faire la demande.
NEILA LATROUS
Ce qui coûte cher aussi pour les automobilistes, pour ceux en tout cas qui prennent l'autoroute c'est les péages qui augmentent au 1er février, il y a quelques jours, plus 4,75% en moyenne. Pourtant d'après le Canard enchaîné, il y a eu un rapport de l'Inspection générale des finances qui dit que finalement les autoroutes se portent bien, qu'il est possible de réduire le prix du péage sur deux tiers des réseaux autoroutiers et que ce rapport, il aurait – je cite Le Canard enchaîné - été écarté par le Gouvernement. Est-ce que c'est vrai ?
OLIVIER VERAN
Je n’ai pas de réponse à vous faire, je ne suis pas dans les arcanes mais vous savez, il est très fréquent qu'en fait vous demandiez des rapports à l'Inspection générale et vous êtes libre de rendre public et à quel moment etc., tel rapport. Je ne sais pas si c'est le cas dans cette situation précise mais sur les autoroutes à la base, elles devaient augmenter plus ; en tout cas, les sociétés autoroutières souhaitaient augmenter davantage le prix des autoroutes …
LORRAIN SENECHAL
Ça vient d’augmenter de 4,75% …
OLIVIER VERAN
… en raison de la hausse d'un certain nombre de coûts comme le coût de l'énergie bien sûr on préférerait qu'elles n’augmentent pas en fait. Evidemment, on veut protéger le pouvoir d'achat des Français !
LORRAIN SENECHAL
On pourrait même le baisser ! C’est ce que dit l’IGS …
OLIVIER VERAN
Après, ils ont fait, les sociétés autoroutières ont fait un geste puisque lorsque vous utilisez un parcours très fréquemment, vous avez des baisses qui sont assez conséquentes pour le coup avec des baisses forfaitaires …
LORRAIN SENECHAL
Mais l’IGS, vos services, les services de Bercy disent : on aurait pu baisser …
OLIVIER VERAN
Je ne peux pas commenter un rapport de l'Inspection générale que je n'ai pas vu et qui n'est pas dans mon périmètre ; ce que je vous dis, c'est que, instinctivement, moi, je m’étais dit que le coût des autoroutes n’allait pas nécessairement augmenter autant que l’inflation parce que …
LORRAIN SENECHAL
Vous êtes d'accord …
OLIVIER VERAN
…les coûts premiers ne sont pas soumis aux mêmes contraintes que l'alimentation par exemple, ils augmentent un peu moins que l’inflation.
LORRAIN SENECHAL
Les bénéfices des sociétés d’autoroutes, Olivier VERAN, c’est 4 milliards d'euros, on ne pourrait pas redistribuer un petit peu de cet argent ?
OLIVIER VERAN
Alors vous avez de la fiscalité sur ces 4 milliards d’euros qui va quand même dans les caisses de l'Etat, donc dans les poches des Français.
LORRAIN SENECHAL
Là je parle des bénéfices uniquement !
OLIVIER VERAN
Oui, oui mais vous avez une taxation qui est aussi importante des sociétés autoroutières.
LORRAIN SENECHAL
Et ça suffit ?
OLIVIER VERAN
Je ne dis pas que ça suffit ; je dis que c'est un … s'il y a un rapport de l'Inspection générale, c'est probablement …
LORRAIN SENECHAL
Que ça ne suffit pas !
OLIVIER VERAN
…dans le but de le travailler ! Voilà, donc on verra !
NEILA LATROUS
On retourne au Sénat, Olivier VERAN, qui vient de se prononcer pour l'inscription du droit à l'interruption volontaire de grossesse dans la Constitution ; dans la formulation choisie, il protège précisément la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse, liberté déterminée par la loi, c'est la formulation qui a été choisie par le Sénat et si les députés valident cette la formulation le texte pourra alors être soumis à un référendum si le Gouvernement s’en saisit. Est-ce que le Gouvernement va se saisir de la constitutionnalisation de l'IVG ?
OLIVIER VERAN
Alors il reste une étape importante avant qu'on on ait à répondre à cette question, c'est ce qu'on appelle la commission mixte paritaire. Les députés ont voté une version de cette proposition de réforme constitutionnelle, les sénateurs ont voté - et on revient de loin parce que c'était pas gagné avec le Sénat dans lequel nous n'avons pas la majorité - …se prononcent pour un texte. Donc ils ont fait une formulation ; maintenant, il faut réunir les députés, les sénateurs et qu’ils se mettent d'accord.
NEILA LATROUS
Elle vous convient ?
OLIVIER VERAN
Moi, je préférerais la formulation de l’Assemblée nationale.
LORRAIN SENECHAL
Qui protège le droit à l'avortement alors que le Sénat protège la liberté.
OLIVIER VERAN
Comprenez, quel est le sens ? Le sens c'est se dire on voit des démocraties dans le monde, y compris des vieilles démocraties fortes qui sont tout d'un coup terrassées par un mouvement populiste qui prend le pouvoir pour quelques années et ce mouvement populiste, l'une des premières mesures qu'il prend, c'est de remettre en cause les droits des femmes et nous considérons que si demain l'extrême droite, par exemple, devait prendre le pouvoir dans notre pays, eh bien, la loi n'est pas suffisamment protectrice pour les femmes et donc nous voulons l'ancrer dans le niveau constitutionnel pour qu'il soit impossible par la loi de rogner sur les droits des femmes.
NEILA LATROUS
« Nous », le Gouvernement ?
OLIVIER VERAN
Nous, la majorité. Je vous parle au nom de la majorité et je m'inscris totalement dans cette logique de de l'inscrire à l'échelle constitutionnelle ; encore une fois donc c'est une avancée qui est très conséquente, que d'avoir déjà un texte qui sort du Sénat. Maintenant, laissons députés et sénateurs travailler ensemble pour voir quelle formulation sera proposée au Gouvernement et ensuite …
LORRAIN SENECHAL
Et vous dites : peu importe la formulation si c'est celle du Sénat, eh bien, on la prend ?
OLIVIER VERAN
Moi, je ne peux pas m'engager sur le référendum ; c'est le pouvoir du président de la République. Donc je ne vais pas vous faire d'annonce sur ce point mais je vous dis juste que non seulement je comprends le raisonnement et je pense que les démocraties ont raison de protéger au plus haut niveau un certain nombre de droits dont on considère parfois trop souvent qu'ils sont inaliénables alors qu'en réalité, les populismes les terrassent bien volontiers lorsqu'ils accèdent au pouvoir.
LORRAIN SENECHAL
Merci Olivier VERAN, porte-parole du Gouvernement …
OLIVIER VERAN
Merci à vous !
LORRAIN SENECHAL
…invité du « 8 :30 », bonne journée à vous !
Source : Service d’information du Gouvernement, le 8 février 2023