Interview de M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, à CNews, le 16 février 2023, sur la mobilisation sociale contre le projet de réforme des retraites, l'allongement de la durée de cotisations, le report de l'âge légal de la retraite et le dispositif carrières longues.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : CNews

Texte intégral

LAURENCE FERRARI
Bonjour Monsieur le ministre.

OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.

LAURENCE FERRARI
Bienvenue dans la matinale de CNews. Jour de mobilisation aujourd'hui, c'est le cinquième rendez-vous des Français pour protester contre le texte que vous portez sur les retraites, l'hostilité des Français ne se dément pas, 65 % d'entre eux, selon un sondage CSA pour CNews, souhaitent le retrait de la réforme, 67 % sont contre. Est-ce que vous êtes sourd aux messages que vous envoient, pacifiquement, dignement, régulièrement les Français ?

OLIVIER DUSSOPT
Il n'y a aucune surdité, et depuis le début nous le disons, nous le savons, cette réforme c'est un effort qui est demandé aux Français, un effort, parce que travailler deux ans de plus, même si c'est progressif, même si c'est adapté, aux carrières longues, aux carrières pénibles, c'est malgré tout un effort. C'est un effort pour garantir un système de solidarité, entre les générations d'abord, mais aussi un système de solidarité par répartition, faire en sorte que dans un contexte où nous sommes de moins en moins nombreux à cotiser, pour… de retraités, nous puissions trouver les recettes pour garantir le système de retraites.

LAURENCE FERRARI
Alors vous dites on n'est pas sourd, en même temps vous ajustez certaines mesures, on va y revenir dans un instant, mais là les syndicats disent "vous ne comprenez pas ce qu'on dit, on vous demande de retirer la réforme", il v va y avoir des blocages, vous envisagez une France bloquée à partir du 7 mars, quelles sont vos options à partir de là ?

OLIVIER DUSSOPT
Nous avons toujours dit, tout le gouvernement, la Première ministre, moi-même, que l'expression des désaccords elle est naturelle, elle est démocratique, mais qu'il ne faut pas aller jusqu'au blocage. Aujourd'hui les syndicats disent "le 7 mars nous voulons mettre le pays à l'arrêt", ils ne parlent pas de blocages, ils parlent de mise à l'arrêt, certaines fédérations parlent de grève reconductible, nous sommes pas encore le 7 mars, donc chaque chose en son temps. Nous sommes dans un débat à l'Assemblée, débat à l'Assemblée dont j'aimerais qu'il soit plus productif. Il y a plus de 10.000 amendements qui sont encore déposés, des amendements d'obstruction, où on peut passer des heures et des heures pour savoir s'il faudra enlever une virgule à un endroit ou en rajouter une à un autre, sans qu'il y ait de lien avec la réforme des retraites. Et moi je pense par exemple aux Français qui peuvent être opposés, qui peuvent être d'accord, qui peuvent être interrogatifs, et s'ils assistent aux débats à l'Assemblée, ils ont des députés d'opposition qui parlent de tout sauf des retraites.

LAURENCE FERRARI
Absolument. Vous avez été particulièrement malmené dans ces débats à l'Assemblée, on vous a traité d'assassin, que vous n'avez pas digéré évidemment, vous en avez perdu votre voix…

OLIVIER DUSSOPT
Ce n'est pas tout à fait ça qui m'a fait perdre la voix, c'est plutôt un mauvais coup de froid.

LAURENCE FERRARI
Non mais bon, ça y a peut-être contribué. On a appris aussi que votre protection au quotidien était renforcée, vous avez peut pour votre sécurité ?

OLIVIER DUSSOPT
La question pour moi ne se pose pas comme ça, tout ce qui relève de ma sécurité relève de mes officiers de sécurité en lien avec le service du ministère de l'Intérieur et je n'ai pas de commentaire à faire.

LAURENCE FERRARI
Mais vous ne confirmez pas que votre sécurité a été…

OLIVIER DUSSOPT
Je suis mobilisé pour cette réforme, la seule chose qui compte pour moi c'est que cette réforme puisse aller au bout. Nous la portons, nous la défendons dans l'hémicycle, et je le répète, nous avons encore 48 heures de débat, 48 heures pendant lesquelles nous pouvons…

LAURENCE FERRARI
C'est ridicule 48 heures.

OLIVIER DUSSOPT
Non, 48 heures ce n'est pas ridicule, ça vient après 10 jours de débat. Les oppositions qui aujourd'hui vont nous dire il ne reste pas assez de temps, sont les mêmes qui depuis 10 jours nous parlent de tout sauf des retraites, de tout. Hier nous avons eu 4 heures sur les développements à propos de la CSG et de l'ISF, ce n'est pas le sujet, les Français, je pense, souhaiteraient qu'on parle des retraites, ce n'est pas ce que fait l'opposition. Pire que ça, avant-hier, l'opposition s'est réunie une toute entière pour supprimer "l'index seniors", les mêmes qui pendant une semaine nous ont dit le travail des seniors est important, ont supprimé l'article qui permettait d'avoir…

LAURENCE FERRARI
Oui, mais ce n'est peut-être pas la meilleure solution pour favoriser l'emploi des seniors, l'index.

OLIVIER DUSSOPT
C'est une solution parmi d'autres, tous les outils doivent être créés et mobilisés, et après nous avoir dit pendant des jours et des jours, "vous ne faites pas assez sur les seniors", première décision ils suppriment l'article sur les seniors.

LAURENCE FERRARI
Mais les LR sont des alliés encombrants, vous n'allez pas le découvrir.

OLIVIER DUSSOPT
Non, je pense que le groupe LR, le parti, a un certain nombre d'attentes qui aujourd'hui sont satisfaites dans le texte, et ils se sont exprimés, je crois il y a deux jours, après un bureau national, pour dire qu'ils soutenaient la réforme.

LAURENCE FERRARI
On verra ça dans un instant. Encore un mot. Un député MoDem, donc de votre majorité, a comparé votre sort à celui de Samuel PATY, vous cautionnez ça ?

OLIVIER DUSSOPT
Non, non non. Vous savez moi je…

LAURENCE FERRARI
Franchement ?

OLIVIER DUSSOPT
Parfois on me reproche d'être un peu terne, un peu triste et un peu techno, ça a le mérite d'éviter tout écart de langage, et c'est très bien comme ça.

LAURENCE FERRARI
D'accord, donc vous ne cautionnez pas ce type de comparaison.

OLIVIER DUSSOPT
Je ne cautionne jamais aucun écart de langage.

LAURENCE FERRARI
Vous l'appliquez à vous-même j'imagine.

OLIVIER DUSSOPT
J'essaye en tout cas. Vous savez, il faut toujours faire attention quand on dit qu'on n'a pas d'écart de langage parce qu'il suffit d'un moment d'énervement, mais je fais partie de ceux qui considèrent qu'en politique on peut s'opposer, j'adore l'argumentation, j'adore le débat, mais je considère que, oralement, physiquement encore plus, la violence n'a jamais de place dans le débat.

LAURENCE FERRARI
Dans l'esprit républicain de la Ve. Emmanuel MACRON était très agacé hier en conseil des ministres, il dit "les oppositions n'ont plus de boussole, elles sont totalement perdues", visiblement il n'y a pas qu'elles.

OLIVIER DUSSOPT
Non, nous nous savons où nous allons, déjà c'est un premier point, et c'est vrai que c'est un peu particulier. Nous avons une partie, je dis bien une partie, du groupe LR, qui après avoir fait campagne pendant toute la présidentielle pour la retraite à 65 ans sans conditions, nous explique que 64 ans c'est trop et que les mesures d'accompagnement ne vont pas assez loin, et puis nous avons une partie de l'opposition, je pense notamment aux députés socialistes, qui en 2013, j'en étais, ont voté l'allongement de la durée de cotisation…

LAURENCE FERRARI

OLIVIER DUSSOPT
Oui, mais moi je me souviens que j'ai voté l'allongement de la durée de cotisation de 42 à 43 ans, et qui aujourd'hui vont mine de découvrir qu'on passe à 43 ans, un peu particulier comme… c'est peut-être le mérite de ce débat de remettre l'église au milieu du village.

LAURENCE FERRARI
Vous confirmez qu'Emmanuel MACRON est agacé, pourquoi ne prend-il pas la parole…

OLIVIER DUSSOPT
Ça je ne sais pas, mais en tout cas…

LAURENCE FERRARI
Pourquoi il n'explique pas cette réforme ?

OLIVIER DUSSOPT
Il considère qu'un certain nombre de nos interlocuteurs devraient avoir un peu plus de constance, c'est vrai que ça nous féliciterait la vie.

LAURENCE FERRARI
Oui, s'il prenait la parole ça vous faciliterait la vie.

OLIVIER DUSSOPT
Si nos interlocuteurs avaient plus de constance.

LAURENCE FERRARI
Alors on va revenir sur les points clés de la réforme parce que les Français n'y comprennent plus rien, Monsieur le ministre, donc vous allez nous éclaircir. Carrières longues, pas plus de 43 années de cotisation a annoncé la Première ministre, ah, mais finalement, on s'aperçoit que pas du tout, ce n'est pas du tout vrai pour tout le monde, tous les travailleurs qui ont commencé tôt ne pourront pas partir après 43 ans, en fait ça dépend de borne d'âge. Expliquez-moi si je me trompe. Si vous avez commencé à 15 ans, 17 ans et 20 ans, vous cotiserez un an de moins, mais, si vous avez commencé à 14 ans, 16 ans, 18 ans, rien ne change. Monsieur le ministre, on n'y comprend plus rien.

OLIVIER DUSSOPT
Alors, je vais vous dire, c'est assez normal.

LAURENCE FERRARI
Non, mais ce n'est pas normal.

OLIVIER DUSSOPT
C'est tout à fait normal, ce que vous décrivez-là, la difficulté de ce que décrivez, la complexité de ce que vous décrivez, ce n'est pas nous qui l'avons inventé c'est le système de carrières longues tel qu'il existe.

LAURENCE FERRARI
Vous savez les Français sont intelligents, il suffit qu'on leur dire les choses de façon intelligente.

OLIVIER DUSSOPT
Mais est-ce que j'ai dit l'inverse ?

LAURENCE FERRARI
Non.

OLIVIER DUSSOPT
Je dis simplement que nous sommes dans un système de retraite qui est d'une complexité sans nom, qui l'a toujours été.

LAURENCE FERRARI
Alors, expliquez-moi.

OLIVIER DUSSOPT
Deux points, pour essayer d'être aussi direct que possible. D'abord la question de la durée de cotisation. Tout le monde réagit, depuis maintenant 15 jours, en disant comme si la durée de cotisation c'était un plafond, ça n'a jamais été un plafond. Quand vous parlez aux Français justement, quand les Français parlent, quand nous-mêmes nous parlons de notre retraite, nous disons il me faut cotiser actuellement 42 ans, demain 43 ans, au minimum, pour avoir droit à une retraite à taux plein, c'est un plancher, et puis il y a un système de carrières longues, qui a été créé en 2003, et effectivement, quand vous êtes carrière longue, si vous commencez à travailler tôt, si vous cotisez cinq trimestres avant tel ou tel âge, vous pouvez partir plus tôt. Qu'est-ce qui se passe ? si vous avez commencé à travailler avant 16 ans, si vous avez cotisé cinq trimestres avant 16 ans, c'est de plus en plus rare, et c'est tant mieux…

LAURENCE FERRARI
C'est rare, mais ça existe.

OLIVIER DUSSOPT
Ça existe encore, mais c'est tant mieux que ce soit rare parce que ça signifie qu'on va plus longtemps à l'école et c'est très bien comme ça ; vous pouvez partir à 58 ans, on ne le touche pas. Si vous avez commencé à travailler avant 18 ans, donc entre 16 et 18 ans, vous pouvez partir à 60 ans, si vous avez commencé à travailler entre 18 et 20 ans, vous pourrez partir à 62 ans, à condition d'avoir vos 43 années de cotisation au moment de votre date anniversaire, c'est une vraie simplification, et nous faisons, c'était d'ailleurs une demande du groupe Républicains, nous faisons une quatrième marche pour dire que dans un moment de notre histoire, où l'âge légal va être un peu plus élevé, ceux qui ont cotisé cinq trimestres avant 21 ans doivent pouvoir partir à 63 ans s'ils ont leurs 43 années de cotisation, c'est une vraie protection que nous mettons en œuvre.

LAURENCE FERRARI
Ok, mais est-ce qu'il y a une différence entre ceux qui commencent à 14 ans et 15 ans, Monsieur le ministre ?

OLIVIER DUSSOPT
Il peut y en avoir une de quelques mois, mais vraiment…

LAURENCE FERRARI
Donc celui qui a commencé à 14 ans va être pénalisé face à celui qui a commencé à 15 ?

OLIVIER DUSSOPT
Mais ce n'est pas une question de cotisations…

LAURENCE FERRARI
Eh bien si, c'est des cotisations en plus Monsieur le ministre.

OLIVIER DUSSOPT
Oui, mais je vais un cran plus loin. Aujourd'hui on part… on l'a dit, moins de 16 ans, très franchement, c'est tellement rare, c'est tellement rare…

LAURENCE FERRARI
Oui, mais enfin ça existe.

OLIVIER DUSSOPT
Ça existe de moins en moins, et tant mieux, je le répète…

LAURENCE FERRARI
Oui, mais ça existe.

OLIVIER DUSSOPT
On pourrait faire le même raisonnement après ; on parle à chaque fois d'années de cotisations. Si vous commencez à travailler à 16,5 ans, donc avant 18 ans, dans le système que l'on crée vous pourrez partir à 60 ans, sauf que si une fois que vous avez 20 ans… vous décidez, et c'est votre droit le plus absolu, de faire un break, de partir faire du surf pendant un an, de faire un tour du monde, et que vous ne cotisez pas pendant trois, quatre mois, ça peut être un projet de vie, c'est votre droit, pendant ce temps-là vous ne cotisez pas, le jour où vous arrivez à 60 ans, vous n'aurez pas vos 43 années de cotisations, donc…

LAURENCE FERRARI
Il y en a combien des gens qui font ce que vous dites Monsieur, quand on a commencé à travailler tôt, c'est qu'on doit travailler toit, c'est qu'on n'a pas le choix, donc on ne va pas faire du surf Monsieur le ministre.

OLIVIER DUSSOPT
Il n'y en n'a pas beaucoup, mais j'ai pris un exemple positif, je pourrais prendre un exemple négatif, qui est quelqu'un qui connaît des périodes de précarité très longtemps dans sa vie, donc ce que je dis, et ce que je répète, c'est que le système que nous mettons en place est le plus protecteur qui soit…

LAURENCE FERRARI
Mais il y a des différences qui sont incompréhensibles, moi je ne comprends pas pourquoi quelqu'un qui part à 14 ans est défavorisé par rapport à quelqu'un qui part à 15, et par rapport à 16 et 17, je ne comprends rien.

OLIVIER DUSSOPT
Prenons un tout petit peu de recul. 20 ans, ce n'est pas beaucoup 20 ans, c'est beaucoup à l'échelle d'une vie, mais ce n'est pas beaucoup à l'échelle de l'histoire économique. En 2003, avant 2003, la retraite était à 60 ans, il fallait 37 années de cotisations, si vous faisiez des études, vous commenciez votre carrière vers 22 ans, 22,5 ans, 60 ans, vous alliez aux 37,5 ans, vous partiez, si vous avez commencé à l'usine à 15 ans, vous bossiez 45 ans, pour avoir à la retraite à 65 ans, en 20 ans on n'a fait que réduire les écarts, et c'est tant mieux, mais imaginez un système…

LAURENCE FERRARI
Mais là on ne comprend plus rien.

OLIVIER DUSSOPT
Imaginer un système où tout le monde cotise exactement le même nombre de jours, le même nombre de mois, le même nombre de trimestres dans sa vie, c'est mentir aux gens, et pour le coup je préfère être précis, parfois un peu rébarbatif, plutôt que de mentir.

LAURENCE FERRARI
Mais la Première ministre n'a donc pas dit la vérité.

OLIVIER DUSSOPT
Si…

LAURENCE FERRARI
43 années de cotisations, pour les carrières longues, c'est faux, il y en a qui vont faire 44 ans.

OLIVIER DUSSOPT
Je viens de vous expliquer l'inverse.

LAURENCE FERRARI
Mais oui, mais je viens de vous le dire, voilà…

OLIVIER DUSSOPT
Elle a dit : "Nous avons un système de carrières longues avec trois bornes d'âge, et on en crée une quatrième…"

LAURENCE FERRARI
Et vous en rajoutez une quatrième.

OLIVIER DUSSOPT
Ceux qui ont leurs 43 années, au moment où ils atteignent l'âge de leurs borne d'âge, peuvent partir.

LAURENCE FERRARI
J'espère que les téléspectateurs de Cnews comprendront ce que vous dites. Pension minimum à 1 200 euros brut pour tout le monde. Ah ben non !

OLIVIER DUSSOPT
Carrière complète.

LAURENCE FERRARI
Ah ben oui. Ça, il fallait le dire.

OLIVIER DUSSOPT
Le président de la République…

LAURENCE FERRARI
Et temps plein et pas temps partiel.

OLIVIER DUSSOPT
Deux choses. C'est bien, parce qu'au moins on…

LAURENCE FERRARI
Ah oui, on y va, on y va sur Cnews.

OLIVIER DUSSOPT
… tous les sujets qui fâchent. Le président de la République a fait campagne, et pendant toute sa campagne il a dit : l'objectif, c'est 85 % du Smic, pour une carrière complète au Smic. Carrière complète.

LAURENCE FERRARI
Donc on est à 1 150 euros, 85 % du Smic, on est d'accord ?

OLIVIER DUSSOPT
Aujourd'hui, en fin d'année avec l'inflation, on sera à peu près à 1 200 euros, comme on le dit, et comme c'est écrit.

LAURENCE FERRARI
Combien il y aura de personnes à 1 200 euros, minimum, brut ?

OLIVIER DUSSOPT
Il y a deux sujets à avoir en tête, parmi les nouveaux retraités. Sur les nouveaux retraités, on a 800 000 retraités par an. On en a 200 000 qui grâce à cette réforme auront une meilleure retraite. Certains auront une retraite meilleure de quelques dizaines d'euros…

LAURENCE FERRARI
D'accord, pas 100 € pour tout le monde.

OLIVIER DUSSOPT
Certains, de 100 €, et en 2030, parce que tout cela se met en place toujours avec un peu de temps, nous aurons 40 000 personnes de plus qui franchiront le cap des 1 200 euros brut par an. Ça peut paraître peu, mais 40 000 personnes qui franchissent le cap, quand on sait qu'on a 800 000 départs à la retraite et qu'aujourd'hui on a 200 000 personnes au total qui vont voir leur retraite progresser, c'est plutôt pas mal. Et puis il y a les retraités actuels, parce que vous savez qu'on va appliquer cette réforme aux traités actuels. Aujourd'hui on a 17 millions de retraités, on a 1,8 million de retraités qui vont avoir une augmentation de leur pension au mois de septembre, grâce à cette réforme. Sur ce 1,8 million, on en a la moitié, 900 000, qui auront une augmentation entre 70 et 100 euros par mois. 125 000, piles 100. Et puis 850 000, un peu plus, entre 70 et 99 euros.

LAURENCE FERRARI
Donc combien à 1 200 euros brut Monsieur le Ministre.

OLIVIER DUSSOPT
225 000 de plus.

LAURENCE FERRARI
225 000 de plus.

OLIVIER DUSSOPT
Qui vont franchir ce cap.

LAURENCE FERRARI
5 millions de retraités qui sont en dessous du Smic, sur 5 millions. C'est le ratio.

OLIVIER DUSSOPT
Non, les 5 millions de retraités, c'est pire que le Smic, c'est 5 millions de retraités qui sont en dessous de 1 000 euros. On est très loin du Smic, en dessous de 1 000 euros. Mais, dans tous ces retraités qui sont en dessous 1 000 euros, qui sont en-dessous de 1 200 euros, dans l'immense majorité des cas, et ce n'est pas un plaisir de le dire, c'est le constat d'une vie de difficultés. Ce sont des difficultés… ce sont des retraités qui ont eu des carrières incomplètes, avec parfois très peu d'années de cotisation. Par contre…

LAURENCE FERRARI
Et ils ont cru qu'ils auraient 1 200 euros.

OLIVIER DUSSOPT
Mais non. Tout le monde, vous savez…

LAURENCE FERRARI
Mais parce que vos collègues l'ont dit, parce qu'Olivier VÉRAN l'a dit.

OLIVIER DUSSOPT
Vous savez, on a fait une campagne…

LAURENCE FERRARI
Et c'est pour ça que les Français sont vraiment déçus.

OLIVIER DUSSOPT
Le président de la République a fait campagne en disant pour une carrière complète, et une carrière complète à temps plein. J'apporte une précision, lorsque vous avez fait toute votre vie au Smic ou toute votre vie à mi-temps, au Smic à mi-temps, vous n'aurez pas 1 200 euros. Je l'ai dit une dame qui m'interrogeait sur un plateau, qui avait travaillé toute sa vie à mi-temps comme hôtesse de caisse, 700 euros par mois, elle a très bien compris pourquoi il n'y aurait pas 1 200 euros. Par contre le fait d'avoir été à temps partiel n'empêche pas d'avoir la revalorisation de 70 à 100 euros, parce que c'est un mécanisme très technique autour du minimum contributif. Mais les temps partiels bénéficieront aussi la revalorisation, sans nécessairement aller jusqu'à 1 200 euros.

LAURENCE FERRARI
Mais vous n'allez pas laisser croire aux Français que tout le monde aurait 1 200 euros. Certains ministres l'ont fait. Vous ne l'avez pas fait, je vous l'accorde…

OLIVIER DUSSOPT
Et le président de la République a fait campagne en disant que c'était pour une carrière complète.

LAURENCE FERRARI
D'accord. Combien va coûter, combien vont coûter les petits arrangements que vous êtes en train de faire ? Est-ce qu'on n'est pas finalement sur une réforme pour rien, qui ne va rien rapporter et qu'en 2030 nous aurons un régime déficitaire ?

OLIVIER DUSSOPT
Non…

LAURENCE FERRARI
Et la deuxième question c'est : est-ce qu'au fond la réforme elle n'était pas calibrée pour 65 ans, de départ légal, et pas 64, et en diminuant cet âge, vous avez déséquilibré l'ensemble de la réforme.

OLIVIER DUSSOPT
Alors, on peut faire une comparaison si vous le souhaitez, mais entre 65 ans en 2031 et 64 en 2030 avec une accélération de la réforme de Marisol TOURAINE…

LAURENCE FERRARI
Ça ne déséquilibre pas…

OLIVIER DUSSOPT
Non, parce qu'en termes de recettes pour le système, on est sur à peu près de 18 milliards d'euros par an en 2030. Les mesures que nous avons prévues, sont des mesures qui sont financées. Sur les recettes de cette réforme, les 18 milliards par an, 2/3 vont permettre d'éponger le déficit et 1/3 de payer les mesures sociales. Les nouvelles mesures, notamment sur les carrières longues, vont coûter entre 600 et 700 millions d'euros d'ici 2030, et avec une montée en puissance très progressive. Et donc nous ferons en sorte que tout ça soit équilibré. Il est hors de question de faire une réforme qui ne revienne pas à l'équilibre. C'est la priorité.

LAURENCE FERRARI
Si vous rajoutez le déficit prévisible, il ne reste plus rien en fait sur les 18 milliards d'euros que vous comptez économiser.

OLIVIER DUSSOPT
L'objectif c'est l'équilibre.

LAURENCE FERRARI
Oui, mais il n'y aura pas d'équilibre en 2030.

OLIVIER DUSSOPT
Si. Ah si je vous assure qu'il y a l'équilibre en 2030. Les tableaux de de la réforme, tableaux financiers qui accompagnent la réforme le montrent, et je l'ai dit et répété pendant toute cette réforme et je continuerai à le faire, deux objectifs : équilibrer le système, parce que si on ne l'équilibre pas, il va dans le mur. Deuxième objectif, l'améliorer, parce que si on se contente de l'équilibrer sans l'améliorer, ça n'est pas très juste. Et donc ces deux objectifs seront tenus, et les mesures que nous avons annoncées encore récemment, sont intégrées dans ce chiffrage.

LAURENCE FERRARI
Marine LE PEN a déposé une motion de censure. Vous saluez ce coup de maître politique, on va dire ?

OLIVIER DUSSOPT
Je n'ai pas à saluer quoi que ce soit, c'est un choix…

LAURENCE FERRARI
Mais elle prend la NUPES de court.

OLIVIER DUSSOPT
C'est un choix du Front national, et le Front national souhaite…

LAURENCE FERRARI
Rassemblement national.

OLIVIER DUSSOPT
Le Rassemblement national – j'ai quelques vieilles habitudes – le Rassemblement national souhaite déposer une motion de censure, c'est un droit constitutionnel. Je n'ai pas à le commenter, je n'ai pas à le juger. Je pense que cette motion devra être, sera rejetée par l'Assemblée nationale, à moins que l'ensemble de la gauche souhaite mélanger ses voix avec celle du Front national. Mais ça appartient au Parlement, c'est une prérogative des groupes politiques, dès lors qu'ils ont plus de 58 députés. Il faut 58 députés pour signer une motion de censure. On en prend acte.

LAURENCE FERRARI
Vous n'avez pas le sentiment d'avoir volé le débat au Parlement ?

OLIVIER DUSSOPT
Ah, ceux qui ont volé le débat, c'est l'opposition. Quand on dépose 18 000 amendements, avec des amendements…

LAURENCE FERRARI
Et quand on donne 20 jours seulement aux députés pour débattre…

OLIVIER DUSSOPT
Mais c'est plus que toutes les mesures… c'est toutes les réformes des retraites précédentes. Mais 20 000 amendements, quand il s'agit de changer les virgules, vous savez que madame ROUSSEAU avait déposé un amendement, elle l'a retiré, qui visait à transformer le titre de l'index seniors en index feuille à salade. Si c'est pour ça qu'on est élu…

LAURENCE FERRARI
Index quoi ?

OLIVIER DUSSOPT
Feuille à salade.

LAURENCE FERRARI
Feuille à salade, oui.

OLIVIER DUSSOPT
Elle l'a retiré. Si c'est pour ça qu'on est élu député, il faut changer de métier.

LAURENCE FERRARI
Le rapport au travail, c'est ce qui sous-tend toute cette réforme…

OLIVIER DUSSOPT
Je crois…

LAURENCE FERRARI
On n'y a pas pensé en vérité ?

OLIVIER DUSSOPT
Si…

LAURENCE FERRARI
Le rapport des Français à leur travail.

OLIVIER DUSSOPT
Je pense que…
LAURENCE FERRARI
Pourquoi ne pas avoir d'abord parlé travail, avant de parler de rapport à la retraite ?

OLIVIER DUSSOPT
D'abord, je pense que le rapport au travail est majeur, et que pendant 40 ans, toutes les politiques se sont concentrées sur la lutte contre le chômage et l'accès à l'emploi, parfois au détriment du travail, et ai ouvert les Assises du travail fin novembre, avec un vrai sujet de fond sur les nouveaux rapports au travail, sur les nouvelles manières d'organiser le travail dans une société de plus en plus numérique, et fin mars nous aurons des conclusions qui je crois seront intéressantes…

LAURENCE FERRARI
Il fallait peut-être, pas… commencer par ça ?

OLIVIER DUSSOPT
Alors, je vais vous dire pourquoi. Non, le déficit il ne fait pas de pause. Si on ne fait pas la réforme maintenant, il faudra la faire plus tard, et plus vous attendez, plus les marches à monter pour la mettre en œuvre et atteindre l'équilibre en 2030, seront hautes. Et donc, si on veut des marches plus hautes, il faut attendre. Si on veut une entrée en réforme, une entrée en vigueur plus progressive, il faut le faire très vite, c'est ce que nous faisons.

LAURENCE FERRARI
Merci Olivier DUSSOPT d'être venu ce matin dans La matinale de Cnews.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 février 2023