Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Olivier DUSSOPT.
OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes le ministre du Travail, du Plein emploi, de l'Insertion, c'est vous le Monsieur retraites, c'est vous qui êtes sur les bancs dans l'hémicycle pour cette toute dernière journée d'examen du projet de loi en première lecture. Minuit, ce soir, fin de l'examen, ça va ?
OLIVIER DUSSOPT
Ça va oui, je n'ai pas beaucoup de voix, vous l'avez dit, mais ça s'appelle une bronchite, une laryngite, quelque chose comme ça.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous somatisez un peu ?
OLIVIER DUSSOPT
Non, je ne crois pas, je crois juste que c'est un petit coup de froid.
APOLLINE DE MALHERBE
Un petit coup de froid, sauf que vous n'êtes pas vraiment sorti de l'hémicycle, je ne sais pas où est-ce que vous avez pris froid mais…
OLIVIER DUSSOPT
Dans l'hémicycle peut-être.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez quand même accumulé beaucoup d'injures à votre endroit ces derniers jours, il y a eu évidemment toutes ces images, les images de la France insoumise, notamment de Thomas PORTES, on va les revoir, il y a eu le mot "d'assassin", comment vous avez vécu d'abord tout ça ?
OLIVIER DUSSOPT
Vous savez, quand on se fait injurier, quand on voit des images qui sont violentes, parce qu'il n'y a pas d'autre mot, ce n'est pas agréable, et d'ailleurs ce n'est pas fait pour être agréable, c'est fait pour blesser, c'est fait pour déstabiliser, ça réveille aussi les fous parfois, ça réveille les haines, ça réveille les mauvais sentiments sur les réseaux sociaux ou ailleurs, ce n'est pas ma conception du débat public, mais finalement que ce soit moi ou quelqu'un d'autre, ce qui compte c'est ce que ça dit de la démocratie, et ça ne dit pas des très belles choses de la démocratie. Que ce soit mon visage ou celui d'un collègue, ce n'est pas très important, mais ça ne dit pas de belles choses de la démocratie, ça ne dit pas de belles choses de la manière dont ceux qui se prêtent à ces mots et à ces images considèrent la démocratie.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça a des conséquences puisque vous êtes sous protection policière renforcée, c'est-à-dire que désormais même dans votre temps libre vous êtes accompagné, même dans vos moments de vie privée, de trois officiers, donc en permanence, il y a eu des messages de menace, vous le disiez, vous disiez que ça réveillait des fous, des menaces de mort, des images de guillotine, y compris des messages à caractère homophobe, vous vous attendiez à ça ?
OLIVIER DUSSOPT
Je m'attendais à ce que le débat soit difficile, après, je l'ai dit, chaque insulte succède à une autre insulte, c'est malheureusement une réalité, ce n'est pas une question personnelle, je le dis, c'est malheureusement très représentatif de la manière dont la démocratie peut être abimée. Lorsque des députés, représentants de la nation, qui siègent dans un lieu aussi chargé d'Histoire, aussi chargé de symboles que l'Assemblée, se prêtent à cela, lorsqu'ils encouragent finalement, par des mots, les manifestations les plus outrancières, sur les réseaux sociaux, dans la rue, ça abîme, et c'est peut-être une volonté d'ailleurs d'abîmer, ce n'est pas la mienne, ce n'est pas ma conception de la politique, moi je ne suis pas satisfait, je ne suis pas heureux, pour moi, mais de manière générale, je ne suis pas heureux qu'un ministre soit obligé d'être sous protection, ça, ça veut dire beaucoup, et ça veut dire du mal. Donc, ce qui compte aujourd'hui, ce n'est pas ça, même si je trouve tout ça consternant, c'est que le débat puisse aller à son terme, c'est que la France insoumise arrête enfin l'obstruction, ça fait des jours et des jours qu'on parle de tout sauf du texte, ça fait des jours et des jours qu'ils nous inventent des taxes sur les caisses de supermarchés, qu'ils nous font des débats qui n'ont ni queue, ni tête, juste pour une chose, ne pas parler de la réforme, parce que, en réalité, la coalition autour de la France insoumise est totalement divisée autour de la réforme.
APOLLINE DE MALHERBE
On va en parler…
OLIVIER DUSSOPT
Mais nous nous en parlons…dans l'hémicycle.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous vous renvoyez chacun la balle de la responsabilité, du fond, mais si on reste quand même un instant sur ces menaces, vous dites ça abîme la démocratie, est-ce que vous vous sentez abîmé, est-ce que vous êtes affecté, est-ce que vous êtes triste, inquiet ?
OLIVIER DUSSOPT
Je vous l'ai dit, ce n'est jamais agréable d'être insulté, ni menacé, et donc dire qu'on est totalement imperméable, non, parce qu'on est tous humain, mais c'est vraiment, vraiment, pas ma priorité.
APOLLINE DE MALHERBE
Ce matin d'assassin c'était le mot de trop ?
OLIVIER DUSSOPT
Ah certainement oui, mais il est plus consternant pour l'auteur que pour moi.
APOLLINE DE MALHERBE
D'ailleurs sur le fond, vous l'avez peut-être entendu, il y a eu en effet une condamnation, il y a eu des excuses, vous avez dit ne pas les accepter, même si vous les entendiez, mais vous ne pardonniez pas…
OLIVIER DUSSOPT
Quelqu'un m'a dit…
APOLLINE DE MALHERBE
Je vois maintenant votre regard, là-dessus vous êtes…
OLIVIER DUSSOPT
Je pardonne peu, c'est un trait de caractère.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous faites bloc, mais vous ne pardonnez pas.
OLIVIER DUSSOPT
J'entends, ce député s'est excusé, il a bien fait de le faire, mais il y a des mots qu'on ne pardonne pas, tout simplement, donc l'incident est clos pour moi, mais ce n'est pas parce qu'il est clos qu'il est pardonné.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez peut-être entendu que Manuel BOMPARD de la France insoumise disait que sur le fond c'était juste.
OLIVIER DUSSOPT
Mais Monsieur MÉLENCHON a dit hier soir qu'il y avait une part de vrai, donc c'est significatif d'une violence, non pas personnelle, mais d'un mouvement.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc ça veut dire que les excuses n'étaient pas sincères.
OLIVIER DUSSOPT
Je n'en sais rien, ce n'est pas à moi qu'il faut poser la question, je préfère parler du fond de la réforme.
APOLLINE DE MALHERBE
On va en parler du fond de la réforme, mais c'est aussi le fond de la réforme, c'est-à-dire c'est aussi le spectacle qui a été donné au sein de l'hémicycle, alors parfois on se demande si vous n'avez pas un peu provoqué, si je peux me permettre, vous jouez vraiment aux mots croisés dans l'Assemblée ?
OLIVIER DUSSOPT
J'ai fait une bêtise, j'ai ouvert une grille pendant une interruption de séance, que j'aurais dû fermer après, je me suis fait prendre par la patrouille, mais il y a tellement d'interruptions de séance qu'à un moment, oui, j'ai ouvert une grille, mais… ça fait 15 jours qu'on y est…
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire quoi ouvrir une grille, ça veut dire que vous avez commencé à jouer aux… ?
OLIVIER DUSSOPT
Pendant une interruption de séance et je n'ai pas fermé ma revue.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce qu'il n'y avait pas un peu de provoc ?
OLIVIER DUSSOPT
Non.
APOLLINE DE MALHERBE
Non ?
OLIVIER DUSSOPT
Non.
APOLLINE DE MALHERBE
Il n'y avait pas de provoc ?
OLIVIER DUSSOPT
Mais non.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes 100 % concentré, 100 % sur les débats ?
OLIVIER DUSSOPT
La seule chose qui m'intéresse c'est qu'on vienne au fond.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, enfin quand vous-même, le ministre en charge, vous jouez aux mots croisés, pardon mais enfin, moi je veux bien qu'on parle du fond, mais c'est vrai que c'est quand même, au minimum, une maladresse.
OLIVIER DUSSOPT
Vous pouvez y rester un quart d'heure…
APOLLINE DE MALHERBE
Non, non, je n'y resterai pas un quart d'heure, ne vous inquiétez pas, ça ne vaut pas ça, mais enfin tout de même, ça méritait d'être mentionné.
OLIVIER DUSSOPT
C'était pendant une suspension, j'aurais dû fermer ma grille, on ne m'y reprendra pas.
APOLLINE DE MALHERBE
D'accord, donc ça veut dire que pendant les suspensions vous jouez aux…
OLIVIER DUSSOPT
Ecoutez, des suspensions il y en a toutes les heures, et ça fait 15 jours qu'on entend parler de tout et parfois rien.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors parlons-en du fond parce que le fond, en effet, il ne donne pas vraiment le sentiment que vous avez maîtrisé justement ce fond, est-ce que vous n'avez pas de regrets sur les 1 200 euros quand même ?
OLIVIER DUSSOPT
Les 1 200 euros revenons-y. Qu'a dit le président de la République pendant la campagne présidentielle ? il a dit garantie de 85 % du SMIC, fin 2023…
APOLLINE DE MALHERBE
85 % du SMIC c'est 1 200…
OLIVIER DUSSOPT
Autour de 1 200 euros, pour une carrière complète, il a toujours dit pour une carrière complète, et c'est ce que nous faisons, nous tenons cet engagement, et ça va se traduire pour les nouveaux retraités, et ça va se traduire pour les retraités actuels, on a…
APOLLINE DE MALHERBE
Si vous faites référence quand même, attendez, pardon…
OLIVIER DUSSOPT
Attendez…
APOLLINE DE MALHERBE
Non, non, mais ça mérite qu'on s'y arrête, parce que vous dites Emmanuel MACRON a toujours dit…
OLIVIER DUSSOPT
Justement, je vais vous donner des chiffres.
APOLLINE DE MALHERBE
Emmanuel MACRON, j'ai les mots sous les yeux, alors qu'il était en campagne présidentielle sur TF1, Emmanuel MACRON, en effet a dit qu'il fallait repousser l'âge de départ à la retraite, précisément avec un argument, c'est que ça allait permettre de revaloriser les petites pensions, que c'était donnant-donnant. Il a dit "est-ce que l'on peut vivre avec 980 euros par mois ? la réponse est non", voilà ce que dit Emmanuel MACRON candidat, "on va mettre en place une retraite minimum à 85 % du SMIC, à 1 200 euros."
OLIVIER DUSSOPT
C'est ce que nous faisons, et dans ce débat il y a une confusion, mais on reviendra sur les chiffres après, il y a une confusion entre deux choses. Nous sommes un des très rares pays au monde à avoir un filet de sécurité, on peut considérer qu'il est trop bas, nous l'avons augmenté, ça s'appelle le minimum vieillesse, 960 euros par mois, nous l'avons augmenté de 100 euros il y a deux ans, on peut considérer que c'est trop bas, on peut considérer que c'est insuffisant pour vivre correctement, mais… ce n'est pas une retraite, ce n'est pas versé par les caisses de retraite, c'est versé par l'État. Et puis il y a la pension minimum. Aujourd'hui si vous travaillez toute votre carrière, 42 annuités complètes, cotisées, payé au SMIC toute votre vie, vous avez autour de 1070 euros, tout compris, nous nous allons passer à presque 1 200… 2023.
APOLLINE DE MALHERBE
Presque 1 200.
OLIVIER DUSSOPT
Oui…
APOLLINE DE MALHERBE
Pardon, mais tout est dans le détail, c'est-à-dire que je reprends encore les mots de vos confrères, des ministres membres du gouvernement, Franck RIESTER qui a dit "pas moins de 1 200 euros par mois, voilà notre engagement", la secrétaire d'État Marlène SCHIAPPA qui a parlé "d'un plancher à 1 200 euros", et puis, surtout, "retraite minimum" a dit Bruno LE MAIRE et Gabriel ATTAL, et Olivier VÉRAN, porte-parole du gouvernement…
OLIVIER DUSSOPT
Est-ce que vous pouvez me laisser le temps d'apporter des précisions ?
APOLLINE DE MALHERBE
Précisez, Olivier VERAN il dit, il avait dit "2 millions de retraités vont bénéficier ce plancher."
OLIVIER DUSSOPT
Alors j'apporte les précisions qu'il faut, c'est un débat qui est majeur. Pourquoi je dis presque ? parce que 85 % du SMIC…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous ne disiez pas presque.
OLIVIER DUSSOPT
Regardez la conférence de presse du 10 janvier avec la Première ministre…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous disiez presque ?
OLIVIER DUSSOPT
On a dit près de 1 200 euros, je vous invite à le regarder, je peux vous assurer que, je vous ai dit avoir un peu de mémoire…
APOLLINE DE MALHERBE
En fait je ne comprends pas que vous ne disiez pas tout de suite qu'au minimum vous avez péché par omission.
OLIVIER DUSSOPT
Non. 85 % du SMIC, à la fin de l'année 2023, on va tangenter les 1 200 euros. Un député Insoumis m'a dit à un moment l'hémicycle "si la prévision d'inflation est… nous on sera autour de 1 193, 1 995, 5 euros c'est important", oui c'est important, mais parce qu'on est sur 85 % du SMIC, pour une carrière complète, ça va permettre, puisqu'on va l'appliquer aux retraités actuels, on a 17 millions de retraités, on a 1,8 million retraités qui vont avoir une revalorisation de leur pension, sur ce million huit cent mille…
APOLLINE DE MALHERBE
Ils sont bien loin des 1 200 euros…
OLIVIER DUSSOPT
Je vais compléter ; sur ce million huit cent mille, vous en avez la moitié, 900.000, qui vont avoir une revalorisation entre 70 et 100 euros, on a une partie de la gauche qui nous dit "ça ne compte pas", ils sont tellement déconnectés qu'ils imaginent que quand on a 900, 950 euros de retraite, 70 à 100 euros ça ne compte pas, c'est une revalorisation qui est importante, et on a 125.000, sur les 900.000, qui vont avoir 100 euros, donc ça veut dire le maximum, ceux qui ont des carrières complètes, et puis après on a chaque année 800.000 nouveaux retraités, et grâce à cette réforme, sur les 800.000 nouveaux retraités par an, 200.000 vont avoir une pension meilleure avec la réforme que sans la réforme. Quand vous faites 1,8 million actuels et 200.000…
APOLLINE DE MALHERBE
Meilleure de combien ?
OLIVIER DUSSOPT
Et 200.000 nouveaux, vous êtes sur 2 millions de revalorisations la première année.
APOLLINE DE MALHERBE
Meilleure de combien ?
OLIVIER DUSSOPT
Entre 30 et 100 euros, parce que les 100 euros, pour atteindre…
APOLLINE DE MALHERBE
Enfin entre 30 et 100 euros, ça veut dire qu'il y en a beaucoup ça va être 30.
OLIVIER DUSSOPT
Pour atteindre les 1 200 euros, les presque 1 200 euros, on parle de gens qui ont une carrière complète. La réalité des chiffres de retraite en France…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous le savez bien, ce genre de salaires-là sont précisément ces salaires qui sont les plus affectés par les temps partiels, par les ruptures de carrière.
OLIVIER DUSSOPT
Ce que vous dites est l'explication. Quand vous dites il y a beaucoup de gens qui sont…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous le saviez…
OLIVIER DUSSOPT
Mais je l'ai toujours dit.
APOLLINE DE MALHERBE
Je ne vous le révèle pas ce matin, vous le saviez.
OLIVIER DUSSOPT
Mais je l'ai toujours dit, nous l'avons toujours dit. Quand on a fait la présentation du projet de réforme avec la Première ministre, nous avons donné un chiffre qui est majeur, sur les 17 millions de retraités, il y en a plus de 5 millions, 5,1 millions, ils ne sont pas à moins de 1 200, ils sont à moins de 1 000, et nous allons revaloriser, je disais, 1,8 million. Mais pourquoi est-ce qu'ils sont si bas ? pas parce que le système de retraite fait des toutes petites retraites par…
APOLLINE DE MALHERBE
Parce que leur carrière a été incomplète.
OLIVIER DUSSOPT
Parce que leur carrière a été incomplète, ce sont des gens qui ont parfois été toute leur vie à temps partiel, et si vous avez travaillé toute votre vie à temps partiel vous serez revalorisé, sans atteindre 1 200 euros…
APOLLINE DE MALHERBE
Moi je voudrais vous reposer cette question…
OLIVIER DUSSOPT
Et ce sont aussi des gens à qui il manque beaucoup d'années.
APOLLINE DE MALHERBE
Et laquelle vous n'avez pas répondu, vous avez dit "nous l'avons toujours dit", je vous repose donc la question, quand Franck RIESTER dit, ministre des Relations avec le Parlement, "il n'y aura pas moins de 1 200 euros par mois, c'est notre engagement."
OLIVIER DUSSOPT
Pour une carrière complète.
APOLLINE DE MALHERBE
Quand la secrétaire d'État Marlène SCHIAPPA a parlé d'un plancher…
OLIVIER DUSSOPT
Pour une carrière complète.
APOLLINE DE MALHERBE
À 1 200 euros, quand il a été prononcé le mot de "retraite minimum"…
OLIVIER DUSSOPT
Pour une carrière complète.
APOLLINE DE MALHERBE
Par Bruno LE MAIRE et Gabriel ATTAL, quand Olivier VÉRAN, le porte-parole du gouvernement, dit qu'il estime à 2 millions de retraités qui vont bénéficier de ce plancher…
OLIVIER DUSSOPT
C'est le nombre de bénéficiaires des revalorisations.
APOLLINE DE MALHERBE
Aucun regret, vous ne reconnaissez aucune erreur ?
OLIVIER DUSSOPT
D'abord vous m'interrogez sur des déclarations qui ne sont pas les miennes.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui enfin, ce n'est pas les vôtres, mais enfin vous en êtes garant aussi j'imagine.
OLIVIER DUSSOPT
Je réponds aux deux points.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que c'était des erreurs, est-ce que c'était des erreurs ?
OLIVIER DUSSOPT
Je réponds aux deux points. Premièrement, la revalorisation 1 200 euros pour une carrière complète c'est notre engagement, nous le tenons. Deuxièmement, au total, la première année, ce sont 2 millions de retraités, anciens et nouveaux, qui vont bénéficier d'une revalorisation, et chaque année il y aura 200.000 retraites supérieures grâce à cette réforme, pas tous à 1 200 euros, pas tous de 100 euros, parce qu'il y a des carrières incomplètes, parce qu'il y a des temps partiels, parce que la vie, malheureusement, est ainsi faite. On est dans un débat, aujourd'hui, où on donne le sentiment, si on veut trop simplifier, que tout le monde aurait une carrière intégralement complète, ce n'est pas la vraie vie, ce n'est pas la vraie vie.
APOLLINE DE MALHERBE
Qui a fait croire ça ?
OLIVIER DUSSOPT
Mais personne. Moi je n'ai…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais les Français, Olivier DUSSOPT, les Français ne vous croient pas.
OLIVIER DUSSOPT
Je n'ai qu'un engagement.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous le savez ça, 7 Français sur 10 aujourd'hui disent que vous n'êtes ni claire, ni transparent.
OLIVIER DUSSOPT
Je n'ai qu'un engagement, c'est ce qu'a dit le président de la République pendant la campagne, 85 % du SMIC pour une carrière complète, on le fait.
APOLLINE DE MALHERBE
Aucun regret ?
OLIVIER DUSSOPT
Mais…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous ne vous dites pas, vous ne dites pas aux Français, Ok, on aurait peut-être pu… non, tout va bien, vous avez fait tout ce qu'il fallait ?
OLIVIER DUSSOPT
Mais on peut toujours être plus clair, tout le temps, tout le temps. Je ne dis jamais que tout est parfait et parfois même j'ai souvenir de quelques interviews où vous m'avez parfois reproché d'être un peu pénible à rentrer dans les détails.
APOLLINE DE MALHERBE
Non, non, jamais, honnêtement, et d'ailleurs sur RMC…
OLIVIER DUSSOPT
Ça vous est arrivé.
APOLLINE DE MALHERBE
Sur RMC vous êtes venu, vous avez répondu précisément et vous avez eu le temps de répondre précisément, y compris à des questions très précises…
OLIVIER DUSSOPT
Oui, et je trouve que la précision ça demande parfois un peu de temps, mais c'est important justement pour préciser les choses et dire exactement comment les choses se passent.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors peut-être que vos confrères ne l'ont pas pris ce temps quand ils ont parlé de…
OLIVIER DUSSOPT
Peut-être que vous les avez bousculés, mais en tout cas je reste sur cette affirmation, cette année 1,8 million retraités actuels vont être valorisés grâce à cette réforme, 200.000 nouveaux retraités auraient une meilleure retraite grâce à la réforme…
APOLLINE DE MALHERBE
Hier Jérôme GUEDJ, député socialiste, a précisé qu'il s'était rendu à la direction de la Sécurité sociale pour avoir des précisions sur l'impact réel des 1 200 euros, vous lui avez répondu qu'il perdait les pédales, est-ce que c'est perdre les pédales que d'aller exiger, de la part de la direction de la Sécurité sociale, de faire son job de député finalement ?
OLIVIER DUSSOPT
D'abord il a dit lui-même qu'il avait été très bien accueilli et que tous les documents lui ont été donnés, et le coprésident de la mission d'évaluation qui l'accompagnait a confirmé les chiffres que j'avais dits sur la base des documents qui leur ont été donnés, et effectivement j'ai eu cette expression un peu rapide, mais pour une raison simple, c'est que le groupe socialiste, et la coalition autour de LFI en général, depuis 10 jours nous expliquent qu'il n'y a pas de problème de retraite, et depuis avant-hier ils ont enfin reconnu qu'il y avait un déficit, c'est vrai que parfois ils perdent un peu pied.
APOLLINE DE MALHERBE
Olivier DUSSOPT, on vient de parler des 1 200 euros, il y a aussi une question sur les carrières longues, moi j'ai franchement du mal à comprendre, je vous avoue, j'ai regardé précisément un tableau, que vous allez voir sur BFM TV, que je vous explique là. Donc, sur les carrières longues, vous avez dit avoir évolué, alors c'est juste, vous avez évolué sur certains points, mais on se retrouve du coup avec un système qui ressemble presque à une grille de mots croisés, si je peux me permettre Olivier DUSSOPT, quand vous avez commencé à travailler à 16 ans, vous allez travailler 44 ans, quand vous avez commencé à 17 ans, vous allez travailler 43 ans, quand vous avez commencé à 18 ans, vous allez travailler 44 ans, à 19 ou à 20 ans vous allez travailler 43 ans, c'est injustifiable, comment vous pouvez accepter…
OLIVIER DUSSOPT
Est-ce que vous me laissez le temps de répondre en deux points ?
APOLLINE DE MALHERBE
Allez-y précisément.
OLIVIER DUSSOPT
Trois points même. Premier point, d'où est-ce qu'on vient, c'est important de dire d'où est-ce qu'on vient. Avant 2003, ça fait 20 ans, je crois même l'avoir dit sur RMC avec vous, avant 2003 il n'existait pas de carrières longues, la retraite était à 60 ans et il fallait 37,5 années, si vous faisiez des études, une licence, une maîtrise, vous commenciez votre carrière à 22,5 ans, vous travailliez 37,5 ans, 60 ans retraite à taux plein, et puis à côté vous aviez des gens qui commençaient à 15 ans, à l'usine, et qui devaient travailler 45 ans pour avoir une retraite à taux plein, il y avait 8 ans d'écart. Toutes les réformes, la nôtre comme celles avant, ont réduit cet écart. Aujourd'hui, deuxième point, quel est le système carrières longues ? il y a un système qui est en train de s'éteindre, qui concerne ceux qui ont cotisé, je dis bien cotisé, pas validé, cinq trimestres avant 16 ans, avec l'allongement de la durée de scolarisation, c'est de moins en moins fréquent et c'est tant mieux, eux ils peuvent partir à 58 ans, ils continueront à partir à 58, parce que quand on a commencé à cotiser cinq trimestres avant 16 ans on part à 58, c'est comme ça, c'est très bien. Et il y a deuxième système qui existe, qui fait que si vous avez cinq trimestres avant 20 ans, vous pouvez partir deux ans avant l'âge légal, on le maintient, et nous créons, avec la Première ministre, deux nouveaux systèmes, avec la même philosophie, on dit Ok, on repousse l'âge de départ à la retraite…
APOLLINE DE MALHERBE
Si je compte bien, là vous en êtes au quatrième système.
OLIVIER DUSSOPT
C'est le troisième point, on crée un nouveau système…
APOLLINE DE MALHERBE
Ce n'était pas l'occasion de renverser la table et de simplifier tout ça ?
OLIVIER DUSSOPT
Non justement, on y va, on crée un nouveau système en disant si vous avez cotisé cinq trimestres avant 21 ans, vous pouvez partir un an avant l'âge légal, soit 63, pour avoir une carrière qui soit aussi égale en durée, que possible, et puis on crée un nouveau système aussi, qui commence à dire…
APOLLINE DE MALHERBE
Le quatrième.
OLIVIER DUSSOPT
Si vous avez commencé à travailler entre 16 et 18 ans vous pourrez partir quatre ans avant l'âge légal, à 60 ans, c'est l'exemple que vous prenez, parce que là vous me dites, mais attendez, si vous commencez à 16 ans, ça veut dire 44 ans, si vous commencez à 17 ans ça veut dire 43…
APOLLINE DE MALHERBE
Et à nouveau, à 18 ans, 44.
OLIVIER DUSSOPT
Attendez, je continue ; vous avez raison dans une hypothèse, une seule, c'est l'hypothèse où vous commencez à travailler le jour pile de vos 16 ans, c'est assez rare, vous pouvez commencer à 16,5 ans, à 16 ans et 9 mois…
APOLLINE DE MALHERBE
C'est à 16 ans et 9 mois que ça bascule, si mes calculs sont bons.
OLIVIER DUSSOPT
Non, mais ce que je veux dire c'est que…
APOLLINE DE MALHERBE
Non, mais vous vous rendez compte de ce que ça veut dire, c'est-à-dire qu'en fait, pardon, mais il y a des gens qui nous écoutent, qui ont commencé à bosser à 16 ans, et ils se disent "du coup moi je vais me taper 44 ans, alors que si j'avais commencé à 16 ans et 9 mois j'aurais que 43 ans"…
OLIVIER DUSSOPT
Et un trimestre, si on veut être précis, 43 ans et un trimestre. Nous ce que nous disons, c'est que si vous commencez à travailler entre 16 et 18 ans, si le jour de vos 60 ans vous avez vos 43 années de cotisations, et je reviendrai sur ce mot si vous voulez bien, vous partez. Pourquoi est-ce que j'insiste sur 43 années de cotisations ? parce que d'abord les 43 années de cotisations, 172 trimestres, ils dépendent de l'âge effectif du jour auquel vous commencez à travailler, si vous commencez à 16 ans et 3 mois, c'est ce que j'ai dit. Et puis il y a un autre aspect, et ce n'est pas nous qui l'inventons, on parle de trimestres cotisés, et non pas de trimestres validés. Ça c'est la règle des carrières longues, depuis 2003 c'est la loi Fillon. Ça paraît rien quand on le dit comme ça, et c'est très technique. Cotiser, ça veut dire que vous avez travaillé au moins 150 heures dans le trimestre, que vous avez cotisé sur 150 heures. Validés, ça peut être autre chose, par exemple et on peut le discuter, mais c'est la règle. Si vous êtes…
APOLLINE DE MALHERBE
On peut encore le discuter ?
OLIVIER DUSSOPT
Si vous êtes au chômage, dans votre vie vous pouvez avoir des périodes de chômage. Vous avez le droit d'intégrer dans vos trimestres cotisés, 4 trimestres de chômage, qui sont considérés comme cotisés. Mais si par malheur, malheureusement ça arrive, vous passez 18 mois au chômage, soit 6 trimestres, à la fin il va vous manquer 2 trimestres cotisés.
APOLLINE DE MALHERBE
Il y en a 2 qui ne seront pas cotisés.
OLIVIER DUSSOPT
Et donc ça décale autant l'âge de départ. Le système il est ultracomplexe, par contre, ce sur quoi je veux insister, c'est qu'avec ce système de carrières longues que nous améliorons, nous faisons en sorte par rapport à il y a 20 ans, de réduire encore et toujours la différence entre le minimum à cotiser, et le maximum.
APOLLINE DE MALHERBE
Il y aura ceux, qui regardent ce débat…
OLIVIER DUSSOPT
Et j'insiste sur un dernier point, pardon c'est un peu long, en fait quand on parle de durée de cotisation, quand vous parlez avec vos amis, quand vous parlez pour nous-mêmes, les gens et nous-mêmes, on ne dit jamais, j'ai au maximum à cotiser 43 ans, on dit tous j'ai à cotiser 42 aujourd'hui, 43 ans demain, c'est le minimum que j'ai à cotiser pour avoir une retraite à taux plein. Tout le monde le sait que c'est un minimum de cotisations.
APOLLINE DE MALHERBE
Tout le monde le sait, et désormais justement c'est un peu votre problème, c'est que tout le monde s'est mis à regarder précisément ce à quoi il avait droit, ou pas…
OLIVIER DUSSOPT
Y compris des règles qui existent depuis 20 ans.
APOLLINE DE MALHERBE
… et on s'est rendu compte parfois des règles les plus complexes, on n'a pas le temps-là d'en parler, mais enfin il y a un nombre d'astérisques, de petites notes de bas de pages, absolument sidérant dans cette loi, vous-même vous le reconnaissiez, mais ils n'ont pas l'impression que…
OLIVIER DUSSOPT
Pardon Apolline de MALHERBE…
APOLLINE DE MALHERBE
… d'en changer.
OLIVIER DUSSOPT
Dans cette loi et dans les lois qui existent, je prends le même exemple…
APOLLINE DE MALHERBE
Je voudrais quand même une dernière question importante, parce qu'il s'agit d'aujourd'hui : est-ce que vous redoutez que l'article 7 soit voté ?
OLIVIER DUSSOPT
Ah pas du tout. On souhaite qu'il soit voté.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous le souhaitez vraiment ?
OLIVIER DUSSOPT
Oui. Et il y a une seule manière de voter sur l'article 7, c'est que les 3 000 amendements…
APOLLINE DE MALHERBE
Qui restent.
OLIVIER DUSSOPT
… de la France insoumise, seulement de la France insoumise, a encore maintenus, sur les articles qui sont avant l'article 7, soient retirés.
APOLLINE DE MALHERBE
Et pourquoi ils ne les retireraient pas ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est à eux qu'il faut poser la question, mais je crois que monsieur MÉLENCHON leur a donné un ordre par Tweet, et monsieur MÉLENCHON leur a dit : "Ne vous précipitez pas. Pourquoi est-ce que vous voulez aller à l'article 7, est-ce que vous êtes pressé de perdre ?". Ça veut dire que dans sa tête il a déjà acté la défaite.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est ce qu'il a dit aux communistes, mais c'est effectivement ce qu'on peut du coup comprendre, comme étant…
OLIVIER DUSSOPT
Vous savez, ce matin, quand je me suis levé, et vous aussi sûrement, il restait 3300 amendements à l'article 7, dont 3000 de la France insoumise, qui parlent de tout sauf du texte. Qu'ils les retirent, et on débattra de l'article 7.
APOLLINE DE MALHERBE
Et tout cela se passera justement à partir de… dans 7 minutes, puisqu'il est 08h53, et c'est à 09h00 précisément que les débats reprennent…
OLIVIER DUSSOPT
Et j'y retourne effectivement.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez juste le temps de retourner à l'Assemblée nationale.
OLIVIER DUSSOPT
Mon collègue Gabriel ATTAL ouvre à ma place.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci Olivier DUSSOPT d'avoir été mon invité ce matin, vous êtes le ministre du Travail
source : Service d'information du Gouvernement, le 22 février 2023