Texte intégral
Bonjour à tous,
Merci d'être présents,
L'Ukraine sera l'un des thèmes importants de cette session, puisque cela fait plus d'un an maintenant que la Russie a déclenché, et mène sa guerre d'agression contre ce pays.
Aux Nations unies à New York, l'Assemblée générale, vous l'avez vu, s'est accordée à une très grande majorité de 141 voix contre 7 sur une résolution qui rappelle les principes d'une paix juste et durable pour l'Ukraine. Ces principes, ce sont tout simplement ceux de la Charte des Nations unies.
Ce vote est la preuve d'un très large soutien de la communauté internationale à l'indépendance de l'Ukraine, à sa souveraineté, à son intégrité territoriale et plus largement, aux principes de la Charte. Je le redis puisque c'est sur ces fondements, et seulement sur ces fondements, qu'une paix juste et durable pourra être envisagée en Ukraine.
Depuis un an, je voudrais le souligner devant vous, ce message a été répété à plusieurs reprises, et clairement, par l'Assemblée générale, avec des voix qui viennent de toutes les régions du monde, et qui constituent un message que la Russie doit entendre. C'est le sixième vote sur ce sujet.
Cette résolution appelle aussi à lutter contre l'impunité pour les crimes de guerre, et les crimes, d'une façon générale, commis en Ukraine. La Russie a multiplié, hélas vous le savez, les exactions, massives, généralisées, constitutives - même si le droit sera dit par les juridictions internationales - constitutives à mes yeux de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité : attaques contre les hôpitaux, contre les maternités, attaques contre les civils, viols utilisés comme arme de guerre, tortures, enlèvements et déportations d'enfants. La liste des crimes serait longue, et je vais ajouter, comme nous ne manquons jamais de le faire, que les responsables de ces crimes, les commanditaires autant que les exécutants, doivent être jugés.
C'est ce que je dirai tout à l'heure au Conseil des droits de l'Homme, en début d'après-midi, et ce que je répéterai aussi à l'occasion de l'évènement qui est organisé à 16h par l'Ukraine, évènement sur les conséquences du conflit sur les droits de l'Homme et la situation humanitaire. Je rappellerai, tout au long de la journée, notre soutien sans faille aux efforts faits pour lutter contre l'impunité. Vous savez que nous venons en soutien de la Cour pénale internationale, en soutien également des juridictions ukrainiennes avec une aide en études spécialisées, en personnel, mais aussi l'envoi de matériels. Nous avons dépêché, dès le mois d'avril dernier, des équipes d'enquêteurs en Ukraine qui ont aidé les juridictions ukrainiennes à documenter ces crimes. Nous avons renouvelé cela au mois de septembre. Nous fournissons aussi du matériel et nous fournissons des aides financières et en personnel de magistrats à la Cour pénale internationale. La France apporte également son soutien à la mission d'établissement des faits, qui a été créée peu de temps après le début de l'agression russe.
A quelques mois du 75ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, le Conseil des droits de l'Homme est actif pour faire respecter ces droits et pour répondre aux attentes légitimes de celles et ceux qui souffrent de leur violation. Le Conseil des droits de l'Homme a aussi créé une mission d'établissement des faits sur la répression des manifestations en Iran, nous en reparlerons au cours de la journée, et comme vous le voyez, il sait, comme il le doit, montrer la voix face aux défis contemporains. Il a été le premier à reconnaître aussi, par exemple, le droit à un environnement sain : il fait progresser le droit. Nous devons l'aider dans cette tâche. Je pense aussi à ce qu'il faudra faire pour défendre les droits de l'Homme face aux nouvelles technologies : quelques préoccupations s'expriment fréquemment sur l'intelligence artificielle et ses usages qui peuvent être parfois complexes.
La France est membre du Conseil des droits de l'Homme, c'est la raison pour laquelle, outre toutes celles que je viens de citer, je suis à Genève aujourd'hui. La France en est membre, et je présenterai les priorités de notre candidature au Conseil pour la période 2024-2026. Nous ne cesserons d'agir pour les libertés, pour l'égalité et pour que la justice soit faite. Pour cela, nous nous appuierons sur un bilan, je ne veux pas être trop longue et le souligner en détails devant vous mais nous agissons pour les droits civils et politiques, pour les droits des femmes aussi dont les droits sexuels et reproductifs. Nous agissons en soutien de celles et ceux qui défendent les droits et les libertés, par exemple avec l'initiative Marianne et le plaisir de recevoir la première promotion en date il y a quelques semaines. Nous agissons aussi pour défendre la liberté de la presse, et l'existence d'une presse libre, indépendante et de qualité.
Nous avons également mis à l'agenda la question des manipulations de l'information et de leurs effets délétères sur le débat public : c'est une référence que je fais au partenariat information et démocratie par exemple. Ce matin, je vais échanger avec le Haut-Commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies, Monsieur Volker Türk, sur tous ces enjeux. Je lui demanderai notamment de faire de la promotion des droits des Femmes et des droits des personnes LGBT+, qui sont des questions centrales, l'une des lignes de son action, ainsi qu'à poursuivre son action pour l'abolition universelle de la peine de mort. La France fait partie des pays qui militent pour l'abolition universelle de la peine de mort, en tous lieux et en toutes circonstances. Le Haut-Commissaire peut compter, dans ses actions, sur le soutien de la France.
Nous aborderons aussi les exactions commises par la Russie contre la population ukrainienne, et celles commises par Wagner en divers lieux : en Ukraine, en Afrique dans plusieurs pays. Nous parlerons aussi de la répression violente du régime iranien contre sa propre population et de la ségrégation imposée par les talibans contre les femmes et les filles afghanes.
A la mi-journée, j'échangerai avec le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, M. Filippo Grandi, avec le directeur général de l'Organisation Internationale pour les Migrations, M. Antonio Vitorino, et avec la présidente du Comité international de la Croix-Rouge, Mme Mirjana Spoljaric Egger. Alors que l'espace humanitaire se rétrécit, nous aborderons la réponse à apporter aux immenses besoins humanitaires pour venir en aide aux personnes réfugiées et déplacées, et à ce propos, je veux vous rappeler que la France a augmenté son aide humanitaire et a envoyé une aide d'urgence, notamment en Ukraine, bien sûr, depuis le début de la guerre menée par la Russie en Ukraine, mais aussi dans des crises humanitaires récentes comme elle l'a fait immédiatement après le séisme, et aussi bien en Syrie qu'en Turquie.
Voilà quelques mots sur ma journée, je ne dois pas oublier de vous parler de ma première intervention, dans quelques minutes, lors de la Conférence du désarmement. J'y rappellerai la gravité des conséquences de l'agression russe en Ukraine, sur l'ensemble de notre architecture de sécurité collective. Il nous parait essentiel de préserver les instruments existants de maîtrise des armements et de non-prolifération, notamment bien entendu, le traité de non-prolifération nucléaire, qui reste la pierre angulaire de notre architecture de non-prolifération et de désarmement nucléaire et enfin, dans la perspective de la présidence française de la Conférence, qui débutera à la fin du mois de mai prochain, j'annoncerai tout à l'heure, vous le verrez, avec ma collègue allemande Annalena Baerbock, nos deux priorités, qui sont d'une part l'ouverture de négociations sur un traité d'interdiction de production de matière fissile à usage militaire, et d'autre part la revitalisation bien nécessaire de la Conférence du désarmement. Voilà quelques mots sur cette journée. Je suis maintenant à votre disposition pour des questions, si vous en avez.
Q - Bonjour, une question sur la guerre en Ukraine : les Etats-Unis ont affirmé encore hier que les Chinois envisageaient d'envoyer des armes létales à la Russie, est-ce que la France peut corroborer ces informations et qu'est-ce que cela changerait à la nature du conflit ? Merci.
R - Merci, Madame, de votre question. J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur ce sujet, notamment il y a quelques jours, en marge de l'Assemblée générale des Nations unies et de la réunion du Conseil de sécurité à niveau ministériel sur l'Ukraine. Il ne m'appartient pas de corroborer les indications qui ont été données de source américaine, néanmoins je vous rappellerais que, comme nous l'avons déjà dit à plusieurs reprises, nous avons des raisons de faire passer un certain nombre de messages de prudence à la Chine. Je l'ai fait moi-même auprès de celui qui fût mon homologue et qui ne l'est plus, M. Wang Yi, qui était à Paris il y a une semaine, et avec lequel j'ai pu parler de l'ensemble des questions relatives à la guerre russe en Ukraine, et notamment de notre souhait très clair de voir que nos partenaires, au premier rang desquels la Chine puisque je parlais à un officiel de ce pays, s'en tiennent à sa défense traditionnelle des principes de la Charte des Nations unies, dont la non-ingérence fait partie, dont le respect de l'intégrité de l'Etat fait partie. J'ai pu lui dire que nous comptions sur la Chine pour rester attachée, comme elle l'est généralement, à la stabilité et à la paix internationale.
Q - Bonjour Madame la Ministre. Une question sur l'Ukraine aussi mais au-delà de cela, comment arrivez-vous à mobiliser toujours le Conseil sur des sujets comme l'Ukraine, alors qu'un certain nombre de pays africains, notamment la RDC en ce moment, il y a quelques minutes, disent en substance : l'Ukraine c'est important mais nous aussi, cela fait trente ans qu'on se bat contre les violations des droits de l'Homme etc., il n'y a pas que ces sujets-là. Comment fait-on pour les mobiliser sur l'Ukraine, sans s'aliéner les pays africains ?
R - En effet, Monsieur, merci de votre question. Il faut faire les deux et l'attention que nous portons à la guerre d'agression russe en Ukraine ne nous détourne pas d'autres situations dans le monde. Je crois avoir évoqué certaines d'entre elles : nous avons parlé de l'Afghanistan, nous avons parlé de l'Iran, j'ai cité l'Afrique mais je pourrais citer plusieurs pays africains. La France est active, par exemple, pour tenter d'apaiser les tensions entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, elle est active avec d'autres mais le Président de la République notamment s'est entretenu avec tant M. Tshisekedi que M. Kagame à plusieurs reprises. Il part cette semaine pour une tournée africaine qui l'amènera notamment en RDC. Qu'il n'y ait pas de malentendu sur ce point : l'importance que nous accordons à une situation extrêmement grave comme celle d'une guerre d'agression qui se déroule à l'initiative de la Russie en Ukraine ne nous détourne en rien du soin que nous prenons à apporter des réponses à un certain nombre de crises. Pour autant, je crois qu'il faut rappeler, à la fois parce que c'est un an de guerre déjà, mais aussi parce que l'agression russe contre l'Ukraine viole l'intégralité des principes fondamentaux de la Charte, que ce conflit mérite l'attention de tous et ne concerne pas que l'Ukraine, loin s'en faut, il ne concerne pas que le continent européen. Remettre ainsi les principes les plus fondamentaux de la Charte en cause, et pour tout dire, les violer, doit susciter l'intention de toute la communauté internationale parce que ce qui se passe est d'une telle gravité, que chaque pays doit comprendre qu'il ne peut pas être en sécurité si les agressions sont récompensées. Je soulevais tout à l'heure cette question en prenant, je crois, le soin de relever que les votes aux Nations unies, 141 voix contre 7, sont venus de l'ensemble des régions du monde, y compris d'Afrique s'il faut le préciser.
Q - Bonjour, une question pour O Globo, journal brésilien.
R - O Globo ? Très bien, bonjour. J'étais au Brésil il n'y a pas très longtemps.
Q - Je sais. Très belle interview que vous avez donnée même. Vous parlez de paix durable et juste. Le président Lula a fait une proposition de créer un groupe de contacts, un groupe de négociateurs qui puissent parler de paix. Cette idée-là est-elle acceptable pour la France et est-ce qu'il y a des exigences pour que cette proposition puisse être mise en oeuvre ? Merci.
R - Merci Monsieur. J'ai pu, lors de ma visite au Brésil, parler avec le président Lula qui m'a très gentiment reçu et longuement. Nous avons beaucoup parlé de l'Ukraine, de la situation et de ce qu'il convenait de faire pour ramener la paix dans ce pays. Cela passe par le respect des principes de la Charte. Cela a été rappelé il y a quelques jours par l'Assemblée générale, avec le vote positif du Brésil notamment. Donc, il n'y a pas de désaccord sur le fond : la paix juste et durable ne peut passer que par le respect des principes fondamentaux de la Charte des Nations unies. Dans ce cadre, toute initiative qui se situerait dans ce cadre est bien sûr la bienvenue. Le Brésil a voté clairement jeudi et avec nous.
Dernière question.
Q - Si vous le permettez, Madame, je vais poser ma question en anglais.
R - Je vous en prie, surtout si vous me permettez de répondre en français.
Q - Super merci. M. Medvedev today has threathened the deliveries of western arms to Ukraine, threathened nuclear apocalypse. How seriously do you take that kind of threaten ? Do you think France and Europe should continue to escalate arms deliveries to Ukraine ?
R - Je vous ferai une réponse très courte, Monsieur. Il y a longtemps hélas que M. Medvedev nous accoutume à des déclarations peu responsables, outrancières, et qui ne reflètent en rien la réalité. Ce sont des rhétoriques escalatoires dont on se passerait volontiers et, encore une fois, il convient de ramener la paix en Ukraine dans le respect des principes fondamentaux de la Charte des Nations unies : la non-agression, la souveraineté des Etats, l'intégrité territoriale, et la communauté internationale vient de le répéter à la quasi-unanimité à la Russie. Je vous disais que c'est la sixième fois et il serait bon que la Russie entende ce message. Il vous suffit par ailleurs de regarder la liste des six pays, et six seulement, qui se sont portés aux côtés de la Russie, pour considérer que cette liste n'est pas glorieuse. La Russie n'est pas en bonne compagnie. Merci beaucoup.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er mars 2023