Interview de M. Clément Beaune, ministre chargé des transports, à France Info le 1er mars 2023, sur la grève dans les transports en commun contre la réforme des retraites, la suppression automatique du permis pour une conduite automobile sous l'emprise de la drogue ou de l'alcool, un plan pour le ferroviaire et la RATP.

Prononcé le 1er mars 2023

Intervenant(s) : 

Texte intégral


GUILLAUME DARET
Bonjour, Clément BEAUNE.

CLEMENT BEAUNE
Bonjour, Guillaume DARET.

GUILLAUME DARET
Tous les syndicats de la SNCF appellent à une grève reconductible, à partir de la semaine prochaine, à partir du mardi 7. C’est le cas aussi à la RATP. Alors, je sais que vous n’avez pas encore les prévisions, ces deux jours avant, mais à quoi doivent s’attendre les Français ?

CLEMENT BEAUNE
Je l’ai dit, pour le 7 mars, ce sera une journée extrêmement difficile. Vous avez raison, on a les prévisions les plus complètes, les plus transparentes, évidemment publiques, 48h avant cette journée, en tout début de semaine, à la fin du week-end. Et, les syndicats de la RATP, de la SNCF, je le regrette, mais c’est ainsi aujourd’hui, ont appelé à reconduire cette grève, ça ne veut pas forcément dire pour une longue période mais appelé à prolonger au-delà du 7. On a des discussions qui se poursuivent parce que ma conviction profonde, c’est que bon, le dialogue ne doit jamais être rompu. Moi, je suis engagé personnellement dans ces discussions au sein des grandes entreprises publiques, RATP, SNCF en particulier, puis, je suis persuadé aussi qu’il y a la question des retraites, mais il y a des questions plus générales qui resurgissent parfois dans ces mobilisations, sur les salaires, sur les conditions de travail, sur les déroulements de carrière. J’ai aussi demandé aux entreprises publiques de montrer l’exemple et d’engager, dès le mois de janvier d’ailleurs, des discussions sur ces conditions de travail, sur le déroulement des carrières, sur les reconversions. Je sais que ce sont des sujets distincts. On voit bien que, dans l’esprit, parfois de cette mobilisation sociale, il se confondent et qu’on a besoin d’y apporter une réponse et une réponse par dialogue social aussi.

GUILLAUME DARET
Et d’après les premières remontées que vous pensez, que ça va se prolonger au-delà du 7 ?

CLEMENT BEAUNE
Ecoutez, au-delà du 7, si je crois l’annonce du syndicat de la RATP, de la SNCF, oui. Pour combien de temps ? Je ne sais pas. Et, nous allons tout faire pour que ce soit moins difficile et le moins long possible. C’est tout l’engagement que je peux prendre aujourd’hui mais je ne peux pas, aujourd’hui, faire une prévision précise sur les impacts et leur durée.

GUILLAUME DARET
Alors, justement, si cette grève se prolongeai, est-ce que vous seriez prêt, par exemple, à prendre des mesures de réquisition de personnel pour que les Français puissent se déplacer, puissent voyager, en France ?

CLEMENT BEAUNE
Mais, il faut être clair, il y a un droit de grève dans notre pays. Donc, d’abord, j’en suis convaincu par le dialogue, par la discussion qu’on doit éviter, le plus possible, de perturbation, au-delà même de la question des retraites sur les salaires, sur les conditions sociales, comme je l’évoquai. La réquisition, il faut être clair, c’est un dernier recours, dans notre pays, quand il y a des blocages qui menaceraient la vie économique et sociale du pays de manière grave, de manière sérieuse. On l’a fait, on a hésité à le faire pour les raffineries, par exemple quand il y avait des blocages qui menaçaient cette activité dans notre pays. La grève est un droit, le blocage ne l’est pas. Mais, je suis très respectueux du droit de grève et donc, je n’évoque pas des pistes qui seraient, encore une fois d’ultime recours dans des situations qui seraient vraiment extrêmement bloquées, ce que je ne souhaite pas et qui se dessine pas aujourd’hui, je l’espère.

GUILLAUME DARET
Alors, ce texte est arrivé au Sénat, en commission, ce sera demain, dans l’hémicycle. Les sénateurs Républicains demandent notamment que les régimes spéciaux soient supprimés, plus rapidement que ce qui est prévu dans le texte du Gouvernement, avec un alignement plus rapide pour les faire disparaître à l’horizon 2040. Est-ce que vous seriez d’accord avec ça ?

CLEMENT BEAUNE
Alors, d’abord, je rappelle, parce qu’il faut… Enfin, on a la mémoire courte, que c’est nous, c’est ce Gouvernement qui, par la réforme de la SNCF, aujourd’hui, dans cette réforme des retraites, pour d’autres régimes spéciaux, notamment celui de la RAPT, ferment, éteint ces régimes. Ça n’avait jamais été fait. Quand j’entends qu’il y en a un qui nous disent : " Il faut être plus ferme, plus rapide, etc. ". Enfin, c’est nous qui le faisons pour la première fois.

GUILLAUME DARET
Est-ce qu’il faut aller plus rapidement sur ce qui reste ?

CLEMENT BEAUNE
Alors, le Gouvernement défend et je défends un équilibre, pour ceux qui vont rentrer dans ces entreprises, je pense à la RATP dans les tous prochains mois, ils auront les conditions de tous les autres Français, ils auront les conditions de retraites de tous les autres Français. C’est juste et c’est équitable. Et pour ceux qui avaient déjà un contrat, il y a un contrat social, aussi à respecter. Moi, je le défends. Ils ont les conditions d’avant, en faisant quand même un effort sur l’âge. C’est ça, cet équilibre que le Gouvernement…

GUILLAUME DARET
Donc, pas question de supprimer ce qu’on appelle la clause du grand-père, c’est-à-dire ceux qui sont déjà en poste ?

CLEMENT BEAUNE
Alors, je vais être très simple et très clair. La ligne du Gouvernement, elle n’a pas changé, elle est toujours favorable à cette réforme juste et à cet équilibre juste. On ne veut pas le modifier. On a été très clair sur cet équilibre. On l’a défendu dans le texte. On l’a défendu à l’Assemblée nationale. On le défendra au Sénat. J’entends un certain nombre de débats. On va regarder les détails des amendements mais cet équilibre-là, ce maintien de la clause du grand-père, cet équilibre entre les nouveaux et les anciens, on le maintien. D’ailleurs, le ministre du Travail l’a rappelé hier, lors d’un déplacement, pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur ce sujet.

GUILLAUME DARET
Est-ce que vous êtes favorable à ce qu’une personne qui conduit sous l’emprise d’une drogue, on lui supprime automatiquement son permis ? On lui retire les douze points ? C’est ce qu’a proposé le ministre de l’Intérieur, après l’accident qu’a provoqué Pierre PALMADE.

CLEMENT BEAUNE
Oui. Je suis d’accord avec le ministre de l’Intérieur qui propose des mesures que le Gouvernement défend, de renforcement des exigences en matière de sécurité routière. On voit bien que les questions d’alcool, de drogue sont des fléaux sur la route, qu’on a encore une accidentologie, en France qui est très élevé, notamment avec ces causes-là, ces irresponsabilités-là qui doivent être très durement et plus durement sanctionnées. Oui.

GUILLAUME DARET
Donc, y compris pour l’alcool, ce serait la même mesure ?

CLEMENT BEAUNE
Ecoutez, elle va être définie précisément. Mais, en tout cas, renforcer les mesures en matière d’alcool et de drogue, oui, nous le devons.

GUILLAUME DARET
Avec la Première ministre, vous avez dévoilés, il y a quelques jours un grand plan pour le ferroviaire, à hauteur de cent milliards d’euros d’ici 2040 pour améliorer le réseau. Concrètement, où va aller cet argent ? Sur les lignes à grande vitesse ? Sur les petites lignes ? Sur les lignes régionales ? Comment ça va se passer ?

CLEMENT BEAUNE
Alors, c’est un plan massif, cent milliards d’euros, c’est un gros chiffre, mais derrière ça, c’est une priorité pour tous les Français, tous les territoires et justement, pour ces transports du quotidien ou ces lignes qui ont parfois été délaissées au-delà de la grande vitesse. La grande vitesse, elle marche bien, en France. On a encore quelques lignes qui vont avancer mais ce plan, c’est un plan pour rattraper, dans les endroits, les territoires, les lignes de chemins de fers qui ont parfois été abandonnées. Des petites lignes, les lignes qui sont parfois des grandes lignes nationales mais qui ont été abandonnés. Je pense à des lignes comme Paris-Limoges-Toulouse, comme Paris-Clermont, comme Paris-Maubeuge.

GUILLAUME DARET
On pourrait rouvrir certaines petites lignes ?

CLEMENT BEAUNE
Certaines lignes, on a commencé à le faire, c'est ce qu'avait engagé Jean CASTEX comme Premier ministre. On va continuer. Et puis il y a des lignes sur lesquelles j'irai, à Limoges, vendredi, par exemple. On a pris du retard. Il y a plus de temps de trajet aujourd'hui qu'il y a vingt ans entre Paris et certaines métropoles françaises. Ce n'est pas acceptable. Et ça, ça a un nom, c'est le réseau ferroviaire, c'est-ce qu'on ne voit jamais, et pourtant, c'est la colonne vertébrale nos transports. Et la principale annonce, je crois, la plus importante de la Première ministre, c'est qu'on va augmenter de 50% notre investissement dans le réseau, c’est la première cause des retards, des temps de trajet qui s'allongent, c'est la France de la galère, c'est la France des gilets jaunes, de la périphérie qui se sont souvent abandonnés, c'est pour elle qu'on va investir dans ce point.

GUILLAUME DARET
Alors, ces cent milliards, il va falloir les trouver quelque part. Parmi les pistes, il y a le fait de taxer les entreprises qui sont les plus rentables, par exemple, les entreprises autoroutières ou encore les entreprises qui ne sont pas assez décarbonées, par exemple, le transport aérien. Ça veut dire taxe sur le transport aérien, taxe sur les sociétés d'autoroutes, pour financer le ferroviaire ?

CLEMENT BEAUNE
On ouvre ce débat sans tabou. Et, quel est le modèle qui a été celui de la France ces dernières décennies ? Ça a été la route finance la route, souvent le péage, les automobilistes le savent, ont financé les investissements sur les autoroutes. Il ne faut pas oublier tout ce qu'on a pu construire aussi, grâce à ça. Aujourd'hui, je crois qu'il faut qu'on dise que la route et les modes de transport les plus polluants financent les modes de transport les plus vert et la détermination de tous les modes de transport : véhicule électrique, le train, par exemple. Donc, oui, on ouvre cette réflexion, cette discussion, la Première ministre l'a dit, pour l'aérien, pour les sociétés d'autoroutes, des concessions autoroutières vont arriver bientôt à échéance. Il faut réinventer un modèle et on voit bien que ces sociétés sont prospères.

GUILLAUME DARET
Vous ne craignez pas que ce soit les Français qui payent au final le péage plus cher ou un billet d’avion plus cher ?

CLEMENT BEAUNE
Non. Ça, c'est clair que non. On ne changera pas ces règles-là il y a déjà eu les augmentations, je me suis battu pour les limiter, mais je le sais, qu'ont été parfois douloureux sur les péages ces dernières semaines. Donc, il ne s'agit pas de faire payer les Français, il s'agit de voir si le secteur, certaines entreprises qui ont les moyens, veut contribuer davantage à la transition écologique sur le ferroviaire et vers le véhicule électrique.

GUILLAUME DARET
Le monopole de la RATP sur le coeur, si j'ose dire, de la région parisienne, l'arrivée à échéance en 2025, pour ce qui est des bus. Il y a plusieurs élus qui demandent à ce que ça soit repoussé, cette échéance, parce qu'ils pensent que ce sera panique absolue, notamment avec les Jeux olympiques et que ce ne sera pas possible de le faire d'ici là. Est-ce que vous êtes d'accord pour repousser finalement cette ouverture à la concurrence ?

CLEMENT BEAUNE
Oui. Alors, d'abord, je veux qu'on précise parce que parfois, il y a un peu de démagogie dans un débat. L'ouverture à la concurrence, ça ne veut absolument pas dire une privatisation. C'est la RATP, c'est la région Ile-de-France, qui organise en Ile-de-France, par exemple, les transports. Ils peuvent proposer à différents opérateurs, en général publics, la RATP ou d'autres, d’organiser le service de bus. Oui. Moi, j’ai dit, l'ouverture à la concurrence, pourquoi pas ? C'est prévu par la loi et toutes majorités politiques confondues depuis quinze ans. Pourquoi pas ? Mais il faut la réussir, ce n'est pas un but en soi. Le but, c'est le service public aux usagers.

GUILLAUME DARET
Donc, on la repousse au-delà de 2021 ?

CLEMENT BEAUNE
Moi, j’ai dit à la présidente de région, Valérie PECRESSE, je dis dans le débat public, le principe, j'y suis favorable à cette ouverture, mais il faut qu'elle se passe bien. Et donc, si on a besoin de quelques mois supplémentaires, faisons-le, ne soyons pas dogmatiques et l’Etat peut donner cette flexibilité à la région Ile-de-France, en charge des transports en Ile-de-France, de gagner quelques mois pour mieux organiser les choses, prendre le temps nécessaire. Encore une fois, moi, j'ai une seule boussole : la qualité du service public et c'est le service aux usagers. Donc, si on a besoin de quelques mois supplémentaires, ce n'est pas un drame, faisons-le calmement et sereinement.

GUILLAUME DARET
Merci beaucoup, Clément Beaune.

CLEMENT BEAUNE
Merci à vous.

GUILLAUME DARET
D’avoir été avec nous ce matin sur France Info.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 2 mars 2023