Déclaration de Mme Sonia Backès, secrétaire d’État chargée de la citoyenneté, sur les échecs de la politique migratoire, à l'Assemblée nationale le 1er mars 2023.

Prononcé le 1er mars 2023

Intervenant(s) : 
  • Sonia Backès - secrétaire d’État chargée de la citoyenneté

Circonstance : Questions à l'Assemblée nationale sur les échecs de la politique migratoire

Texte intégral


Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions sur les échecs de la politique migratoire.
Je rappelle que la conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse, sans droit de réplique.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont.

M. Pierre-Henri Dumont (LR)
En 2022, le nombre de traversées illégales de la Manche par des migrants clandestins sur des small boats a atteint le chiffre record de 45 756, soit une hausse de 58% en un an. Cette explosion des traversées irrégulières, opérées dans des conditions météorologiques de plus en plus difficiles, s’accompagne malheureusement d’une succession de drames transformant progressivement la Manche en un vaste cimetière maritime.
Si nous gardons tous en mémoire le drame de novembre 2021, d’autres naufrages mortels n’ont pu être empêchés en 2022, malgré le travail exemplaire réalisé au quotidien par les forces de police et de gendarmerie, par les militaires du Cross – centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage – Gris-Nez, par les sauveteurs en mer de la SNSM – Société nationale de sauvetage en mer –, ou par de simples plaisanciers et marins pêcheurs répondant aux appels de détresse.
Compte tenu de ces chiffres et de ces drames, il apparaît évident que nous devons agir au-delà de la simple logique « argent contre barbelés » que nous avons tissée avec les Britanniques. Cela doit passer par la renégociation des accords du Touquet, afin que nous ne soyons plus les garde-barrières de nos voisins, mais aussi par l’ouverture d’une voie légale permettant de déposer des demandes d’asile auprès des autorités britanniques sans avoir à risquer sa vie sur un rafiot.
Les Britanniques doivent, par ailleurs, modifier en profondeur leur droit du travail et rendre plus contraignant l’établissement des clandestins. Ces sujets seront-ils au menu des discussions du prochain sommet bilatéral franco-britannique ?
Il importe aussi que la France réfléchisse aux modifications à apporter à son droit pour mieux empêcher les traversées et sauver des vies. Quand les clandestins sont sur la côte, il est trop tard : ils sont prêts à tout pour traverser. Il faut donc les arrêter avant. Le Gouvernement compte-t-il dans son projet de loi sur l’immigration rétablir le délit de séjour irrégulier sur tout ou partie du territoire, en particulier sur la bande littorale ? Va-t-il renforcer le droit afin de rendre à nouveau illégales les distributions de nourriture par les associations dites No Borders dans des lieux inappropriés et dangereux pour la vie des migrants ? Demanderez-vous à vos collègues européens de réinstaurer des visas pour les ressortissants albanais et géorgiens, qui sont au cœur des trafics d’êtres humains et qui peuplent nos centres de rétention ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État chargée de la citoyenneté
Je remercie le groupe Les Républicains d’avoir organisé ce débat, auquel le ministre de l’intérieur et des outre-mer ne peut prendre part, car il est en ce moment dans l’avion qui l’emmène en Nouvelle-Calédonie.
Vous m’interrogez sur les enjeux liés à l’immigration irrégulière à Calais. Les tentatives des migrants pour traverser la Manche à bord d’embarcations de fortune n’ont malheureusement cessé de croître depuis fin 2018, avec pour conséquence des tragédies humaines. Ce phénomène s’explique essentiellement par le renforcement de la surveillance et du contrôle des trains et des poids lourds transitant par Eurotunnel et le port de Calais. Face à cette situation, les forces de sécurité intérieure et de sauvetage en mer continuent de se montrer extrêmement actives pour empêcher des embarcations de quitter les côtes françaises – 60% des tentatives de traversées ont été mises en échec – mais aussi pour sauver des vies en mer, conformément à nos obligations internationales et humanitaires.
En 2022, année où 79 000 migrants ont tenté de rejoindre illégalement le Royaume-Uni, le taux de mise en échec des traversées a été de 55%, 325 filières de passeurs ont été démantelées et 1 165 trafiquants ont été interpellés. Il faut aller plus loin et renforcer le cœur de notre action. Le 1er janvier 2023, l’Office de lutte contre le trafic illicite de migrants (Oltim) a été créé dans cet objectif.
Le projet de loi que vous examinerez dans les prochaines semaines prévoit d’agir sur les causes de cette immigration irrégulière et de mieux contrôler les entrées sur le territoire. Nous voulons lutter contre les réseaux de passeurs en portant jusqu’à vingt ans d’emprisonnement les peines encourues par les passeurs agissant en bande organisée, dispositions qui tirent les conséquences du naufrage intervenu le 24 novembre 2021 au large de Calais, qui a conduit à la mort de vingt-sept personnes. Nous entendons aussi doter de nouveaux pouvoirs de contrôle les policiers de la police aux frontières (PAF) en leur donnant la possibilité d’inspecter visuellement des véhicules particuliers dans la zone frontalière des 20 kilomètres.
Quant aux accords du Touquet, qui régissent les flux réguliers entre la France et le Royaume-Uni, ils seront effectivement à l’ordre du jour du prochain sommet franco-britannique.

Mme la présidente
La parole est à M. Michel Herbillon.

M. Michel Herbillon (LR)
Depuis 2012, le taux d’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) est en chute libre. Alors qu’il n’atteignait que 22,3% en 2012, il s’est effondré pour s’établir à 6% en 2021. Vous avez à maintes reprises exprimé votre volonté de rendre plus efficace l’application de ces OQTF, préalable indispensable si nous voulons reprendre en main la maîtrise de notre immigration en France. Toutefois, le projet de loi sur l’immigration, que le ministre de l’intérieur vient de présenter, nous laisse quelque peu dubitatifs. À sa lecture, on se demande si vous vous donnez réellement les moyens d’augmenter le taux d’exécution des OQTF.
Pour le moment, votre texte ne s’attaque pas à l’une des principales causes de cet échec, je parle évidemment de l’obtention des laissez-passer consulaires, nécessaires pour mener à bien l’expulsion des étrangers en situation irrégulière. En 2021, seule la moitié a été délivrée dans les temps. L’Algérie a donné suite à moins de 6 % des demandes, ce qui a eu pour conséquence directe le fait que seules 3,5% des mesures d’éloignement prononcées vers ce pays ont été réellement exécutées en 2021. À ce propos, confirmez-vous les dernières informations selon lesquelles l’Algérie suspendrait la délivrance de ces laissez-passer consulaires, ce qui de facto nous empêcherait de reconduire à la frontière les Algériens en situation irrégulière ?
Madame la secrétaire d’État, en 2018, lors du débat sur le précédent projet de loi sur l’immigration, Les Républicains avaient souhaité inscrire dans la loi la limitation du nombre de visas accordés aux pays qui ne coopèrent pas avec la France en ne délivrant qu’un nombre dérisoire de laissez-passer consulaires. Cette disposition avait été écartée par la majorité parlementaire d’alors. Comptez-vous améliorer votre projet de loi en renforçant réellement les moyens d’obtenir la délivrance des laissez-passer consulaires ? Si vous ne le faites pas, votre volonté de lutter contre l’immigration clandestine restera malheureusement une vaine incantation.

Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Vous m’interrogez sur le refus de certains pays d’accorder des laissez-passer consulaires lorsqu’ils doivent réadmettre leurs ressortissants parce que nous souhaitons les éloigner. Lorsque les étrangers ayant fait l’objet d’une OQTF sont dépourvus de documents d’identité ou de voyage, nos services ont besoin de ces laissez-passer émis par les pays dont ils sont originaires pour exécuter les mesures d’éloignement. Je vous confirme qu’à ce jour, l’échec de leur application tient principalement aux difficultés que nous rencontrons dans l’obtention de ces documents.
Les enjeux liés aux flux migratoires et à la coopération en matière de retour ont d’ailleurs justifié l’inscription de sept pays sur la feuille de route migratoire de l’ambassadeur chargé des migrations. Il s’agit de l’Algérie, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée, du Mali, du Maroc, du Sénégal et de la Tunisie.

M. Michel Herbillon
Cela fait beaucoup !

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
La réponse à ce problème est par essence diplomatique.

M. Pierre-Henri Dumont
Elle est politique !

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Le Président de la République, la Première ministre, le ministre de l’intérieur et des outre-mer, la ministre de l’Europe et des affaires étrangères ont eu l’occasion d’échanger ces derniers mois avec les responsables politiques des États avec lesquels la coopération en matière de retour est insuffisante.
Nous avons apporté une première forme de réponse en restreignant la délivrance de visas pour les ressortissants des trois pays du Maghreb que j’ai cités. Cette décision a permis de revenir à un niveau de coopération consulaire satisfaisant. Ainsi, les éloignements vers l’Algérie ont pu retrouver leur niveau de 2019, c’est-à-dire d’avant la crise sanitaire.

M. Michel Herbillon
Il était faible.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Je rappelle que l’Algérie est le premier pays représenté dans l’immigration régulière et irrégulière en France. Les restrictions dans la délivrance de visas ont été levées. Nous ne manquerons toutefois pas de les réactiver ou de les renforcer en fonction des résultats obtenus en matière d’éloignement. Il n’est pas acceptable que certains de nos partenaires et leurs ressortissants, d’un côté, profitent de la générosité de la France, qu’il s’agisse de la délivrance de visas ou de notre politique d’aide au développement, et rechignent, de l’autre, à coopérer en matière de retours.

Mme la présidente
La parole est à M. Alexandre Vincendet.

M. Alexandre Vincendet (LR)
Les statistiques du ministère de la justice mettent en évidence une surreprésentation des ressortissants étrangers parmi les détenus condamnés puisqu’ils forment 24,6% de la population carcérale alors qu’ils représentent seulement 7,7% de la population résidant en France. Le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin a même déclaré que la part des étrangers parmi les délinquants était en hausse ces dernières années. Pour les cambriolages de logements, elle est ainsi passée de 28% à 40% entre 2017 et 2022, phénomène accentué dans les grandes villes comme Bordeaux, Toulouse ou Paris, où cette proportion peut dépasser 50%.
Dans la métropole de Lyon, 60% des actes de délinquance sur la voie publique, dont les vols avec violences, sont perpétrés par des étrangers. Dans ma propre circonscription, que M. le ministre de l’intérieur connaît bien, frappée le 15 décembre dernier par l’incendie de Vaulx-en-Velin qui a coûté la vie à dix personnes, 30 kilos d’héroïne ont été saisis dans le cadre du démantèlement d’un vaste trafic de stupéfiants. Sept malfaiteurs chevronnés ont été interpellés dont cinq sont aujourd’hui incarcérés. Depuis, des dealers tentent de reprendre à Vaulx-en-Velin le point de trafic du chemin des Barques, lieu de l’incendie. Parmi les trafiquants interpellés, on retrouve un Guinéen, né en 1997, condamné à six mois de prison ferme après avoir été arrêté en possession d’héroïne, de cocaïne et de cannabis.
Conscient du problème, Gérald Darmanin a indiqué dans cet hémicycle, le 6 décembre 2022, que « nul ne peut prétendre rester durablement sur notre sol, s’il ne respecte pas les valeurs de la République ». Nous nous attendions donc à ce que le Gouvernement prévoie des mesures fortes destinées à faire respecter la République et ses valeurs. Or que proposez-vous ? L’article 13 de votre projet de loi indique que « l’étranger qui sollicite un document de séjour s’engage à respecter la liberté personnelle, la liberté d’expression et de conscience ». Autrement dit, il s’agit d’une simple déclaration sur l’honneur. Pouvez-vous me dire en quoi cette procédure empêchera les futurs délinquants et radicalisés de commettre leurs méfaits ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Vous nous indiquez attendre de notre part des mesures fortes face aux étrangers auteurs d’actes de délinquance. Les auteurs de crimes et délits doivent prendre conscience que, par leurs actions, ils bafouent notre accueil. L’éloignement des étrangers qui se rendent coupables de troubles à l’ordre public est donc une priorité absolue du ministre de l’intérieur et des outre-mer, priorité qui se traduit en actes. Depuis octobre 2020, ont été prononcés 2 500 retraits de titres de séjour et 90 000 refus d’octroi ou de renouvellement de titres pour des raisons liées à des troubles à l’ordre à l’ordre public contre seulement quelques centaines antérieurement. En 2022, 3 615 étrangers auteurs de troubles à l’ordre public ont été éloignés, soit un doublement par rapport à 2021.
On retrouve cette même ambition de fermeté dans le projet de loi dont vous aurez à débattre dans quelques semaines. Ce texte assouplit les conditions d’expulsion des étrangers en levant les protections existantes. Il prévoit par ailleurs le retrait des titres de séjour pour des faits allant à l’encontre des principes de notre République comme l’outrage au drapeau ou le refus de se voir prodiguer des soins par un médecin de sexe opposé. Ce sont autant de mesures fortes.
Vous soulignez que l’article 13 du projet de loi renvoie à une attestation sur l’honneur. C’est vrai et, comme tout engagement, elle oblige donc son auteur à se conformer aux impératifs d’intégration de notre République. Comme l’a affirmé le ministre de l’intérieur, l’immigration est un " contrat librement consenti entre celui qui souhaite venir en France et le pays qui l’accueille ", un contrat avec des conditions et des engagements dont la rupture aura bien évidemment des conséquences. Nous continuerons donc à sanctionner ceux qui trahissent leurs obligations morales et à être intransigeants à leur égard. Ils s’exposeront au non-renouvellement de leur titre de séjour et à l’éloignement. Cela a encore été le cas ce lundi pour un étudiant radicalisé reconduit dans son pays.

Mme la présidente
La parole est à M. Éric Pauget.

M. Éric Pauget (LR)
Notre pays fait l’objet d’une pression migratoire sans précédent. Les derniers chiffres publiés sont particulièrement accablants et traduisent l’échec de votre politique d’immigration.

M. Pierre-Henri Dumont
Eh oui.

M. Éric Pauget
À la demande du groupe Les Républicains, le moment est venu de faire le point sur ces mauvais résultats : en 2022, 3,7 millions de titres de séjour ont été délivrés et le nombre de visas a augmenté de 137% par rapport à 2021. Et que dire de votre volonté de régulariser massivement des clandestins exerçant des métiers en tension ? Elle est inacceptable !
Derrière ces chiffres alarmants se cachent des réalités de terrain encore plus préoccupantes. Dans les Alpes-Maritimes, trois exemples illustrent votre échec. Tout d’abord, on assiste à une flambée du nombre de migrants traversant chaque jour illégalement la frontière italienne. Ensuite, on doit déplorer la gestion des mineurs non accompagnés (MNA). Plus de 5 000 d’entre eux ont été pris en charge par le département en 2022. Un record ! Avec le président du conseil départemental, Charles-Ange Ginesy, je souhaite vous alerter sur les conséquences catastrophiques de cette politique. La situation a débordé les collectivités, saturé leurs capacités d’accueil, et l’explosion des coûts – 50 000 euros par an et par mineur – fragilise désormais leurs finances. Le système est à bout de souffle !

M. Michel Herbillon
Il a raison !

M. Éric Pauget
Enfin, dans ma circonscription, la réquisition d’un hôtel antibois pour y installer vingt-cinq mineurs étrangers, décision prise sans aucune concertation, révèle la faiblesse de l’État et mine les relations de confiance avec les élus locaux.
Madame la secrétaire d’État, l’immigration n’est pas un gros mot. C’est un défi pour éviter rejet et stigmatisation. Alors, passez des paroles aux actes ! Quand aurons-nous des effectifs suffisants pour contrôler nos frontières ? Quand aurons-nous des places supplémentaires en centres de rétention administrative (CRA) ? Quand l’État revalorisera-t-il l’accompagnement financier des MNA et quand imposerez-vous la présomption de majorité ?
Enfin, quand aura-t-on les moyens de reprendre le contrôle de notre immigration ? Les Alpes-Maritimes ne doivent pas devenir la plateforme de l’immigration clandestine de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
J’apporterai d’abord des précisions sur les Alpes-Maritimes où il y a eu 5 766 interpellations à la frontière en 2023 contre seulement 4 228 à la même époque en 2022. La semaine dernière, les interpellations à la frontière franco-italienne ont connu une accélération, passant de 94 par jour contre 77 précédemment. Cette reprise est liée au retour progressif de deux unités de forces mobiles dans le dispositif.
Ensuite, vous m’interrogez sur la situation des mineurs non accompagnés. Il s’agit évidemment d’une question complexe qui mobilise plusieurs départements ministériels mais aussi les collectivités locales, à commencer par les conseils départementaux.
Je rappelle que, dans le droit français, les mineurs ne sont pas soumis au droit au séjour. Les textes en vigueur prévoient deux situations lors de l’accession d’un mineur à la majorité : la délivrance de plein droit d’un titre de séjour pour les mineurs isolés confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE) au plus tard à l’âge de 16 ans et une voie d’admission exceptionnelle au séjour pour ceux pris en charge entre 16 et 18 ans qui justifient de six mois au moins de formation professionnelle, sous certaines conditions. Une circulaire du ministre de l’intérieur du 21 septembre 2020 prévoit un examen anticipé du droit au séjour des mineurs étrangers confiés à l’ASE, afin d’éviter les ruptures de droits au moment du passage à la majorité.
Par ailleurs, les préfets disposent d’un pouvoir d’appréciation dans le cadre de l’admission exceptionnelle au séjour pour traiter les situations particulières, notamment celles des mineurs isolés qui poursuivent des études secondaires ou universitaires avec assiduité et sérieux. L’examen des dossiers de demande d’admission au séjour relève surtout de la difficulté parfois rencontrée pour authentifier les documents d’état civil et de nationalité : en définitive, seules 7 % des demandes de titre sont rejetées, essentiellement au motif de la fraude à l’état civil.
Enfin, il faut distinguer la situation des vrais mineurs, inscrits dans un parcours d’insertion et d’intégration par les études et le travail de celle des prétendus mineurs, qui se signalent par leur délinquance violente. La seule réponse possible pour ces derniers, c’est la sévérité de la justice et le retour dans leur pays d’origine.

M. Éric Pauget
Imposez la présomption de majorité !

Mme la présidente
La parole est à M. Alexandre Portier.

M. Alexandre Portier (LR)
Depuis plusieurs décennies, la France fait face à une pression migratoire continue, croissante et ininterrompue. Nous assistons, sous nos yeux, à un changement en profondeur de la population française : en 2022, les immigrés représentaient en France 10% de la population totale. En moyenne, selon l’Insee, " quatre immigrés entrent sur le territoire national lorsqu’un en sort ".
Mais ne nous y trompons pas, ce n’est pas l’État qui supporte cette situation : à la fin, ce sont bien les Français qui subissent les conséquences directes de l’échec de la politique migratoire.

M. Laurent Jacobelli
Très bien !

M. Alexandre Portier
Nous sommes incapables de sélectionner et d’expulser. Nous sommes spectateurs d’un flux devenu hors de contrôle et qui, de surcroît, représente une charge lourde pour les Français.
Alors que le Gouvernement somme les Français de se serrer la ceinture, de mettre des pulls et de travailler plus longtemps pour préserver les retraites, vous leur demandez d’être les spectateurs dociles de cette dérive. Ils le refusent ! Alors que sept Français sur dix considèrent qu’il faut durcir la politique migratoire, voilà que le ministère de l’intérieur imagine un projet de loi permettant de régulariser massivement, avec pour prétexte la réponse aux difficultés de recrutement dans les métiers dits en tension.
Eh bien non, le Gouvernement fait fausse route : la réponse aux métiers en tension n’est pas ailleurs, mais chez nous : notre pays compte 6 millions de chômeurs et 1,4 million de jeunes sans emploi ni formation.

M. Pierre-Henri Dumont
Eh oui !

M. Alexandre Portier
La réponse à nos difficultés, c’est d’abord en France, c’est d’abord en nous-mêmes, en croyant en nos forces, que nous devons la trouver.

M. Pierre-Henri Dumont
Exactement !

M. Michel Herbillon
Très bien !

M. Alexandre Portier
Non, l’immigration n’est pas une solution et risque même d’être la mère de nouveaux problèmes : accentuation de la crise du logement, écoles surchargées, difficultés d’intégration dans des classes où se côtoient parfois des enfants de plus de dix nationalités différentes, délinquance ou encore flambée du coût des aides sociales.
Madame la secrétaire d’État, qu’envisage le Gouvernement pour faire du travail et de l’emploi une priorité pour les Français avant d’en faire un prétexte à toujours plus d’immigration ? Accueillir à tour de bras les migrants débouchera inévitablement, nous le savons, sur une crise culturelle majeure. Les Français y sont majoritairement opposés. Écoutez-les ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe RN.)

M. Laurent Jacobelli
Bravo !

Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Cela fait deux fois que vous parlez de régularisation massive ; c’est exactement le contraire de ce que nous envisageons de faire. Le ministre de l’intérieur l’a dit et redit, notre politique de l’immigration doit être guidée par une logique très simple : celle des droits et des devoirs. Si nous nous opposons de toutes nos forces à ceux qui considèrent les étrangers comme des criminels en puissance, nous ne ferons pas non plus preuve de naïveté envers ceux d’entre eux qui veulent atteindre la République ou, plus simplement, qui ne veulent pas la respecter.
Le projet que nous défendons repose sur trois objectifs. Tout d’abord, l’humanité dans l’accueil des étrangers, grâce à l’engagement d’une grande réforme de simplification du système d’asile mais aussi du contentieux des étrangers, avec la généralisation de l’intervention du juge unique à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), la territorialisation de la CNDA et la création de l’espace " France asile " – l’idée est de mieux accueillir ceux que nous avons décidé d’accueillir.
Ensuite, la fermeté envers les délinquants : nous voulons mieux contrôler les frontières, agir sur les causes de l’immigration irrégulière et éloigner les étrangers présentant une menace pour l’ordre public, en levant les protections contre l’éloignement pour motif d’ordre public et en rendant possible le recours à la coercition pour le relevé des empreintes digitales.
L’intégration, enfin, de ceux qui veulent vivre en France : par la langue, bien sûr, par le respect des principes de la République, évidemment, mais, enfin et surtout, par le travail qui doit redevenir le premier vecteur de l’intégration des étrangers, grâce notamment au passeport talent. Nous souhaitons désormais engager la discussion parlementaire pour enrichir ce texte et le faire évoluer, afin d’en améliorer l’efficacité.

Mme la présidente
La parole est à Mme Estelle Youssouffa.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT)
Parler d’échec de la politique migratoire, c’est évidemment parler de la situation à Mayotte. En 2002, Mayotte comptait 34,5% d’étrangers sur son sol ; ils seraient aujourd’hui plus de 50%. Cela veut dire qu’une personne sur deux croisées dans les rues de mon département est étrangère, le plus souvent en situation irrégulière. Nous subissons depuis plus d’une décennie la tyrannie de la politique des chiffres en matière de reconduites à la frontière : l’an dernier, à Mayotte, 25 380 personnes ont ainsi été renvoyées dans leur pays. Mais c’est en réalité un trompe-l’œil car ceux qui sont expulsés le matin reviennent aussitôt par bateau dans les jours qui suivent.
Il est impossible d’envisager une politique migratoire efficace sans protéger et verrouiller réellement notre frontière, avec l’aide de la marine nationale et la mobilisation d’un bâtiment militaire basé de manière permanente à Mayotte. Car Mayotte est devenue le point d’arrivée des migrants de toute la région : Comoriens en tête, mais aussi Malgaches et Africains des Grands Lacs, qui débarquent quotidiennement par bateau. Paris se sert de notre insularité pour transformer Mayotte en cul-de-sac, au moyen d’un visa territorialisé. La préfecture distribue largement des permis de séjour qui régularisent les étrangers sur notre île uniquement, ce document ne leur permettant pas de se rendre dans l’Hexagone ou dans le reste de l’espace Schengen. À travers une loi inique, Mayotte se trouve hors de la République, seule face au déferlement migratoire. L’État isole Mayotte en raison de son voisinage, évoquant un hypothétique appel d’air. Le Gouvernement compte-t-il mettre fin à cette injustice et abolir enfin le visa territorialisé dans sa loi relative à l’immigration ?
Enfin, je tiens ici à apporter mon soutien au ministre Darmanin et au Gouvernement concernant l’opération, annoncée dans la presse, de destruction des bidonvilles. Cette annonce répond à la demande des Mahorais de détruire ces zones insalubres et ces quartiers de non-droit. Connaissant l’habitude des représailles qui s’exercent après les décasages, pouvez-vous nous assurer que toutes les mesures seront prises pour protéger la population française de Mayotte des inévitables campagnes de terreur qui suivront la destruction des bidonvilles ? (M. Christophe Naegelen, Mme Sabrina Agresti-Roubache et Mme Emmanuelle Ménard applaudissent.)

Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Vous m’interrogez sur la pression migratoire à laquelle doit faire face le département de Mayotte, où 50% de la population, vous l’avez rappelé, est étrangère. La demande d’asile à Mayotte a été multipliée par cinq depuis 2016 : 4 036 demandes en 2021. La pression migratoire, vous le savez madame la députée, provient essentiellement de l’île comorienne d’Anjouan, distante de seulement 70 kilomètres. Nous avons également vu apparaître de nouveaux flux en provenance de Madagascar et d’Afrique continentale, qui se traduisent d’ailleurs à travers les demandes d’asile.
Dans le cadre de l’opération Shikandra, l’État déploie des moyens importants afin de lutter contre l’immigration irrégulière. En 2022, plus de 32 000 interpellations d’étrangers en situation irrégulière et 26 000 éloignements ont été réalisés, 75% des kwassa-kwassa sont interceptés ou dissuadés d’accoster à Mayotte. Le ministre de l’intérieur et des outre-mer, qui s’est rendu sur place fin décembre, a indiqué souhaiter renforcer encore les moyens accordés pour lutter contre l’immigration clandestine. Une surveillance aérienne plus performante a été instituée en 2021 pour un coût annuel de 2 millions d’euros et la rénovation du parc de radars de détection a été entérinée sur trois ans, pour un budget de 3 millions d’euros. Au premier trimestre 2023, deux intercepteurs Rafale seront livrés et les capacités de rétention ont été augmentées de cinquante places, pour atteindre 258 places.
Par ailleurs, il est essentiel de prévenir et d’empêcher les départs depuis les Comores, grâce à des opérations d’entrave et une opération consulaire qui permettra la remise de près de 20 000 étrangers en situation irrégulière aux autorités comoriennes. Madame la députée, notre mobilisation pour Mayotte est totale : non seulement les dispositions du futur projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration s’y appliqueront, mais nous engageons, vous l’avez vu, des moyens très significatifs pour répondre à la situation spécifique de votre territoire.

Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Naegelen.

M. Christophe Naegelen (LIOT)
Nous débattons aujourd’hui de l’échec de la politique migratoire, en amont d’un projet de loi que nous examinerons d’ici à quelques semaines relatif à l’immigration et, dans une deuxième partie, à l’intégration. Ce n’est toutefois pas en deux minutes que nous pourrons aborder l’alpha et l’oméga des questions migratoires sur le territoire français. Néanmoins, comme sur de nombreux autres sujets, le problème en France réside dans la centralisation ou, devrais-je dire plutôt, l’hypercentralisation : ainsi, le siège social de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) est situé à Fontenay-sous-Bois, tandis que celui de la CNDA est à Montreuil. En raison de cette hypercentralisation, le délai de traitement des dossiers des étrangers est beaucoup trop long.
Le futur projet de loi prévoit une territorialisation de la CNDA qui accuse, je le répète, un retard dans le traitement de la majorité des dossiers. Je souhaiterais donc savoir à quel échelon vous envisagez cette territorialisation : départemental ou régional ? Deuxième point, entendez-vous territorialiser également les services de l’Ofpra, au niveau du département ou de la région ? J’irai même plus loin : il serait nécessaire de disposer dans les départements d’équipes dédiées de la PAF ou de la gendarmerie, parce qu’il est toujours très compliqué lorsque l’on veut réaliser une OQTF de faire venir des professionnels exerçant dans des territoires éloignés.
Enfin, l’article 621-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) a été abrogé, pour se mettre en conformité avec la politique européenne. Néanmoins, la reconnaissance du délit de maintien sur le territoire pour un étranger en situation irrégulière est un aspect très important. Comptez-vous le rétablir ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Vous m’interrogez sur la future réforme. D’abord, vous l’avez souligné, cette réforme est nécessaire. En effet, notre droit doit être plus clair et les décisions rendues plus rapidement. Il nous faut accueillir plus vite ceux à qui nous devons l’asile et refuser plus rapidement ceux qui ne peuvent pas en bénéficier. Des délais parfois bien trop longs sont à l’origine de situations administratives complexes, voire inextricables pour des personnes qui ne peuvent être ni régularisées, ni expulsées.
La question que vous posez sur la centralisation est l’un des éléments de réponse : la territorialisation de la CNDA à un échelon plutôt régional ou interdépartemental, pour répondre à votre interrogation, a pour objectif de réformer la juridiction localisée à Montreuil, en s’appuyant sur le maillage actuel des cours administratives d’appel, dans une volonté d’agir au plus près des usagers. La création de pôles " France asile " permettra la présence d’agents de l’Ofpra en dehors de son siège de Fontenay-sous-Bois et au plus près des guichets uniques – cela permettra de gagner sans doute un mois sur les délais d’instruction des demandes.
Vous m’interrogez également sur le délit de maintien sur le territoire, qui concerne l’étranger se maintenant sur le territoire sans motif légitime, malgré une mesure d’éloignement. Celui-ci s’expose à une peine d’un an d’emprisonnement et à une amende de 3 750 euros. En 2021, 489 condamnations de cet ordre ont été prononcées. Le Gouvernement est résolu à appliquer les mesures d’éloignement et à agir contre le maintien sur le territoire des personnes soumises à une OQTF. La volonté du Gouvernement de s’emparer de ce sujet se matérialise par les mesures contenues dans le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, avec par exemple l’élargissement des critères permettant d’expulser les étrangers bénéficiant d’une protection quasi absolue, la levée des protections contre les OQTF en cas de menace grave à l’ordre public, une réforme des voies de recours contre les décisions d’éloignement qui passeront de douze à quatre.

Mme la présidente
La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli (SOC)
La situation migratoire en France, comme celles des autres États membres de l’Union européenne, est mauvaise, pour au moins trois raisons. D’abord, c’est une crise qui se prolonge depuis l’annonce par la présidente de la Commission européenne de la fin du règlement de Dublin, le pacte européen sur la migration et l’asile annoncé pour le remplacer tardant à voir le jour et étant repoussé régulièrement depuis bientôt trois ans. Ensuite, c’est une crise qui mine l’Europe et qui conduit à ne pas examiner sereinement les sujets d’élargissement ayant pourtant une portée stratégique ; elle pourrait aussi remettre en cause les règles de la liberté de circulation au sein de l’Union. Enfin, c’est une crise qui conduit chaque État à traiter séparément les questions migratoires.
En France, nous examinerons prochainement le projet de loi sur l’immigration et l’intégration. L’Allemagne a, de son côté, annoncé une loi assouplissant les conditions d’entrée des étrangers sur son territoire, selon laquelle il ne sera désormais plus nécessaire de parler la langue ou de présenter un contrat de travail pour s’installer dans le pays. L’Espagne, l’Italie, la Bulgarie, ou encore la Roumanie ont besoin du soutien du reste de l’Europe pour contenir les flux migratoires irréguliers alimentés par le trafic des êtres humains.
Dès lors, le sauvetage en mer repose sur des associations bénévoles. Celles-ci sont accusées de faire le jeu des passeurs, alors qu’elles ne font qu’appliquer strictement le droit maritime international : une embarcation en détresse doit être secourue. Si nous avions l’ambition de travailler conjointement avec nos partenaires européens et extra-européens pour résoudre ce problème, sans doute en aurions-nous déjà fini avec les passeurs et serions-nous en mesure d’accueillir dignement des migrants chaque année. En France, aucun dispositif public ne vient en aide aux migrants en mer : le seul réseau associatif qui y soit dédié, SOS Méditerranée, doit quémander des subventions privées. Occupées à sauver des vies, ces associations se heurtent au cynisme absolu des États européens et de l’agence Frontex qui, loin de les assister dans leur tâche, entravent la réalisation de leur mission en les contraignant à respecter des normes toujours plus ubuesques.
Ma question est simple : à défaut d’avoir impulsé une dynamique durant la présidence française du Conseil de l’Union européenne, que propose la France et que fait le Gouvernement pour engager un grand débat européen en la matière – l’Europe étant la seule échelle à laquelle ce sujet peut être traité avec efficacité et ambition ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Vous m’interrogez sur le traitement européen de la situation migratoire. Depuis 2016, la France fait face à un flux important de demandeurs d’asile relevant du règlement Dublin, principalement alimenté par des personnes qui ont déjà été déboutées en Allemagne et dans les États centraux et nord-européens, ainsi que par des personnes qui ont franchi irrégulièrement les frontières extérieures en Italie et en Espagne.
En 2022, environ 40% des demandes d’asile effectuées en France résultaient d’un flux secondaire au sein de l’Union européenne – les deux tiers des flux secondaires ayant pour destinations l’Allemagne et la France. Cette même année, la France a réalisé 3 300 transferts sortants, ce qui la place en première position devant l’Allemagne et l’Espagne, et a reçu 1 453 transferts entrants, essentiellement en provenance d’Allemagne et de Suisse.
Le pacte sur la migration et l’asile, présenté par la Commission en 2020, comporte le remplacement du règlement de Dublin et l’ajout d’un volet relatif à la solidarité. La France juge cette solution insuffisamment dissuasive, car elle maintient le délai de transfert de six mois au-delà duquel l’État membre requérant devient responsable de la demande d’asile. Nous avons donc proposé le principe d’une procédure d’asile unique, qui rendrait en principe irrecevable toute nouvelle demande d’asile dans un autre État membre, et qui réserverait l’octroi des conditions matérielles d’accueil dans l’unique État reconnu responsable de la demande d’asile.

Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC)
Nous nous apprêtons, en juin prochain, à discuter de la dixième réforme du droit des étrangers en dix ans. Le présent débat sur l’échec de la politique migratoire est important, car ces dix ans de réformes successives n’ont pas permis d’atteindre le double objectif qui était visé.
Le premier était l’augmentation du nombre de reconduites à la frontière. Or les réformes successives ont abouti au contraire à réduire la coopération avec les pays concernés, et donc à diminuer notre taux d’expulsion d’étrangers en situation irrégulière.
Le deuxième objectif était de simplifier le droit des étrangers et d’améliorer la situation de ces derniers sur notre sol. Or nous constatons une complexification du droit, accroissant le nombre de recours et soumettant les étrangers qui travaillent en France à une bureaucratie tatillonne, qui nuit à leur intégration.
Cette situation a une raison simple : notre politique migratoire ne peut fonctionner en l’état. Il est impossible d’expulser davantage d’étrangers, quand certains pays ne se montrent pas coopératifs, et n’ont pas de raison de le devenir. Il n’est pas non plus possible de mettre à exécution les quelque 140 000 OQTF que la France prononce chaque année. Mettrons-nous quatre policiers et gendarmes derrière chacun des 140 000 étrangers en situation irrégulière ? C’est évidemment inenvisageable. Aussi notre politique migratoire coûteuse et inefficace doit-elle être profondément réformée.
Enfin, nous parlons trop peu du volet de l’intégration. Notre pays doit déployer une véritable politique en la matière, et donner davantage de pouvoirs à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii). Quelles sont vos intentions dans ce domaine ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Pour commencer, je rappellerai que trois lois relatives à l’immigration ont été adoptées sous le mandat de François Hollande,…

M. Philippe Brun
C’est vrai.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
…contre une seule durant le premier mandat d’Emmanuel Macron – une deuxième étant bientôt prévue. Nous devons reconnaître collectivement que les phénomènes migratoires évoluent et que nous devons nous y adapter.
Vous estimez qu’il n’est pas possible d’expulser davantage. C’est pourtant possible, à condition de lever certaines protections et de continuer à exercer notre politique diplomatique vis-à-vis des pays de retour, de manière à maintenir une pression et à continuer d’exclure les personnes qui n’ont pas leur place sur le territoire français.
Vous m’interrogez, par ailleurs, sur notre politique en matière d’intégration : elle constitue un élément essentiel du projet de loi élaboré par M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer et M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
L’intégration recouvre deux volets majeurs, à commencer par celui, essentiel, de la langue. Nous pouvons noter des insuffisances en la matière. C’est pourquoi le projet de loi entend aller plus loin concernant l’intégration par la langue.
Le second volet fondamental de l’intégration réside dans le travail : c’est également une composante importante du projet de loi. De même que l’intégration est plus facile pour les jeunes – nous l’avons constaté avec les jeunes Ukrainiens qui ont rejoint les classes françaises –, elle est plus aisée pour les personnes qui ont accès au monde du travail : elles y apprennent certes des compétences techniques, mais aussi la culture française. Ce vecteur d’intégration est essentiel.

Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Pradal.

M. Philippe Pradal (HOR)
Comme l’affirmait le président du groupe Horizons et apparentés, Laurent Marcangeli, le 6 décembre, il est absolument indispensable de muscler notre stratégie d’éloignement. Ce qui pèche n’est pas tant notre arsenal juridique que notre capacité à éloigner réellement les délinquants.
Le projet de loi que vous présenterez prochainement permettra de prononcer davantage de décisions d’expulsion ou d’OQTF – dans ses articles 9 et 10 –, et de refuser le renouvellement de titres de séjour – dans les articles suivants. Je ne peux que saluer ce durcissement de ton à l’encontre de ceux qui ne respectent pas la loi, par principe et par souci d’équité avec tous les autres résidents de France, Français ou non, qui s’appliquent à respecter les règles.
Cependant, tant que des mesures fortes ne seront pas prises en direction des pays d’origine des personnes concernées, l’augmentation du nombre d’OQTF ne fera qu’accroître le taux d’expulsions non effectuées. Le nombre de décisions d’expulsion croîtra, et la proportion de décisions non exécutées augmentera en parallèle. D’où mes questions. Quelles conséquences a eues la décision du Président de la République de diminuer le nombre de visas d’entrée en France à certains pays qui refusaient les réadmissions ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour obtenir une meilleure coopération des pays d’origine ?
Comme vous le savez, le groupe Horizons et apparentés défend l’idée de conditionner l’aide au développement à la coopération en matière de réadmission. Nous ne pouvons continuer à financer des projets structurants dans des pays sans exiger de leur part une coopération efficace en matière de réadmission. Le durcissement de notre politique d’éloignement et d’expulsion est une nécessité, dont nous espérons qu’elle trouvera une traduction claire, sans équivoque, dans le projet de loi.

Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Vous m’interrogez sur le refus de certains pays d’accorder des laissez-passer consulaires lorsqu’ils doivent réadmettre leurs ressortissants que nous souhaitons éloigner. Pour éloigner les étrangers en situation irrégulière s’étant vu délivrer une OQTF, nos services ont besoin d’obtenir de leur pays d’origine un laissez-passer consulaire, lorsque ces étrangers sont dépourvus de documents d’identité ou de voyage. Sans cela, l’éloignement n’est pas possible. La difficulté d’obtenir des laissez-passer consulaires constitue l’une des principales causes d’échec de l’éloignement.
Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, les enjeux relatifs aux flux migratoires et à la coopération en matière de retour ont justifié l’inscription de sept pays sur la feuille de route migratoire de l’ambassadeur chargé des migrations : il s’agit de l’Algérie, de la Côte-d’Ivoire, de la Guinée, du Mali, du Maroc, du Sénégal et de la Tunisie. La réponse à ce problème est par essence diplomatique.
Le Président de la République, la Première ministre, le ministre de l’intérieur et des outre-mer ainsi que la ministre de l’Europe et des affaires étrangères ont échangé, ces derniers mois, avec les responsables politiques des États avec lesquels la coopération en matière de retour est insuffisante. Une première forme de réponse réside dans la restriction des délivrances de visas vis-à-vis de trois pays du Maghreb. Cette décision a permis de retrouver un niveau de coopération consulaire satisfaisant. À titre d’illustration, les éloignements vers l’Algérie ont retrouvé leur niveau de 2019, avant la crise sanitaire. (M. Laurent Jacobelli s’exclame.)
Rappelons que l’Algérie est le premier pays représenté dans l’immigration régulière et irrégulière en France. À cette heure, les mesures de restriction dans la délivrance de visas ont été levées. Toutefois, nous ne manquerons pas de les réactiver ou de les renforcer en fonction des évolutions constatées, pour atteindre nos objectifs d’éloignement.
Par ailleurs, comme vous le soulignez, il n’est pas acceptable que certains de nos partenaires et leurs ressortissants profitent, d’un côté, de la générosité de la France en matière de délivrance de visas ou d’aide au développement, et rechignent, d’un autre côté, à coopérer en matière de retour.

Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Taché.

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES)
La mer Méditerranée est un cimetière à ciel ouvert, mais la France et l’Europe préfèrent regarder ailleurs. Dimanche 26 février, il y a quelques jours, plus de soixante personnes, dont douze enfants, ont trouvé la mort dans le naufrage de leur embarcation en Italie du Sud. Nous parlons bien de soixante morts et d’enfants noyés, madame la secrétaire d’État. Quelle a été la réaction de la France ? Aucune : pas un communiqué, pas un tweet des membres du Gouvernement ni du Président de la République, pourtant si prompts à réagir sur tous les sujets.
La France est une terre d’immigration et une terre d’accueil ; elle doit le rester. Ceux qui traversent la Méditerranée au risque de leur vie méritent que la fin de leur voyage soit digne du statut de notre pays – qui compte, rappelons-le, 10% d’immigrés. Assurer un accueil digne nous impose d’améliorer nos conditions d’intégration, pour que nous puissions faire société. J’espère que le projet de loi que nous examinerons bientôt en sera l’occasion – vous pouvez compter sur les députés du groupe Écologiste-NUPES pour formuler des propositions en ce sens.
L’accueil digne doit aussi passer par une politique de régularisation de tous ceux qui travaillent dans notre pays. En 2022, la France a délivré plus de 320 000 premiers titres de séjour, en augmentation de plus de 17% par rapport à 2021. Les régularisations de travailleurs sans-papiers ont crû de 29% : sur un total de plus de 34 000, 11 000 avaient pour motif le travail. Nous semblons donc aller dans la bonne direction. Vous avez fait un pas supplémentaire en ouvrant la porte à une régularisation des travailleurs sans-papiers occupant des métiers en tension, mais vous rétropédalez à présent en parlant de quotas.
M. Darmanin, qui dit tant aimer le travail et les travailleurs, et qui rappelle souvent les origines modestes de sa mère, aurait été heureux d’apprendre que la mienne était agent d’entretien dans un hôpital. Je n’ai pourtant pas le souvenir de l’avoir vu dans les défilés du 1er mai ou à la sortie des usines ! Ce n’est pas grave ; il est ministre de l’intérieur, il peut faire mieux, comme vous pouvez faire mieux : régularisez le million de travailleurs sans-papiers qui se trouvent dans notre pays et qui font tourner nos chantiers et nos restaurants. Vous trouverez alors les quelques milliards d’euros qui manquent pour équilibrer le système de retraite en 2030, au lieu d’épuiser nos compatriotes au travail, ou de céder aux fantasmes natalistes et empreints de racisme du Rassemblement national.
Nous nous trouvons à un tournant majeur de notre politique migratoire. Ma question est simple : êtes-vous prêts à engager une politique massive de régularisation des travailleurs sans-papiers ? (Mme Andrée Taurinya applaudit.)

Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Votre question porte sur la régularisation des travailleurs sans-papiers. La piste d’une régularisation générale et inconditionnelle doit évidemment être écartée : ce serait totalement déraisonnable. Je note d’ailleurs qu’aucun gouvernement de droite ou de gauche ne l’envisage sérieusement ou ne l’a envisagé. (M. Philippe Brun s’exclame.)
Pour autant, il est vrai que certaines personnes, présentes sur notre territoire depuis des années, travaillent et contribuent à la vitalité économique de notre pays, mais demeurent enfermées dans l’illégalité, bien souvent du fait d’employeurs indélicats. Dans le cadre de la circulaire dite Valls – circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d’examen des demandes d’admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile –, ces personnes peuvent voir leur situation examinée sous l’angle de l’admission exceptionnelle au séjour, à condition de prouver leur ancienneté sur le territoire et la réalité de leur activité professionnelle. En 2022, 10 000 admissions exceptionnelles ont été délivrées.
Avec M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer et M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, nous souhaitons, tout particulièrement dans les métiers en tension comme ceux du bâtiment, que les travailleurs immigrés en situation irrégulière puissent solliciter la possibilité de rester sur le territoire sans passer par un employeur. Cela permettra d’inverser le rapport de force avec quelques employeurs que l’on sait indélicats, et qui peuvent trouver un intérêt à ce que leurs salariés soient dans l’illégalité. Il est vrai que nous ne délivrons peut-être pas assez de titres de séjour aux gens qui travaillent, et qu’un certain patronat en profite.
Le projet de loi qui sera débattu au Parlement dans les prochaines semaines se fonde notamment sur le constat – que vous partagez, je pense – selon lequel le travail doit redevenir le premier lieu d’intégration des étrangers. Pour atteindre cet objectif, nous souhaitons permettre à des demandeurs d’asile de travailler dès leur arrivée sur le sol français – comme nous l’avons fait pour les personnes déplacées d’Ukraine –, lorsque nous estimons qu’ils ont de grandes chances d’obtenir la protection internationale en France.
Par ailleurs, nous souhaitons créer une voie d’accès au séjour spécifique pour les étrangers déjà présents sur le territoire et qui participent à la vitalité de l’économie française, en vue de répondre aux besoins des métiers en tension. Nous visons en particulier les secteurs qui manquent de main-d’œuvre, comme l’hôtellerie, la restauration, le bâtiment, le nettoyage, les métiers du soin, les transports ou encore la logistique. Vous aurez l’occasion d’examiner cette mesure dans le cadre du projet de loi.

Mme la présidente
La parole est à Mme Soumya Bourouaha.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES)
Le thème dont nous débattons, c’est-à-dire les échecs de la politique migratoire, peut être abordé sous divers angles. Pour ma part, je souhaite évoquer en particulier l’échec de notre politique d’accueil des milliers de migrants qui fuient leur pays en raison de la guerre, de la pauvreté ou de difficultés sociales et économiques.
Lundi 27 février, une embarcation sur laquelle se trouvaient entre 120 et 200 personnes a fait naufrage près des côtes italiennes, entraînant la mort de soixante-quatre migrants, dont douze enfants. La Méditerranée se transforme peu à peu en cimetière, dans un silence assourdissant. En dépit de cela, l’agence européenne Frontex n’assure aucun sauvetage en mer. Pire encore, l’Office européen de lutte antifraude (Olaf), dans son dernier rapport, accuse Frontex – qui, rappelons-le, est l’agence européenne la mieux dotée financièrement – d’avoir été complice de refoulements en mer Égée, voire d’y avoir participé, ainsi que d’avoir ignoré des appels de bateaux en détresse.
Dès lors, le sauvetage en mer repose sur des associations bénévoles. Celles-ci sont accusées de faire le jeu des passeurs, alors qu’elles ne font qu’appliquer strictement le droit maritime international : une embarcation en détresse doit être secourue. Si nous avions l’ambition de travailler conjointement avec nos partenaires européens et extra-européens pour résoudre ce problème, sans doute en aurions-nous déjà fini avec les passeurs et serions-nous en mesure d’accueillir dignement des migrants chaque année. En France, aucun dispositif public ne vient en aide aux migrants en mer : la seule association dédiée, SOS Méditerranée, doit quémander des subventions privées. Occupées à sauver des vies, ces associations se heurtent au cynisme absolu des États européens et de l’agence Frontex qui, loin de les assister dans leur tâche, entravent la réalisation de leur mission en les contraignant à respecter des normes toujours plus ubuesques.
Après l’affaire de l’ Ocean Viking , le ministre de l’intérieur a affirmé que le droit de la mer doit être strictement appliqué. Il s’agit ici de milliers de vies humaines.

Un député du groupe RN
Il faut les ramener dans leur pays d’origine !

Mme Soumya Bourouaha
Quand comptez-vous mettre en place des dispositifs de financement public du sauvetage en mer et donner à la France les moyens de mettre en œuvre une véritable politique d’accueil ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Nous ne pouvons rester indifférents face au drame qui a touché l’Italie : le bilan du récent naufrage s’élève à soixante-quatre morts, dont plusieurs enfants, et risque de s’aggraver encore. Les premiers responsables de cette situation sont les passeurs criminels qui font embarquer des hommes, des femmes et des enfants dans des navires hors d’état, les poussant ainsi à la mort.
La pression migratoire en Méditerranée est particulièrement forte. En 2022, on dénombre 328 000 franchissements irréguliers des frontières extérieures de l’Union européenne, avec une hausse de 51 % des flux en Méditerranée centrale à destination de l’Italie. Je tiens à rappeler que les ONG sont loin d’être les seules à intervenir pour secourir les personnes en détresse. En effet, cette mission est principalement assurée grâce à des moyens étatiques, avec le renfort de l’agence Frontex.
Fin novembre 2022, Frontex mobilisait ainsi 2 300 personnels, 65 moyens nautiques et 259 voitures de patrouille, répartis sur plusieurs terrains d’opération, la majeure partie des effectifs et des navires étant déployés en Grèce. L’agence mène actuellement en Méditerranée plusieurs opérations conjointes relatives à la gestion des flux migratoires : l’opération Indalo au sud de l’Espagne, l’opération Themis en Italie, l’opération Poséidon en Grèce, l’opération Ledra à Chypre et une opération au large des îles Canaries. S’y ajoutent des opérations terrestres et maritimes à la frontière entre les Balkans et la Turquie.
À la suite de l’arrivée de l’ Ocean Viking , la France a demandé l’organisation d’une réunion extraordinaire du Conseil des ministres de l’Union européenne, tenue le 28 novembre 2022. À cette occasion, les ministres ont adopté un plan d’action d’urgence proposé par la Commission européenne, avec plusieurs objectifs. Il s’agit d’abord de mieux prévenir les départs irréguliers en créant les conditions adéquates pour que les pays de la rive sud de la Méditerranée désignent des ports sûrs, et en améliorant l’efficacité de la politique de l’Union européenne et de ses États membres en matière de retour. Il s’agit ensuite de mieux encadrer l’action des ONG en précisant les droits et les obligations qui s’appliquent à leurs navires effectuant des opérations de sauvetage, et en mettant en place un cadre de coopération entre États méditerranéens et ONG qui permettra davantage de coordination et d’anticipation. Ce plan insiste enfin sur l’importance de faire aboutir le Pacte sur la migration et l’asile, qui prévoit notamment la mise en œuvre de la procédure d’asile à la frontière.

Mme la présidente
La parole est à Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Mme Élodie Jacquier-Laforge (Dem)
Dans ce débat, dont je note qu’il est uniquement orienté vers les échecs de la politique migratoire, nous en revenons toujours à la même question : comment conjuguer le principe universel de la libre circulation et celui de la liberté des peuples et de leurs gouvernants de disposer de leurs frontières ? Je concède que cet équilibre est difficile à trouver. Certains souhaitent la fin irréaliste des frontières, d’autres forment le projet tout aussi illusoire de construire des murs autour de leur pays. Ce débat se doit d’être juste et équilibré. Ne le réduisons pas aux postures politiques ni aux faits d’actualité.
Il persiste en France une zone grise dans laquelle se trouvent les étrangers en situation irrégulière livrés aux aléas de relations diplomatiques fluctuantes, comme l’ont rappelé plusieurs collègues. Mon propos portera donc sur les centres de rétention administrative – j’ai d’ailleurs visité récemment, en compagnie de mon Emmanuel Mandon, le nouveau CRA de Lyon Saint-Exupéry. Je souhaite revenir en particulier sur la question soulevée par plusieurs orateurs, notamment par M. Herbillon, qui a déjà quitté l’hémicycle : celle des laissez-passer consulaires.
Comme vous le savez, l’administration française est chargée d’organiser l’éloignement des personnes sous OQTF, assignées à résidence ou placées en CRA. Dès que la nationalité de la personne retenue est connue, les instances compétentes du pays d’origine émettent en principe un laissez-passer consulaire. Or il est fréquent qu’un laissez-passer arrive trop tardivement ou ne soit jamais émis. Je souhaite donc vous demander, madame la secrétaire d’État, votre avis sur la rétention et sur ses conséquences pour les étrangers concernés.

M. Emmanuel Mandon
Très bien !

Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
J’ai déjà répondu à plusieurs questions relatives aux laissez-passer consulaires, comme celles de M. Herbillon ou de M. Pradal. Je vous confirme la difficulté que nous rencontrons à obtenir de certains pays ces documents. Nous avons évoqué le cas de l’Algérie ; à ce sujet, j’ajouterai que la politique diplomatique menée par le Gouvernement en matière de visas et d’aide au développement a permis de multiplier par trois les retours forcés dans ce pays effectivement exécutés, qui ont atteint le nombre de 140 par mois à la fin de l’année 2022, contre quarante-quatre au cours des deux années précédentes. Nous devons continuer ce travail diplomatique : le Président de la République, la Première ministre, le ministre de l’intérieur et des outre-mer et la ministre de l’Europe et des affaires étrangères ont eu l’occasion d’échanger récemment avec les responsables politiques des États avec lesquels la coopération en matière de retours est insuffisante. La première réponse à ces difficultés a pris la forme de restrictions de délivrance des visas.
Comme vous le savez, le ministre de l’intérieur et des outre-mer a souhaité utiliser différemment les CRA, de manière à éloigner en priorité les délinquants. Notre politique en matière de rétention administrative a donc évolué significativement.

Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Mandon.

M. Emmanuel Mandon (Dem)
La sécurisation des frontières est l’un des enjeux de la politique migratoire. L’Union européenne a enfin pris conscience qu’il s’agit d’un défi majeur qui nécessite une réponse commune à l’échelle européenne. L’Union européenne a d’ailleurs institutionnalisé dès sa création la liberté de circulation, d’installation et de travail. Chacun sait que notre continent est depuis toujours l’une des grandes régions d’émigration et d’immigration.
La longue absence de coordination européenne constitue l’une des raisons de l’échec des politiques nationales promues depuis trente ans par les États pour lutter contre l’immigration irrégulière sur leur sol. Le Pacte sur la migration et l’asile, prévu pour le printemps 2024, devrait y apporter une réponse plus efficace.
En l’état, le Gouvernement s’est déjà donné, grâce à la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), des moyens visant à sécuriser nos frontières. L’objectif désigné est bien le démantèlement des réseaux criminels et de passeurs, car sans réseau, pas de migration. Il faut pour cela intercepter des clandestins et neutraliser l’ensemble des réseaux criminels – en particulier les filières de passeurs – qui organisent les trafics les plus divers.
Pour épauler les États, le Conseil européen vient de décider de bâtir des plans d’action relatifs aux routes de l’Atlantique et de la Méditerranée occidentale et orientale. Il s’agit en effet de casser le modèle économique des passeurs, devenus en France une organisation de criminels inquiétante. J’approuve les moyens d’action innovants en la matière et la montée en puissance d’une Border Force , force aux frontières, associant tous les services compétents en la matière, notamment les services de contrôle aux frontières et de lutte contre l’immigration clandestine. Il faut pour cela une coopération renforcée avec nos voisins signataires des accords de Schengen ou de Dublin. Madame la secrétaire d’État, que peut faire le Gouvernement pour rendre plus efficace la politique migratoire de la France ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Dimanche dernier, nous l’avons rappelé, au moins soixante-quatre migrants ont péri dans un naufrage près d’une plage de Calabre. Ce drame fait écho à celui du 24 novembre 2021 au large de Calais et nous incite à renforcer la lutte contre les traversées maritimes irrégulières, apparues très progressivement à partir de 2016. Nous déployons des moyens considérables pour les empêcher et pour casser le modèle économique des passeurs.
Les forces de sécurité intérieure et de sauvetage en mer continuent à se montrer extrêmement actives, non seulement pour empêcher les embarcations de quitter les côtes françaises – elles ont mis en échec 60 % des tentatives de traversée –, mais aussi pour sauver les vies en mer, conformément à nos obligations internationales et humanitaires. Si le taux de 60 % peut sembler faible, il faut souligner que le nombre de tentatives de passage augmente constamment depuis plusieurs années. Cela résulte d’ailleurs de nos succès : puisque nous avons sécurisé les autres voies de passage comme le rail et les ferrys, les passeurs ont réorienté leurs efforts vers la voie maritime, pourtant plus périlleuse. En 2022, 79 000 migrants ont ainsi tenté de rejoindre illégalement le Royaume-Uni.
Grâce aux efforts de nos forces de sécurité sur le terrain, auxquelles je tiens à rendre hommage, grâce à l’approfondissement de la coopération avec les pays voisins, notamment en matière de renseignement et en matière judiciaire, 325 filières de passeurs ont été démantelées et 1 165 trafiquants interpellés.
Mais il faut aller encore plus loin dans la lutte contre ce business de la mort. Au 1er janvier 2023, un nouvel Office de lutte contre le trafic illicite de migrants a été créé à cette fin. Aussi le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, défendu par Gérald Darmanin et par Olivier Dussopt prévoit-il de reconnaître comme crimes, et non seulement comme délits, les faits commis en bande organisée par les passeurs, et de les sanctionner par une peine pouvant aller jusqu’à vingt ans d’emprisonnement. Il vise à mieux lutter contre l’immigration clandestine et à combattre les réseaux de passeurs qui profitent de la misère humaine. La multiplication des drames en mer révèle l’urgente nécessité de détruire leur modèle économique.

Mme la présidente
La parole est à Mme Sabrina Agresti-Roubache.

Mme Sabrina Agresti-Roubache (RE)
Entre 2017 et 2022, le gouvernement et notre majorité ont construit une politique migratoire à la fois ferme et bienveillante, grâce à une hausse significative des moyens et à la nécessaire adaptation du cadre législatif et réglementaire. Ces derniers mois ont été l’occasion de doubler les effectifs mobilisés à la frontière pour lutter contre l’immigration irrégulière. Depuis 2020, les exécutions d’OQTF ont augmenté de 32% ; contrairement à ce qu’on entend parfois, la France est le pays européen ayant expulsé le plus d’étrangers en situation irrégulière en 2021. Par ailleurs, nous avons créé 480 places en CRA entre 2018 et 2021, soit une hausse de près de 30%. Enfin, dès 2019, nous avons augmenté les moyens de l’Ofpra par le recrutement de 200 équivalents temps plein, ce qui lui a permis de traiter plus de 150 000 dossiers en 2021. Nous avons également agrandi de 30 000 places le parc d’hébergement. Nous pouvons nous féliciter de ce bilan positif.
Cependant, il nous faut aller plus loin, car les mutations du monde dans lequel nous vivons nous imposent un devoir de solidarité absolue, un devoir d’accueil envers ceux qui souffrent ou sont menacés dans leur pays. Nous avons également la responsabilité de leur dire qu’ils auront, eux aussi, des devoirs : le devoir d’intégration, à commencer par l’apprentissage de la langue, le devoir de maîtrise de nos codes et de nos valeurs, et le devoir d’accepter de vivre selon nos lois. Ces principes seront pleinement consacrés par le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, que nous examinerons prochainement.
Madame la secrétaire d’État, pourriez-vous nous expliquer quelles avancées et changements structurels réalisera la réforme en matière de délai de traitement des demandes d’asile, dont on sait qu’elles engorgent nos préfectures ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

M. Ludovic Mendes et M. Emmanuel Pellerin
Bravo !

Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Le projet que nous défendons vise à simplifier le traitement des demandes d’asile. L’objectif est d’engager une réforme structurelle afin de réduire les délais de traitement des demandes pour permettre aux bénéficiaires de la protection internationale de s’inscrire plus rapidement dans un parcours d’intégration ou tirer plus rapidement les conséquences d’un rejet de la demande.
Nous voulons engager notre dispositif d’asile dans une logique d’" aller vers ", en cohérence avec la démarche de rééquilibrage territorial déjà instaurée par des dispositions inscrites dans la loi du 10 septembre 2018, afin d’alléger une pression excessive sur l’Île-de-France.
Vous le savez, les moyens alloués depuis 2017 n’ont pas permis de réduire suffisamment les délais pour atteindre l’objectif d’un traitement en six mois. Celui-ci réclame près d’un an : trois jours en préfecture – à ce niveau l’objectif est atteint –, moins de cinq mois à l’Ofpra et plus de six mois à la CNDA.
Néanmoins, les réformes que nous avons engagées ont permis à l’Ofpra de devenir en 2021 l’autorité d’asile la plus productive d’Europe, avec plus de 140 000 décisions rendues. En outre, le délai d’examen actuel par l’Ofpra est le meilleur depuis douze ans.
Très concrètement, dans le projet de loi, nous proposons la création d’espaces France asile pour organiser une présence d’agents de l’Ofpra en dehors de son siège, la territorialisation de la CNDA pour réformer la juridiction en s’appuyant sur le maillage actuel des cours administratives d’appel, la généralisation de l’intervention du juge unique à la CNDA, tout en préservant la possibilité de renvoyer les affaires complexes à une formation collégiale.
En outre, nous souhaitons simplifier le contentieux des étrangers en réduisant le nombre de procédures contentieuses de douze à quatre, sans dégrader les délais de jugement pour les OQTF fondées sur un motif d’ordre public et pour les déboutés du droit d’asile.
Par ailleurs, nous voulons augmenter le recours à la vidéo-audience en centre de rétention et en zone d’attente pour limiter les charges d’escorte pour les policiers et gendarmes. Enfin, nous voulons étendre à quarante-huit heures le délai de jugement du juge des libertés et de la détention en cas de placement simultané d’un nombre important d’étrangers en zone d’attente à la frontière.

Mme la présidente
La parole est à M. Benjamin Haddad.

M. Benjamin Haddad (RE)
La question migratoire nourrit un sentiment d’impuissance et de perte de contrôle face aux grandes transformations de la mondialisation. Les transitions démographiques et économiques, ainsi que les crises géopolitiques et climatiques ne feront que renforcer les flux migratoires dans les prochaines décennies. Face à ces défis, le politique doit prendre ses responsabilités. Nous ne sommes pas pour l’immigration zéro ni pour la fermeture des frontières : ce sont des postures démagogiques contre les intérêts économiques et les valeurs de notre pays et contre les réalités du monde. C’est la maîtrise de l’immigration qui doit être au cœur de notre politique : nous devons reprendre le contrôle.
Cette maîtrise repose sur deux principes clairs. Premièrement, choisir qui entre dans notre territoire, selon nos critères et nos besoins, et aider ces personnes à s’intégrer. Deuxièmement, se donner les moyens de faire partir ceux qui ne respectent pas nos règles et qui n’ont pas vocation à rester.
Nos concitoyens, même ceux qui veulent que notre pays reste ouvert et généreux, sont nombreux à nous interpeller au sujet des étrangers délinquants, parfois récidivistes, qui font déjà l’objet d’OQTF. À cet égard, la politique du Gouvernement en matière d’éloignement des étrangers en situation irrégulière auteurs de troubles à l’ordre public commence à porter ses fruits. Ces dernières années, les mesures d’expulsion sont devenues plus nombreuses et elles sont de mieux en mieux exécutées. Depuis janvier 2022, par exemple, nous avons pu observer une nette reprise des éloignements, qui ont augmenté de 20% ; près de 15 000 sorties du territoire ont ainsi été exécutées. Il faut continuer.
Le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin a déjà instauré un plan de renforcement des capacités de rétention administrative qui doit permettre, d’ici à la fin 2023, d’augmenter d’un tiers par rapport à 2017 le nombre de places disponibles. Il a également demandé le renforcement de l’utilisation du nombre d’assignations à résidence.
En amont, nous devons renforcer, car il s’agit d’un objectif du Président de la République, notre lutte contre les facteurs qui facilitent l’immigration irrégulière. Parmi ceux-ci, on compte non seulement les réseaux de passeurs et de marchands de sommeil, mais aussi la possibilité d’acquérir le statut d’auto-entrepreneur et de travailler pour des plateformes collaboratives sans titre de séjour. Madame la secrétaire d’État, dans le projet de loi pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration, quelles mesures envisagez-vous pour renforcer cette politique de fermeté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
D’abord, vous le savez, le Gouvernement partage votre souci de maintenir un équilibre entre une amélioration de l’accueil et de l’intégration de ceux que nous avons choisi de garder sur notre territoire et une plus grande fermeté envers ceux qui n’y ont pas leur place et qui ne respectent pas les règles de la République. Toutes les réponses à vos questions se trouvent dans le projet de loi que vous aurez la joie d’examiner dans quelques semaines.
Vous m’interrogez plus particulièrement sur l’éloignement des étrangers en situation irrégulière qui troublent l’ordre public.
Je veux d’abord souligner l’action volontaire et efficace du Gouvernement en matière de reconduite des étrangers en situation irrégulière. Depuis 2017, l’efficacité de la politique d’éloignement s’améliore, en raison notamment des évolutions autorisées par la loi du 10 septembre 2018. Celle-ci a permis d’allonger la durée de rétention administrative à vingt-quatre heures et la durée de rétention à quatre-vingt-dix jours. Par ailleurs après deux années, 2020 et 2021, marquées par les restrictions sanitaires, le nombre d’éloignements a de nouveau progressé de 20% en 2022. Contrairement à ce que les oppositions laissent entendre, je note que nous faisons mieux que nos voisins européens en la matière. Au sein de l’Union européenne, la France est le pays qui éloigne le plus ; elle se place, à cet égard, devant l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie.
Vous m’interrogez sur les causes de l’immigration irrégulière et sur les réponses que nous comptons y apporter. Comme je l’ai dit, la première de ces réponses réside dans la lutte contre les passeurs. La deuxième – vous l’avez évoquée – consiste dans la lutte contre le travail illégal. La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a déjà renforcé les sanctions en matière de lutte contre le travail illégal. Nous comptons aller encore plus loin avec notre projet de loi qui prévoit le renforcement des sanctions pour l’employeur, notamment une augmentation significative du montant des amendes administratives.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le député, ce texte contient des solutions concrètes pour lutter contre celles et ceux qui souhaiteraient, sur le territoire national ou dans nos eaux, profiter honteusement de la misère humaine pour s’enrichir et nourrir l’immigration illégale. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre.

M. Mathieu Lefèvre (RE)
Nous débattons des échecs de la politique migratoire dans notre pays. Ce pluriel semble indiquer que les responsabilités de ceux-ci sont partagées.
Néanmoins, à rebours de cette assertion, l’activité d’éloignement a augmenté, sous votre autorité, de plus de 15% par rapport à 2021 : environ 20 000 sorties de territoire ont été comptabilisées l’an passé. Le rythme des éloignements a retrouvé des niveaux proches de ceux de 2019, avant la crise du covid. De fait, madame la secrétaire d’État, la concentration de vos efforts sur les étrangers qui troublent l’ordre public produit des effets très nets : 3 615 étrangers délinquants ont été éloignés en 2022 contre 1 834 en 2021.
Ces résultats confortent la stratégie adoptée par le ministre de l’intérieur et des outre-mer depuis l’été 2022 consistant à placer en priorité en centre de rétention administrative les étrangers troublant l’ordre public, qui y occupent 90% des places. En six ans, la capacité de rétention en métropole a été accrue de plus de 30%, passant de 1 500 places en 2017 à 2 500 places en 2023. Ce mouvement est appelé à se confirmer, puisque vous avez fixé un objectif de 3 000 places en 2027.
Ne devrait-on pas accélérer cette trajectoire, puisqu’il s’agit d’une priorité ?
Par ailleurs, vous avez publié en août dernier une instruction relative à l’assignation à résidence, qui permet de mieux caractériser la non-présentation des délinquants étrangers. Comment entendez-vous renforcer l’application de cette instruction ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Vous m’interrogez sur le placement prioritaire en centre de rétention administrative des étrangers troublant l’ordre public. Cette stratégie est essentielle : nul ne peut rester durablement sur notre sol s’il ne respecte pas les valeurs de la République. Depuis le plan de construction de places de centres de rétention administrative engagé dès 2017, 400 places supplémentaires y ont été ouvertes, ce qui représente une augmentation de 24%. Entre 2018 et 2022, 100 millions d’euros ont été investis.
Bien sûr, il faut poursuivre nos efforts et continuer sur cette trajectoire, il faut même – vous l’avez dit – l’accélérer. C’est dans cette visée que la cible du nombre de places en centre de rétention administrative a été portée à 3 000 places à l’occasion du vote de la Lopmi pour 2023 à 2027, ce dont nous nous félicitons. Nous souhaitons en effet être plus fermes à l’encontre des étrangers troublant l’ordre public et nous l’assumons. Des ouvertures prochaines de places en centre de rétention administrative auront lieu : on créera douze places à Perpignan, quatre-vingt-dix à Olivet, près d’Orléans, et 140 places à Mérignac.
Le ministre de l’intérieur et des outre-mer a également demandé aux préfets d’identifier avec les élus les sites qui pourront accueillir de nouveaux CRA et des locaux de rétention administrative. Vous m’interrogez également sur l’instruction donnée en août dernier aux préfets par le ministre de l’intérieur et des outre-mer d’augmenter le recours à l’assignation à résidence. Elle est bien la traduction de la volonté du ministre de se montrer le plus ferme possible envers les étrangers ne respectant pas notre droit.
Pour renforcer son application, le ministre a enjoint les préfets en novembre dernier d’appliquer cette assignation à résidence à l’ensemble des étrangers sous OQTF pour atteindre une activité d’éloignement encore plus forte. Vous le voyez, monsieur le député, nous entendons bien accélérer cette trajectoire au cours du quinquennat.

Mme la présidente
La parole est à M. Ludovic Mendes.

M. Ludovic Mendes (RE)
Soixante-deux vies perdues : c’est le nouveau drame qu’a connu l’Europe dimanche 26 février. Ces vies s’ajoutent aux dizaines de milliers de morts en Méditerranée depuis 2015. La présidente de la Commission européenne a, en réponse, appelé à redoubler d’efforts concernant le pacte sur la migration et l’asile et sur le plan d’action pour la Méditerranée centrale, car cette réforme n’avance pas depuis 2018. L’échec des négociations pousse une partie de l’Europe à créer un nouveau rideau de fer avec la partie la plus orientale ; cela n’est pas tolérable et va à l’encontre des valeurs européennes.
Au cours de la législature précédente, la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale a rendu plusieurs travaux. En 2018, avec Christophe Naegelen, nous nous inquiétons du manque d’avancées sur la réforme de l’espace Schengen et sur la maîtrise des frontières extérieures de l’Union européenne, qui poussait des États membres à agir seuls et remettait donc en cause notre cadre collectif et solidaire. En 2019, avec la députée du groupe socialistes et apparentés Marietta Karamanli, nous appelions, par un rapport d’information sur la réforme européenne du droit d’asile, à mener cette réforme de manière rapide, collective, solidaire et européenne afin de répondre aux besoins des pays de première entrée, ainsi que des pays de destination.
De nombreux sujets n’ont pas avancé, cependant on ne peut pas dire que l’Europe n’a pas avancé. En effet, sous l’impulsion de la France et de ses alliés, l’Union européenne a pu travailler sur le pacte européen migration et asile. Par exemple, à la suite de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE), l’Union européenne a adopté des orientations sur les règlements " filtrage " et Eurodac, ainsi qu’une déclaration commune sur la solidarité. Sous cette même présidence, un mécanisme de solidarité temporaire et volontaire a été validé : il concerne quatorze États qui s’engagent à procéder à 8 199 relocalisations, dont 3 000 vers la France et 3 500 vers l’Allemagne d’ici à juin 2023.
Enfin, les dernières décisions européennes concernent un plan d’action d’urgence instauré pour éviter des drames comme celui auquel a donné lieu l’accueil de Ocean Viking . En tant que corapporteur pour la commission des lois de l’Assemblée nationale d’une mission flash sur l’accueil de l’ Ocean Viking à Toulon en novembre 2022, je tiens à féliciter la France pour son plan instauré en 2015 pour l’accueil exceptionnel de navires de sauvetage. On peut convenir que, sans la France, ces questions n’auraient pas avancé. Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire où en sont les négociations européennes et quel rôle joue la France à ce niveau ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
À un an exactement de la fin de la législature européenne, je peux vous assurer que les négociations continuent de progresser. L’adoption du pacte sur la migration et l’asile dans le temps qui nous reste est plus crédible que jamais. La présidence française du Conseil de l’Union européenne a été déterminante. Nous avons sorti les négociations de l’ornière et permis aux États de reprendre confiance dans ce processus. C’est ce qui a permis les résultats que vous avez rappelés : l’adoption d’orientations générales sur les règlements " filtrage " et Eurodac, ainsi que l’approbation par une majorité d’États membres du mécanisme de solidarité reposant à titre principal sur des relocalisations. J’ajoute que la PFUE a aussi intensifié et structuré le travail de l’Union européenne en matière migratoire avec les pays tiers.
Nos travaux ont été prolongés par la présidence tchèque puis par la présidence suédoise. La présidence tchèque a mené des discussions approfondies sur les principes de solidarité et les procédures d’asile. La présidence suédoise entre maintenant dans le vif des négociations. Son objectif est d’atteindre un accord du Conseil d’ici à la fin du mois de juin sur la réforme du règlement Dublin, y compris sur les dispositions touchant à la solidarité et aux procédures d’asile. Le Parlement européen devrait adopter plusieurs mandats de négociation très prochainement. Le trilogue sur Eurodac a déjà commencé.
Nous continuons d’insister pour que ces réformes permettent, comme vous le proposez dans votre rapport d’une grande qualité, de mieux contrôler la frontière extérieure, avec des procédures frontalières obligatoires, de mieux lutter contre les mouvements secondaires, avec des procédures de transfert Dublin facilitées et un principe de responsabilité réaffirmé, de tenir compte des situations de pression particulières en revoyant certaines règles de responsabilité et en prévoyant une solidarité adaptée à chaque situation. Les futures présidences espagnole et belge partagent le souhait de l’adoption du pacte d’ici à la fin de la législature. Les cinq présidences de 2022, 2023 et du premier semestre 2024 sont convenues de cet objectif avec le Parlement européen en septembre dernier. Le ministre de l’intérieur et des outre-mer encouragera à poursuivre sur cette voie lors du prochain Conseil « Justice et affaires intérieures » qui se tiendra à Bruxelles les 9 et 10 mars.

Mme la présidente
La parole est à M. Lionel Royer-Perreaut.

M. Lionel Royer-Perreaut (RE)
Ces derniers jours, le ministre de l’intérieur et des outre-mer a annoncé sa volonté d’aborder sans tabou le sujet ô combien délicat du durcissement des conditions du regroupement familial. À titre personnel, je m’en réjouis.
Je souhaiterais vous interroger sur un aspect de notre législation qui m’a beaucoup interpellé lorsque j’étais maire : le regroupement familial par le mariage. En effet, si la loi confortant le respect des principes de la République a modifié les dispositions sur le mariage figurant dans le code civil, en prévoyant notamment la conduite d’entretiens individuels et la saisie obligatoire du procureur en cas de doute sérieux quant à la légalité du mariage, à mon sens, le législateur est resté au milieu du gué.
En effet, il est toujours possible à une personne dont le titre de séjour est périmé, et qui se trouve donc en situation illégale sur notre territoire, de contracter un mariage avec un citoyen français. Cela est même plus aisé que de contracter un pacte civil de solidarité (pacs), lequel nécessite la présentation d’une pièce d’identité valide, qui n’est pas exigée pour le mariage. C’est pourtant bien le contrat de mariage, et non le pacs, qui ouvre la porte à la naturalisation. Même si l’absence d’une pièce d’identité en cours de validité pour l’un des époux n’est pas nécessairement synonyme de mariage arrangé ou simulé – pour obtenir un titre de séjour, par exemple –, cette différence me surprend.
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer quelle politique le Gouvernement entend mener pour lutter contre les mariages simulés ou frauduleux ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Soyez assuré, monsieur le député, de l’examen le plus attentif de ces situations. En effet, lorsqu’elles sont signalées par les préfectures, elles font systématiquement l’objet de poursuites engagées par le procureur, au nom de notre volonté d’affirmer la plus grande fermeté face à ceux qui ne respectent pas les règles de la République.
Il est vrai que l’immigration familiale représente une part importante de l’immigration en France : en effet, 36% des titres de séjour en cours de validité début 2022 – soit 1,2 million – avaient été attribués à ce titre. Je note néanmoins que cette part n’a progressé que de 4,5% par rapport à 2021, alors même que l’immigration économique et l’immigration étudiante – immigrations choisies – ont respectivement augmenté de 44,9% et 22,8%. Nous assistons donc, pour la première fois, à une augmentation non de l’immigration familiale, mais de l’immigration choisie, qui traduit l’évolution de la politique migratoire menée par le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
L’immigration familiale se répartit en trois catégories : 20 000 titres par an sont délivrés dans le cadre de l’admission exceptionnelle au séjour, 12 000 à 14 000 titres dans le cadre du regroupement familial, et 4 000 à 5 000 personnes sont régularisées dans le cadre de la réunification familiale accordée aux familles de réfugiés et de bénéficiaires de la protection subsidiaire.
Vous déplorez que le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, ne comporte pas de dispositions relatives au regroupement familial, mais, comme le rappelle régulièrement Gérald Darmanin – et encore au cours des dernières heures –, ce texte a vocation à être enrichi lors de son examen par les deux chambres du Parlement, qui pourraient proposer d’encadrer davantage encore le regroupement familial en adoptant des restrictions de trois ordres.
Elles pourraient d’abord modifier les conditions de taille du logement, de revenus et de durée de la présence sur le territoire national qui doivent être remplies pour prétendre à l’immigration au titre du regroupement familial. Ce sont actuellement les maires qui en délivrent la preuve aux préfectures.
Ensuite, la conception de la famille dans le droit international en matière d’asile est large, et il nous semblerait pertinent que le Parlement entende la restreindre.
Enfin, le Gouvernement sera très sensible aux propositions du Parlement tendant à renforcer les exigences en matière de niveau linguistique et de respect des valeurs de la République des impétrants, comme l’ont fait d’autres pays européens ayant déjà adopté de telles dispositions. Je suis convaincue que les débats à venir permettront d’enrichir le dispositif français sur ce point.

Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Jacobelli.

M. Laurent Jacobelli (RN)
Vous saluer, madame la secrétaire d’État, me donne l’occasion de regretter l’absence du ministre de l’intérieur et des outre-mer, M. Gérald Darmanin. Peut-être avait-il peur d’assumer son bilan devant la représentation nationale… Celui-ci est en effet bien triste, pour un ministre chargé de l’immigration et de la sécurité : les courbes de l’immigration et de l’insécurité s’envolent, suivant des trajectoires étonnamment parallèles. L’immigration massive et incontrôlée qui nous submerge génère le chaos social, culturel et, bien sûr, sécuritaire, dans notre pays.
Comment supporter que la France, qui laisse filer ses talents en exportant ses ingénieurs et chercheurs importe, au même moment, la délinquance et la violence ? Comment supporter que, dans notre pays, un Kosovar déjà condamné pour vol et agression sexuelle viole une étudiante de 20 ans ? Comment tolérer qu’un réfugié soudanais ne soit pas expulsé après avoir menacé de mort et agressé une jeune femme en plein cœur de Rouen ? Au-delà des faits divers, les chiffres sont réels – et terribles : en Île-de-France, 93% des vols dans les transports et, plus largement, la moitié des actes de délinquance, sont commis par des étrangers. Alors qu’elles ne représentent que 7 % de la population en France, plus de 20 % des personnes incarcérées sont étrangères. Il existe donc bel et bien une surreprésentation des étrangers dans la délinquance et le crime en France.
Au vu de son bilan catastrophique, on se demande si M. Darmanin, censé être le ministre de l’intérieur – c’est-à-dire celui qui protège les Français à l’intérieur du territoire – n’est pas plutôt le ministre de l’extérieur – celui qui protège les autres, ceux qui arrivent sans aucun contrôle.

M. Thibaut François
Eh oui !

M. Laurent Jacobelli
Ma question est simple, madame la secrétaire d’État : quand vous déciderez-vous enfin à agir – je dis bien agir, et non pas tweeter ? Quand contrôlerez-vous enfin les frontières nationales, pour empêcher les délinquants d’arriver ? Quand mènerez-vous enfin une politique efficace pour arrêter et emprisonner tous les délinquants étrangers ? Et quand vous déciderez-vous enfin à les expulser systématiquement après qu’ils ont purgé leur peine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Je regrette que vous estimiez que le ministre, en déplacement en Nouvelle-Calédonie, est absent parce que le sujet manque d’importance à ses yeux.
Vous appelez mon attention sur les étrangers auteurs de crimes ou de délits. C’est un sujet que nous ne pouvons ignorer : comme l’a rappelé l’Insee dans une étude de décembre 2021, 18% des personnes mises en cause par la police et la gendarmerie sont étrangères, alors qu’elles ne représentent que 7% de la population. Admettre que les étrangers sont surreprésentés dans certaines catégories de délinquance n’est pas un biais idéologique : c’est seulement reconnaître la réalité telle qu’elle est, et c’est bien ainsi que nous concevons notre politique. (" Ah, c’est bien ! " sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Néanmoins, généraliser la situation en affirmant qu’il existe un lien consubstantiel entre l’immigration et la délinquance, comme vous l’avez fait, relève d’une forme de syllogisme. (M. Laurent Jacobelli s’exclame.)

M. Thibaut François
Ce n’est pas ce qu’il a dit !

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Si ! Or, plutôt que de céder à la facilité de raccourcis fort contestables, nous devons au contraire, comme je l’ai déjà dit au député Vincendet tout à l’heure, nous montrer fermes et intraitables envers les étrangers auteurs d’actes de délinquance, de crimes ou de délits et, plus largement, envers ceux qui ne respectent pas les valeurs de la République. Ils doivent prendre conscience que, par leurs actions, ils bafouent la tradition d’accueil dont la République s’honore. L’éloignement des étrangers qui se rendent coupables de troubles à l’ordre public est donc une priorité absolue du ministre de l’intérieur et des outre-mer.
C’est pourquoi, depuis octobre 2020, 2 500 titres de séjour ont été retirés à leurs bénéficiaires coupables de troubles à l’ordre public, 90 000 refus de délivrance ou de renouvellement de titre ont été prononcées pour ce motif, et 3 615 étrangers en situation irrégulière expulsés en 2022…

M. Laurent Jacobelli
Seulement !

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
…soit le double de 2021, où ils étaient seulement 1 834.
Le projet de loi dont vous débattrez dans quelques semaines traduit cette même ambition de fermeté, puisqu’il assouplit les conditions d’expulsion en levant les protections existantes : en effet, aujourd’hui, un étranger violeur multirécidiviste ne peut être éloigné vers son pays d’origine s’il est présent en France depuis l’âge de 13 ans. J’espère donc que vous voterez ce projet de loi.

Mme la présidente
La parole est à M. Timothée Houssin.

M. Timothée Houssin (RN)
À l’heure où les Français payent toujours plus d’impôts et de taxes avec le sentiment que l’État est toujours moins performant, les dépenses en matière de politique migratoire sont en constante augmentation, bien que deux tiers des Français estiment qu’il y a trop d’immigration.
Aujourd’hui, 10 milliards d’euros financent chaque année les prestations sociales versées aux étrangers – c’est précisément le montant auquel vous avez évalué le déficit de nos caisses de retraite. À ces prestations s’ajoutent, entre autres, l’aide médicale de l’État (AME), la prise en charge des mineurs clandestins non accompagnés et les frais de sécurité. (Mme Ersilia Soudais s’exclame.)
Pas moins de 7,1 milliards d’euros ont été attribués à votre ministère pour 2023 au titre de la mission Immigration, asile et intégration . Alors, comme des millions de Français, nous voulons savoir ce que vous faites, avec ce budget, pour limiter l’immigration : nous voulons savoir où passe notre argent. Car, dans les faits, nous constatons toujours plus d’immigration, notamment irrégulière, et toujours moins de résultats en matière de lutte contre ce phénomène.
Le rapport de la commission des finances du Sénat sur les crédits de la mission Immigration, asile et intégration pour 2023 nous révèle que seuls 8,4% de son budget est dédié à la lutte contre l’immigration illégale. Disons-le aux Français : plus de 90% des 7 milliards accordés chaque année à Gérald Darmanin au titre de la politique migratoire sont dédiés à l’asile et à l’intégration, et financent donc des mesures favorisant l’immigration ; seuls 8% financent effectivement la lutte contre l’immigration illégale. Le rapport du Sénat est clair : " Ces chiffres portent une atteinte grave à la crédibilité du discours du Gouvernement en la matière. " Les fonds dédiés à votre ministère pour gérer l’immigration sont très importants : comment comptez-vous les réorienter afin de doter le pays d’une politique de lutte contre l’immigration illégale efficace ? Quelles économies sur les politiques favorisant l’immigration comptez-vous opérer pour y parvenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur le député, le budget dédié à l’immigration et à l’intégration n’est pas de 10 milliards d’euros, mais atteignait seulement 6,6 milliards d’euros en 2021.
Dix-neuf programmes, répartis au sein de treize missions différentes du budget général de l’État, participent actuellement à cette politique. Le budget finance donc à la fois les dépenses engagées directement au titre de la politique publique d’immigration, d’asile et d’intégration des primo-arrivants, comme le coût des forces de sécurité affectées à la lutte contre l’immigration irrégulière – qui nous tient autant à cœur que vous –, mais aussi les dépenses engagées par le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, ou encore le ministère de la santé et de la prévention s’agissant de l’octroi de l’AME – j’y reviendrai.
Selon une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) de 2021, qui portait sur vingt-cinq pays, entre 2006 et 2018, la contribution des immigrés sous la forme d’impôts et de cotisations avait en moyenne été supérieure aux dépenses publiques consacrées à leur protection sociale, à leur santé et leur éducation.

M. Laurent Jacobelli
N’importe quoi !

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Toutefois, le taux de chômage des immigrés en France s’élève à 13%, contre seulement 7,5% pour les personnes nées en France. C’est pour cette raison que nous proposons de renforcer l’intégration des étrangers par le travail, en particulier en demandant à leurs employeurs de contribuer davantage à leur apprentissage du français.

M. Laurent Jacobelli
Embauchez des Français, alors !

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Par ailleurs, le ministère de la santé et de la prévention préparant l’application des dispositions relatives à l’AME adoptées dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, nous avons choisi de ne pas aborder ce sujet dans le projet de loi. Nous sommes pleinement conscients de l’augmentation du nombre de bénéficiaires de l’AME, mais faut-il réduire les droits des personnes présentes sur notre territoire, au risque que davantage se présentent directement aux urgences parce qu’elles n’ont pas pu être soignées en amont, ou au contraire réduire le nombre de personnes en situation irrégulière, qui sont les seules bénéficiaires de cette aide ?

M. Laurent Jacobelli
En les régularisant ?

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Avec le projet de loi auquel nous travaillons, nous avons choisi cette dernière option.

M. Timothée Houssin
Aucune réponse sur la lutte contre l’immigration illégale ! Aucune !

Mme la présidente
La parole est à M. Kévin Pfeffer.

M. Kévin Pfeffer (RN)
En octobre 2019, le Président Macron déclarait au sujet des clandestins et des OQTF : " Mon objectif, c’est de sortir tous les gens qui n’ont rien à faire là. " Au journaliste qui lui demandait combien exactement, il avait précisé : 100%.
En 2021, le ministre Darmanin réaffirmait que cet objectif pouvait – et serait – atteint. En novembre dernier encore, alors que les Français étaient sous le coup de l’émotion du meurtre de la jeune Lola, il déclarait à nouveau : " Nous avons un travail à faire pour rendre impossible la vie des OQTF en France. " Des promesses, encore des promesses, toujours des promesses : vous n’avouez jamais que l’exécution des OQTF connaît de lourds dysfonctionnements, et que les Français sont trop souvent victimes de votre inaction en la matière. En effet, le taux d’exécution des OQTF est passé de 22% en 2012 – ce qui n’était déjà pas brillant – à un taux piteux de 5,7% en 2021. Les présidents Sarkozy et Hollande ont échoué ; le président Macron, désormais dans son deuxième mandat, prend le même chemin.
Madame la secrétaire d’État, il faut modifier la législation : un étranger tenu de quitter le territoire doit aller dans un centre de rétention. La France, où ceux-ci ne disposent en tout que de 1 600 places, soit moins de 5% des capacités européennes, pour plusieurs centaines de milliers de clandestins, doit se donner les moyens de cette mesure. Or le projet de loi consacré à l’immigration ne va pas du tout dans ce sens : rien n’y tend à garantir que les OQTF soient plus souvent exécutées. Pire, l’article 12 aurait même pour effet de restreindre les possibilités de placement en CRA.
Par ailleurs, les révérences d’Emmanuel Macron, de la Première ministre et des quinze autres membres du Gouvernement à avoir fait le déplacement ne vont pas améliorer nos relations avec l’Algérie : il serait temps d’opposer la plus grande fermeté au chantage permanent et de geler l’octroi de dizaines de milliers de visas. Alors qu’approche le terme des dix ans de mandat de M. Macron, ses promesses et celles de M. Darmanin seront-elles enfin tenues, quand et avec quels moyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
La réponse est oui, monsieur le député : ces promesses seront tenues. Vous m’interrogez également au sujet du taux d’exécution des OQTF, qui non seulement cristallise beaucoup de tensions, mais donne lieu à beaucoup d’approximations ; avant toute chose, je précise donc que l’on appelle taux d’éloignement la proportion des OQTF prononcées qui sont exécutées. Nous entendons souvent dire que ce taux serait plus élevé chez nos voisins allemands :…

M. Laurent Jacobelli
C’est vrai !

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
…c’est vrai, mais en Allemagne, l’OQTF est prononcée au moment même de l’éloignement. En France, elle fait suite au constat d’une situation irrégulière ; son exécution constitue une étape distincte, ultérieure. Cela explique l’écart : ne comparons que ce qui est comparable !
Il existerait certes une solution afin d’accroître le taux d’éloignement : cesser de délivrer systématiquement une OQTF à la suite du rejet d’une demande d’asile ou de titre de séjour. Je m’empresse de vous rassurer : le Gouvernement n’a nullement l’intention de recourir à une telle mesure, d’autant que l’efficacité de la politique d’éloignement va croissant, entre autres grâce aux effets de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, qui a notamment porté à vingt-quatre heures la durée de la rétention administrative et à quatre-vingt-dix jours celle de la rétention.
Le fait est, monsieur le député, que le nombre d’éloignements forcés progresse. En 2019, il avait augmenté de 54% par rapport au précédent quinquennat ; après les années 2020 et 2021 marquées par les restrictions sanitaires, il a connu en 2022 une nouvelle hausse de 15%, bien que les postures diplomatiques de certains pays prioritaires limitent encore très nettement notre action. Du reste, la France a procédé en 2021 à 11 630 éloignements, contre 10 700 pour l’Allemagne, 3 200 pour l’Espagne et 975 pour l’Italie : vous m’accorderez qu’en dernier ressort, ce ne sont pas les taux qui importent, mais les valeurs absolues !

Mme la présidente
La parole est à M. Thibaut François.

M. Thibaut François (RN)
En France, le nombre de demandes d’asile a augmenté de 31% en 2022,…

M. Emmanuel Mandon
Mais non !

M. Thibaut François
…se rapprochant du niveau antérieur à la pandémie : 156 000 ont été effectuées, soit près de 6 000 de plus qu’en 2019. Avec 22 570 demandes, l’Afghanistan reste, comme en 2021, le principal pays d’origine des intéressés ; suivent le Bangladesh, la Turquie, la Géorgie et la République démocratique du Congo. Sans doute ces chiffres vertigineux expliquent-ils l’absence de M. Darmanin, peu soucieux d’assumer face à la représentation nationale son bilan catastrophique en matière d’immigration !
À Paris, en 2020, plus de 40% des vols à la tire, 30% des vols avec violence et 30% des cambriolages étaient le fait de mineurs non accompagnés. Entre 2016 et 2020, la part prise aux faits de violence par ces jeunes en errance a augmenté de 407% dans l’agglomération parisienne ; ils représentent désormais près de 75% des mineurs déférés au parquet de la capitale, et leur délinquance a gangrené le pays tout entier ! En outre, il s’agit souvent de faux mineurs (Mme Ersilia Soudais s’exclame) , se faisant passer pour tels afin d’échapper aux sanctions pénales et à une OQTF. Le ministère reste aveugle à cette réalité.
Madame la secrétaire d’État, cette surreprésentation des étrangers parmi les délinquants et criminels impose une révision de la politique migratoire ! Compte tenu de l’augmentation continue de l’insécurité liée aux mineurs non accompagnés et à leur présence de plus en plus importante sur le territoire français, quelles mesures comptez-vous prendre face à ce qui ne relève pas d’un sentiment d’insécurité, mais reflète la réalité quotidienne de nos compatriotes ? (Mme Andrée Taurinya s’exclame. – Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Vous m’interrogez au sujet des mineurs non accompagnés : le Gouvernement est bien sûr très sensible à ce sujet complexe qui mobilise plusieurs départements ministériels, en premier lieu la Chancellerie, mais concerne également les instances locales, à commencer par les conseils départementaux.
Ces mineurs ne sont pas soumis au droit du séjour. Lors de leur accession à la majorité, le droit en vigueur prévoit deux solutions, selon que l’aide sociale à l’enfance les a pris en charge à 16 ans au plus tard ou entre 16 et 18 ans : dans le premier cas, la délivrance de plein droit d’un titre de séjour ; dans le second, une voie exceptionnelle d’admission au séjour s’ils justifient de six mois de formation professionnelle dans les conditions que détaille le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Une circulaire du ministre de l’intérieur en date du 21 septembre 2020 prévoit l’examen anticipé de ce droit au séjour, en vue d’éviter les situations de rupture du droit. Les difficultés rencontrées lors de l’examen des dossiers ont surtout trait à l’authentification des justificatifs d’état civil et de nationalité ; seules 7% des demandes sont rejetées, le plus souvent pour fraude à l’état civil.
Contrairement à vous, semble-t-il, j’opère une distinction entre vrais mineurs inscrits dans un parcours d’insertion, d’intégration, par les études et le travail, et prétendus mineurs qui se signalent par une délinquance violente, la seule réponse possible à cette dernière étant la sévérité de la justice et le retour des auteurs dans leur pays d’origine.

M. Thibaut François
Eh bien, faites-le !

Mme la présidente
La parole est à Mme Ersilia Soudais.

Mme Ersilia Soudais (LFI-NUPES)
La France est un pays d’immigration et d’émigration, comme d’autres – plutôt moins que d’autres, car tandis que 2,5 millions de Français vivent à l’étranger, nous nous situons, en matière d’immigration, au soixante-dix-septième rang mondial. Par conséquent, s’il faut déplorer un échec de la politique migratoire, celui-ci réside dans l’amalgame entre insécurité et immigration, ainsi que dans le tri opéré entre les immigrants considérés comme des travailleurs utiles et ceux qui vous paraissent indésirables. (" Indésirables, exactement ! " sur les bancs du groupe RN.)
Les discours dangereux qui nourrissent le mythe d’une immigration massive et incontrôlée vers les pays du Nord cautionnent le délitement des droits fondamentaux des étrangers. La Cimade a récemment dénoncé la multiplication des éloignements de demandeurs d’asile, l’absence de prise en compte des problèmes de santé, notamment psychiatriques, et le recours croissant à l’isolement pour une durée indéterminée.
À la suite de son retrait des CRA du Mesnil-Amelot, la Défenseure des droits, s’étant saisie d’office, rappelle que " toute personne, quelle que soit sa situation au regard du droit au séjour, doit voir pleinement garantis ses droits les plus fondamentaux, notamment le droit au recours effectif, le droit de mener une vie privée et familiale normale, d’accéder à des soins appropriés et de ne pas subir de traitements inhumains ou dégradants ".

Un député du groupe RN
Ce que vous souhaitez, c’est une régularisation massive !

Mme Ersilia Soudais
M. Darmanin a fait savoir que l’accueil des réfugiés ukrainiens avait déjà coûté à la France un demi-milliard d’euros : vous oubliez ce qu’ils apportent et apporteront à notre pays. C’est l’honneur de celui-ci que d’avoir accueilli les Ukrainiens fuyant les bombes, son déshonneur qu’il n’en aille pas de même pour ceux et qui fuient d’autres guerres ou une crise économique, écologique, politique majeure. Expulser ces réfugiés est aussi illusoire qu’inhumain : ceux qui vivent l’horreur continueront de chercher à y échapper, coûte que coûte. Ne serait-il pas temps de changer de cap, de consacrer les moyens nécessaires pour les recevoir fraternellement, comme nous avons su le faire lorsqu’ils venaient d’Ukraine, et de fermer enfin les lieux d’indignité que sont les CRA ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

Mme Andrée Taurinya
Exactement ! Bravo !

Un député du groupe RN
Quelle honte !

Mme Martine Etienne
Elle est là-bas, la honte !

Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Comme vous le savez, le texte du Gouvernement est bel et bien axé sur un meilleur accueil et une meilleure intégration des immigrés ayant vocation à rester sur le territoire national. Cela n’exclut pas certaines exigences à leur égard, et nous entendons renforcer celle qui concerne le respect des valeurs de la République. L’objectif d’intégration sera ainsi garanti par une obligation d’apprentissage du français. Ce projet de loi tend à un équilibre : par la langue, par le travail, nous avons vocation, je le répète, à mieux intégrer les arrivants, mais il convient de faire preuve au besoin de la plus grande fermeté. Vous auriez d’ailleurs tout intérêt à nous soutenir sur ce point, car il touche à l’honneur de beaucoup d’étrangers vivant en France, lesquels ont honte de se voir assimilés à ceux d’entre eux qui ne respectent pas les valeurs républicaines ! (Murmures sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Encore une fois, il importe de pouvoir accueillir dignement les personnes que nous avons décidé, choisi d’admettre sur notre sol, et de ne laisser aucune place à celles qui enfreignent nos règles.

Mme la présidente
La parole est à Mme Martine Etienne.

Mme Martine Etienne (LFI-NUPES)
Madame la secrétaire d’État, les travailleurs sans papiers ne cessent de revendiquer leurs droits à une régularisation générale. Les affaires se suivent et se ressemblent : en janvier, le groupe La Poste était mis en cause pour avoir, au sein de son entreprise de livraison Stuart, embauché illégalement, y compris des clandestins ; dernièrement, l’inspection du travail révélait la présence de nombreux sans-papiers sur les chantiers des Jeux olympiques de Paris. Ne nécessitant pas de cotisations, et sous-payés, ces travailleurs constituent souvent une aubaine pour les employeurs ; exploités, dénués de toute protection sociale, ils exercent les métiers les plus pénibles, les plus dangereux, effectuent des milliers d’heures supplémentaires non rémunérées, en risquant l’expulsion à chaque instant. Leurs conditions de vie sont alarmantes : 118 résidents des foyers de travailleurs migrants de Boulogne-Billancourt se retrouvent ainsi menacés d’expulsion pour avoir fait la grève des loyers afin de dénoncer l’insalubrité de leur logement. De telles situations sont inhumaines et inacceptables !
Votre énième projet de loi consacré à l’immigration prévoit un titre de séjour d’un an pour les intéressés exerçant un métier en tension : cette mesure révèle que vous les considérez comme une main-d’œuvre d’appoint, corvéable à merci aussi longtemps qu’elle peut être utile au marché, congédiable aussitôt que ce n’est plus le cas. Telle n’est pas notre vision de l’humanité.
En vertu des règles que vous imposez depuis des années, les immigrés devront encore et toujours trouver un travail en vue d’obtenir des papiers, sans pouvoir travailler légalement tant qu’ils ne les ont pas. On se croirait dans Les Douze Travaux d’Astérix !
Mes questions seront donc simples : quand régulariserez-vous ces travailleurs, sans distinction ? Quand leur permettrez-vous d’avoir droit à la protection sociale, au salaire minimum, à l’hébergement ? Quand reviendrez-vous au standard de la carte de séjour de dix ans renouvelable ? Quand les accueillerez-vous dignement ? (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Tout d’abord, comme vous l’avez rappelé, l’intégration des étrangers par le travail est une composante majeure de notre projet de loi. Le taux de chômage des immigrés s’élève aujourd’hui à 14,6%, contre 8,3% pour les personnes nées en France ; l’écart atteint même 15 points si l’on ne considère de part et d’autre que les femmes. Il convient de renforcer cette intégration en permettant à certains demandeurs d’asile de travailler plus rapidement, comme nous l’avons fait pour les déplacés d’Ukraine, lorsqu’ils ont de grandes chances d’obtenir en France une protection internationale.
Les travailleurs étrangers peuvent être régularisés en vertu de la circulaire dite Valls du 28 novembre 2012, mais cette mesure dépend du bon vouloir de l’employeur ; c’est pourquoi nous souhaitons également créer une voie spécifique d’accès au séjour pour les étrangers résidant sur le territoire national et qui participent à la vitalité de l’économie française ou exercent des métiers en tension – par exemple dans les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration, du bâtiment, du nettoyage et du soin. Par ailleurs, vous avez fait allusion à la nécessité de sanctionner les employeurs indélicats : l’article 8 du projet de loi prévoit une amende allant jusqu’à 4 000 euros par travailleur en situation irrégulière, prononcée par le préfet de département et pouvant s’ajouter aux sanctions pénales et administratives existantes, soit jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende par employé concerné.

Mme la présidente
La parole est à Mme Andrée Taurinya.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES)
Par neuf fois, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour sa politique en matière de rétention administrative des mineurs. La neuvième condamnation pointait, je cite, « un traitement inhumain et dégradant » réservé à un enfant géorgien de 8 ans, accompagné de ses parents. La huitième concernait un nourrisson de 4 mois et sa mère, placés dans un centre inadapté pendant onze jours. Ces rétentions, jugées inhumaines, sont malgré tout possibles dans la patrie des droits de l’homme – parce que la loi les permet.
Malgré ces condamnations à répétition, on aurait pu espérer des différents gouvernements un changement radical dans ce domaine, ne serait-ce que pour l’honneur des valeurs humanistes qui sont à la source de notre République. Hélas, rien n’a changé, tout a continué et même empiré. Après s’être entêtée dans une politique indigne et n’avoir pas réagi face aux multiples condamnations, la France fait aujourd’hui l’objet d’une enquête du comité des droits de l’enfant mandaté par l’ONU. On a vu cet hiver des mineurs non accompagnés tenter d’interpeller le Gouvernement : leur minorité est constamment remise en cause ici comme à Mayotte, où des mineurs sont interpellés, retenus puis expulsés sans avoir pu exercer le moindre recours juridique. Votre machine administrative s’emballe. En 2021, elle réussit même l’exploit d’expulser un mineur de 16 ans vers les Comores alors qu’il est français.
Quelle réponse envisager ? Le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, dont les associations redoutent déjà les conséquences négatives ? Ce projet de loi qui recevra la validation, après quelques arrangements pour le durcir encore, de la droite et de l’extrême droite ? Quelle réponse concrète pour en finir avec les conditions indignes de rétention ? Quelle réponse concrète pour laver l’honneur de notre pays, patrie des droits de l’homme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
Il est prévu qu’une réponse soit apportée aux faits que vous dénoncez : l’article 12 du projet de loi que vous aurez l’occasion d’examiner prévoit de mettre fin à la possibilité de placer des mineurs de moins de 16 ans en CRA. Le droit en vigueur interdit l’éloignement des mineurs, donc leur placement en rétention, alors même que le droit de l’Union européenne ne l’exclut pas. La rétention de familles accompagnées de mineurs n’est mise en œuvre qu’en dernier recours, lorsque l’exécution de l’éloignement est soumise à un risque de soustraction à la procédure dûment caractérisé, ou dans la limite de quarante-huit heures précédant le départ prévu.
Il est proposé d’interdire le placement en centre de rétention administratif de tout étranger mineur de moins de 16 ans. Les étrangers mineurs de 16 à 18 ans pourraient toujours être placés en rétention, dès lors qu’ils sont accompagnés d’un étranger majeur. Cette mesure ne découle pas d’une obligation internationale, je l’ai dit, la rétention des mineurs étant possible dans le droit européen. Le Gouvernement a souhaité traduire en droit national les apports des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme sur la rétention des mineurs que vous avez évoqués, madame la députée, en opérant une distinction entre les mineurs de moins de 16 ans et ceux âgés d’au moins 16 ans.

Mme la présidente
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard (NI)
En guise d’introduction, je voudrais citer les propos de Dominique Reynié, directeur de la Fondation pour l’innovation politique : " En France, les personnes étrangères font l’objet d’un accueil incomparablement plus généreux que partout ailleurs, qu’il s’agisse des réfugiés, des demandeurs d’asile, des mineurs non accompagnés ou encore des étrangers en situation irrégulière. " En matière d’immigration, Emmanuel Macron parle de fermeté et appelle à durcir les règles, quand jamais la France n’a délivré autant de titres de séjour ni accueilli autant de demandeurs d’asile, et alors qu’elle expulse toujours aussi peu les illégaux qui se trouvent sur son sol. Lors de sa campagne électorale de 2022, Emmanuel Macron avait annoncé vouloir réduire de façon drastique le nombre de visas accordés aux Algériens, aux Marocains et aux Tunisiens, afin que leurs gouvernements respectifs délivrent davantage de laissez-passer consulaires. Un an plus tard, on nous annonce un retour à la normale. Vraiment ? Pendant ce temps, on apprend qu’Alger aurait décidé de suspendre la délivrance des laissez-passer consulaires pas plus tard qu’hier. Pourriez-vous, madame la secrétaire d’État, nous donner des chiffres sans vous contenter de citer les 22% d’exécution des OQTF en 2022 que vous avancez régulièrement, mais qui ne nous disent rien de précis ?
Par ailleurs, qu’en est-il du coût de l’immigration en France, de l’aide médicale de l’État ouverte aux clandestins, de la protection universelle maladie (Puma), accordée aux candidats à l’asile politique mais aussi aux déboutés du droit d’asile lorsqu’ils restent sur le territoire français ?

Mme Andrée Taurinya
Ah, ça manquait !

Mme Emmanuelle Ménard
Et que sait-on du coût des 30 000 titres de séjour pour soins, accordés chaque année à des patients qui bénéficient d’une prise en charge souvent complète dont rêveraient nombre de nos ressortissants ? (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe RN.)
Enfin, le Gouvernement va-t-il s’inspirer de politiques vertueuses comme celle adoptée par exemple par le Danemark, un pays que l’on peut difficilement classer à l’extrême droite ? " Le Danemark a en effet placé la barre très haut concernant l’accès à la nationalité ", explique encore Dominique Reynié. " Chaque fois que vous avez une contravention, votre temps d’attente pour la naturalisation double. Si vous avez une condamnation à une peine de prison, c’est fini pour la vie. Au Danemark, la nationalité, ça se mérite. " Rien ne figure, dans l’actuel projet de loi, sur l’octroi de la nationalité, mais vous l’avez dit vous-même madame la secrétaire d’État : l’examen parlementaire sera l’occasion d’enrichir le texte. La balle est dans votre camp.

Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
J’ai eu l’occasion d’aborder avec Dominique Reynié la question du Danemark et du modèle qui y prévaut. Il convient d’abord de souligner que c’est un gouvernement plutôt de gauche qui a mis en place des mesures très restrictives.
Il faut ensuite analyser point par point ces différentes mesures. Les règles applicables à la naturalisation et au droit du séjour sont tout à fait comparables à celles mises en place dans notre pays. Si celles qui régissent l’asile sont évidemment beaucoup plus strictes qu’en France, cela s’explique notamment par le statut particulier de ce pays au sein de l’Union européenne.
Il convient enfin de comparer ce qui est comparable. La situation de la France, qui est riveraine de la Méditerranée et possède un passé colonial, n’est évidemment pas similaire à celle du Danemark. Quoi qu’il en soit, le projet de loi que l’Assemblée a vocation à examiner dans les prochains jours proposera des restrictions plus importantes, ce qui va sans doute dans le sens que vous évoquez.

Mme Emmanuelle Ménard
Et donc ?

Mme la présidente
La séance de questions est terminée.


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 3 mars 2023