Texte intégral
1. Nous, France et Italie, nous tenons prêtes ensemble à coopérer au service d'une Europe plus verte, plus unie et plus souveraine. Nous sommes déterminées à consolider le rayonnement de l'Union européenne sur la scène internationale et à appuyer ses efforts pour assurer notre compétitivité et notre prospérité à long terme.
2. Cette déclaration s’inscrit dans la continuité du Traité du Quirinal dont elle cristallise les ambitions : approfondir notre coopération bilatérale et appeler d’une voix à une politique industrielle européenne efficace. Selon nous, cette politique doit être mise au service des transitions verte et numérique : de la compétitivité de l'industrie ; et de la préservation de notre autonomie stratégique. Nous pensons que le temps est venu de renouveler la vision stratégique européenne pour l’industrie ; en trouvant un équilibre entre les défis et attentes de court-terme et ceux de long-terme. Nous devons définir une vision des transformations structurelles qui sont nécessaires pour nous adapter à la nouvelle donne géoéconomique mondiale, toujours afin de maintenir la compétitivité de l'industrie européenne et de verrouiller notre indépendance stratégique dans quelques secteurs clés.
Financer notre ambition commune :
3. Appréciant tout le potentiel du Plan Industriel pour le Pacte Vert, nous sommes toutes deux engagées à travailler à l'amélioration des leviers de financement de la double transition, numérique et écologique. La France et l'Italie partagent la même vision : nous devons envoyer un signal fort au monde des affaires ; signal qui affirmerait que l'Europe est et restera un continent attractif pour ceux qui investissent dans le marché unique, en particulier pour ceux qui investissent dans la transition écologique et nous aident ainsi à atteindre la neutralité climatique d'ici 2050. L'invasion de l'Ukraine par la Russie, la crise énergétique et les nouveaux dispositifs tels que l'IRA nous poussent à revisiter nos politiques industrielles, rehausser notre ambition environnementale et, de manière générale, à faire preuve de davantage d’audace et de rapidité dans la mise en oeuvre. Nous sommes prêts à soutenir pleinement le EU-US Trade and Technology Council qui travaille à construire un cadre transparent et clair. Nous demandons à la Commission européenne d’évaluer l’impact des instruments financiers liés à la transition écologique et de conduire un examen exhaustif, afin également de prévenir tout effet distorsif des aides d'État sur le marché unique. Ensemble, nous soulignons l’importance d’une stratégie globale, qui comprendrait une gouvernance économique, le besoin d’améliorer la compétitivité et la productivité de l’Union européenne sur le long-terme, tout en préservant le marché intérieur et l'égalité des conditions de concurrence. Nous sommes déterminées à accélérer dans les meilleurs délais possibles la mise en place de l’Union des marchés de capitaux pour mobiliser les fonds privés pour l’investissement dans les industries vertes.
4. Nous sommes favorables à un ajustement des règles d'aides d'État afin d'apporter un soutien ciblé, temporaire et proportionné aux secteurs industriels stratégiques identifiés par l'Agenda de Versailles, particulièrement ceux liés à la transition verte (énergie solaire, éolienne, batteries et matières premières critiques). Nous soutenons une réponse européenne commune à l'IRA et la proposition de la Commission pour un "Cadre temporaire de crise et de transition" (TCTF), vigilants sur la nécessité de préserver l'intégrité du marché intérieur et des conditions de concurrence équitables. Prenant acte des conclusions du Conseil européen extraordinaire du 9 février 2023, nous devons orienter stratégiquement et efficacement les aides d'État pour soutenir ces secteurs industriels. Pour cela, nous appelons à une révision des montants et intensités des aides, ainsi qu’à une simplification temporaire des clauses d’alignement. Ce qui, en suivant une approche équilibrée, permettrait de soutenir des projets stratégiques précis. Nous accueillerons favorablement un travail de révision supplémentaire du Règlement Général d’Exemption par Catégorie (RGEC) pour les projets les plus stratégiques et les garanties de long terme ; ainsi que l'intégration de nouvelles ambitions en termes de simplification et de réduction de la charge administrative dans l'ensemble du processus de notification et d'autorisation des projets d'investissement pour la transition verte, en particulier ceux qui présentent un intérêt commun.
5. Nous soutenons la Commission dans sa volonté de simplifier et de clarifier les règles applicables aux PIIEC en adoptant des exemptions spécifiques et un code de bonnes pratiques, tel que celui présenté par la Commission aux États membres le 14 février 2023 lors du groupe de travail « concurrence ». Ce code contribuera très certainement à un fonctionnement plus fluide et optimisé des PIIEC, ainsi qu’à des projets de plus grande qualité. Afin d'accélérer et de simplifier davantage les procédures PIIEC, nous considérons que des exemptions spécifiques pour les PME, y compris les start-ups agissant en tant que partenaires directs dans le cadre des PIIEC, pourraient être introduites dans le RGEC. Nous soutenons également une exemption spécifique pour les projets de plus grande envergure qui comprendraient une phase de recherche et développement et de "premier déploiement industriel", lorsque le montant de l'aide demandée est inférieur à 50 millions d'euros. Nous considérons que ces efforts pourraient considérablement réduire la charge administrative de la Commission dans le cadre des procédures de notification PIIEC. Un relèvement de ces seuils permettrait également à la Commission de restreindre son examen dans le cadre de la procédure de notification individuelle aux aides dont les montants sont les plus élevés et qui présentent le plus grand potentiel de distorsion de la concurrence au sein du marché intérieur.
6. Nous soulignons la nécessité de mener à leur terme les PIIEC en cours et l'importance d'en envisager de futurs, lorsque l’opportunité se présente, notamment par le biais du Forum européen commun pour les PIIEC. L'Italie et la France soulignent la nécessité d'obtenir des décisions de la Commission sur les deux vagues de PIIIEC sur l'hydrogène (Hy2SupplyInfra et Hy2Move) ; sur le PIIEC sur le Cloud et les infrastructures de service ; sur le PIIEC sur la microélectronique et les technologies de communication ; et sur la première vague de PIIEC sur la santé (Med4Cure) avant la fin de 2023. Nous devrions également avoir pour objectif de pré-notifier la deuxième vague de PIIEC dans le domaine de la santé (Tech4Cure) d'ici la fin de l'année. Enfin, l'Italie et la France soutiennent pleinement l'initiative de l'Autriche de lancer le Forum européen conjoint pour les PIIEC, et nous ferons notre possible pour participer activement aux discussions avec les autres États membres dans ce cadre.
7. Nous soutenons la création du fonds de souveraineté de l'UE qui soutiendrait la capacité de production industrielle dans les secteurs stratégiques. Ce fonds remobiliserait en premier lieu des fonds disponibles existants. Nous sommes prêts à contribuer aux efforts de l'UE sur le sujet par le biais d’une proposition que nous ferions conjointement à la Commission, avec l'objectif de fixer un calendrier ambitieux. Nous attendons les propositions de la Commission basées sur l'évaluation des besoins en cours, avec l'objectif d'une réponse en deux temps, à court et à moyen terme.
8. Nous saluons les conclusions du Conseil européen extraordinaire du 9 février 2023, qui a plaidé pour une plus grande flexibilité dans l'utilisation des fonds européens (FRR, RepowerEU, Fonds de cohésion), afin de maximiser les synergies entre eux.
9. De même nous sommes favorables à une politique commerciale équilibrée et responsable. En particulier, notre politique commerciale doit être alignée sur nos objectifs de développement durable. Nous soutenons la pleine utilisation des instruments de défense commerciale, en particulier dans les secteurs industriels de pointe, essentiels à la transition verte et numérique de l'UE.
Adapter nos politiques publiques :
10. Nous soutenons une réforme rapide et ambitieuse de la structure du marché européen de l'électricité en 2023. Nous considérons que le marché de gros de l'électricité, où le prix est réglé par la capacité la plus chère (appelée capacité marginale) permet une allocation optimale des ressources. Cependant, la conception actuelle du marché ne permet pas (i) de garantir que les consommateurs sont équitablement exposés à l'ensemble des coûts à long terme des installations de production à faible émission de carbone qui les approvisionnent et (ii) de fournir des incitations à long terme pour investir dans les capacités de production nécessaires pour garantir notre sécurité d'approvisionnement. Pour ces raisons, cette dernière conception entrave les investissements dans la décarbonisation de nos économies qui sont nécessaires pour atteindre nos objectifs climatiques. La nouvelle structure du marché devrait compléter de manière structurelle les marchés à court terme par des instruments à long terme tels que les contrats d’achats d’électricité (PPAs), les contrats pour différence (CfD), les marchés de capacité pour le stockage et la capacité thermique. En effet, l'un des objectifs de cette réforme est de rapprocher les prix payés par toutes les catégories de consommateurs du coût de production du mix électrique afin de promouvoir la décarbonisation et l'électrification. C'est pourquoi il est important de s'assurer que les CfD et les PPAs seront en mesure de répercuter le coût de production du mix électrique sur les consommateurs, et non le coût de la capacité marginale.
11. Nous allons entamer un travail commun sur les matières premières critiques et la sécurisation des approvisionnements, facteur clé pour réduire nos dépendances stratégiques. Les approvisionnements européens devant répondre à un haut niveau de durabilité, la France et l'Italie travailleront sur les conditions d'élévation des normes ESG à leur plus haut niveau pour les activités d'extraction et de raffinage et sur la traçabilité de certains produits (telle que promue dans le futur règlement sur les batteries). Nous souhaitons également explorer : une coopération renforcée entre nos observatoires respectifs sur les matières premières critiques ; une coopération entre nos entreprises ; ainsi qu'étudier les options disponibles pour des investissements conjoints dans des projets de production de matières premières (mines, raffineries, recyclage) afin de sécuriser les approvisionnements stratégiques, après avoir identifié les complémentarités dans certaines chaînes de valeur (dont les batteries). La France et l'Italie partageront leurs meilleures pratiques en matière de soutien à de tels projets par des investissements privés et, le cas échéant, publics. Dans le cadre de la future loi européenne sur les matières premières, nous plaiderons pour des objectifs minimaux de production domestique pour les matières premières stratégiques convenues d'un commun accord afin de couvrir autant que possible nos besoins industriels d'ici 2030.
12. Nous demandons des pratiques plus durables en matière de marchés publics, car le Made in Europe peut commencer par le gouvernement. Nous sommes favorables à une meilleure promotion des critères qualitatifs et à l'extension du mécanisme empêchant les propositions d'offres de pays tiers qui ne respectent pas la réciprocité de l'ouverture de l'UE. Les directives sur les marchés publics, adoptées il y a dix ans, ne sont plus en phase avec les priorités du pacte vert européen, ni avec le contexte mondial, et doivent être révisées. En outre, nous soutenons une application intégrale du règlement sur l'instrument international relatif aux marchés publics (IPI) de l'UE (2022/1031) - conformément aux obligations de l'AMP/OMC - qui vise à promouvoir la réciprocité dans l'accès aux marchés publics internationaux et du règlement sur les subventions étrangères, car la non-déclaration des subventions étrangères fausse la concurrence au sein du marché intérieur.
13. Nous affirmons notre priorité commune de mieux coopérer dans le domaine de l'hydrogène. Nous nous félicitons du fait que nos deux pays soient bien représentés dans les quatre vagues du PIIEC sur l'hydrogène. Nous chercherons de nouvelles pistes de coopération technologique entre la France et l’Italie.
14. Nous reconnaissons l'importance du développement des nouvelles technologies et la nécessité de renforcer la souveraineté numérique européenne. À cette fin, nous avons l'intention d'unir nos efforts sur des projets de recherche pour le développement de produits et services numériques européens. Nous partageons également l'objectif d'une mise en oeuvre rapide de l'initiative européenne de connectivité sécurisée IRIS2 en tirant parti des synergies entre les actifs européens gouvernementaux et commerciaux au profit des gouvernements, des entreprises et des citoyens européens. En même temps, nous reconnaissons l'importance de collaborer pour une vision commune sur les questions réglementaires dans la législation européenne. À cette fin, nous soutenons l'opportunité de créer un forum spécifique pour échanger les meilleures pratiques à partir des expériences nationales respectives et pour discuter des questions de réglementation numérique.
15. Nous plaidons pour soutenir nos industries automobiles et leur compétitivité dans leur transition vers une mobilité décarbonée. Cette transition suppose que l’industrie automobile européenne toute entière s’engage dans une transition industrielle majeure ; transition qui ne pourra réussir que dans des conditions réglementaires et de marché prévisibles, en particulier pour pouvoir maîtriser les conséquences économiques et sociales de cette transition. Il ne faudrait pas que nos politiques entraînent un afflux massif de véhicules électriques qui auraient été produits en dehors de l'Union européenne, dans des pays aux contraintes sociales et environnementales moins exigeantes. Nous serons donc vigilants à garantir des conditions concurrentielles équitables. En outre, il nous faudra nous assurer que les possibles nouvelles réglementations européennes, telles qu’Euro 7, ne freinent pas les investissements dont nous avons besoin pour atteindre l’objectif fixé par le paquet européen Fit for 55.
16. Nous nous accordons pour renforcer notre coopération dans le domaine spatial. Pour en témoigner, la France et l’industrie française mettront prochainement à disposition la capacité industrielle nécessaire pour assurer un prompt retour en vol de Vega C et nous travaillerons de concert avec l’Italie pour garantir une utilisation résiliente de Vega C.
17. De manière générale, nous sommes déterminées à approfondir notre coopération, qui est déjà à l'oeuvre, grâce aux groupes de travail établis entre nos administrations. Ces groupes ouvrent la voie à la France et l'Italie pour proposer des solutions européennes dans des domaines d'intérêt commun, en favorisant un dialogue productif et inclusif qui soit ouvert à toutes les parties prenantes concernées.
Source https://www.economie.gouv.fr, le 7 mars 2023