Texte intégral
ORIANE MANCINI
Notre invité politique ce matin, c’est Stanislas GUERINI, bonjour.
STANISLAS GUERINI
Bonjour…
ORIANE MANCINI
Merci d’être là, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques. On est ensemble pendant 20 minutes pour une interview avec la presse régionale, représentée donc par Julien LECUYER de La Voix du Nord.
JULIEN LECUYER
Bonjour Oriane. Bonjour Monsieur le Ministre.
ORIANE MANCINI
Bonjour…
JULIEN LECUYER
Ils ont trop relevé le siège.
ORIANE MANCINI
On va évidemment parler de la réforme des retraites. Et le Sénat a donc voté cette nuit l’article 7 qui reporte l’âge légal de départ à 64 ans vous êtes soulagé ?
STANISLAS GUERINI
En tout cas, satisfait que ça avance, je vais vous dire, satisfait d’une chose, c’est qu’on puisse parler du fond du texte, moi, je suis un ministre de la Fonction publique qui était très frustré, à l’Assemblée nationale, on n’avait pas prononcé une fois le mot de fonctionnaire, la réalité, c’est que ça n’avait pas intéressé le détail, la vraie vie, au fond, des salariés, des agents publics, des carrières, des différentes mesures qu’on peut porter, certes, pour travailler plus longtemps, mais aussi pour adapter le temps de travail, les postes, la possibilité de changer de métier, tous ces sujets-là, on a pu les discuter avec les sénateurs, on a pu avancer, et on a effectivement voté l’article 7, ce qui est très important…
JULIEN LECUYER
Pour vous, c’est important qu’au Sénat, il y ait une forme de… enfin, une meilleure réflexion sur la thématique des retraites qu’à l'Assemblée nationale ?
STANISLAS GUERINI
C'est évident. Le débat avait été un formidable gâchis à l'Assemblée nationale, une sur-idéologisation de ce débat, qui est très important, qui doit nous permettre de parler de la vraie vie des agents de la Fonction publique, moi, je note…
JULIEN LECUYER
Là, ils ont plus de temps pour débattre, vous avez remarqué…
STANISLAS GUERINI
Oui, alors, ils l’ont pris, c’est une décision politique que de le faire, mais moi, je vois parfois un décalage incroyable, pardon, mais entre les grands discours qu'on a sur les plateaux de télévision très idéologiques sur ces questions-là, puis, ensuite, quand on va s'intéresser au quotidien, moi, je me déplace beaucoup, je vais parler à des agents, leurs préoccupations, elles sont parfois loin des grands débats idéologiques sur l'âge de départ à la retraite, que des questions très concrètes, comment la retraite progressive, ça va marcher, à partir de quel âge, est-ce que mon employeur va pouvoir me refuser…
ORIANE MANCINI
On va revenir sur ces questions, mais juste, sur la forme, parce qu’hier, vous étiez dans l'hémicycle du Sénat, où l'ambiance était un peu tendue sur le débat sur cet article 7, est-ce que vous comprenez la volonté de la droite d'accélérer, et est-ce que vous entendez la gauche qui demande plus de temps pour ce débat ?
STANISLAS GUERINI
D’abord, moi, je respecte l'organisation des débats parlementaires qui est faite par les parlementaires, je pense que c’est très important que le gouvernement soit respectueux de ce que décide la Commission, la présidente de Commission qui examine le texte au Sénat, je vois que la droite a envie d'avancer et d'aller au fond du débat, et tant mieux. Il y a parfois effectivement, je crois, quelques tentations de ralentir le débat, de ralentir le débat, de faire un peu d'obstruction sur les bancs à gauche de cet hémicycle. Moi, je pense que ça serait un acquis pour tout le monde que chacun puisse se prononcer, c’est très important, dans la démocratie, d’accord ou pas d’accord, qu’on puisse se prononcer…
JULIEN LECUYER
Vous y croyez… la gauche a visiblement la volonté de ne pas voter le texte global à l'issue du temps qui lui est imparti, on a jusqu'au 12 mars à minuit, vous craignez que, finalement, il n’y ait pas de vote global ?
STANISLAS GUERINI
Mais ça serait dommage pour tout le monde, et je dis ça, je n’ai pas le sentiment en le disant d’être en contradiction avec ce que disent même les syndicats. Ils s’étaient émus et ils avaient été peinés du fait qu’on ne puisse même pas avoir le débat sur l'article 7, qui est effectivement important, puisque c'est celui où notamment on discute de l'allongement de la durée de cotisations. C'est ça la démocratie, c'est de pouvoir, en transparence, devant nos concitoyens, dire ce pourquoi on est d'accord ou pas d'accord, ça doit être ça le débat. Donc moi, je souhaite effectivement qu’il puisse aller au bout, je pense que c'est possible, je pense encore que c'est possible, en tout cas, le gouvernement fera tout pour, et sera à disposition des parlementaires pour avancer, débattre et enrichir le texte.
JULIEN LECUYER
Un autre souci qui se pose à vous, au gouvernement, c'est que, en cas de sortie du Sénat, vote ou pas vote d'ailleurs, il y aura une commission mixte paritaire, un retour à l'Assemblée nationale, et bon, pour le coup, moi, j'ai fait les comptes, et à l'heure actuelle, vous n'avez pas de majorité pour voter ce texte à l'Assemblée nationale.
STANISLAS GUERINI
Je n’en sais rien, vous êtes peut-être plus spécialiste que moi sur le comptage…
JULIEN LECUYER
285 voix selon Médiamétrie…
STANISLAS GUERINI
Et évidemment, on discute avec, je dirais, chaque parlementaire, parce que, là aussi, il faut être sincère et transparent, moi, je pense que c'est très important, c'est des débats qui sont parfois difficiles, parce que c'est un texte qui est un texte d'effort, qui n’est pas un texte majoritairement populaire dans l'opinion. Donc tout ça, on le regarde d’extrêmement près pour essayer…
ORIANE MANCINI
Mais y compris au sein de votre majorité, il risque de manquer des voix, au sein de votre majorité ?
STANISLAS GUERINI
Je vous réponds là-dessus, mais, nous, notre objectif, c'est de bâtir une majorité au Parlement, pour voter ce texte…
JULIEN LECUYER
Non, mais l’objectif, je comprends…
STANISLAS GUERINI
Je pense, je vous réponds le plus précisément possible, que c'est faisable, notre objectif, depuis le début, c'est de faire adopter ce texte et de le faire adopter sans le 49.3, là aussi, je vous réponds de la façon la plus transparente possible.
ORIANE MANCINI
Mais ça n’est pas encore faisable…
STANISLAS GUERINI
Ensuite, au sein de la majorité, je vous réponds dans l’ordre de vos questions, je pense que notre majorité sera unie pour voter le texte, que les uns et les autres puissent se poser des questions, puissent poser des sujets d'enrichissement du texte…
JULIEN LECUYER
Est-ce qu’il faut les menacer d’exclusion ?
STANISLAS GUERINI
Moi, je pense très sincèrement…
JULIEN LECUYER
… La présidente Aurore BERGE a été assez floue là-dessus, on a l’impression qu’elle met une pression quand même assez brutale sur les réticents…
STANISLAS GUERINI
C'est un texte très important, quand on vote un budget, par exemple, c'est un moment qui est constitutif de savoir si on est dans la majorité ou dans l'opposition. Je pense que le texte sur les retraites, c’est un texte qui est de cette nature-là, qui est extrêmement important, y compris pour la suite du quinquennat.
ORIANE MANCINI
Donc ceux qui ne votent pas seront exclus…
STANISLAS GUERINI
C’est un texte pivot…
JULIEN LECUYER
Votez ou sortez, c’est ça ?
STANISLAS GUERINI
Non, ce n’est pas ce que je suis en train de dire, je dis, 1°) : l’importance du texte, et 2°) : ma conviction qu'on puisse convaincre, y compris dans la majorité, tout simplement, parce que nous avons fait campagne avec cette réforme-là, et dans une version qui, chacun l'a en tête, était de travailler jusqu'à 65 ans, et parce qu’il y a eu un temps de dialogue social qui a été utile, parce qu’il y a eu un temps de débat parlementaire qui a été utile, on a amendé cette position pour arriver sur 64 ans, et un certain nombre d'autres enrichissements. Donc effectivement, moi, je ne comprendrais pas que des députés de la majorité, qui ont fait campagne avec cette réforme des retraites, en transparence, devant les Français, et chacun savait que ce n'était pas la réforme, y compris pendant la campagne, qui était la plus populaire, il suffisait de regarder les études d'opinion à ce moment-là, et donc je suis convaincu que chacun votera ce texte, mais qu'il puisse y avoir du débat, c'est normal, ce n'est absolument pas malsain, et moi, j'ai déjà vécu souvent les moments où, avant les textes, on dit : est-ce que votre majorité sera unie, etc.
JULIEN LECUYER
Alors pas que la majorité, mais aussi le groupe LR, parce que vous êtes soumis…
STANISLAS GUERINI
Dans les grands moments, la majorité, elle est toujours unie…
JULIEN LECUYER
Vous êtes soumis à l’incertitude autour du vote du groupe LR, il y a environ une vingtaine de députés qui pourraient s'abstenir ou voter contre, Eric CIOTTI, Olivier MARLEIX sont favorables, favorables au texte, mais ils ne tiennent pas leur groupe, il n’y a pas une grosse incertitude autour de ça ?
STANISLAS GUERINI
Là aussi, je crois que c'est une question de responsabilité et de cohérence et de sincérité vis-à-vis des Français, moi, je ne comprendrais pas qu’un parti politique, une famille politique, qui a porté la question du recul de l'âge, du report de l'âge, année après année, et jusqu’aux dernières élections, ne mette pas en cohérence leurs actes parlementaires avec leur discours politique, je pense que c’est simplement une question de cohérence et de responsabilité.
ORIANE MANCINI
Julien, sur la mobilisation.
JULIEN LECUYER
Oui, parce que pour rappeler les chiffres, on a donc eu 1,28 million de manifestants ce mardi selon la police, 3 millions selon l'intersyndicale. Alors, c'est une mobilisation qui est assez inédite quand même depuis les dizaines d'années, vous dites que ce n'est pas la rue qui gouverne, mais peut-on gouverner contre 69 % des actifs qui, à l'heure actuelle, refusent la réforme ?
STANISLAS GUERINI
Moi, je n’oppose pas les différentes formes de légitimité, il y a une légitimité dans notre pays à pouvoir manifester son opposition, voire, sa colère, parfois des inquiétudes aussi, il faut savoir les entendre, et la légitimité des parlementaires qui ont été élus, qui se sont présentés et qui ont eu un suffrage pour appliquer un programme politique, l'enrichir, écouter, je pense en avoir fait la démonstration, et l'appliquer, il faut, je crois, respecter les temps démocratiques dans notre pays. Il y a eu un temps de dialogue social. Est-ce que ce temps de dialogue social a fait bouger le texte ? La réponse est oui, et vous le savez, très profondément, le texte qu’on a présenté au début du débat parlementaire, ça n'était pas le texte que nous envisagions, il y a eu ensuite un temps parlementaire, nous sommes dans le temps parlementaire, est-ce que le temps parlementaire est en train de faire bouger les lignes ? Là aussi, la réponse est oui, et pas sur les petits sujets…
ORIANE MANCINI
Mais vous nous dites tout à l’heure, il faut continuer à l’enrichir…
STANISLAS GUERINI
Alors, certes, on a cette opposition-là sur le recul de l’âge…
ORIANE MANCINI
Il faut l’enrichir sur quoi ?
STANISLAS GUERINI
C’est très clair, certes, ce point n’est pas majoritaire dans l'opinion, c'est clair aussi, mais est-ce qu'il faut porter, quand son s'engage dans la vie politique, que les réformes qui sont majoritaires et populaires, ce n'est pas forcément le cas, c'est aussi ça la légitimité, et même, je vais vous dire, la noblesse de la vie politique…
JULIEN LECUYER
Et doit-encore gouverner face à une très large majorité des Français ?
STANISLAS GUERINI
Mais moi, je n’ai pas le sentiment d'être face à une majorité des Français, oui, il faut être lucide sur le fait de porter une réforme qui est, j'en suis, mais, absolument convaincu, nécessaire, et d'ailleurs, vous le savez très bien, toutes les réformes des retraites, elles n’ont pas forcément été toujours populaires, mais, elles n‘ont jamais été défaites par les majorités qui ont suivi, y compris quand c'était des majorités d'alternance de gauche, qui ont même continué en réalité à allonger la durée de cotisations, il y a parfois d'ailleurs, à ce titre-là, des positions qui semblent absolument incompréhensibles aujourd'hui. Donc, la réalité, c'est que, parfois…
ORIANE MANCINI
Chez les socialistes…
STANISLAS GUERINI
Oui, où on a le sentiment qu’ils n’ont absolument pas assumé ou voté les réformes Marisol Touraine de 2014, donc, moi, je crois dans la vie politique qu’il faut de la constance, de la cohérence et un esprit de responsabilité…
ORIANE MANCINI
Un mot…
STANISLAS GUERINI
C’est ce dont nous faisons preuve aujourd’hui…
ORIANE MANCINI
Est-ce qu’Emmanuel MACRON doit recevoir l'intersyndicale, c'est ce qui est demandé ?
STANISLAS GUERINI
Je vois bien comment ce débat-là, au fond, comme souvent, veut essayer de prendre des objets, vous voyez, politiques, très symboliques, et puis, que toute la vie du pays tourne pendant 48 heures autour de ces questions-là. La réalité, c'est qu'il y a un gouvernement qui est profondément à l'écoute, dans le dialogue social, c'est son rôle…
ORIANE MANCINI
Mais alors, est-ce qu’il faut les recevoir ?
STANISLAS GUERINI
C’est son rôle, le rôle du président de la République, c'est de donner le cap pour le pays, c'est de défendre les grands enjeux du pays…
JULIEN LECUYER
C’est d’assurer la cohésion aussi du pays…
STANISLAS GUERINI
En France et à l’international, évidemment, il le fait, il est toujours soumis, à chaque moment, aux questions que les Français se posent…
JULIEN LECUYER
Et assurer cette cohésion, est-ce que ce n’est pas recevoir l’intersyndicale ?
STANISLAS GUERINI
Regardez au Salon de l'agriculture, il y a quelques jours, il était longuement interrogé, il a pu s'exprimer, donc, j'ai trop vécu ces débats-là, où, pendant 15 jours, on dit : est-ce que le président parle trop, et puis, les 15 jours suivants, est-ce qu'il ne parle pas assez, tout ça, c'est quelque chose qui est dans le Landerneau politique. Moi, ce qui m'intéresse, c'est la vie des Français, c'est en l'occurrence singulièrement, la vie des agents de la Fonction publique ; nous sommes un gouvernement, je crois, qui est vraiment dans le dialogue social. Vous savez, moi, je passe beaucoup de temps, encore maintenant, avec les organisations syndicales à travailler la suite, les grands enjeux que nous avons…
JULIEN LECUYER
Le dialogue n’est pas rompu, c’est ce que vous voulez dire…
STANISLAS GUERINI
Mais absolument pas, ce sont des enjeux de pouvoir d'achat, ce sont des enjeux de santé au travail, ce sont des enjeux d’égalité salariale…
ORIANE MANCINI
Et on va en parler.
STANISLAS GUERINI
Tout ça, c’est des enjeux, mais je le dis, parce que, parfois, quand on regarde les plateaux de télévision, on a l'impression que tout ça n'existe pas, ça n'est pas vrai, c'est des enjeux qui comptent. Evidemment que le débat sur les retraites est un débat très important…
JULIEN LECUYER
Vous voulez dire que ça…
ORIANE MANCINI
On va en parler…
JULIEN LECUYER
… Un petit peu la sphère médiatique, mais justement, on parle de la Fonction publique, et on voulait parler des retraites progressives, le Sénat a proposé d’ouvrir le droit à la retraite progressive dès 60 ans au lieu de 62 ans dans la Fonction publique, c'est quelque chose auquel vous êtes favorable ?
STANISLAS GUERINI
On va discuter cette mesure-là, moi, je suis favorable à ce qu'on puisse d'abord introduire la retraite progressive dans la Fonction publique, ça n'existait pas, c'est une avancée majeure. Ça permet, pour ceux qui nous écoutent, à un agent en fin de carrière, 60, 62 ans, de pouvoir se mettre à temps partiel en conservant sa rémunération, je pense que c’est très important. Et je vois que cette mesure-là intéresse, et les agents et les syndicats de la Fonction publique, je pense aux syndicats ou aux agents de l'Education nationale, chez les professeurs, il y a beaucoup de gens qui se disent : est-ce que je pourrais avoir cette possibilité d'aménager mon temps de travail. Donc moi, ma première préoccupation, c'est que ça existe, là aussi, pour de vrai. C’est pour ça…
JULIEN LECUYER
Pour de vrai, c’est important, parce que certains syndicats, je pense à la FSU, s’interrogeaient en disant : est-ce qu'on ne va pas sans arrêt nous opposer le fait qu’il y a une nécessité de service, et donc que le professeur en question, il n’a pas le droit de partir.
STANISLAS GUERINI
Vous avez raison, et c’est précisément pour ça, pardon, que je prends un tout petit peu de temps pour le dire, parce qu'il me semble que ça, c'est le vrai débat, moi, j'ai réuni secrétaires généraux des ministères, les DRH des ministères, voyez, 'est quelque chose, parfois, qu'on ne faisait pas suffisamment, en leur passant une consigne très claire, c'est comment est-ce que ce texte-là, ça ne devient pas simplement un droit de papier, mais ça devient une réalité, et qu’on réfléchit et on aménage les carrières pour que ça soit possible. Donc là-dessus, moi, je veux être le plus clair possible. Je veux que la retraite progressive, elle s'applique pleinement et que ça soit un droit pour les agents, c’est d’ailleurs les améliorations de la retraite progressive qui sont portées par ce texte-là, y compris pour le privé, c'est l'employeur qui va devoir justifier au fond si jamais il n'est pas d'accord, il y a une forme d'inversion de la charge de la preuve, si l'employeur décide de ne pas accorder la retraite progressive. Ensuite, 60, 62 ans, on va en discuter, je vois que les sénateurs ont préparé une version qui est évolutive, ce serait 80% entre 60 et 62 ans, un peu plus après, pourquoi pas…
ORIANE MANCINI
Vous êtes là-dessus ?
JULIEN LECUYER
Vous avez une idée du coût…
STANISLAS GUERINI
A une condition, c’est qu’il faut qu’on puisse savoir financer l’ensemble…
JULIEN LECUYER
Oui, j’allais dire, vous avez une idée du coût de cette mesure, vous l’avez mesuré ?
STANISLAS GUERINI
Je crois que c’est entre 100 et 150 millions d'euros supplémentaires, voyez que ce n’est pas rien, si jamais on ouvre un peu plus tôt cette possibilité de retraite progressive. Donc moi, je suis favorable sur le principe, à la seule condition qu’on puisse conserver l'équilibre du texte. Donc c'est pour ça que ces différentes mesures…
ORIANE MANCINI
Bon, mais 60, 62, ce n’est pas tranché, vous êtes favorable à ce que demandent les sénateurs…
STANISLAS GUERINI
Vous avez compris que je suis ouvert, mais à une condition, c’est qu’on puisse garder le cap…
JULIEN LECUYER
Que ce soit financé…
STANISLAS GUERINI
Celui de l’équilibre financier. Parce que c’est la condition, pas pour se faire plaisir, pour équilibrer les comptes, mais pour conserver et préserver notre système de retraite par répartition…
JULIEN LECUYER
L’équilibre financier actuellement de cette réforme des retraites, il est quand même très, très fragile…
STANISLAS GUERINI
C’est pour ça que, là, aussi, j'essaie de vous répondre de façon la plus transparente possible, toutes ces questions-là, il faut les regarder à l'aune de l'équilibre global financier, et c'est peut-être des discussions qu'on aura dans le cadre de la commission mixte paritaire, pour reprendre les différents enrichissements du texte, et puis, avoir des choix politiques, mais avec un grand P, au sens noble du terme, de ce qu’on décide collectivement pour notre système de retraite.
ORIANE MANCINI
Il y avait un choix politique qui devrait d'ailleurs être discuté aujourd'hui dans l'hémicycle de Bruno RETAILLEAU, c'était d'accélérer la suppression des régimes spéciaux pour que ça commence progressivement dès 2025, et que tout monde soit à 64 ans en 2040, pourquoi le refuser, c'est un manque de courage politique de la part du gouvernement ?
STANISLAS GUERINI
Non, d'abord, je pense que, là aussi, c'est de la constance et de la clarté. Ça repose sur un double engagement, nous avons dit que nous conserverons pour les salariés, pour les agents en poste aujourd'hui, les régimes spéciaux, parce que c'est le pacte social, c'est un double engagement, parce que le président de la République l'a dit pendant la campagne, et parce que le gouvernement l'a réaffirmé, et donc je pense qu'il faut donner de la stabilité à notre débat, de la clarté, pour celles et ceux qui s'interrogent, qui se sont inscrits dans une carrière, avec un pacte social, à un moment donné, et qui ont le droit d'avoir ce pacte social respecté. Je crois que nous devons prendre cette mesure-là telle que nous l'avons fait, c'est-à-dire avec une clause du grand-père, elle concernera les nouveaux salariés, les nouveaux agents, ce qu'on a fait pour la SNCF, je fais remarquer que ça bouge quand même, parce que, parfois, j'entends dire : alors, ça veut dire que rien ne se passe avant 40 ans, rien n'est plus faux, la réalité, c'est que ça commence à bouger les lignes dès les nouvelles embauches, dès les nouveaux départs à la retraite, avec le renouvellement des salariés et des agents…
ORIANE MANCINI
Les sénateurs LR disent que du coup, ils ne seront pas supprimés avant quasiment 80 ans…
STANISLAS GUERINI
Oui, parfois, pardon, je vois, avec un peu de sourire, le fait qu’on nous vienne nous dire aujourd'hui, ce que nous n'avons pas fait avant, vous, vous le faites, mais alors, il faudrait le faire plus rapidement, là aussi, je pense qu'il faut un petit peu de conscience et de cohérence.
JULIEN LECUYER
Un autre dossier qui vous intéresse en tant que ministre de la Fonction publique, c'est l'index égalité professionnelle, que vous avez présenté, qui va être étendu à la Fonction publique pour assurer une égalité femmes-hommes supplémentaire, alors 4 ans après son entrée en vigueur dans le privé, cela dit, selon une étude de l'Institut des politiques publiques, qui a été faite, réalisée avec la CFDT, l'index égalité professionnelle n'a eu qu'un effet limité dans le privé, alors, j'allais dire, est-ce qu’on ne peut pas avoir la même crainte pour sa réalisation dans le public ?
STANISLAS GUERINI
Deux choses, d'abord, un index, c'est fait pour pointer. Donc ça permet, d'abord, de partir d'un constat partagé, lucide, et de faire ensuite bouger les lignes avec des possibilités de sanctions financières, vous voyez qu'on a eu le débat sur l'index seniors, telles que les choses ont été pensées, si les lignes ne bougent pas…
ORIANE MANCINI
Non mais là, vous êtes favorable, vous, à des sanctions financières ?
JULIEN LECUYER
Oui, mais comment sanctionner des administrations, ça veut dire quoi sanctionner des administrations ?
STANISLAS GUERINI
… Mais je pars du privé, où on a mis en place l'index, et puis, ensuite, on a donné 3 ans aux entreprises pour bouger les lignes, c’est un petit peu normal que 4 ans après, les lignes commencent à bouger sur ces sujets-là, donc moi je souhaite qu'on fasse la même chose pour la Fonction publique avec effectivement des possibilités de sanctions financières pour les administrations, au passage, je fais remarquer que ça existe déjà, il y a un dispositif aujourd'hui de nominations équilibrées, qui était issu de la loi Sauvadet ou si les administrations ne tiennent pas un certain nombre d’objectifs, ça permet de financer, et d’ailleurs, de financer des fonds en faveur de l'application de mesures d'égalité entre les femmes et les hommes. Donc le dispositif existe déjà. Et puis, ensuite, ma deuxième remarque, c'est que l'index, ça ne doit être évidemment est la seule mesure pour faire l'égalité salariale. C’est un dispositif, un outil complémentaire pour ensuite mettre en place des plans, depuis 3 ans, il y a des plans d'égalité entre les femmes et les hommes qui s'appliquent. J’aurai, voyez, avec les syndicats, l'occasion de renégocier ces plans-là pour les années à venir, ça fait partie de nos chantiers 2023. On va continuer à avancer sur les nominations dans les postes à plus forte responsabilité, il y avait un objectif de 40 % de femmes dans les primo-nominations, depuis 2020, on a dépassé cet objectif. J’ai annoncé, et je réunirai tout à l'heure des syndicats, des collectifs d'agents, pour annoncer qu'on va rendre encore plus ambitieux ces objectifs de nomination. 45% de nominations équilibrées dans les postes à plus haute responsabilité dans les administrations, 50% pour tous les emplois à décision du gouvernement, et puis, qu'on va regarder aussi, pas simplement le flux de nominations mais le stock d'emplois, que les 40%, d'ici la fin du quinquennat, on puisse avoir atteint les 40%, c'est-à-dire, et c'est ça la révolution aussi culturelle, de se doter d'une obligation, non pas simplement de nominations, mais de résultat, à la fin du match. Donc voyez qu’on avance sur tous ces sujets-là…
ORIANE MANCINI
Non, mais justement, là-dessus, il y aura le 5 avril, examinée dans l'hémicycle du Sénat une proposition de loi justement pour renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans la Fonction publique, est-ce que vous vous soutiendrez ce texte ?
STANISLAS GUERINI
Oui, pour la très bonne raison que je travaille depuis des mois avec les délégations du droit des femmes au Sénat, à l'Assemblée. Je les réunis dans quelques jours, le 17 mars pour avoir un moment de travail et préparer ensemble ce texte, donc, moi ce texte-là, je le vois comme l'opportunité législative de pouvoir donner une traduction réelle, concrète aux engagements que je prends aujourd'hui, à la fois sur l’index, à la fois sur le dispositif de nominations équilibrées et qu’on puisse en faire…
ORIANE MANCINI
Et qui ne doit plus concerner que les primo-nominés, on est d’accord…
STANISLAS GUERINI
Exactement, vous avez raison…
ORIANE MANCINI
Ça doit être élargi à tout le monde…
STANISLAS GUERINI
Vous avez bien compris que l'index, c’est une photographie d'ensemble et des dispositifs de correction, voire de sanction, qu'on renforce encore l'ambition du dispositif de nominations équilibrées, et que tout ça, je souhaite en faire un sujet trans-partisan, trans-chambre, si je puis dire, et que tous ensemble, on ait, là, une belle avancée collective pour l'égalité salariale, j'ajoute, pardon, un mot, parce que je pense qu’il faut se battre pour l'égalité économique, mais il faut davantage aussi travailler sur les conditions de travail, je pense que si on n’améliore pas très concrètement l'environnement de travail, alors, parfois, on a quelques voeux pieux dans des objectifs chiffrés, c’est pour ça que les sujets, par exemple, de santé au travail, de santé des femmes, sont des sujets qui sont très importants.
JULIEN LECUYER
Justement, j'allais vous interroger là-dessus, puisque parmi les autres mesures, vous avez annoncé la fin du délai de carence pour les arrêts maladie liés aux fausses couches, est-ce que vous réfléchissez à d'autres mesures pour la santé, notamment des femmes, pour ces femmes victimes d’endométriose ou d’autres maladies ?
STANISLAS GUERINI
Oui, bien sûr, je l’ai dit, j’en parlerai d'ailleurs tout à l'heure, ça fait partie du plan sur lequel je souhaite que dans les prochains mois, on puisse avancer, et avancer très fort, sur la prévention, on ne fait pas assez de prévention, c'est connu dans notre pays, on ne fait surtout pas assez de prévention au travail sur, à la fois, des maladies chroniques, sur des sujets qui sont très importants comme les cancers, les cancers féminins, ils interviennent de plus en plus tôt. Donc je travaille, là aussi, sous tous les angles, c'est-à-dire, à la fois, des dispositifs de prévoyance, je suis en train de mener une négociation très importante pour introduire un dispositif de prévoyance dans la Fonction publique, c’est-à-dire, de meilleure couverture des risques qui touchent les agents, sur les décès, sur l'invalidité, sur les arrêts longue maladie…
JULIEN LECUYER
Ce ne serait plus une mutuelle complémentaire à la discrétion…
STANISLAS GUERINI
Mais ça ne serait pas annexé à la décision de chaque agent de se couvrir ou pas, mais ça serait une grande avancée sociale, c'est-à-dire que l'ampleur public se mettrait au bon niveau pour mieux couvrir pour tous ces agents, ces risques et ces risques lourds, et parfois, de plus en plus importants, mais là aussi, je pense qu'il faut avancer sur ces sujets-là nouveaux, parfois, en tant qu'employeur public, et puis, faire en sorte que des décisions qu’on prend, elles s'appliquent pour de bon, vous avez mentionné la suppression du jour de carence pour les femmes qui subissent des fausses couches, c’est très important, plus de 150.000 femmes chaque année qui subissent une fausse couche. La situation aujourd'hui, elle est absolument inacceptable, c'est-à-dire que, légitimement, votre médecin vous prescrit un arrêt de travail, et en plus d'avoir des conséquences, parfois physiques, parfois psychologiques, vous avez une conséquence financière, parce que vous avez un jour de carence, bon, on va supprimer ça. Et je veux que ça s'applique pour de bon, c'est-à-dire en garantissant aussi la confidentialité du dispositif. Et donc, c'est pour ça qu'on est en train de travailler dans le détail avec l'Assurance-maladie pour qu’on puisse passer par un tiers et garantir, vis-à-vis du DRH tout simplement, une confidentialité complète, c’est la condition pour que ce type d'avancée, ce sont des avancées, elle puisse non pas simplement être des avancées formelles, de papier, mais des avancées réelles dans la vie des agents.
ORIANE MANCINI
Merci Stanislas GUERINI.
STANISLAS GUERINI
Merci à vous.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'avoir été notre invité.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 10 mars 2023