Texte intégral
JEFF WITTENBERG
Bonjour Stanislas GUERINI.
STANISLAS GUERINI
Bonjour.
JEFF WITTENBERG
Merci d’être avec nous ce matin. Lorsque vous voyez, c’était dans le journal de 07h30, ces manifestations spontanées, ces rassemblements qui ont parfois tourné à la violence, comme à Paris, place de la concorde mais aussi à Rennes ou à Nantes, qu’est-ce que vous vous dites ? Ce 49.3, déclenché hier par la Première ministre, il est décidément très mal vécu. Est-ce qu’il n’aurait pas mieux valu passer par un vote, quitte à le perdre, ce vote ? Lorsque vous voyez tout ce que cela déclenche.
STANISLAS GUERINI
D’abord, il ne faut pas tout confondre, Jeff WITTENBERG, il ne faut pas tout confondre. Les manifestants, les organisations syndicales qui ont manifesté du désaccord, de la colère, de l'incompréhension qui l'ont fait en tenant extraordinairement bien les manifestations, il faut les saluer pour ça. Et c'est évidemment éminemment respectable dans une démocratie avec ceux qui, d'ailleurs sont souvent les mêmes qui viennent pour casser, pour incendier et parfois pour attaquer les forces de l'ordre et donc j'en profite aussi pour remercier systématiquement celles et ceux qui défendent l'ordre dans notre pays : les policiers, les sapeurs-pompiers qui viennent éteindre les incendies, ce qui est essentiel, dans une démocratie que les choses puissent se faire dans le calme.
JEFF WITTENBERG
Cet incendie, pardon monsieur le Ministre, qu’est-ce qui l’a déclenché ? Qu’est-ce qui a déclenché cet incendie, si ce n’est cette décision d'employer l'article 49.3 ?
STANISLAS GUERINI
Oui, Jeff WITTENBERG, c’est là où il ne faut pas tout confondre. On peut avoir des désaccords profonds, mais il faut rester dans des cadres à la fois apaisés et institutionnels. Nous, puisque vous m'interrogez sur le 49.3, nous avons cherché à bâtir une majorité autour du texte sur les retraites. On cherche à bâtir cette majorité jusqu’à la dernière minute. Nous ne nous sommes jamais cachés de ça. Notre intention n'était pas celle du 49.3. Notre intention était de faire voter ce texte.
JEFF WITTENBERG
Et vous ne l'avez pas obtenu.
STANISLAS GUERINI
Mais nous avons un choix à faire, un choix politique. Et le choix que nous avons fait, c’est le choix de l'intérêt du pays, pas de l'intérêt du Gouvernement, de la majorité, le choix de l'intérêt du pays.
JEFF WITTENBERG
Alors, avant le 49.3 qui a déclenché donc ce que ce qu'on a vu hier soir, car il y a eu la réforme elle-même qui, elle aussi, est rejetée par une majorité de Français, par une intersyndicale, vous parliez et vous les saluiez, des manifestations paisibles, pacifiques, qui se sont déroulés, mais c'est Laurent BERGER, le leader de la CFDT qui constate, je le site, qu’il y a des millions de manifestants qui sont descendus dans la rue, à huit reprises, dans le calme. Et finalement, ils n'ont pas obtenu ce qu'ils voulaient, à savoir un retrait de la réforme, alors qu’en quelques samedi violent, les gilets jaunes, eux, avaient obtenu le déblocage de dix milliards. Est-ce que la violence, finalement, n'est pas plus efficace ? C’est ce qu’il dit.
STANISLAS GUERINI
Non. On ne peut pas le laisser dire ça. Parce que le texte, sur lequel le Gouvernement engage sa responsabilité - puisque c'est bien le Parlement qui aura le dernier mot - le texte sur lequel le Gouvernement engage sa responsabilité, c'est le texte du Parlement, c'est le texte qui est issu d'un compromis parlementaire, ça n’est pas…
JEFF WITTENBERG
Et pas celui des syndicats.
STANISLAS GUERINI
Oui. Mais ça n'est pas celui du Gouvernement non plus. Le Gouvernement avait une position et le président de la République l'avait d'ailleurs exprimé dans l'élection présidentielle, la retraite à 65 ans. A la fin, ce texte a beaucoup bougé. Il a bougé par le dialogue avec les organisations syndicales, avant même d'être présenté au Parlement. Et puis, il a bougé au Parlement sur des sujets qui sont des sujets essentiels : celui des carrières longues, celui des mères de famille, celui de la pénibilité. Il a beaucoup bougé.
JEFF WITTENBERG
Mais vous savez bien que la pierre angulaire de…
STANISLAS GUERINI
Et au final, pardon, mais il faut expliquer ça, le texte sur lequel nous engageons notre responsabilité, c'est le texte qui avait été voté par le Sénat, puis modifié et c’est un texte du Parlement.
JEFF WITTENBERG
Alors, on va venir à ce compromis, mais j'en reviens quand même d'un mot à la question de la violence qui s'est exprimé après cette annonce d'hier. Est-ce que vous, par exemple, vous craignez pour la sécurité des élus ce week-end ? C'est Gérald DARMANIN qui a dit que les permanences, voire les domiciles de certains parlementaires seraient protégés parce qu’on craint la colère des Français qui sont violemment opposés à cette réforme et à l’emploi du 49.3.
STANISLAS GUERINI
Evidemment, s’il est nécessaire, et moi, je ne ferai jamais l'amalgame entre les Français, comme vous dites, qui, dans leur immense majorité peuvent manifester leur désaccord, le font de façon pacifique et quelques-uns qui sont en réalité des spécialistes de la violence, qui sont là systématiquement et qu'il faut évidemment encadrer. Et donc, notre responsabilité à nous, le Gouvernement, celle du ministre de l'Intérieur, responsabilité qu’il a parfaitement prise, rapidement et assumé, c'est de protéger la démocratie, c'est-à-dire les parlementaires, tous les parlementaires, quel qu'ils soient, quel que soit leur bord, parce que dans une démocratie, il y a une légitimité, celle des élus, celle du peuple évidemment, qui y a le droit de manifester. Mais, tout ça doit se faire dans un cadre apaisé.
JEFF WITTENBERG
Alors, vous avez dit donc, le texte qui sera finalement adopté sans vote, si les motions de censure sont rejetées, c'est le fruit d'un compromis, d'ores et déjà, un certain nombre de députés Républicains ont annoncé qu'ils voteraient, ou en tout cas qu'ils ne s'interdisaient pas de voter là où les motions de censure. Est-ce qu'il y a, parlons franchement, un risque de renversement du Gouvernement, lundi, lorsque ces motions seront discutées ?
STANISLAS GUERINI
Mais, il y a toujours un risque, bien sûr, qu'un 49.3, c'est un risque pour un Gouvernement. La Première ministre a courageusement pris cette décision. Elle engage la responsabilité de son Gouvernement. Ça n'est pas rien dans la démocratie, et c'est vrai que parfois le 49.3 est caricaturé, d'une certaine façon, c'est un outil démocratique qui est d'abord celui de l'engagement de la responsabilité du Gouvernement.
JEFF WITTENBERG
Il y a un risque ?
STANISLAS GUERINI
Il y a un risque. Mais entre un risque pour le Gouvernement, pour la majorité, mais le risque pour le pays…
JEFF WITTENBERG
Quel risque pour le pays ?
STANISLAS GUERINI
Mais le risque pour le pays c’est de ne pas adopter cette réforme. Parce que notre conviction, ma conviction est la plus profonde., c’est que cette réforme des retraites, elle est nécessaire pour notre pays. Et en l'occurrence, le choix politique que nous avons fait c'est de ne pas jouer à la roulette russe l'avenir de notre système de retraite par répartition, une partie de l'avenir financier de notre pays au gré des jeux politiques. Nous, nous avons fait le choix parce que c'est une nécessité pour le pays d'engager notre responsabilité. C'est un choix qui n’est pas notre intérêt personnel. Notre intérêt personnel serait plutôt d'aller au vote, d'une certaine façon ; et au pire si la réforme n’était pas adoptée. Elle n’a pas été adoptée, mais nous n'avons pas fait ce choix-là, parce que nous avons la conviction la plus profonde que ce texte, il est utile et nécessaire pour notre pays.
JEFF WITTENBERG
Est-ce que vous admettez que cette conviction, vous n'êtes pas parvenu à la faire partager ni par les Français, si on en croit les enquêtes d'opinion, ni à ceux qui, au départ, étaient pourtant favorables à cette loi ? Il y a un problème de convictions et de compromis politiques. La Première ministre a parlé d'un texte de compromis, mais le compromis, vous ne l'avez eu ni socialement ni politiquement. C’est une réalité. A un moment, il y a un peu de doute chez vous, quand même.
STANISLAS GUERINI
Nous avons toujours été clairs sur nos intentions politiques y compris celle de bâtir une majorité. Il y a un groupe de Républicains qui s’était exprimé clairement par la voix de leur leader, celui de leur parti politique, celui de leur groupe parlementaire, le Sénat. Majorité sénatoriale LR a voté.
JEFF WITTENBERG
Ils n’ont pas tenu parole, c’est ce que vous dites.
STANISLAS GUERINI
Ils ont été visiblement, objectivement, traversés par des divisions profondes et n'ont pas su tenir l'engagement qui était le leur, de voter cette réforme.
JEFF WITTENBERG
Ils ont peut-être consulté leurs électeurs, ceux qui voulaient voter non.
STANISLAS GUERINI
L'engagement qui était le leur, non pas vis-à-vis de nous, mais vis-à-vis de leur électorat, vis-à-vis des positions qu'ils ont portées historiquement. Pendant des années, ils ont voté une réforme qui approchant de celle que nous avons proposée au Sénat. Eh bien, on voit bien que ce sont ces divisions-là qui, objectivement… Mais il faut expliquer tout ça parce que ça permet de comprendre aussi la genèse des décisions. Et qui ne nous a pas permis, voilà, je ne vous raconte pas d'histoire, ce matin, Jeff WITTENBERG, de bâtir une majorité, ce qui était notre objectif. C'est pour ça que nous avons pris nos responsabilités, j'insiste sur ce terme-là.
JEFF WITTENBERG
Elisabeth, elle peut et elle doit rester à Matignon ?
STANISLAS GUERINI
Mais bien entendu. La Première ministre, une femme d'Etat, extrêmement courageuse, qui a pris ses responsabilités, qui a fait passer, je le crois très profondément, l'intérêt du pays avant son intérêt personnel.
JEFF WITTENBERG
Elle n’est pas affaiblie après cette affaire.
STANISLAS GUERINI
Et moi, je vais vous dire, je suis très fier de servir dans ce Gouvernement, cette Première ministre, ce Président de la République-là. Parce qu’ils ont démontré, par la décision difficile qu’ils devaient prendre hier, qui est une décision qui est toujours très personnelle d’engager la responsabilité de son propre Gouvernement. Ils ont démontré leur sens de l'intérêt du pays, de la Nation, qu'ils ont fait passer avant l'intérêt politique d’un Gouvernement.
JEFF WITTENBERG
Mais, les images qu'on a vues hier, ces huées dans l'hémicycle, une Première ministre visiblement affectée par, elle l'a dit d'ailleurs chez nos confrères de TF1, est-ce qu'elle est affaiblie ? Est-ce que vous admettez qu’il y a un avant et un après ?
STANISLAS GUERINI
Jeff WITTENBERG, c'est toujours une épreuve. Parfois, le fait de regarder cela à la télévision minimise ce qui était à l'hémicycle hier. Quand des groupes politiques, objectivement, tentent, pendant toute la durée du discours, de faire en sorte qu'on ne puisse même pas entendre l'orateur - la Première ministre en l'occurrence - eh bien, c'est une certaine conception de la démocratie. Moi, je vois que bafouer les règles de notre Parlement tout en criant démocratie, c'est très dangereux et c'est une pente glissante. Je pense que notre responsabilité c’est aussi garant des institutions.
JEFF WITTENBERG
Monsieur GUERINI, il nous reste quelques secondes. Vous ouvrez un nouveau front contre Anne HIDALGO, après la grève des éboueurs dont vous accusez mutuellement.
STANISLAS GUERINI
Moi, je n’ouvre aucun front.
JEFF WITTENBERG
Non, mais
STANISLAS GUERINI
Je demande à ce qu’on applique la loi.
JEFF WITTENBERG
Voilà, vous dénoncez en tout cas le paiement des jours de grève, la retenue sur salaire des jours de grève faite par la mairie de Paris. Expliquez-nous en quelques mots.
STANISLAS GUERINI
J'ai demandé au préfet de la région île-de-France de mener, parce que c’est sa responsabilité, un contrôle de légalité. Quant à ce que la maire de Paris demande de faire, c'est-à-dire de traiter de façon différente les grévistes en fonction des préavis. Si vous faites grève pour la réforme des retraites, alors on va vous plafonner vos jours de grève pas plus de deux jours de retenue par mois.
JEFF WITTENBERG
Ça, ce n’est pas légal.
STANISLAS GUERINI
Si vous faites grève pour un autre motif, alors, vous ne bénéficierez pas de ce traitement-là.
JEFF WITTENBERG
Ce n’est pas légal ?
STANISLAS GUERINI
J'ai des très sérieux doutes sur la légalité de ce dispositif. C'est pour ça que j'ai demandé au préfet de la région de mener un contrôle de légalité. Je pense que depuis le début de cette grève, Anne HIDALGO a une gestion militante de la grève. Il me semble que c'en est une nouvelle démonstration et c’est bien dommage.
JEFF WITTENBERG
Eh bien, vous nous l’avez dit ce matin. Merci beaucoup Stanislas GUERINI. Bonne journée.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 17 mars 2023