Interview de M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, à LCI le 20 mars 2023, sur la motion de censure, l'engagement de responsabilité et l'utilisation de l'article 49-3 pour la réforme des retraites.

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Intervenant(s) : 

Média : LCI

Texte intégral

ADRIEN GINDRE
Bonjour Olivier DUSSOPT.

OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.

ADRIEN GINDRE
Merci beaucoup d’être là ce matin, en ce jour donc de vote de motions de censure, est-ce que vous serez toujours ministre ce soir ?

OLIVIER DUSSOPT
C’est le Parlement qui va en décider, mais vous avez raison de poser la question comme ça. la motion de censure, l’engagement de responsabilité, c’est un élément, c’est un moment qui est très important, c’est un moment au cours duquel la Première ministre remet dans les mains du Parlement à la fois le maintien, la durabilité de son gouvernement, le destin de son gouvernement, et le sien par la même occasion, donc c’est un moment important, un moment qui doit permettre à la fois de vérifier que la confiance du Parlement est toujours là, et dans le même temps de permettre, si les motions de censure sont rejetées, l’adoption de la réforme.

ADRIEN GINDRE
Alors on va revenir en détail sur cette motion de censure dans un instant, d’abord un mot du président de la République parce qu’il a choisi de s’exprimer hier soir dans une déclaration à nos confrères de l’Agence France Presse, il exprime son souhait que le texte des retraites puisse aller, dit-il, au bout de son cheminement démocratique dans le respect de tous, ça veut dire quoi au bout de son cheminement démocratique ?

OLIVIER DUSSOPT
Ça veut dire que depuis maintenant plusieurs mois le texte de réforme des retraites fait l’objet de concertations et de débat, d’abord des concertations avec les partenaires sociaux, syndicats et patronat, ça n’a pas suffi à lever tous les désaccords, nous le savions, notamment sur les questions d’âge ou de durée de cotisation, mais des concertations politiques avec des points de convergence qui ont pu être trouvés avec telle ou telle famille politique, nous disons la nécessité qu’il y avait à mener une réforme. Et puis il y a eu un débat parlementaire, ce débat parlementaire, il faut le souligner, il n’est pas aussi inexistant que certains le prétendent, il a été saboté à l’Assemblée nationale, avec une obstruction délibérée de la gauche, 20.000 amendements, et finalement l’organisation d’une obstruction pour priver l’Assemblée nationale du droit de se prononcer, même s’il y a eu presque 80 heures de débat à l’Assemblée, il est allé au bout du débat au Sénat, avec plus de 100 heures de débat au Sénat…

ADRIEN GINDRE
Mais Olivier DUSSOPT, ça peut être vu comme…

OLIVIER DUSSOPT
Pardon, mais c’est important, avec un vote…

ADRIEN GINDRE
Une provocation, les propos du chef de l’Etat, puisqu’on vous dit 49.3, article 47.1 de la Constitution, 44.3, toute une série d’articles, certes constitutionnels, c’est incontestable, mais qui ont contraint, soit le temps de débat, soit le déroulé, soit l’adoption in fine.

OLIVIER DUSSOPT
Il faut ramener les choses à leur juste raison. Vous me dites le temps de débat a été contraint, quand on regarde le temps passé, dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, dans l’hémicycle du Sénat, on arrive à 175 heures, c’est plus que le total cumulé des deux dernières réformes des retraites, les deux dernières réformes des retraites, 2013 et 2010, à elles eux ont été débattues moins longtemps par le Parlement.

ADRIEN GINDRE
Mais alors comment vous expliquez que votre méthode paraisse pour certains, et je précise bien pour certains, si peu démocratique, parce que, admettons, mettons de côté cette question du temps, vous avez raison, il y a la question, il y a eu un vote unique au Sénat, il y a eu le 49.3 à l’Assemblée nationale, il y a quand même eu des mécanos institutionnels qui vous ont permis d’avancer là où…

OLIVIER DUSSOPT
Qui nous ont permis de contourner, de surmonter une obstruction délibérée. Je vais prendre deux points dans ce que vous avez dit. Le vote unique, ou que certains appellent le vote bloqué, ça dépend si on est au Sénat ou à l’Assemblée, lorsqu’on se retourne et qu’on regarde les 20 dernières années, la réforme des retraites de 2003, celle de 2010, celle de 2013, elles ont toute en commun qu’à un moment ou un autre, soit à l’Assemblée ou au Sénat, il y a eu recours à un vote unique et à cet article 44 de la Constitution, et il y avait une nécessité de contourner, de surmonter une obstruction. Je prends un exemple, mais, lorsque vous avez un amendement d’un sénateur de gauche qui demande au gouvernement de remettre un rapport le 1er mai 2024 et que derrière vous avez une centaine de sous-amendements, dont la seule modification est de dire ça ne sera pas le 1er mai, mais le 2, puis le 3, puis le 4, c’est une volonté de bloquer.

ADRIEN GINDRE
Donc vous dites aux manifestants, et à ceux qui vous critiquent aujourd’hui, circulez, il n’y a rien à voir, il n’y a pas de reproches à faire sur la démocratie dans ce contexte ?

OLIVIER DUSSOPT
Pas de raccourci, mais il y a eu un processus de débat, il y a un processus de débat avec les partenaires sociaux, débat avec le Parlement, rappelons-le, le texte, la réforme a été votée intégralement, discutée intégralement et votée par le Sénat une première fois, une commission mixte paritaire, Assemblée nationale-Sénat, l’a adoptée, par 10 voix contre 4, et le Sénat, à nouveau, a confirmé les conclusions de la commission mixte paritaire, et ce soir, avec le vote de la motion de censure, nous irons au bout de ce processus démocratique puisque si la motion est rejetée, le texte est adopté.

ADRIEN GINDRE
Il y a une étape, si elle est adoptée encore, après c'est la promulgation par le chef de l'Etat, quand se fera la promulgation de la loi ?

OLIVIER DUSSOPT
Dès lors il y a de forte chance que tout ou partie des oppositions demandent au Conseil constitutionnel de vérifier un texte, c'est très légitime, et dès lors que le Conseil constitutionnel aura rendu son avis le chef de l'Etat, comme c'est la coutume, comme c’est la règle, pourra promulguer ce texte.

ADRIEN GINDRE
La loi elle entrera en vigueur au 1er septembre comme prévu ou vous laisserez le temps, par exemple, au référendum d'initiative partagée d’aller à son terme ?

OLIVIER DUSSOPT
Elle est ainsi écrite, la loi est ainsi écrite, elle prévoit une entrée en vigueur le 1er septembre 2023, avec un premier décalage de l'âge d'ouverture des droits de trois mois pour une partie de la génération 1961, mais ce n’est pas que ça qui entre en vigueur au 1er septembre 2023…

ADRIEN GINDRE
Donc ça ne bougera pas le 1er septembre ?

OLIVIER DUSSOPT
C’est la revalorisation des petites retraites, c'est la mise en place des droits et du caractère contributif du cumul emploi-retraite, c'est l'ouverture de la retraite progressive, et son ouverture non seulement de manière plus facile aux salariés du privé, mais aussi aux agents publics qui en sont privés aujourd’hui, et donc…

ADRIEN GINDRE
Donc vous ne laisserez pas le référendum d'initiative partagée prospérer pendant neuf mois pour attendre la mise en vigueur de votre réforme ?

OLIVIER DUSSOPT
Il y a des procédures, des règles, l'opposition, une partie de l'opposition, a fait le choix d'ouvrir une procédure relative au référendum, qui doit lui aussi obéir à un certain nombre de délais, mais l’un n’empêche pas d’avancer.

ADRIEN GINDRE
Je le disais, le président de la République s'est exprimé dans une déclaration à l'Agence France Presse, est-ce que ça suffit, est-ce que vous souhaitez, vous, est-ce que vous considérez utile que le chef de l'Etat s'adresse directement aux Français par exemple à la télévision ?

OLIVIER DUSSOPT
Ce n’est pas aux ministres de dire au chef de l'Etat ce qu’il doit faire, nous sommes là pour mettre en oeuvre sa politique, nous sommes là aussi pour lui dire notre sentiment, notre avis, mais ça ne se fait pas sur un plateau de télévision, le chef de l'Etat est le maître de son propre calendrier. Les Français connaissent Emmanuel MACRON, ils savent à la fois sa capacité à aller au bout de ses engagements, et ils savent sa capacité à faire ce qu'il dit. Sur la réforme des retraites, puisque c'est l'actualité du jour, que l'on soit d'accord ou pas avec la réforme, et nous savons qu'il y a des oppositions, ce n'est pas une réforme surprise, elle a été annoncée par le président de la République quand il était en campagne pour sa réélection, elle a été portée par l'ensemble des candidats de la majorité présidentielle…

ADRIEN GINDRE
Mais tout ça, Olivier DUSSOPT, vous l’avez tous dit, ça n’a pas suffi à convaincre les syndicats, votre majorité parlementaire possible…

OLIVIER DUSSOPT
La majorité est parfaitement unie, donc…

ADRIEN GINDRE
Ah bah vous n’avez pas pu faire de vote la semaine dernière…une majorité parlementaire possible, pardon, il n’y a pas eu de vote pour la réforme des retraites à l’Assemblée la semaine dernière.

OLIVIER DUSSOPT
Pourquoi nous ne sommes pas allés au vote la semaine passée, non pas parce que la majorité avait un problème, la majorité était parfaitement unie…

ADRIEN GINDRE
Parce que vous n’aviez pas de majorité.

OLIVIER DUSSOPT
Nous ne sommes pas allés jusqu’au vote parce qu’il y avait un risque, nous l’avons dit, non pas à cause des Républicains en général, mais à cause des échappées personnelle et des positionnements personnels de certains de leurs députés, et donc dans une réforme aussi importante, j'ai eu l'occasion de le dire, on ne joue pas à la roulette russe, ce soir-là la motion de censure vient clore ce chapitre parlementaire.

ADRIEN GINDRE
Mais vous avez eu l'occasion de dire il y a un vote à l'Assemblée cet après-midi, la Première ministre, sur TF1 jeudi, dit également le vote ce sera pour ou contre la réforme, cet après-midi la censure, pourquoi dans ce cas-là, puisque vous vous félicitez qu’il y ait un vote cet après-midi, ne pas avoir dit on tente le vote jeudi à l'Assemblée, les députés étaient…à se prononcer ?

OLIVIER DUSSOPT
Le vote de cet après-midi est encore plus important, je l’ai dit tout à l’heure…

ADRIEN GINDRE
Il est surtout plus facile pour vous.

OLIVIER DUSSOPT
Je l’ai dit tout à l’heure, qu’est-ce qu’il y a de plus démocratique que de voir une cheffe de gouvernement remettre le destin de son gouvernement dans les mains du Parlement, c'est ça aussi qui se joue cet après-midi, et quand on est sur ce terrain-là il faut aussi avoir en tête ce que signifie la volonté de faire éventuellement tomber un gouvernement, ça signifie dire, affirmer, qu'il y a une majorité alternative. La question que je pose…

ADRIEN GINDRE
Mais vous n’avez pas d’inquiétude sur le fait que le gouvernement tombe cet après-midi ?

OLIVIER DUSSOPT
La question que je pose ce matin c’est, toutes et ceux qui vont voter les motions de censure qui sont déposées par tel ou tel groupe, notamment le Front national, est-ce qu'ils ont une majorité alternative, est-ce que les députés LR qui vont la voter, est-ce que les députés de gauche…

ADRIEN GINDRE
Comme Aurélien PRADIE qui vient d’annoncer son vote pour la censure.

OLIVIER DUSSOPT
Est-ce que les députés LFI, est-ce que les députés France insoumise, est-ce que tous ces députés-là ont un projet alternatif ? Il y a des pays, et je crois que c’est vraiment le cas de l’Allemagne, où lorsque vous déposez une motion de censure vous ne dites pas seulement « nous voulons faire tomber le gouvernement », vous dites « voilà l'alternative que nous proposons », et là la question c'est quelle est l'alternative ? donc cet après-midi le vote il est important, il est même majeur, parce que lorsque vous êtes dans la situation politique que nous connaissons, et que vous engagez la responsabilité, c'est le terme exact, c'est une échéance majeure qui aura lieu cet après-midi.

ADRIEN GINDRE
Mais vous n'avez pas d'inquiétude sur l'issue ?

OLIVIER DUSSOPT
Vous savez, un vote n'est jamais écrit à l'avance par définition, et donc ceux qui se prêtent à tel ou tel pronostic sont souvent dans l'erreur, moi ce qui compte, ce qui m'intéresse, c'est que nous soyons ce soir pour que nous connaissions le résultat de ce vote.

ADRIEN GINDRE
Est-ce que ce serait vraiment le pire scénario, Olivier DUSSOPT, que le gouvernement soit renversé, certes c'est désagréable et ça ferait sensation, mais ça permettrait peut-être de trouver une sortie de crise, d'avoir une porte pour avancer, parce qu'aujourd'hui on voit mal comment la situation va se débloquer ?

OLIVIER DUSSOPT
Je ne pense pas que ce soit un bon scénario, loin c'en faut, parce que ça crée de l'instabilité, parce que ça crée aussi, ça entraîne le rejet du texte, de la réforme, et ceux qui nous disent que la réforme ne peut pas attendre se trompent. On peut toujours mettre les choses en pause et à l’arrêt, sauf que si nous mettons cette réforme à l'arrêt ça ne met pas le déficit un arrêt, le déficit il continue à se creuser, il n'attend pas la réforme, et nous avons un déficit qui se creuse de manière structurelle. Je l’ai dit et répété, mais de déficit c'est 12,5 milliards par an en 2027, 2027 c’est dans quatre ans, c’est 13,5 milliards en 2030, c'est 20 milliards en 2035.

ADRIEN GINDRE
Et là la réforme elle va rapporter combien in fine, après toutes les modifications que vous avez faites ?

OLIVIER DUSSOPT
La réforme elle permet d’avoir un système de retraite à l'équilibre en 2030, c'est conforme à l'engagement du président de la République.

ADRIEN GINDRE
Elle rapportera combien et les mesures sociales coûteront combien ?

OLIVIER DUSSOPT
La réforme va générer, si on peut dire, entre les recettes, les économies réalisées, autour de 19,5, 19,7 milliards d'euros, nous avons un déficit qui est d’un peu plus de 13 milliards en 2030, et le reste, un peu plus de 6 milliards, permet de financer les mesures d'accompagnement. C’est un point important parce que quand on regarde les réformes du passé, les anciennes réformes des retraites, la part des recettes, la part des économies réalisées, consacrée au financement de mesures qu'on appelle d'accompagnement, mesures sociales, ce n'est pas n'importe quoi, c'est meilleure prise en compte de la pénibilité, c'est le relèvement des petites pensions, c'est l'emploi des seniors, c'est la meilleure prise en compte des carrières longues, mais généralement la part des recettes consacrée aux mesures dites sociales est très basses. En 2010, avec la réforme qui était à l’époque portée par Eric WOERTH, c’était à peu près 30 milliards d'économies, moins de 2 milliards consacrés aux mesures sociales…

ADRIEN GINDRE
Vous rediriez c’est une réforme de gauche aujourd’hui, comme vous l’avez fait ?

OLIVIER DUSSOPT
C’est une réforme nécessaire qui aurait pu être mise en oeuvre par tous les gouvernements socio-démocrates au niveau européen et les échanges que j'ai avec mes collègues me le confirment, mais je le répète, en 2010, 30 milliards de recettes, moins de 2 milliards consacrés aux mesures sociales, 19 milliards de recettes, plus de 6 milliards consacrés aux mesures sociales, c’est la nécessité…

ADRIEN GINDRE
Vous rediriez c’est une réforme de gauche ?

OLIVIER DUSSOPT
Je l’ai dit et je le répète, et quand j’ai prononcé cette phrase c’était pour comparer avec ce que font les gouvernements sociaux-démocrates qui ont mené ces réformes au niveau européen, c'est avant tout une réforme nécessaire et c'est d'informer équilibrée.

ADRIEN GINDRE
Une fois le vote cet après-midi passé, si le gouvernement n'est pas renversé, vous l'avez rappelé, la réforme est réputée adoptée, c’est le fonctionnement du 49.3, c’est la Constitution, vous dites aux manifestants cet après-midi préparez-vous à rentrer chez vous, si le texte est adopté ?

OLIVIER DUSSOPT
Alors, ce sont les organisations syndicales qui sont en charge et qui ont la responsabilité d'organiser ou pas des mouvements sociaux, des mobilisations, et c'est un droit qui se respecte, c'est un droit qui se respecte parce que le droit de grève, le droit de manifestation, le droit d'expression, sont des droits fondamentaux auxquels nous veillons et que nous garantissons. Nous avons toujours dit que pour nous ça ne doit pas s'accompagner de blocages et encore moins de violences, mais quand je dis ça je note dans le même temps que toutes les manifestations organisées par les organisations syndicales se sont bien déroulées, c'est la démonstration que lorsque les manifestations sont encadrées ça se passe mieux, et donc que le mouvement social s'exprime et continue à s'exprimer c'est une responsabilité qui leur appartient, c'est un choix qui est le leur, nous souhaitons que ça soit fait dans le calme et sans blocages.

ADRIEN GINDRE
Mais il y a le risque que le mouvement échappe aux syndicats, il ne se passe pas de la manière que vous venez de décrire. Laurent BERGER de la CFDT, hier encore, le rappelait, il dit j'alerte le président, il le dit très solennellement, il faut retirer le texte avant la catastrophe, il dit nous on a été hyper clean, et vous le reconnaissez, mais la tentation de violences est là. Qu'est-ce que vous lui répondez ?

OLIVIER DUSSOPT
Les violences ne sont pas acceptables déjà, premier point, et c'est aussi l'occasion pour moi, parce qu'il y en a, et je le répète, ce n'est pas le fait des organisations syndicales, mais il y a des violences, nous avons tous vu les images à Paris et ailleurs, avec des sous-préfectures attaquées, avec des permanences parlementaires dégradées, avec des coupures sauvages qui sont une forme aussi de de violence, lorsqu’on coupe d'électricité, de gaz, tel ou tel habitation…

ADRIEN GINDRE
Permanences dégradées par exemple pour Eric CIOTTI, président de LR, et des députés de la majorité.

OLIVIER DUSSOPT
Eric CIOTTI, Guillaume GOUFFIER-CHA, d’autres qui ont leurs permanences dégradées, tout ça n’est pas acceptable, mais je sais que les organisations syndicales ne le cautionnent pas, dans leur immense majorité, en tout cas pour…

ADRIEN GINDRE
Elles ne cautionnent pas, mais elles ont peur que ça leur échappe justement, que ce mouvement se radicalise, qu'il y ait de plus en plus d'actions comme celles que vous décrivez.

OLIVIER DUSSOPT
Je n’ai pas l’habitude, je le dis souvent aussi, de faire la météo du climat social…

ADRIEN GINDRE
Philippe MARTINEZ dit…

OLIVIER DUSSOPT
Il n’y a pas seule violence qui soit acceptable.

ADRIEN GINDRE
Il dit c’est de votre responsabilité, c’est de sa responsabilité, celle d’Emmanuel MACRON, si la colère est à ce niveau-là. Est-ce que vous dites oui, on a une part de responsabilité, mais on avance quand même ?

OLIVIER DUSSOPT
Notre responsabilité c’est que le système de retraite soit pérennisé, qu’il soit sauvé et qu'il soit ramené à l'équilibre, il faut retour revenir à l'origine des choses, et l'origine des choses, au-delà de l'engagement du président de la République pendant sa campagne, c'est la nécessité, face à une situation de déficit, de mise en danger du système de retraite, de pouvoir le préserver. Vous savez, les plus fortunés, les plus favorisés de notre pays, ne s'inquiètent pas et finalement ne s'inquiètent pas beaucoup pour eux sur leur capacité à avoir une retraite, parce que lorsque vous avez très largement les moyens vous pouvez vous faire une retraite par capitalisation, la retraite elle est particulièrement importante pour celles et ceux qui justement n'ont pas ces moyens, n'ont pas cet argent, parce qu’en préservant et en protégeant notre système de retraite on garantit un revenu à tous les travailleurs, toutes les travailleuses, lorsqu'ils arrivent à l’âge de la retraite.

ADRIEN GINDRE
Olivier DUSSOPT, quel que soit le bien-fondé de la réforme, et vous la défendez c'est normal, c'est aussi votre travail, mais il y a un contexte social aujourd'hui. La présidente de l'Assemblée, qui est de votre bord politique, hier reconnaissait la démocratie ne va pas bien, la présidente du groupe Renaissance à l'Assemblée, Aurore BERGE, dit il faudra retisser le lien avec les Français, est-ce que vous n'êtes pas aujourd'hui inquiet de l'état du pays ?

OLIVIER DUSSOPT
Il y a une inquiétude qui ne date pas de cette réforme des retraites, on en a vu des signes, des symptômes, au cours des derniers mois, des dernières années, avec une forme de discrédit de la parole politique, et que soit celle de l'opposition, comme de la majorité, celle du Parlement, comme celle de l'exécutif, et il y a une nécessité de recréer ces liens, peut-être de penser les choses différemment, d’avoir une capacité à rendre les effets de la politique, et donc de l’action publique, plus vite concrets, parce que souvent, et c’est un constat qui est fait, auquel nous nous opposons, face auquel nous luttons, mais qui est un combat difficile, souvent la complexité des choses fait que les résultats concrets des politiques sont mises en place ont du mal à être immédiatement sentis, et donc il faut travailler ces questions d'efficacité, il faut aussi travailler avec la volonté de renouer un dialogue, vous citiez tout à l'heure Laurent BERGER, j’ai vu ce qu’il dit aussi, ce matin dans une interview, en disant il y aura un avant et un après, il n'y a pas, pour reprendre son expression, un anglicisme, il dit il n’y a pas « reset » quand on a une opposition aussi forte sur un sujet, et je le partage, moi je ne suis pas dans une attitude qui consiste à dire on efface tout, on fait comme si de rien n'était, par contre il y a des sujets, à la fois à court terme et à moyen terme, qui nécessitent du dialogue social, qui nécessitent de s'impliquer. Aurore BERGE…

ADRIEN GINDRE
Ça sera encore possible de le faire ?

OLIVIER DUSSOPT
Aurore BERGE a évoqué le partage de la valeur, mais il y a des questions relatives à la gouvernance de l'assurance chômage, des questions relatives à la formation, des questions relatives aux conditions de travail, je pense notamment aux assises du travail, que j'ai ouvertes en décembre, avec un rapport qui nous sera bientôt remis et des propositions, il faut qu'on puisse avancer. Je le répète, il y aura un avant et un après, pas méthodiquement, et en posant le cadre de la discussion.

ADRIEN GINDRE
Juste avant de prolonger sur cette idée, toute l'heure vous disiez on ne souhaite pas de blocages, ça ne peut pas faire partie de la contestation, si ces blocages se confirment, on voit par exemple dans le Sud il y a des stations-service à Marseille qui manquent déjà d'essence, il a la raffinerie de Gonfreville qui a été mise à l'arrêt, est-ce que vous allez prononcer des réquisitions, est-ce que les autorités vont prononcer des réquisitions ?

OLIVIER DUSSOPT
Nous l’avons déjà fait…

ADRIEN GINDRE
Est-ce que vous allez le faire là ?

OLIVIER DUSSOPT
Nous l’avons déjà fait à l’automne dernier, chaque chose en son temps et chaque décision quand il le faut, donc pas de précipitation en la matière, c'est la position qui est la mienne, mais nous l'avons déjà fait au mois de d'octobre ou au mois de novembre, j’ai peur de dire une bêtise sur le calendrier, et évidemment lorsque la nécessité là nous prenons là aussi nos responsabilités.

ADRIEN GINDRE
Il y a aujourd'hui une Première ministre en place, on verra cet après-midi si le gouvernement est renversé ou pas, si le gouvernement n'est pas renversé, et que donc techniquement c'est toujours la même équipe qui est en place ce soir, est-ce qu’Elisabeth BORNE reste malgré tout la bonne personne à la bonne place, est-ce qu'on peut sortir d'une séquence politique, qui l’a beaucoup abîmée, qui vous a beaucoup abîmé collectivement le gouvernement, parce qu'elle est difficile, est-ce qu'on peut sortir indemne et poursuivre son action publique ?

OLIVIER DUSSOPT
La Première ministre est tout à sa tâche, et je peux vous assurer qu'elle est à la fois déterminée, solide, elle est très consciente de la situation, du climat social, de l'état du pays pour reprendre votre expression tout à l'heure, et je la soutiens pleinement dans ce qu'elle fait et dans le travail qui est le sien. Il y a toujours, dans des moments comme ceux que nous vivons, des interrogations, pour ne pas dire des rumeurs, sur tel ou tel changement, dans le cadre de nos institutions ça appartient au président de la République et à la Première ministre, et je ne suis pas dans la politique fiction, notre Première ministre est solide et je la soutiens dans son action.

ADRIEN GINDRE
Un Premier ministre de droite ça peut malgré tout avoir du sens pour trouver des accords à l’avenir… ?

OLIVIER DUSSOPT
Je crois qu’à l’instant je vous ai dit que n’étais pas dans la politique fiction, nous sommes au travail, dans un collectif gouvernemental, et avec une échéance ce soir qui est importante, avec l’examen et le vote sur les deux motions de censure, et des chantiers qui sont tout aussi importants et qui sont en cours de débat et d'examen devant le Parlement.

ADRIEN GINDRE
Alors, vous n’êtes pas dans la politique fiction, mais vous souhaitez quand même que texte par texte les Républicains votent avec vous pour la suite, ça reste quand même une…

OLIVIER DUSSOPT
Moi je souhaite que texte par texte il y ait des majorités, avec toutes celles et ceux qui veulent y participer. Sur la question des retraites, nous l'avons vu, beaucoup des Républicains, le parti, les groupes politiques, notamment les présidents de groupe, considéraient que la réforme était nécessaire, ils avaient certainement des divergences ici ou là, nous avons trouvé quelques points de convergence, notamment au Sénat, sur la question des trimestres des mères de famille, sur la question des orphelins, sur la question du minimum de pension ou le fait de penser un contrat de travail spécifique pour les seniors, c'était une demande du Sénat, mais tous les parlementaires, quel que soit leur groupe, qui souhaitent participer, qui souhaitent converger, nous devons pouvoir le faire. On a, depuis le début du quinquennat, depuis 2022, un certain nombre de textes qui sont passés sans le 49.3, la loi sur le pouvoir d'achat au mois de juillet 2022, ça paraît déjà loin, mais elle est adoptée sans 49.3, la loi sur la sécurité intérieure portée par Gérald DARMANIN, pas de 49.3, la réforme du marché du travail que j’ai portée au mois de décembre…

ADRIEN GINDRE
Mais tout cela est encore possible ?

OLIVIER DUSSOPT
Pas de 49.3 non plus, et donc le Parlement travaille et sur chaque texte notre objectif est d'avoir une majorité et trouver ces convergences.

ADRIEN GINDRE
Mais sauf qu’entre temps les Républicains se sont déchirés Olivier DUSSOPT, à tel point que ce matin certains d'entre eux, comme le député Maxime MINOT, députés les Républicains, disent nous allons voter la motion de censure du Rassemblement national, et pas seulement celle de LIOT.

OLIVIER DUSSOPT
C’est leur responsabilité, c'est leur responsabilité à la fois à titre individuel, et c'est la responsabilité des Républicains, je ne vais pas m'immiscer dans les débats internes des Républicains, mais j'ai entendu ces déclarations, avec des pas qui sont franchis finalement, avec des étapes qui sont franchies, et ça renvoie à une question de ligne politique au sein du groupe LR à l'Assemblée, ce n’est pas mon sujet, ça serait aussi inévident qu’illégitime de vouloir m'en occuper.

ADRIEN GINDRE
C’est votre sujet si ça compromet votre capacité à agir. La dissolution, vous dites, pas de politique fiction, mais est-ce que la dissolution pourrait être une manière de régler cette question ?

OLIVIER DUSSOPT
C’est une prérogative qui n'appartient qu'au président de la République, chaque chose en son temps. Je le répète, ce soir c'est un moment qui est majeur, majeur parce qu’au-delà de l'adoption du texte il y a justement le fait que le Parlement doit dire s’il considère que le gouvernement continue son travail ou pas, et donc c’est vraiment ce soir qu’est l’échéance la plus importante.

ADRIEN GINDRE
Est-ce que vous avez-vous-même eu des sollicitations de députés les Républicains qui sont venus frapper à votre porte pour demander des compensations en échange d'un vote ? c'est Aurore BERGE qui le rapportait hier.

OLIVIER DUSSOPT
Non, je n'ai pas connu cela, je n'ai pas connu cela, et les discussions que j'ai eues avec tel ou tel parlementaire Républicain, qu'ils soient sénateurs ou députés, étaient sur le fond du texte, parce que chaque parlementaire évidemment, par ses amendements, par ses prises de position, est en droit, c’est le rôle d'un parlementaire, de demander, de dire, de défendre des ajustements, mais je n'ai pas connu ce type de comportement.

ADRIEN GINDRE
Merci beaucoup Olivier DUSSOPT d’avoir été sur ce plateau ce matin, au matin donc du vote de ces motions de censure à l'Assemblée, ce sera cet après-midi, journée spéciale à suivre sur LCI.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 21 mars 2023