Texte intégral
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi adopté par le Sénat, Assemblée nationale le 20 mars 2023
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions (nos 809, 939).
Je vous informe qu’à la demande du Gouvernement et en application de l’article 95, alinéa 4, du règlement, l’article 3 et les amendements portant article additionnel après cet article seront discutés après l’article 5, et les articles 8, 18 et 18 bis ainsi que les amendements portant article additionnel après ces articles seront discutés après l’article 11 bis .
Je souhaite la bienvenue à Mme la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques, et je lui cède la parole.
(…)
M. le président
La parole est à Mme la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques
Dans un peu moins de 500 jours, les Jeux de Paris 2024 s’ouvriront par une cérémonie inédite sur la Seine, sous les yeux de centaines de milliers de…
M. Inaki Echaniz
Grévistes !
M. Ugo Bernalicis
Manifestants !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre
…spectateurs et de 4 milliards de téléspectateurs.
Pour les pays hôtes, réussir l’organisation du premier événement sportif planétaire, autour des 15 000 plus grands athlètes, est un honneur et un immense défi. Pour la France, qui a donné naissance aux Jeux de l’ère moderne, ce rendez-vous avec le monde est le premier depuis cent ans côté olympique, et le premier de notre histoire côté paralympique.
C’est l’occasion pour notre pays d’afficher de nouvelles ambitions. Dans le domaine écologique, il s’engage à diviser par deux nos émissions de gaz à effet de serre par rapport aux éditions antérieures. Dans le domaine social, les objectifs sont sans précédent en matière d’insertion des petites entreprises et des publics éloignés de l’emploi dans l’économie des chantiers. La première charte sociale de l’histoire est prévue pour veiller à leur atteinte. En matière de parité, la France, patrie d’Alice Milliat qui inventa les Jeux féminins en 1922 (M. Mounir Belhamiti applaudit) , organisera les premiers Jeux olympiques véritablement paritaires de l’histoire. En matière d’inclusion, l’ambition est d’appliquer le principe d’accessibilité universelle pour le public, mais aussi de faire en sorte que les Jeux paralympiques – les plus importants jamais organisés – aident à faire progresser le regard porté par notre société sur le handicap.
Tout cela sera réalisé en veillant à la sobriété budgétaire des Jeux, condition clé de leur acceptabilité sociale, avec notamment 95 % d’infrastructures éphémères ou déjà existantes.
Dans ce cadre, réussir les Jeux, c’est réunir quatre exigences.
Premièrement, il faut assurer l’organisation la plus irréprochable possible, à laquelle veillent tous les ministères concernés, dont l’action est coordonnée par la délégation interministérielle aux Jeux olympiques et paralympiques (Dijop), dirigée par le préfet Michel Cadot, sous l’autorité de la Première ministre, aux côtés du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop) de Paris 2024 et de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) qui construit ou rénove les ouvrages. Les quelque soixante-dix collectivités hôtes, au premier rang desquelles la Ville de Paris, la région Île-de-France, le département de Seine-Saint-Denis et la ville de Saint-Denis, sont également impliquées dans l’organisation.
Deuxièmement, il faut aider nos athlètes à être au meilleur de leur performance, pour récompenser des années d’efforts et leur permettre d’exprimer la plénitude de leur talent le jour J devant leur public.
Troisièmement, il faut faire en sorte que ces Jeux soient une fête populaire pour tous les Français et pour tous les territoires : des billets seront offerts par l’État et les collectivités aux publics prioritaires ; des épreuves seront organisées dans six régions et onze départements, de Châteauroux à Teahupo’o, de Lille à Marseille ; le relais de la flamme ira outre-mer ; on aménagera des zones de célébration et de nombreux centres de préparation aux Jeux, où les Français pourront voir les athlètes s’entraîner.
Quatrièmement, il faut que ces Jeux laissent un héritage utile et durable au pays, notamment en Seine-Saint-Denis, département qui bénéficie de plus de 80 % des investissements publics. Cela consiste aussi à faire de la France une nation sportive, pratiquant le sport et le plaçant au cœur de ses politiques publiques, de la jeunesse à la santé, raison pour laquelle le Président de la République a souhaité faire de l’activité physique et sportive une grande cause nationale en 2024.
Dans la préparation de ces Jeux, la représentation nationale a dès l’origine joué un rôle essentiel.
La loi du 26 mars 2018 relative à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 a permis de traduire dans notre droit les engagements pris dans le cadre de la candidature française et du contrat de ville hôte. Depuis, certains d’entre vous se sont particulièrement investis à nos côtés, ce dont je tiens à les remercier : le groupe de travail chargé du suivi de la préparation des Jeux ; la mission d’information sur les retombées des Jeux sur le tissu économique et associatif local ; et les membres de la commission des affaires culturelles et de l’éducation qui, autour de la présidente Isabelle Rauch, œuvrent pour donner une place plus centrale au sport dans notre société.
Mme Sandra Regol
Encore faudrait-il que le texte aborde cette question !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre
Ces derniers mois, certains ajustements à notre socle législatif ont été identifiés comme incontournables pour nous permettre d’aller au bout de nos engagements et de répondre aux exigences opérationnelles liées à la préparation des Jeux. C’est pourquoi nous vous soumettons ce texte, adopté à une large majorité par le Sénat le 31 janvier et dont je souhaite que nous parvenions à débattre dans un esprit de dialogue.
Permettez-moi d’exposer les principaux objectifs du projet de loi.
En premier lieu, il s’agit d’adapter et de renforcer l’offre de soins. D’abord, nous créerons une polyclinique gérée par l’AP-HP – Assistance publique-Hôpitaux de Paris – au cœur du village olympique et paralympique pour, le temps des Jeux, soigner les athlètes de façon aussi autonome que possible. La charge financière en sera supportée par le comité d’organisation, sous le contrôle de l’agence régionale de santé (ARS) Île-de-France, notre volonté étant de ne pas créer de poids supplémentaire pour les hôpitaux. Ensuite, nous autoriserons les professionnels de santé venus de l’étranger ou liés aux fédérations internationales à exercer temporairement en France pendant les Jeux. Enfin, davantage d’organismes seront habilités à former aux premiers secours, au-delà du champ de la seule sécurité civile.
Deuxième objectif : dans la lignée de mes prédécesseurs Marie-George Buffet, Jean-François Lamour puis Valérie Fourneyron, je souhaite que la France demeure à l’avant-garde de la lutte contre le dopage. Nous devons respecter nos obligations internationales, qui découlent du Code mondial antidopage et de la convention de l’Unesco, que nous avons ratifiés. Pour ce faire, il convient de prévoir les dispositions antidopage nécessaires en Polynésie française, où se dérouleront les épreuves de surf ; mais aussi d’autoriser, comme aux Jeux de Pékin et de Tokyo, la réalisation d’analyses génétiques, afin de déceler des fraudes qui ne pourraient l’être autrement et d’éviter ainsi qu’une technique de dopage innovante ne crée une brèche de nature à ruiner la crédibilité de l’édifice tout entier. Dans le cadre de ce nécessaire effort de modernisation, nous avons veillé, à travers une série de garanties encore renforcées par les améliorations rédactionnelles des rapporteurs, à concilier l’impératif d’intégrité sportive et celui, tout aussi capital, de respect des droits des athlètes. Ainsi, l’éventuel recours aux analyses génétiques en dernier ressort ne permettra évidemment ni de sélectionner, ni de profiler, ni de révéler l’identité des sportifs concernés, qui seront par ailleurs dûment informés des procédures prévues.
Troisième objectif : le ministre de l’intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, et moi-même mesurons à quel point la réussite des Jeux est conditionnée à leur parfaite sécurisation,…
M. Maxime Minot
Eh oui !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre
…du relais de la flamme à la cérémonie d’ouverture, et dans chaque enceinte. Il faut donc veiller à préserver l’ordre public, à lutter contre la délinquance et à la prévenir, et à mieux gérer les flux de personnes, depuis leur arrivée sur notre sol jusqu’aux stades, en passant par les métros, les bus et les RER qui desservent ces derniers.
Mme Sandra Regol
Le texte ne traite en rien de tout cela !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre
Dans ce texte, nous prévoyons ainsi des outils renforcés pour mieux détecter puis signaler aux autorités concernées, par le traitement algorithmique des images de vidéoprotection, les événements susceptibles de présenter ou de révéler des risques d’actes terroristes ou d’atteintes graves à la sécurité des personnes – colis abandonnés, départs de feux, mouvements de foule ou goulets d’étranglement anormaux dans les transports. Nous souhaitons aussi renforcer, accélérer et fluidifier le contrôle à l’entrée des sites de compétition et de célébration, améliorer la coordination des équipes affectées à la sécurité dans les transports, et garantir une chaîne unique de commandement des forces de sécurité, sous l’autorité du préfet de police, pendant la période des Jeux.
M. Ugo Bernalicis
Les forces de sécurité sont actuellement en plein entraînement !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre
S’agissant du traitement par algorithme des images, je tiens à souligner que l’expérimentation est très précisément limitée dans le temps et dans l’espace, ainsi que dans ses finalités et modalités. Pas moins d’une trentaine de garanties, sur lesquelles nos débats permettront de revenir en présence du ministre de l’intérieur et des outre-mer, encadrent le dispositif, qui vise à nous permettre de mieux atteindre l’objectif – que je sais partagé – de sécurisation des Jeux, tout en protégeant les droits et les libertés de nos concitoyens, dans le respect absolu du droit européen de la protection des données et des recommandations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). J’ajoute que le dispositif ne prévoit aucunement de substituer l’algorithme au jugement humain – lequel restera souverain –, de recueillir des données biométriques ou de créer un système d’identification biométrique, d’instaurer une quelconque technique de reconnaissance faciale, ni de rapprocher ou d’interconnecter l’outil expérimenté avec d’autres traitements de données à caractère personnel, de quelque nature qu’ils soient. Le Gouvernement ne souhaite rien de cela, ni de près ni de loin.
Tirant les enseignements des événements du Stade de France, le texte nous aidera à mieux prévenir les incidents dans les stades et à lutter plus efficacement contre toutes les formes d’incivilité qui s’y déploient encore trop souvent. Nous entendons ainsi préserver une bulle de sécurité dans les stades et éviter d’importer des conflits géopolitiques sur les terrains, en donnant au juge de nouveaux moyens pour sanctionner l’entrée dans les stades par la force ou par la fraude, et l’intrusion sans motif légitime sur l’aire de compétition.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre
En outre, le texte permettra de rendre systématiques les interdictions judiciaires de stade prononcées pour les faits les plus graves, comme la provocation à la haine, à la violence ou aux discriminations.
M. Éric Bothorel
Elle a raison !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre
Dans une volonté d’équilibre, le Sénat a proposé à juste titre de compléter ces mesures par un volet de prévention de la fraude, à travers la création d’un système de billetterie nominatif, dématérialisé et infalsifiable.
M. Maxime Minot
Très bien !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre
Je tiens également à saluer le travail du rapporteur et des membres de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, qui, sous l’impulsion de son président Sacha Houlié,…
M. Maxime Minot
Il n’a rien fait !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre
…ont œuvré pour mieux articuler les différents dispositifs de lutte contre les violences dans les stades et pour garantir leur juste proportionnalité en améliorant la définition du champ des interdictions judiciaires de stade, en prévoyant leur non-cumul avec une interdiction administrative, ou encore en apportant des ajustements à l’obligation de pointage qui y est associée.
Quatrième objectif : le ministre chargé des transports, Clément Beaune, et moi-même sommes conscients que l’enjeu d’accessibilité des transports franciliens est immense et que nous devons le défendre haut et fort, en lien avec la région Île-de-France. Dans ce but, nous entendons notamment porter le nombre de taxis accessibles de moins de 250 actuellement à plus de 1 000 pendant les Jeux. C’est pourquoi nous proposons, à titre expérimental, que le préfet de police puisse délivrer de nouvelles licences de taxi pour des véhicules adaptés aux utilisateurs de fauteuil roulant, dans des conditions simplifiées.
Cinquième objectif : il nous faut respecter pleinement les engagements du contrat de ville hôte et, pour ce faire, prévoir les conditions d’autorisation de la publicité au profit des partenaires des Jeux lors du relais de la flamme et du compte à rebours olympique.
M. Éric Bothorel
Très bien !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre
Pour répondre aux besoins des populations ainsi qu’aux enjeux économiques des Jeux pour les territoires, les commerces de proximité doivent en outre pouvoir absorber l’arrivée en nombre des travailleurs, des touristes et des délégations, plusieurs semaines avant l’évènement. Nous proposons donc de permettre aux préfets d’autoriser, si nécessaire, certaines ouvertures dominicales entre le 1er juin et le 30 septembre 2024 – sous réserve, bien entendu, de l’accord des salariés et de l’octroi de justes contreparties légales, et après consultation des élus locaux ainsi que des partenaires sociaux et des chambres consulaires.
Enfin, il est apparu indispensable de permettre aux équipes déjà engagées depuis de nombreuses années d’être mobilisées jusqu’au bout de l’aventure des Jeux, en prévoyant deux mesures relatives respectivement à la limite d’âge des fonctionnaires directement impliqués dans l’organisation de l’évènement et à l’avenir de la Solideo, pour en conserver et – grâce à la précision apportée à l’initiative des rapporteurs – mieux en accompagner les talents.
Voilà l’essentiel des mesures proposées. Je tiens, en dernier lieu, à remercier Mmes les rapporteures pour avis Béatrice Bellamy et Christine Le Nabour, ainsi que M. le rapporteur Guillaume Vuilletet et MM. les rapporteurs pour avis Bertrand Sorre et Stéphane Mazars, pour la qualité de nos échanges et de leurs propositions et ajouts. Je salue à cet égard les apports permis par les travaux des commissions, en particulier le rétablissement de l’homologation des sanctions pénales en matière de lutte antidopage en Polynésie,…
M. Maxime Minot
Eh oui !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre
…lequel complète le dispositif, dans le respect des compétences de la collectivité. De meilleures garanties ont aussi été apportées quant au traitement algorithmique des images, notamment en ramenant la fin de l’expérimentation au 31 décembre 2024 ou encore en mettant à profit l’expertise de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) en matière d’exigences relatives à la cybersécurité. Des précisions utiles ont été introduites s’agissant du recours aux scanners corporels pour clarifier les conditions d’information du public et la nature des images qui seront produites, et montrer ainsi que la vie privée des personnes concernées sera parfaitement respectée.
Mme Sandra Regol
C’est une blague ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre
Je relève également l’extension des dérogations prévues en matière d’affichage publicitaire, qui permettra d’en faire bénéficier France 2023, l’organisateur de la Coupe du monde de rugby, qui mérite elle aussi une visibilité accrue. Les travaux en commission ont de surcroît permis, dans un souci d’efficacité, de laisser davantage de temps pour réaliser les criblages destinés à assurer la sécurité dans les transports, ou pour procéder à l’évaluation du nouveau dispositif d’analyses génétiques antidopage. Enfin, les commissions ont favorisé une prise en considération plus large encore des enjeux d’accessibilité, que ce soit pour la polyclinique et les volontaires qui y officieront,…
Mme Sandra Regol
Il ne restera rien aux habitants !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre
…dans l’évaluation qui sera faite des Jeux par la Cour des comptes, ou encore pour que les taxis dédiés aux utilisateurs d’un fauteuil roulant soient plus visibles sur la voie publique.
Mme Sandra Regol
Bravo, belle initiative ! Ne nous soucions surtout pas de l’accessibilité des transports en commun !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre
Tout au long de nos débats, je serai à votre écoute et à votre disposition pour échanger sur l’ensemble des points qui vous semblent le nécessiter et pour améliorer ce qui peut encore l’être dans le texte.
M. Pierre Cordier
Ce qui est tout simplement normal.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre
Ces avancées législatives sont nécessaires si nous voulons mener à bien la phase opérationnelle de notre préparation aux Jeux…
M. Éric Bothorel
Oui !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre
…– des Jeux pour lesquels vous voulez, comme moi, que la France soit au rendez-vous des attentes de nos compatriotes, des athlètes et des spectateurs venus du monde entier, dans le respect des valeurs de l’olympisme : l’excellence, l’amitié et le respect. (M. Éric Bothorel applaudit.)
M. Ugo Bernalicis
Et la surveillance !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre
Ensemble, mettons toutes les chances de notre côté pour faire de cet événement un succès pour notre pays – un succès qui lui fera du bien et qui le rendra fier ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – M. Maxime Minot applaudit également.)
source https://www.assemblee-nationale.fr, le 22 mars 2023