Interview de M. Franck Riester, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, à RMC le 21 mars 2023, sur la motion de censure, la réforme des retraites et l'article 49.3.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : RMC

Texte intégral

Franck RIESTER
Ministre délégué, chargé des Relations avec le Parlement

RMC, Apolline de Malherbe – 7h40

21 mars 2023

APOLLINE DE MALHERBE
L’invité du jour c’est vous Franck RIESTER, bonjour.

FRANCK RIESTER
Bonjour.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes le ministre délégué en charge des relations avec le Parlement, on ne peut pas dire que les relations avec le Parlement aient été excellentes hier puisqu’à neuf voix près vous restez, mais est-ce que vous vraiment vous pouvez rester, est-ce que justement avec seulement neuf voix Elisabeth BORNE, vous les ministres, vous pouvez rester ?

FRANCK RIESTER
La majorité c’est la majorité. Il y a une majorité de députés qui n’ont pas voté la motion de censure et donc, nos institutions sont claires, et donc Elisabeth BORNE avait engagé sa responsabilité pour adopter un texte important, difficile, avec la controverse, avec la colère, avec des manifestations, mais important pour l’avenir de notre pays, essentiel pour l’intérêt général, sauver le coeur de notre modèle social, cette solidarité intergénérationnelle qu’est ce système de retraite par répartition et donc elle a engagé sa responsabilité avec un vote, et il y a eu un vote hier à l’Assemblée nationale, qui a vu qu’il n’y a pas eu de majorité de députés pour renverser le gouvernement. Mais Apolline de MALHERBE, depuis le début du quinquennat nous savons que les choses sont étroites, les majorités étroites, nous avons une majorité relative, nous n’avons pas de majorité absolue, mais par contre il n’y a pas de majorité alternative à ce que la majorité présidentielle incarne, essaye de, texte par texte…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais j’ai envie de dire c’est presque pire, c’est-à-dire que le pays est dans une impasse totale, parce qu’il faut quand même rappeler les institutions…

FRANCK RIESTER
Pourquoi ?

APOLLINE DE MALHERBE
Le 49.3 vous pouvez l’utiliser une fois, ce n’est pas un fusil à plusieurs coups. Qu’est-ce que vous allez pouvoir faire pour la suite, c’est-à-dire que, moi je veux bien que vous restiez, mais rester pour faire quoi ?

FRANCK RIESTER
Pour agir, c’est ce que nous avons fait depuis le début du quinquennat, regardez le nombre de…

APOLLINE DE MALHERBE
…Dans les faits vous n’y arrivez pas.

FRANCK RIESTER
Mais si, regardez le nombre de textes, Apolline de MALHERBE, qui ont été adoptés sans utilisation du 49.3, avec une majorité plus large que la majorité présidentielle. La réforme de l’assurance chômage, ce n’est pas une petite réforme, c’est une réforme importante, on a trouvé une majorité plus large. La facilitation du recours aux énergies renouvelables, ça a été voté avec une majorité, et notamment des députés de gauche, quand celle… cette réforme de l’assurance chômage a été votée avec un certain nombre de députés de droite, le projet de loi pouvoir d’achat a été adopté avec une majorité plus large, huit textes ont été adoptés avec une majorité plus large.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc pour vous ça marche, ça passe ?

FRANCK RIESTER
C’est difficile, on a une majorité qui n’est pas absolue, nous avons une majorité relative, mais quelle alternative, quelle alternative sur cette réforme des retraites, mais quelle alternative politique ? c’est le rassemblement des contraires, c’est l’alliance de la carpe et du lapin entre l’extrême gauche et l’extrême droite. Les NUPES par exemple, ils n’ont que 149 députés, nous en avons 250, nous la majorité présidentielle, les RN c’est 88, est-ce qu’ils vont faire une majorité, porter un projet politique avec dans le même gouvernement Marine LE PEN et Jean-Luc MELENCHON ? mais c’est inimaginable. Donc oui…

APOLLINE DE MALHERBE
Donc pour vous la légitimité est là…

FRANCK RIESTER
Eh bien il y a un président de la République qui a été réélu, très clairement au printemps, et une majorité, pas absolue mais relative, de parlementaires qui soutiennent le président de la République et qui essayent, texte après texte, de trouver des majorités. Là, face à l’incertitude du vote, alors même que nous avions un accord avec le président du parti les Républicains, du bureau politique des Républicains, du président…

APOLLINE DE MALHERBE
Enfin, des accords sur des coins de table entre partis…

FRANCK RIESTER
Mais ce n’est pas des accords de coins de table…

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vraiment ce serait plus satisfaisant ?

FRANCK RIESTER
Mais c’est avec les députés, avec le groupe LR, le président du groupe LR…

APOLLINE DE MALHERBE
Je poserai la question d’ailleurs tout à l’heure à Olivier MARLEIX, il sera mon invité à 8h30…

FRANCK RIESTER
Oui, eh bien vous pouvez.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que ses troupes lui ont échappé ?

FRANCK RIESTER
On a bien travaillé avec Olivier MARLEIX et son groupe, on a eu un vote majoritaire au Sénat, on a bien travaillé aussi avec la majorité sénatoriale, il y a même un texte qui est issu de la Commission Mixte Paritaire qui est un texte du Parlement, fruit d’un compromis avec les principaux groupes du Parlement.

APOLLINE DE MALHERBE
Je suis frappée, interview après interview, Olivier DUSSOPT que j’ai reçu vendredi, Bruno LE MAIRE hier, vous ce matin, Franck RIESTER, quand même par… effectivement, je comprends bien, vous vous êtes dans le job, vous avez envie de continuer, vous vous dites on va y arriver, Emmanuel MACRON a été élu, mais vous avez regardé ce qui se passe dehors, vous avez vu la colère, vous avez vu ceux qui depuis hier passent du côté de la violence, ce qu’avait d’ailleurs prédit redouté quelqu’un comme Laurent BERGER, qui jusqu’alors, votre première version de la réforme des retraites, il y était favorable, il a dit « attention, attention, vous allez jeter de l’huile sur le feu. » Est-ce qu’aujourd’hui vous n’avez pas une responsabilité là-dessus ?

FRANCK RIESTER
Mais écoutez, on sait bien qu’une réforme des retraites c’est difficile et que ça peut susciter des controverses, et des colères, et des oppositions, mais est-ce que ce n’est pas la responsabilité politique de dire par exemple, avant les élections, comme l’a fait le président de la République, et comme l’ont fait les candidats de la majorité présidentielle dans leurs élections législatives, de dire que nous allions réformer notre système de retraite pour le sauver, nous l’avons dit clairement avant, et nous le mettons en oeuvre après, et pas en appliquant d’une façon autoritaire le projet que nous avions présenté aux Français…

APOLLINE DE MALHERBE
Comment vous voyez la suite, comment vous voyez les jours qui viennent ?

FRANCK RIESTER
En tenant compte de l’avis des organisations syndicales…

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous allez passer…

FRANCK RIESTER
Non, mais écoutez-moi Apolline de MALHERBE, franchement c’est très important, c’est le fonctionnement de notre démocratie. Dans une démocratie, quand on va devant les Français, on doit absolument dire ce qu’on va faire après, et c’est ce que nous avons fait, c’est ce que le président de la République a fait, et tenant compte de la situation politique spécifique, dont on a parlé à l’instant, il a amandé son projet. Il voulait repousser l’âge de départ à 65 ans et finalement c’est 64 ans, on a tenu compte de beaucoup de propositions des organisations syndicales et des oppositions, à commencer par les LR, pour avoir un texte de compromis.

APOLLINE DE MALHERBE
Ce n’est pas ce que vous disent les syndicats…

FRANCK RIESTER
Mais c’est la réalité que nous avons vécue.

APOLLINE DE MALHERBE
Quand vous entendez – vous dites on a tenu compte des uns et des autres – un Laurent BERGER vous dites qu’en fait tout ça était un dialogue de sourds.

FRANCK RIESTER
Mais Laurent BERGER ne voulait pas du report de l’âge…

APOLLINE DE MALHERBE
Un dialogue de sourds.

FRANCK RIESTER
Oui, mais ce n’est pas Laurent BERGER qui s’est présenté pour être président de la République et ce n’est pas Laurent BERGER qui s’est présenté pour être député, Laurent BERGER il a un rôle important dans le dialogue social, dans la mobilisation sociale, mais ce n’est pas lui qui est en responsabilité politique pour agir pour l’avenir de notre pays.

APOLLINE DE MALHERBE
Franck RIESTER, j’ai bien compris, vous estimez qu’en tout cas les institutions ont été respectées, que le vote est passé et que la loi a été adoptée. Entre temps, vous l’avez vu, c’est la cinquième nuit d’échauffourées, d’incidents, avec encore cette nuit 234 interpellations uniquement à Paris, sans compter les autres villes. Ce risque de débordements, ce risque de violences, est-ce que vous n’allez y répondre finalement que comme vous l’avez fait aussi à la mesure de l’Assemblée, c’est-à-dire par une espèce de fermeté soudain qui est la réquisition, la réquisition c’est un peu à la rue ce qu’est le 49.3 à l’Assemblée, et il y a eu des réquisitions cette nuit, c’est votre réponse, c’est ça votre réponse désormais ?

FRANCK RIESTER
Notre réponse c’est de permettre à nos compatriotes de ne pas être dans la galère comme ils le sont, par exemple dans un certain nombre de départements du Sud aujourd’hui, et donc oui nous avons pris, assumé nos responsabilités, pris un certain nombre de…

APOLLINE DE MALHERBE
Je rappelle qu’il y a eu une réquisition cette nuit dans le dépôt de Fos-sur-Mer !

FRANCK RIESTER
C’est ça, et donc nous avons pris notre responsabilité pour assurer un approvisionnement en carburants de nos compatriotes, pour autant nous restons à l’écoute, nous restons ouverts, nous restons à travailler avec les organisations syndicales pour l’avenir, pour tous les sujets, ils sont nombreux, qu’il y a devant nous, notamment en matière de travail, en matière de modernisation du service public de l’emploi, en matière justement de prise en compte des difficultés auxquelles nos compatriotes sont confrontés dans leur vie au quotidien.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous n’êtes pas inquiet quand vous voyez cette violence qui ne cesse pas, qui même - on entendait tout à l’heure, j’étais en ligne avec l’un des responsables CGT d’une des raffineries des Bouches-du-Rhône -qui a même monté d’un cran, c’est-à-dire que ce n’est pas que ça calme, c’est que c’est même l’inverse, jusqu’alors ils n’étaient qu’en grève du dépôt, depuis cette nuit ils sont en grève de production ?

FRANCK RIESTER
Il faut souhaiter l’apaisement parce qu’une grande démocratie comme la nôtre doit respecter les institutions et le fonctionnement démocratique.

APOLLINE DE MALHERBE
C’est ça que dira Emmanuel MACRON demain ?

FRANCK RIESTER
Attendez, ça je…

APOLLINE DE MALHERBE
Il souhaite l’apaisement, est-ce que ça suffira ?

FRANCK RIESTER
Je ne sais pas, moi je vous dis ce que moi je pense, je pense qu’il faut de l’apaisement, il faut comprendre que même si c’est difficile, même si c’est une réforme complexe, c’est une réforme qui fait débat, nous devons aussi respecter nos institutions, et notre Constitution prévoit l’organisation de notre Etat, de notre démocratie, garantit nos libertés, mais aussi organise les choses, et dans cette organisation il y a un fonctionnement du Parlement, du gouvernement, des relations entre les deux, et ce qui s’est passé pendant tout le parcours du texte au Parlement c’est le respect de notre Constitution.

APOLLINE DE MALHERBE
Et l’option de déposer le texte, c’est-à-dire de ne pas l’assumer jusqu’au bout, de ne pas le promulguer, c’est ce que laisse entendre l’un de vos députés, Patrick VIGNAL, qui est député de l'Hérault de La République en Marche, qui disait hier qu’il appelait Emmanuel MACRON à suspendre la réforme, quand vous entendiez Gilles LEGENDRE, qui est de vos rangs, qui lui-même disait « nous sommes dans une véritable crise de la démocratie », qu’est-ce que vous répondez à vos propres députés ?

FRANCK RIESTER
Je réponds qu’il y a eu un processus démocratique qui est arrivé à son terme, la loi doit être promulguée, mise en application, c’est ça le fonctionnement d’une démocratie, je vous le dis, j’ai essayé de le démontrer tout à l’heure, depuis tout à l’heure. Maintenant, bien évidemment, il faut en tenir compte, essayer de regarder comment on peut encore mieux fonctionner dans l’avenir, comment encore mieux discuter, encore mieux partager.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous ne regrettez pas qu’il n’y ait pas eu de vote, vous n’avez pas de regrets ?

FRANCK RIESTER
On a toujours des regrets, on peut toujours expliquer mieux, on aurait pu faire encore mieux en termes peut-être de communication, bien évidemment, mais sur des réformes aussi sensibles, quand on demande aux Français de travailler un peu plus, progressivement, forcément que c’est compliqué et nous continuerons à avoir comme objectif l’intérêt général et c’est l’intérêt général de réformer notre système de retraite par répartition.

APOLLINE DE MALHERBE
Toujours légitime, en tout cas à vos yeux, le gouvernement donc, Franck RIESTER merci d’être venu répondre à mes questions ce matin.

FRANCK RIESTER
Merci à vous.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 22 mars 2023