Interview de M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, à RTL le 23 mars 2023, sur la mobilisation à l'appel des syndicats contre la réforme des retraites, le 49.3 et le RSA.

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Média : RTL

Texte intégral

AMANDINE BÉGOT
On va revenir dans un instant bien sûr sur cette contribution, sur la polémique aussi autour du RSA après les propos hier du président, je reçois ce matin le ministre du Travail Olivier DUSSOPT, bonjour.

OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.

AMANDINE BÉGOT
Et bienvenue sur RTL. Nouvelle journée de mobilisation à l'appel des syndicats, la neuvième, la première depuis le 49.3, elle vous inquiète cette journée Monsieur le ministre ?

OLIVIER DUSSOPT
Nous allons voir quel est le niveau de la mobilisation, mais c'est un mouvement, une mobilisation, dans un pays, le nôtre, où le droit de grève est assuré et où le droit de manifester est aussi garanti.

AMANDINE BÉGOT
Vous êtes donc serein.

OLIVIER DUSSOPT
Serein et attentif à ce qui se passe aujourd'hui.

AMANDINE BÉGOT
Nouvelle journée de grèves et de manifestations Olivier DUSSOPT, je le disais, contre cette réforme des retraites, première journée depuis le 49.3 et le rejet de la motion de censure, dès hier els syndicats ont eu des mots très durs après la prise de parole d'Emmanuel MACRON, sur RTL, par exemple, Philippe MARTINEZ, le leader de la CGT, a parlé de "foutage de gueule" et il dénonce une interview lunaire qui, je le cite, "va attiser la colère." Vous lui répondez quoi ce matin ?

OLIVIER DUSSOPT
D'abord que ce ne sont pas ni mes mots, ni mon vocabulaire, je pense que le président de la République a eu raison de s'exprimer, que c'est une intervention utile qui intervient après que le texte ait suivi la totalité du cheminement parlementaire et donc du débat démocratique. Pendant plusieurs mois le président de la République a laissé d'abord la concertation avec les organisations syndicales…

AMANDINE BÉGOT
Ça on le sait, pardonnez-moi, on a peu de temps et c'est pour ça qu'on va ne pas refaire l'explication…

OLIVIER DUSSOPT
Oui, pardon mais…

AMANDINE BÉGOT
Je vous demande juste…

OLIVIER DUSSOPT
Vous me demandez ce que je pense de la réaction d'un leader syndical sur l'expression du président de la République et je vous dis que cette expression intervient après quatre mois de concertation, deux mois de débat parlementaire, une adoption du texte, et une période pendant laquelle le président de la République a gardé une forme de réserve pour laisser justement la concertation avec les partenaires sociaux, et le débat avec les parlementaires, aller jusqu'au bout, donc c'était important aussi qu'il puisse s'exprimer à l'issue de ce processus.

AMANDINE BÉGOT
Sauf que là on arrive effectivement à l'issue de ce processus, hier Emmanuel MACRON a dit qu'il voulait renouer le dialogue, force est de constater, je citais les mots de Philippe MARTINEZ, mais il n'est pas le seul, François HOMMERIL, le patron du syndicat des cadres, parle d'une provocation, Laurent BERGER accuse le président de déni et de mensonge, la CFTC parle elle d'un discours hors-sol, franchement on voit mal comment on renoue justement le dialogue. Vous les avez eus, pardonnez-moi, les syndicats, ces derniers jours au téléphone ?

OLIVIER DUSSOPT
Nous avons des contacts informels, soit directement, soit par mon équipe, mais…

AMANDINE BÉGOT
C'est-à-dire, vous vous parlez, ou par SMS, ou… ?

OLIVIER DUSSOPT
Ça peut être les deux voies, mais quand c'est informel ça reste discret, ça permet de mieux comprendre les positions des uns et des autres. Mais au-delà de cela…

AMANDINE BÉGOT
Ils vous disent quoi de façon informelle, "on ne reviendra pas à la table" ou… ?

OLIVIER DUSSOPT
Je ne vais pas vous livrer les conversations lorsqu'elles sont discrètes, ce n'est pas mon style de fonctionnement. Ce que je sais, et ce que je crois moi, c'est qu'à l'issue d'un conflit comme celui-ci, parce que c'est un conflit, à l'issue d'une mobilisation comme celle-ci, il ne faut pas être dans le déni, il ne faut pas penser que l'on va effacer les choses, il y a un avant, il y a un après, et il y a un désaccord qui va persister sur la question de l'âge de départ à la retraite. Par contre il y a des sujets, il y a des sujets nombreux qui permettent de renouer un dialogue. Je ne crois pas du tout au fait que, d'une journée à l'autre, qu'en l'espace de 12 heures ou de 24 heures, on passe d'une situation de conflit à une situation d'entente, les choses se font progressivement, elles doivent se faire progressivement autour de deux catégories de sujets si je puis dire, des sujets qui sont à l'initiative du gouvernement. Je dois dans les prochaines semaines présenter un projet de loi sur l'emploi, sur le travail, avec des questions de formation, de conditions de travail, le débouché des Assises du travail, ce sont autant de sujets, d'items, qui nécessitent de la concertation. Et puis il y a des sujets qui sont à l'initiative, ou le résultat du travail des partenaires sociaux. Au mois de novembre j'ai demandé aux partenaires sociaux, syndicats et patronat, de négocier un accord sur le partage de la valeur, ils y sont arrivés alors que tout le monde disait que ça ne serait pas le cas. Eux-mêmes ont ouvert il y a quelques semaines maintenant, quelques mois, une négociation totalement autonome, à leur initiative, sur la gestion de la branche de la Sécurité sociale consacrée aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, ça doit aboutir, je l'espère en tout cas, mi-avril. Ce sont autant de sujets, dans les deux cas, qui sont à l'initiative des partenaires sociaux et autour desquels la discussion doit permettre de transposer dans la loi, le plus fidèlement possible, leurs intentions et le fruit de leurs accords.

AMANDINE BÉGOT
Et on va revenir sur ces sujets précisément dans un instant, avant cela un mot quand même, vous dites "on n'est pas dans le déni", malgré tout, les syndicats disent avoir l'impression que vous faites un peu comme s'il ne se passait rien dans la rue. Je prends juste un exemple. Avant-hier, au lendemain du rejet de la motion de censure, Élisabeth BORNE a dit "on a le droit d'employer le mot victoire." Quand on voit ces poubelles qui débordent, 10.000 tonnes, plus de 10.000 tonnes sur les trottoirs parisiens, ces manifestations, ça fait plus de sept jours que ça dure, et pas qu'à Paris, dans de très nombreuses villes en France, les dépôts pétroliers bloqués, les stations d'essence à sec, les perturbations aujourd'hui, vous pensez franchement pouvoir parler de victoire ?

OLIVIER DUSSOPT
Quand vous avez un texte qui est allé au bout de son cheminement, qui a été adopté par le Sénat en première lecture, qui a été adopté par le Sénat après la Commission Mixte Paritaire, qui a été adopté par l'Assemblée nationale du fait du rejet des motions de censure, qu'est-ce qu'elles disent ces motions de censure rejetées ? elles disent qu'il n'y a pas de majorité alternative, que l'alliance de tous les contraires, du Front national à la France insoumise, ne fait pas une majorité pour proposer un contre-projet ou une perspective…

AMANDINE BÉGOT
Mais ce n'est pas maladroit l'emploi de ce mot ?

OLIVIER DUSSOPT
Ça veut dire que le texte est allé jusqu'au bout. Est-ce que ça veut dire…

AMANDINE BÉGOT
Mais ça c'est factuel et c'est vrai.

OLIVIER DUSSOPT
Est-ce que ça veut dire qu'on minimise les incidents, pas du tout, ni les perturbations connues par les usagers, ni la mobilisation syndicale organisée par les syndicats justement, et on ne minimise pas non plus les actes de violences, qui ne sont pas le fait des organisations syndicales, mais de quelques casseurs et de quelques émeutiers, qui dans les différentes villes, que vous avez évoquées, s'en prennent aussi aux symboles de la République. Quand on essaye de mettre le feu à des préfectures ou à des mairies, ce sont aussi des actes très symboliques qu'il faut absolument condamner.

AMANDINE BÉGOT
Plus que de victoire vous n'auriez pas parlé d'étape réussie par exemple ?

OLIVIER DUSSOPT
Je crois que ça revient à peu près au même.

AMANDINE BÉGOT
Emmanuel MACRON, et on va venir à l'après justement, a expliqué hier qu'il avait demandé à Élisabeth BORNE de bâtir un programme de réformes pour les prochains mois, première victime c'est le projet de loi immigration, que vous deviez porter, Olivier DUSSOPT, avec Gérald DARMANIN, c'était d'ailleurs censé être un des grands textes de ce deuxième quinquennat, il va finalement être scindé en plusieurs textes. Très concrètement ça veut dire quoi, on oublie les titres de séjour pour les métiers en tension ?

OLIVIER DUSSOPT
Non, ça veut dire qu'on n'oublie aucune des mesures que nous poursuivons. Dans le courrier que la Première ministre a adressé au président du Sénat pour lui indiquer que, à sa demande, le président du Sénat lui a demandé, "nous retirons le projet de loi, tel qu'il est construit, de l'ordre du jour du Sénat", c'est-à-dire que le Sénat ne l'examinera pas la semaine prochaine, la Première ministre a aussi dit l'importance que le gouvernement attache à chacune des mesures, à la fois les mesures qu'on qualifie parfois de régaliennes, plutôt portées par le ministre de l'Intérieur, sur la mise en œuvres des décisions de justice, sur des questions relatives…

AMANDINE BÉGOT
À l'expulsion des étrangers délinquants…

OLIVIER DUSSOPT
Oui, mais aussi à…

AMANDINE BÉGOT
Mais sur les titres de séjour pour les métiers en tension, ça verra le jour ?

OLIVIER DUSSOPT
Et les mesures qui sont portées, par mon ministère, autour de l'intégration par le travail. Il y a la question des métiers en tension, mais il y a aussi le fait de pouvoir regarder pour les demandeurs d'asile, qui viennent de pays pour lesquels nous savons que la demande va aboutir, la possibilité de travailler plus vite, il y a la possibilité d'améliorer la formation au français…

AMANDINE BÉGOT
Ça sera avant l'été ça, Olivier DUSSOPT ?

OLIVIER DUSSOPT
Je ne sais pas si ça sera avant l'été, parce que le calendrier n'est pas déterminé, mais ça fait partie des sujets que nous voulons porter, soit directement par le gouvernement, soit en nous appuyant sur des initiatives parlementaires et donc des propositions de loi.

AMANDINE BÉGOT
Olivier DUSSOPT, il y a une phrase qui a choqué un certain nombre d'associations hier, Emmanuel MACRON dit "il faut aider les bénéficiaires du RSA à revenir vers l'emploi et les responsabilités", il évoquait ces Français qui travaillent et qui disent "on nous demande des efforts, mais il y a des gens qui ne travaillent jamais et qui eux auront un minimum vieillesse", ça veut dire quoi, qu'il faut instaurer des contreparties en échange du versement du RSA ?

OLIVIER DUSSOPT
Cette phrase du président de la République est la réplique, l'écho, de son engagement pris pendant la campagne présidentielle. Quel est cet engagement et qu'est-ce qu'a rappelé le président de la République hier ? nous sommes dans un pays qui est un pays qui protège et nous avons une chance, c'est que lorsque vous n'avez plus de revenu il existe le RSA qui vous permet d'avoir un minimum de revenu, ça ne rend personne riche, mais c'est un minimum de revenu, c'est un droit qui est un droit complet, total, que nous garantissons. Il y a une deuxième responsabilité, qui relève de l'État, des collectivités locales, de la collectivité publique dans son ensemble, qui est de garantir partout sur le territoire de la formation, de l'accompagnement, de l'insertion. Et puis enfin, lorsqu'il y a une offre de formation, lorsqu'il y a une offre d'insertion, il y a une responsabilité de celui qui bénéficie de l'allocation, qui est de participer à ces activités pour retourner vers l'emploi. Moi ce qui me choque, ce n'est pas ce projet, je le porte, et je porte dans les lois et les décrets que je veux mettre en œuvre, ce qui me choque c'est que parfois, quand on entend une partie de l'opposition, notamment du côté de la gauche, on a le sentiment qu'accorder quelques centaines d'euros…

AMANDINE BÉGOT
C'est 600 euros, 598 euros aujourd'hui le RSA…

OLIVIER DUSSOPT
Qu'accorder 600 euros à quelqu'un, ferait que la société serait quitte de son devoir de solidarité, je ne crois pas, je pense que la société française est quitte de son devoir de solidarité lorsqu'elle a à la fois accordé une allocation qui est un minimum de survie, mais surtout lorsqu'elle a mis tout en œuvre, par la formation et par l'insertion, pour permettre le retour à l'emploi, parce que…

AMANDINE BÉGOT
Très bien, mais on avait parlé des 15 à 20 heures de travail, d'activité hebdomadaire, cet été dans…

OLIVIER DUSSOPT
Mais c'est ce projet-là, pas de travail, de l'activité, de l'insertion et de la formation…

AMANDINE BÉGOT
Ce n'est pas du travail, c'est expérimenté dans 19…

OLIVIER DUSSOPT
Pas de travail gratuit, pas de bénévolat obligatoire, mais de l'insertion et de la formation.

AMANDINE BÉGOT
Et ceux qui refusent, ils n'auront pas leur RSA, c'est ça ou pas ?

OLIVIER DUSSOPT
Vous savez, aujourd'hui, dans la loi telle qu'elle est faite, un allocataire du RSA qui ne participe pas au programme d'accompagnement social, au programme d'accompagnement professionnel, qui ne se place pas dans une posture, un parcours de retour vers l'emploi, il est sanctionné, il peut être sanctionné, il l'est régulièrement, la loi…

AMANDINE BÉGOT
Mais dans ce que vous voulez faire, l'idée c'est quoi ?

OLIVIER DUSSOPT
C'est de…

AMANDINE BÉGOT
C'est donnant-donnant ?

OLIVIER DUSSOPT
C'est d'une certaine manière droits et devoirs effectivement, mais à condition que l'offre d'insertion, l'offre de formation, soit adaptée. Je prends souvent un exemple, mais quand on a face à nous une mère de famille qui vit seule, une famille monoparentale, on ne propose pas une offre de formation de 17 à 20h, ou alors il faut prévoir le mode de garde qui va avec, donc il faut que ce soit adapté, mais avec un objectif, c'est le retour à l'emploi, parce que la vraie lutte contre la pauvreté, le vrai travail pour redonner la dignité et de l'autonomie, ce n'est pas de donner 600 euros par mois, c'est de permettre le retour à l'emploi et permettre à chacun de travailler.

AMANDINE BÉGOT
Merci beaucoup Olivier DUSSOPT.

OLIVIER DUSSOPT
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 mars 2023