Texte intégral
JOURNALISTE
On reçoit maintenant le Breton Hervé BERVILLE, secrétaire d’Etat à la Mer, pour parler de l’opération Filière morte, et de la colère des pêcheurs français, et notamment bretons.
DELPHINE SEVENO
Bonjour Hervé BERVILLE.
HERVE BERVILLE
Bonjour et merci de l'invitation.
DELPHINE SEVENO
Vous étiez hier à la rencontre des pêcheurs aux Sables d'Olonne. Irez-vous rencontrer à nouveau, mais des pêcheurs bretons dans les prochaines heures ?
HERVE BERVILLE
Bien évidemment. Je rencontre chaque semaine des pêcheurs de partout, notamment des pêcheurs bretons. Je me suis rendu quasiment toutes les deux semaines en Bretagne, et je j’irai demain à la rencontre aussi des pêcheurs bretons. Je note aussi qu'il y avait des pêcheurs bretons hier en Vendée, donc on continue le dialogue, à construire des réponses à tous les enjeux depuis 9 mois, et bien évidemment on est à leurs côtés quand il y a des moments de crise profonde, parce que ces deux décisions ont été véritablement vécues comme un coup de massue, notamment la décision et la proposition de la Commission européenne, et donc je crois qu'il faut être à leurs côtés. Et puis surtout dire très clairement quelle est la position de la France, du gouvernement, et en l'occurrence elle est très claire, elle a été dite très tôt, la France n’est pas pour…
DELPHINE SEVENO
Hervé BERVILLE, je vous coupe. Je vous coupe, avant qu'on parle de ces décisions du Conseil d'Etat et de la Commission européenne, je voudrais juste qu'on parle d'abord quand même de l'augmentation du prix du gasoil, puisque c'est aussi l'une des raisons de la crise et de la colère en ce moment des pêcheurs, notamment en Bretagne. La France va continuer à les aider, ces pêcheurs, … du prix du gasoil ?
HERVE BERVILLE
Bien sûr, et vous noterez que le secteur de la pêche est le seul secteur qui a encore une aide carburant. A ma demande, l'aide carburant a été prolongée par 4 fois depuis juillet. Le plafond a été augmenté et on a fait cette demande auprès de la Commission européenne, de 65 000 € à 330 000 € et donc il y aura jusque… et le président de la République l’avait annoncé au Salon de l’agriculture, une prolongation de cette aide carburant. C'est un montant qui avoisine à ce stade plus de 85 millions d'euros. Et nous sommes le seul secteur à l’avoir, et surtout en Europe nous sommes le seul pays à soutenir aussi fortement, aussi massivement les pêcheurs en aide carburant. Parce que nous, nous ce qu'on nous souhaitons, c’est que les pêcheurs puissent sortir et bien évidemment approvisionner tous nos territoires.
DELPHINE SEVENO
Et donc vous l'avez dit aussi, on va y revenir maintenant Hervé BERVILLE, la raison, une des raisons peut-être la principale, de crispation, de colère des pêcheurs, c'est cette volonté de la Commission européenne d'interdire d'ici 2030 le chalutage dans les aires marines protégées. Vous défendez les pêcheurs français, mais ne faut-il pas protéger les espèces marines les plus fragiles ? C'est en tout cas ce que veut faire, ce que dit vouloir faire la Commission européenne.
HERVE BERVILLE
Non. En la matière il faut être précis sur le sujet. Il ne s’agit pas d’interdire le chalutage, il s’agit d'interdire tous les engins mobiles de fond. Et donc ça voudrait dire pour les Bretons qui nous écoutent, qu’en 2024 nous devons dire à nos pêcheurs à la coquille, qui je crois ont montré depuis des décennies qu'ils protègent la ressource, qu’ils la valorisent, et qu’il n’y a pas d’impact du tout sur l'habitat marin, qu'ils doivent arrêter purement et simplement leur activité. Il faut aussi dire aux producteurs d'huîtres plates du sud de la Bretagne, qu'il faut stopper toute activité en 2024. Aux pêcheurs artisanaux, côtiers, qu'il faut arrêter toute activité. Vous voyez bien que ça n’a aucun sens, et que cette proposition est déconnectée de la réalité de nos pêcheries, et que bien évidemment il faut partout protéger la ressource, les pêcheurs le font, enfin ceux qui connaissent un minimum le littoral, voient bien que la protection de la ressource c'est une des priorités des pêcheurs et qu'ils le font partout, et puis surtout je terminerai par-là, mais la pêche européenne, la pêche française est la plus contrôlée et la plus durable du monde. Il y a des choses à améliorer, toujours, c'est évident, mais je crois qu'il faut regarder que si on met en œuvre des décisions de cette nature, c’est la pêche artisanale française qui est condamnée, et surtout on balaie d'un revers de main tous les efforts qui sont faits, et on augmente notre dépendance aux importations, des importations qui n'auront pas du tout nos standards et notre qualité, donc…
DELPHINE SEVENO
Et qui sont déjà importantes. Hervé BERVILLE, vous allez mardi justement à Bruxelles pour défendre nos pêcheurs français, qu'est-ce que vous, quels leviers vous avez pour faire changer d'avis la Commission européenne ?
HERVE BERVILLE
La France a été claire, je me suis prononcé le 8 mars, je me suis reprononcé au Sénat pour dire très clairement que l’on est opposé, et donc je vous dis, comme je l’ai dit aux pêcheurs : cette décision, cette proposition de la Commission n'ira pas a à son terme. Et il n’y aura pas…
DELPHINE SEVENO
Ne s'appliquera pas en France.
HERVE BERVILLE
Ne s'appliquera pas en France. Ne s'appliquera pas en France, puisque j’ai été au Conseil européen il y a de cela quelques semaines…
DELPHINE SEVENO
Mais la France est tenue d'appliquer les décisions européennes, Hervé BERVILLE.
HERVE BERVILLE
Non. Ce n’est pas une décision européenne qui vise à avoir tout de suite une application, puisque c'était quelque chose qui devait être discuté, et donc nous nous sommes opposés à cette proposition, et donc la Commission a bien indiqué au Conseil européen, qu'elle n'irait pas à son terme et donc qu'il n'y aurait pas d'interdiction des engins mobiles de fond dans les aires marines protégées, puisque la France a défendu le sujet. Je vais le dire par écrit, parce que les pêcheurs souhaitent que ce soit aussi…
DELPHINE SEVENO
Notifié par écrit.
HERVE BERVILLE
Exactement, et le but aussi de cette rencontre à la Commission européenne, c'est de montrer aux instances européennes la réalité de ce que sont ces métiers, et de dire aussi qu’il y a eu vraiment un engagement de tous, d'ailleurs en lien avec les collectivités locales, en lien avec…
DELPHINE SEVENO
Je vais devoir vous couper, malheureusement, Hervé BERVILLE, on est à la fin de cette interview, mais je vous remercie vraiment d’avoir été en direct ce matin sur France Bleu Armorique, vous qui allez donc défendre les pêcheurs bretons mardi prochain à Bruxelles. Hervé BERVILLE, Breton, secrétaire d’Etat à la Mer, qui nous parlait notamment de cette crise dans la pêche bretonne et française.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 3 avril 2023