Texte intégral
ORIANE MANCINI
Et notre invité politique ce matin, c’est Pap NDIAYE. Bonjour.
PAP NDIAYE
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d’être avec nous. Ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse. On est ensemble pendant vingt minutes pour une interview en partenariat avec la presse régionale. Bonjour Stéphane VERNAY.
STEPHANE VERNAY
Bonjour, bonjour.
ORIANE MANCINI
Stéphane de Ouest France qui est avec nous. On va évidemment parler de l’Education nationale et notamment de la question de l’éducation dans les territoires ruraux puisque c’est un sujet que vous avez abordé. Mais d’abord, je le dis, vous êtes aussi ministre de la Jeunesse. La contestation contre la réforme des retraites est toujours vive. Elle s’étend à la Jeunesse. Est-ce que vous êtes inquiet de cette mobilisation de la Jeunesse ? Est-ce qu’elle peut pousser le Gouvernement à reculer ?
PAP NDIAYE
Il y a des jeunes dans les mobilisations et dans les manifestations ; c’est incontestable, mais ce n’est pas une mobilisation de la Jeunesse. La mobilisation de la Jeunesse, elle ne se fait pas d’ailleurs, d’un point de vue historique, sur les questions proprement liées aux retraites. Si vous regardez l’historique des réformes de retraites depuis 1993, elle se fait sur d’autres questions. Et donc, la question c’est de savoir si des éléments extérieurs à la réforme des retraites vont s'agréger aux mouvements. Ce n'est pas mon sentiment à l’heure actuelle.
ORIANE MANCINI
Vous ne le redoutez pas ? Vous ne pensez pas qu’il peut y avoir une coagulation des colères ?
PAP NDIAYE
Nous observons les choses. A mon sens, on n’est pas encore dans un mouvement qui relèverait d’une mobilisation de la Jeunesse.
STEPHANE VERNAY
A chaque journée de manifestation, on parle de lycées ou de facs bloqués. Est-ce que ce sont vraiment des établissements bloqués ? Et combien ? Dans quelles proportions ?
PAP NDIAYE
Il y en a très peu : quelques dizaines à chaque fois, en nombre décroissant d'ailleurs.
STEPHANE VERNAY
Et ce sont de vrais blocages ou c'est purement symbolique ?
PAP NDIAYE
Ce sont des blocages d'entrée d'établissements, d'ailleurs qui posent des problèmes de sécurité. C'est pour cela que nous sommes opposés aux blocages de lycées. Mais leur nombre est en fait tout à fait réduit. Il est situé dans des grandes villes, dans des lycées que nous connaissons bien, qui ont des traditions militantes, par ailleurs, tout à fait respectables. Mais nous sommes évidemment attachés d'une part à la continuité pédagogique. J'observe que le Bac, les épreuves de spécialités du Bac se sont très bien déroulées. Et je salue, au passage, la responsabilité de celles et ceux qui ont appelé à ce que ces épreuves se déroulent au mieux.
ORIANE MANCINI
Il n’y a eu aucun impact sur les épreuves de spécialités ?
PAP NDIAYE
Il n’y pas eu d’impact. Et je peux vous dire d'ailleurs qu'il n'y a pas d'impact non plus sur la correction qui se poursuit tout à fait normalement. Et donc les choses se sont bien passées. Nous sommes tout à fait rassurés de ce point de vue-là.
STEPHANE VERNAY
Parmi les revendications, on entend des choses qui n'ont rien à voir avec la réforme des retraites, notamment, il y a des demandes sur la suppression du nouveau Bac.
PAP NDIAYE
La suppression du nouveau Bac, on a pu l'entendre, ou en tout cas les épreuves de spécialité. Je rappelle que ces épreuves de spécialités qui ont eu lieu au mois de mars ; donc pour la première fois finalement depuis l'instauration de la réforme après 2019.
STEPHANE VERNAY
Parce que ça aurait dû avoir lieu une première fois en 2020, c’est ça ? Il y a eu le Covid.
PAP NDIAYE
Et puis, il y a eu la crise sanitaire.
ORIANE MANCINI
Non mais là, ça va au-delà de ce bac-là. On entend des lycéens dire « il faut supprimer le nouveau Bac ».
PAP NDIAYE
On pourrait aussi bien supprimer le Bac. Pourquoi pas ? Je pense que ça ferait plaisir, sans doute, à certains…
STEPHANE VERNAY
C’est une proposition que vous formulez ce matin ?
PAP NDIAYE
Non, bien entendu. Dans le monde entier, le Bac ou l'équivalent du Baccalauréat conjugue pour l'essentiel du contrôle continu avec quelques épreuves finales. C'est le cas du Bac actuel. Et donc les épreuves de spécialités, qui ont eu lieu au mois de mars, vont être prises en compte dans Parcoursup pour la première fois. Ce qui est très important, de manière à ce que les universités, par exemple, aient une sorte de normes nationales avec des sujets identiques distribués à l'ensemble des lycéens. Ça, c'est un élément, je dirais, de justice et d'égalité pour l'entrée dans le supérieur. Et puis, c'est également un élément qui favorise au fond l'investissement des lycéens sur leur spécialité ; puisqu'elle compte plus que les années précédentes dans les affectations dans les universités.
ORIANE MANCINI
Donc, pas de changement à venir sur la réforme des…
PAP NDIAYE
On va pouvoir retoucher, bien entendu. On va observer ce qui s'est passé. On va pouvoir, notamment sur les sujets éventuellement faire des petites retouches lorsque le moment sera venu de faire le bilan du Baccalauréat. On est conscient aussi de ce qu'il y a à faire à propos de Parcoursup. Il y a des améliorations à apporter encore à Parcoursup, en particulier du point de vue de l'orientation des élèves. Nous ne sommes pas complètement satisfaits de l'orientation des lycéens dans le cadre de la procédure Parcoursup.
ORIANE MANCINI
Qu’est-ce qui pourrait être changé ?
PAP NDIAYE
Notamment l'aide au choix des différentes options sur Parcoursup. Si on a l'aide familiale pour cela, c'est très bien. Si ça n'est pas le cas, c’est plus compliqué. Donc, on doit travailler sur l'orientation, sur l'aide que le lycée, que les professeurs en particulier, doivent apporter pour plus d’égalité.
ORIANE MANCINI
Pour plus d'égalité. Il y a des élèves qui sont trop livrés à eux-mêmes ?
PAP NDIAYE
Voilà. Et des familles…
ORIANE MANCINI
Ceux qui n’ont pas leurs parents derrière ?
PAP NDIAYE
Exactement. Et donc, on doit progresser de ce point de vue-là. C'est incontestable, d'année en année, Parcoursup s'améliore ; mais nous, du côté de l'Education nationale, nous avons à faire notre part du travail. On fera le bilan de tout cela ; mais je peux vous dire, jusqu'à présent, que les épreuves se sont bien passées d'une manière générale à la satisfaction.
STEPHANE VERNAY
Il n’y a plus de conseillers d'orientation dans les lycées ? Si ? Toujours ?
PAP NDIAYE
Il y a des conseillers d'orientation.
STEPHANE VERNAY
Mais pas assez ?
PAP NDIAYE
Pas suffisamment. Et puis, on a confié également aux professeurs principaux qui sont deux en Terminale.
STEPHANE VERNAY
D'accompagner tout au long de l’année.
PAP NDIAYE
Le soin d'accompagner. Alors, ils le font parfois très très bien. Parfois, faute de temps, ça se fait moins bien.
STEPHANE VERNAY
La réforme elle-même, qu'est-ce qu'elle va changer, notamment pour les enseignants, pour les professeurs ? Parce qu'il y a beaucoup de professeurs qui vont être obligés de partir à plus de 64 ans, suite à la réforme des retraites
PAP NDIAYE
Alors, d'ores et déjà, un petit tiers des professeurs partent à 64 ans. Donc, la question n'est pas absolument révolutionnaire pour les professeurs. De même que les jeunes professeurs, compte-tenu de leurs…
ORIANE MANCINI
Certains partent au-delà aussi
STEPHANE VERNAY
Alors, un tiers des enseignants parce qu'ils n'ont pas toutes leurs annuités ; c’est ça ?
PAP NDIAYE
Exactement. Et donc, les jeunes professeurs qui rentrent dans le métier avec un Bac+5, parfois un peu plus, ont fait leur calcul. Et même sans la réforme des retraites, ils seraient partis de toute façon à plus de 62 ans, à 64 ou 65 ans. Donc, la réforme des retraites, le change de la retraite ne change pas radicalement les choses pour un très grand nombre d'enseignants. Et par ailleurs, nous proposons la retraite progressive : deux ans avant de faire valoir ses droits à la retraite pour les enseignants ; le départ à date anniversaire pour les professeurs des écoles ; et puis des augmentations aussi de rémunération en fin de carrière qui vont permettre aussi que la pension qui est calculée sur les six derniers mois soit une pension revalorisée. Tout ça, ce sont des éléments qui, mis bout à bout, font que la réforme des retraites n'a qu'un impact relatif…
ORIANE MANCINI
Mais est-ce qu’elle est avantageuse pour les professeurs, cette réforme des retraites ? Est-ce qu’il y a des améliorations pour les professeurs dans cette réforme ?
PAP NDIAYE
D'une manière générale, la réforme des retraites, elle réclame un effort. Personne n'est content de travailler plus longtemps, quelques mois de plus, voire deux ans de plus, à partir de 2030. Ça concerne aussi un certain nombre de professeurs. Il faut le reconnaître, c'est un effort que l'on réclame au pays pour nos enfants et pour nos petits-enfants.
ORIANE MANCINI
Donc, il y a bien des profs qui seront obligés de travailler plus avec cette réforme ?
PAP NDIAYE
Tout à fait, notamment des professeurs qui sont en fin de carrière et qui voient en quelque sorte la ligne d'arrivée reculer de quelques mois puisque la réforme va être mise en place de trois mois en trois mois. Mais pour une grande masse de professeurs, ça ne change pas grand-chose en réalité. Parce que de toute façon, ils seraient partis au-delà de 62 ans.
STEPHANE VERNAY
Est-ce que pour vous, c'est ce qui explique le faible taux de grévistes dans le corps enseignant, au moment des journées de mobilisation ? C'est assez faible ; ça a plutôt tendance à baisser ou pas ?
PAP NDIAYE
Oui, je dirais que les enseignants ont participé de façon relativement importante, au moins au début, à la mobilisation. Et puis ensuite, les chiffres ont décru. La réforme en elle-même a, certes, bien entendu - et on peut le comprendre – suscité des oppositions. Néanmoins, les enseignants n'ont pas été, je dirais, les fers de lance de la mobilisation, comme on a pu le voir dans le passé.
STEPHANE VERNAY
Parce que les conditions que vous leur proposez sont bonnes ou simplement parce qu'il y a un problème d'argent aussi ? Faire grève ça coûte à la longueur.
PAP NDIAYE
Je pense que les enseignants ont fait leur calcul et se rendent compte que la réforme, telle qu'elle est proposée, n'a qu'un impact bien entendu, en particulier pour les enseignants qui sont en fin de carrière, mais dans des proportions qui restent relativement gérables.
ORIANE MANCINI
Mais juste, est-ce qu’ils pourront partir avant la fin de l'année scolaire ? Le professeur, il est là, il fait une année scolaire. Est-ce que si la date de la retraite tombe avant la fin de l'année, ils pourront partir avant la fin de l’année scolaire ?
PAP NDIAYE
Oui, c'est le cas déjà dans le secondaire.
STEPHANE VERNAY
La date anniversaire ; c’est ce que vous disiez tout à l’heure.
PAP NDIAYE
Les professeurs du secondaire partent à date anniversaire. Ce sera aussi le cas pour les professeurs des écoles, qui pourront partir à la date de leur anniversaire, même si on sait que beaucoup d'entre eux choisiront de terminer…
STEPHANE VERNAY
D’aller jusqu’à la fin de l’année.
PAP NDIAYE
Voilà. Et de conserver leurs classes.
ORIANE MANCINI
Sur le Service national universel, est-ce qu'il est victime de ce climat social ? Est-ce que sa généralisation est abandonnée ?
PAP NDIAYE
Plusieurs options sont sur la table pour l'instant et elles sont explorées. Et ce sera au Président de la République de trancher et de faire les annonces à ce sujet.
ORIANE MANCINI
Alors, il y a deux options : il y a une partie qui doit être faite pendant le temps scolaire, et une hors du temps scolaire. Quelle est l'option qui a votre préférence ?
PAP NDIAYE
Il y a plusieurs options. Nous regardons les possibilités ; il y a plus que deux options. En réalité,… En tout cas, il y a la question du temps scolaire, bien entendu, mais…
ORIANE MANCINI
Vous n’avez pas de préférence.
PAP NDIAYE
Pour l'instant, rien n'est définitivement arrêté ni du point de vue de la date, ni du point de vue du contenu des annonces.
ORIANE MANCINI
Des modalités.
STEPHANE VERNAY
Quand est-ce qu'on sera fixé parce que là, il y a un grand flou. On devait avoir des annonces en début d'année ; et puis, après on nous a dit février, mars. Et plus le temps passait, plus la contestation montait, plus le calendrier devenait flou. Est-ce qu’aujourd’hui, nous avons…
PAP NDIAYE
Je comprends votre impatience, mais ça va venir.
ORIANE MANCINI
On va parler de l'Education dans les territoires ruraux puisque vous avez fait un déplacement à ce sujet, avec la Première ministre, dans la Nièvre. Est-ce qu'aujourd'hui, il y a des inégalités territoriales en matière d’éducation ?
PAP NDIAYE
Alors, le principe du service public d'éducation, c'est de couvrir l'ensemble du territoire y compris d'ailleurs des territoires très isolés. J'ai souvenir d'une petite école que j'ai visitée au milieu de l'île de la Réunion qu'on atteint après plusieurs heures de marche. C'est une école très isolée qui symbolise le service public d'éducation.
ORIANE MANCINI
Alors, ça, c'est le principe ; mais est-ce que dans la réalité, c’est effectivement le cas ?
PAP NDIAYE
Alors dans la réalité, … Ce qui est vrai, c'est que dans les territoires ruraux, la question de l'éloignement se pose d'une façon beaucoup plus évidente que dans des territoires urbains lorsque les écoles sont relativement proches les unes des autres. Et dans un contexte qui est le nôtre, qui est celui d'une baisse des effectifs scolaires ; une baisse extrêmement accentuée. Nous perdons, bon an mal an, 80 à 100 000 élèves par an ; 500 000 élèves sur l'ensemble du quinquennat. Et ces questions-là se posent avec une acuité particulière d'où le déplacement que j'ai fait avec la Première ministre dans la Nièvre, pour mettre en valeur notre attention particulière sur des territoires qui, en effet, ont des caractéristiques démographiques et d'éloignement qui méritent des mesures spécifiques.
ORIANE MANCINI
Alors, il y a la question de l'éloignement. Est-ce qu'il n’y a pas aussi la question de la formation ? Est-ce que vous avez les mêmes options, les mêmes possibilités, quand vous êtes dans un collège ou un lycée dans un territoire rural ou dans un territoire urbain ? Est-ce que là, vous allez mettre des moyens pour diversifier la formation ?
PAP NDIAYE
Alors, il y a en effet la question de la taille des collèges. Les collèges dans les territoires ruraux peuvent être de petite taille et donc certaines options, par exemple des options de langues, ne sont pas disponibles dans ces collèges. Nous souhaitons, en effet, implanter dans ces collèges ruraux des filières attractives, par exemple des sections internationales, des sections sportives, ou des sections artistiques, de manière à donner un peu de lustre au collège en question et à attirer des élèves ou à garder des élèves ou à attirer des familles ; puisque bien entendu le collège est un élément important dans le choix des familles pour s’installer.
ORIANE MANCINI
Et comment vous allez faire, concrètement ?
PAP NDIAYE
Ça, nous pouvons le faire. C'est à la main de l'Education nationale que d'installer des filières attractives. Mais nous avons aussi besoin, du côté des écoles, qui sont prioritairement concernées ; nous avons aussi besoin, je crois, d'une vision pluriannuelle des choses. Vous savez, le maire d'une année à l’autre…
STEPHANE VERNAY
Trois ans, c’est ce que vous disiez.
PAP NDIAYE
Voilà. Puisque les enfants qui naissent aujourd'hui, ce sont les enfants qui iront à l'école dans trois ans. Donc, trois ans, c'est le bon laps de temps pour avoir un peu de profondeur de champ, si je puis dire.
STEPHANE VERNAY
Mais concrètement, ça veut dire quoi ? C'est-à-dire qu’il n’y aura pas de fermetures de classes en milieu rural dans les trois prochaines années ? Les choses sont figées pour trois ans, à partir de maintenant ?
PAP NDIAYE
Ça veut dire que nous allons nous engager avec les maires sur … Je ne dirais non pas sur le fait de geler la situation, puisque les effectifs scolaires peuvent baisser ou au contraire augmenter ; mais en tout cas, nous avons besoin de nous engager sur trois ans avec le maire. Vous savez, si vous prenez l'exemple d'un maire qui reçoit une subvention de la part de la préfecture pour rénover son école et qui, dans la foulée, se voit fermer une classe ; je comprends que le maire en question soit désemparé face à une politique…
ORIANE MANCINI
Non mais juste, ça veut dire qu’est-ce qu’à partir d'aujourd'hui, vous dites ce matin aux élus locaux « on va se mettre autour de la table, on va discuter. Et pendant trois ans, rien ne bouge » ? Non.
PAP NDIAYE
Non. Ce que nous disons, c'est à partir de l'automne, nous allons nous réunir avec les préfectures, avec les directions académiques donc l'Education nationale, avec les maires, pour regarder sur trois ans ce qui va se passer dans leurs communes. L'implantation d'un lotissement, l'installation de telle ou telle activité économique prévue pour dans telle ou telle période, ça, ça compte évidemment dans les choix que nous allons faire, de manière à ce que le maire puisse avoir une vision sur trois ans, la politique scolaire.
ORIANE MANCINI
Ça veut dire que les maires n’apprendront plus six mois avant qu'il y a une classe qui va fermer dans leurs communes ?
PAP NDIAYE
Exactement.
ORIANE MANCINI
Et ça, c'est à partir de la rentrée 2024.
PAP NDIAYE
A partir donc de 2024. Et cela va se mettre en place à partir de cet automne, ces discussions et ces échanges, de manière à ce que tout le monde puisse se concerter et qu'on ait une vision à peu près correcte des horizons.
STEPHANE VERNAY
Votre prédécesseur, Jean-Michel BLANQUER, avait prévu qu’il n’y aurait pas de fermeture de classes en milieu rural si les maires ou les élus locaux s'y opposaient. Est-ce que ça, ça existe vraiment ? Ça a vraiment été pratiqué ?
PAP NDIAYE
Alors, le Président de la République avait… et nous, évidemment, nous tenons à ce principe…
STEPHANE VERNAY
Mais est-ce qu'il se fait réellement ?
PAP NDIAYE
Qu'il n'y a pas de fermeture d'école et pas de fermetures de classes.
ORIANE MANCINI
Non, mais là, vous dites que vous voulez changer de méthode avec les élus locaux. Vous voulez plus de concertation. Est-ce que ça veut dire que ce sont les maires qui auront le dernier mot sur les fermetures de classes ?
PAP NDIAYE
Non, c'est l'Education nationale. Mais nous avons besoin d'échanges et de concertation avec les maires. Les maires sont nos partenaires en la matière ; nous devons donc les écouter et regarder la situation de leurs communes avec suffisamment de profondeur de champ pour que… ça ne se faisait pas suffisamment, en fait.
ORIANE MANCINI
Vous les écoutez, mais c’est vous qui décidez, c’est-à-dire qu’un maire ne pourra pas s'opposer à une fermeture de classe décidée par l’éducation nationale.
PAP NDIAYE
Un maire ne peut pas s'opposer à une fermeture de classe, mais heureusement bien entendu et c'est le cas aujourd'hui beaucoup de maires comprennent les décisions de fermeture de classes quand il n'y a plus que 5 élèves, oui il faut fermer les classes. Mais ce qu'ils demandent de façon très insistante et je les comprends c'est d'avoir, qu’on les prévienne suffisamment de temps à l'avance et qu'ils puissent également nous informer de leur projet de manière à ce que nous, nous puissions prendre les décisions en conséquence.
ORIANE MANCINI
Vous allez travailler à quelle échelle ? Vous allez travailler à l'échelle des communes, à l’échelle des intercommunalités, est-ce que vous encourager les maires à à travailler entre eux justement pour proposer des solutions intercommunales ?
PAP NDIAYE
Oui nous encourageons les RPI, les Regroupements Pédagogiques Intercommunaux, c'est une manière à l'échelle de plusieurs communes de regrouper des écoles dont les effectifs baissent et par exemple d’organiser par niveaux selon eux chaque école la distribution des élèves, donc cela se fait et nous proposons d'ailleurs un bonus supplémentaire pour les regroupements pédagogiques intercommunaux, un Bonus en termes de moyens humains de manière à encourager ce qui se fait, d'ailleurs j'ai eu l'occasion d’en visiter, les RPI qui fonctionnent très bien par exemple en Savoie, de manière à ce que ces RPI puissent au fond répondre à des logiques démographiques qui sont malheureusement actuellement celle d'une baisse des effectifs. Et puis les RPI ont par ailleurs des intérêts pédagogiques intéressants à condition bien entendu que les transports scolaires ne soient pas trop importants et c’est généralement le cas.
ORIANE MANCINI
Vous avez annoncé certaines mesures un vendredi avec la Première ministre, est-ce que vous en préparez d’autres, d'autres mesures en faveur de l'éducation dans la ruralité ?
PAP NDIAYE
Oui donc la pluri-annualité, on vient d'en parler, la question également des territoires éducatifs ruraux que nous souhaitons développer, pour l'instant il y en a une soixantaine, nous souhaitons généraliser les territoires éducatifs ruraux. Alors qu'est-ce que c'est que ces territoires, eh bien ce sont des mises en réseau de collèges parfois de lycées et d'écoles de manière à faire travailler ensemble, c'est ce qu'on a vu dans la Nièvre, par exemple avec la Première ministre, de manière à faire travailler ensemble écoles et collèges, à faire travailler ensemble le scolaire, le périscolaire et l'extrascolaire, c'est un peu l'équivalent dans le rural des cités éducatives dans les mondes urbains et on s'aperçoit que les résultats sont tout à fait prometteurs. On a besoin de faire de mettre en réseau, on a besoin de faire circuler, on a besoin également d'assurer de meilleures liaisons. Entre le primaire et le secondaire, vous savez l'importance que j'attache à la classe de 6ème.
ORIANE MANCINI
Pour que ça marche évidemment il faut qu'il y ait des professeurs, des enseignants, comment vous allez faire pour attirer ces professeurs dans les territoires ruraux ?
PAP NDIAYE
Eh bien il faut d'abord mieux les payer, c'est pour ça qu’on va les revaloriser à partir de la rentrée avec ce qu'on appelle la revalorisation socle. C’est quoi la revalorisation socle, eh bien c’est une revalorisation pour tous les professeurs, quel que soit d'ailleurs la date d'entrée dans le métier, les néo-titulaires comme ceux qui sont en fin de carrière, ça c'est prévu à partir de septembre une revalorisation.
ORIANE MANCINI
Septembre 2023, de combien ?
PAP NDIAYE
Alors on va l'annoncer bientôt ce sera une revalorisation très substantielle conformément aux engagements du président.
STEPHANE VERNAY
Ça veut dire quoi très substantielle ?
PAP NDIAYE
Vous le verrez mais ce sera tout à fait significatif.
ORIANE MANCINI
Et ça, ça concernera…
PAP NDIAYE
Pour tous les enseignants.
ORIANE MANCINI
Juste ce sera un montant ou ce sera un pourcentage par rapport à l'ancienneté, par rapport à leur salaire actuel ?
PAP NDIAYE
Ce sera un pourcentage par rapport aux salaires, un pourcentage significatif qui correspond évidemment à un montant qui sera un montant important, nous allons le préciser dans quelques jours conformément aux engagements du président…
ORIANE MANCINI
Donc ça, ça concernera tout le monde.
PAP NDIAYE
Ça concernera tout le monde.
STEPHANE VERNAY
Cette revalorisation sera conditionnée à des taches supplémentaires ou…
PAP NDIAYE
Non ce sera pour tout le monde, ce sera aussi valable pour les personnels de direction, pour les personnels administratifs.
STEPHANE VERNAY
Donc sans augmenter le temps de travail des enseignants.
PAP NDIAYE
Sans condition, ça c’est la revalorisation socle.
ORIANE MANCINI
Et il y aura une revalorisation…
PAP NDIAYE
Il y aura également un autre volet qui sera conditionné à de nouvelles missions qu'on appelle le pacte qui représentera à peu près une augmentation de 10 % supplémentaires par rapport aux salaires moyens dont quelque chose comme 3750 euros pour les enseignants qui choisiront ces nouvelles missions, ce sera facultatif.
STEPHANE VERNAY
En plus de la revalorisation socle.
PAP NDIAYE
En plus de la revalorisation socle.
ORIANE MANCINI
Et ça va conditionner à quoi ?
PAP NDIAYE
A de nouvelles missions, comme par exemple les remplacements de courtes durées, vous avez qu’on perd 15 millions d’heures annuelles pour des remplacements qui ne sont pas assurés, avec ders emplois du temps à trou, ce qui est un problème pour les élèves et pour les familles.
ORIANE MANCINI
Alors ça c’est ce qu’a promis Emmanuel MACRON, qu’on puisse remplacer les professeurs du jour au lendemain, j’imagine que c’est votre réponse et que les enseignants assurent les missions, mais par exemple vous avez un élève dont le professeur de mathématiques est absent, qu’est-ce que vous faites, vous demandez à son prof d’Histoire-Géo, à son prof de Français de venir le remplacer ?
PAP NDIAYE
Voilà, pour les professeurs qui auront choisi le pacte, eh bien si le professeur de Mathématiques est absent, le professeur d’Histoire-Géo pourra assurer l’heure par exemple d’absence dans l’emploi du temps, pas pour faire des mathématiques…
ORIANE MANCINI
Mais avec un cours d’Histoire-Géo.
PAP NDIAYE
Mais pour faire de l’histoire-Géographie et donc les élèves auront…
ORIANE MANCINI
Et ensuite il remplace le cours.
PAP NDIAYE
Voilà et les élèves ont plus d’Histoire-géographie une semaine, ils auront plus de mathématiques une autre semaine par un jeu de taquet si vous voulez par lequel on vise à une annualisation en quelque sorte des heures de cours plutôt que d’avoir exactement le même nombre, ou le nombre d’heures requises par semaine. Et donc l’objectif, c’est de réduire le nombre d’heures non assurées, voilà une mission importante que nous proposons aux professeurs du secondaire. Pour les professeurs du primaire, pour les professeurs des écoles, nous allons leur proposer notamment cette heure de soutien en mathématiques ou en Français qui est assurée, qui sera assurée à partir de la rentrée pour les élèves de 6ème.
ORIANE MANCINI
Et là, pour le professeur, pardon, la revalorisation, elle sera à l'heure effectuée, ça sera valorisé comment ?
PAP NDIAYE
Non, elle sera valorisée sous une forme indemnitaire, donc sous la forme d'un… on appelle ça, nous, dans notre jargon, des briques, avec 3 briques possible, des briques d'environ 1.250 euros, donc chaque enseignant pourra choisir 1, 2 ou 3 briques, donc c'est un système assez souple, 3 briques, ça fait un ensemble, le pacte à 3.750 euros. Et donc, l'enseignant s'engagera à 1, 2 ou plusieurs missions qui correspondent à ce pacte, par exemple, des remplacements de courte durée…
ORIANE MANCINI
3.750 euros, il faut être assez loin dans sa carrière quand même pour toucher ce salaire…
PAP NDIAYE
Non, ce n’est pas un salaire, c'est le pacte, c'est la prime qui sera proposée en plus…
ORIANE MANCINI
Donc si vous faites tout, si vous avez ça plus la revalorisation, plus la troisième brique, à ce moment-là, vous êtes à 3.750 euros ?
PAP NDIAYE
Non, non, non, il y a le salaire des professeurs…
ORIANE MANCINI
Oui, ça, j’ai bien compris…
PAP NDIAYE
La revalorisation socle, ça, c'est l'augmentation pour tout le monde…
ORIANE MANCINI
Ça sera pour tout le monde.
PAP NDIAYE
Et en plus, une prime annuelle de 3.750 euros…
ORIANE MANCINI
Ah, c’est la prime en plus ! Voilà, c’est ça que je n’avais pas compris…
PAP NDIAYE
C’est le pacte qui s'ajoutera au salaire et qui représentera donc une augmentation significative…
ORIANE MANCINI
Donc c’est une prime annuelle, 3.750 euros, pardon, c’est ça que je n’avais pas très bien compris…
PAP NDIAYE
Exactement.
ORIANE MANCINI
Vous le dites, et évidemment qu’il faut encourager le métier de prof, il faut le rendre attractif, est-ce qu’il y aura encore des suppressions de postes dans l'Education nationale, chez les professeurs ?
PAP NDIAYE
Alors, il y a, il va y avoir des suppressions de postes, puisque la baisse des effectifs scolaires nous oblige à ajuster la carte scolaire, et donc, nous supprimons un certain nombre de postes en effet à la rentrée, dans des proportions relatives d'ailleurs, puisque cela ne se fait pas à proportion de la baisse des effectifs scolaires, ce qu'il faut voir, c'est que le taux d'encadrement, c’est-à-dire le nombre d'élèves par classe va continuer à baisser l'année prochaine dans le primaire et dans le secondaire, mais en effet, il y aura des suppressions de postes.
ORIANE MANCINI
Que vous estimez à combien ?
PAP NDIAYE
Eh bien, nous l’avons déjà annoncé, puisque c'est dans le budget 2023, environ, 1.500 suppressions de postes avec des ajustements que nous faisons, nous avons rétabli 400 postes à peu près depuis le mois de février, en particulier dans les territoires ruraux, là où les questions d'éloignement sont particulièrement importantes.
ORIANE MANCINI
Un dernier mot sur la question de la mixité scolaire, puisque c'est aussi l'un de vos chevaux de bataille…
STEPHANE VERNAY
Oui, vous avez l’intention de créer une instance de dialogue autour de la carte scolaire pour réunir le préfet et les associations d’élus, pourquoi, quel est le besoin, il y a un problème entre le privé et le public, il y a une tendance toujours très prononcée à contourner la carte scolaire dans notre pays ?
PAP NDIAYE
Alors ça, ça peut être vrai en effet dans les grands centres urbains, mais d'une manière générale, nous savons que la mixité sociale, elle est positive, elle est positive, non seulement pour les élèves favorisés, mais également, a fortiori, pour les élèves défavorisés, or, la France est un des pays où la ségrégation scolaire est la plus forte en comparaison internationale. Nous savons que relever le niveau scolaire, et nous avons besoin de relever le niveau scolaire, passe par un certain nombre de mesures, comme le renforcement des mathématiques, que nous allons introduire dès la rentrée, mais aussi par une meilleure mixité scolaire et sociale, c'est donc ce que nous allons proposer, il y a plusieurs leviers pour cela, la sectorisation, évidemment, c'est quelque chose de très important, regardez ce qui a été fait à Paris par exemple, dans les lycées parisiens, où on a une augmentation très, très intéressante de la mixité sociale, avec une refonte de la carte scolaire, il y a la question de l'implantation de filières d'excellence, j'en parlais à l'instant, de filières attractives dans des collèges défavorisés, pour conserver des familles, je dirais, de classe moyenne qui, sinon, s'en iraient ailleurs, et puis, en effet, il y a la question de la participation de l'enseignement privé sous contrat, puisque, je dirais que le contournement de la carte scolaire est important dans des grandes villes, dans des grandes métropoles comme Paris. Et donc, nous espérons parvenir à un accord…
ORIANE MANCINI
Où les parents mettent leurs enfants dans le privé…
PAP NDIAYE
Par exemple, à Paris, c’est tout à fait le cas…
ORIANE MANCINI
Et ça, vous voulez essayer de mettre fin à ça…
PAP NDIAYE
Non…
ORIANE MANCINI
En tout cas, de limiter ça…
STEPHANE VERNAY
Rééquilibrer.
PAP NDIAYE
Rééquilibrer, faire de telle sorte que l'enseignement privé prenne sa part de la mixité scolaire et sociale.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup Pap NDIAYE.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 4 avril 2023