Interview de M. Olivier Véran, ministre délégué, chargé du Renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement, à France Inter le 6 avril 2023, sur l'échec de la réunion avec les syndicats le 5 avril, la mobilisation contre la réforme des retraites et l'attente de la décision du Conseil constitutionnel le 14 avril.

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Média : France Inter

Texte intégral

NICOLAS DEMORAND
Avec Léa SALAME, nous recevons ce matin le ministre chargé du Renouveau démocratique, porte-parole du gouvernement. Questions, réactions, au 01 45 24 7000. Mais amis auditeurs, amis auditrices, en raison d’un mouvement de grève contre la réforme des retraites et à l’appel des syndicats de Radio France, vous ne pourrez pas passer à l’antenne, c’est donc moi qui lirai vos questions. L’application France Inter est bien sûr à votre disposition. Olivier VERAN, bonjour.

OLIVIER VERAN
Bonjour.

LEA SALAME
Bonjour.

NICOLAS DEMORAND
Et bienvenu à ce micro. La réunion hier entre Elisabeth BORNE et l’Intersyndicale a duré 55 minutes, et s’est soldée par un échec, selon tous les syndicats. A quoi a-t-elle servi cette réunion ?

OLIVIER VERAN
On n’est pas d’accord, mais on se parle. Et c'est important de se parler. C'est important d’avoir le dialogue. Et j’écoutais Laurent BERGER ce matin sur une autre antenne, qui disait encore qu’il souhaitait pouvoir travailler avec le gouvernement sur la suite, au-delà du désaccord sur la question de l’âge, c'est important. Pourquoi ? Parce que vous savez que la loi c’est une partition, ça donne le cadre général, et ensuite ce sont les décrets d’application d’une loi, qui permettent de dire en pratique comment tel ou tel élément se met en place. Or là, on est en train de travailler sur la question de la pénibilité. Le gouvernement travaille pour cette grande mesure sur la pénibilité, quelles branches professionnelles, pour quelles professions. Il y a un milliard d’euros de fonds de prévention. Et ça on veut le travailler avec les syndicats. On a besoin de bosser avec les partenaires sociaux.

LEA SALAME
Oui, sauf que vous savez ce qui s’est passé hier, c’est-à-dire que les syndicats sont tous d’accord, la CFDT comprise, disent : on doit d’abord, vous devez d’abord retirer cette réforme, et après on parlera d’autre chose. C’est pour ça qu’ils sont partis au bout de 50 minutes.

OLIVIER VERAN
Alors, j’ai bien entendu ce qui s’est passé hier à la réunion, il y a une forme d’attente du verdict du Conseil constitutionnel, qui va intervenir vendredi prochain, le 14 avril. Mais je n’entends pas, dans le discours des syndicats, le blocage qui dirait : quoi qu’il arrive, on ne travaillera pas sur l’application de la loi etc. etc. C’est…

LEA SALAME
Mais ils vous disent tous, ils sont tous sortis, vous avez entendu, c'est le même mot qu’ils avaient dans toutes les bouches, c'est « échec ». Echec.

OLIVIER VERAN
Il y a eu la réunion d’hier, encore une fois vous allez me dire je joue sur les mots, mais ce n’est pas la même chose de se dire « on s'est parlé mais on n'est pas d'accord », et de dire « on n'est pas d'accord mais on s’est parlé ». Parce que le contact est repris, que le dialogue existe et que l’on a vocation à travailler avec les syndicats.

LEA SALAME
Alors, je vais vous citer un autre mot…

OLIVIER VERAN
Ils l'ont fait eux-mêmes il y a quelques de semaine en se mettant d'accord, et on s'est engagé à retranscrire l'accord, sur le partage de la valeur dans les entreprises.

LEA SALAME
Laurent BERGER hier, déclare : « on a une crise sociale qui est en train de se transformer en grave crise démocratique ». Il l’a encore répété ce matin. C’est une crise démocratique qui est en train de se passer ? C’est ce qu'il dit, lui.

OLIVIER VERAN
Là je ne suis pas du tout d'accord avec Laurent BERGER. Et au fond je crois, le connaissant un peu, je pense qu'il n'est pas au fond d'accord lui-même avec ce qu'il dit.

NICOLAS DEMORAND
Ah bon ?

OLIVIER VERAN
La crise sociale, non non, mais, le conflit social, d'ailleurs le syndicat, il manipule, au sens propre mais au sens positif du terme, du conflit, lorsqu'il n'est pas en accord. Là où des extrêmes en politique manipulent de la haine. Donc les syndicats, ils sont à leur place en mettant les conditions d'un conflit social, lorsqu'il y a un désaccord sur un point de texte. La crise démocratique, Léa SALAME, ce n’est pas ça, la crise démocratique c’est si les extrêmes arrivent au pouvoir par exemple et qu’ils considèrent que le Conseil constitutionnel ce n’est pas important, s'ils considèrent qu'ils peuvent faire ce qu’ils veulent etc. Là nous avons respecté le chemin du droit. Alors, je comprends bien que le 49.3 comme issue pour le vote du texte, ne soit pas la solution privilégiée par les Français, ça n'est pas la solution que nous voulions privilégier nous-mêmes, mais il n'empêche que c'est constitutionnel et que c'est établi. Vous avez donc une mesure qui a été annoncée dans le programme, qui a fait l'objet de consultations à la demande des syndicats. Je vous rappelle qu'on pouvait le faire en octobre, à la demande des syndicats on a différé au mois de février. Je vous rappelle qu'au début on disait 65 ans, et qu’à la fin c'est 64 ans. Je vous rappelle qu’au début il n’y avait pas tellement de dépenses, c’était surtout des mesures de recettes, à la fin il y a 6 milliards d'euros de dépenses, dans une réforme des retraites, par an, pour améliorer la situation des petites retraites etc., mise en place progressive. Et on attend une validation par le Conseil constitutionnel. Donc on n'est pas dans une crise démocratique.

NICOLAS DEMORAND
Il vous redemandait hier soir encore une médiation. C'est toujours non ? « Il », c'est Laurent BERGER.

OLIVIER VERAN
Mais, c'est ce que j’ai dit la dernière fois, on n’a pas besoin de médiation pour se parler. Vous imaginez bien que si vous avez une médiation, et si on considérait que le gouvernement, pour parler aux syndicats, a besoin de tierce personne, là en ternes, excusez-moi, institutionnels, ça pourrait poser problème, et il le sait au fond. On est aussi dans la stratégie qui consiste à dire : on ne veut pas de la réforme, bon eh bien repoussez-la. Non, eh bien mettez là en pause, parce qu'ils savent que s'il y avait une mise en pause ce serait très compliqué de reprendre. Donc nous…

LEA SALAME
Vous n'avez pas l'impression aux c'est un dialogue de sourds, pardon, vous dites « on se parle ». L'opinion est plus cruelle ce matin en disant « théâtre du rien », ce qui s'est passé hier.

OLIVIER VERAN
Je vous redis les choses. Il y a déjà eu des situations de tension extrême dans ce pays, où plus personne ne parlait à plus personne, et ce n’était même pas la peine d'essayer de réunir autour d'une table. Là, il y avait la force du symbole que d'avoir l'ensemble des syndicats, très unis, c'est vrai, très unis, sur la forme et sur le fond…

LEA SALAME
Et très contre.

OLIVIER VERAN
Et qui viennent discuter avec les représentants, avec la cheffe du gouvernement et les ministres en charge du dossier. Donc, je vous dis juste que l’on se parle, et on se parle, et il y a aussi toutes les bilatérales qu'on peut faire plus en off, quand on discute, pour dire, voilà là-dessus… Nous, encore une fois, on veut travailler. On a besoin de travailler avec les syndicats, sur les critères de pénibilité par exemple. Ça n'aurait aucun sens de faire sans eux. Et eux au fond le savent. Donc il y a la question de l'âge qui focalise toutes les attentions, et je comprends, et je ne nie pas du tout la colère sociale, je ne nie pas le désaccord profond qu'il y a avec une partie de la population et l'ensemble des syndicats sur cette question, mais il a tout le reste.

NICOLAS DEMORAND
Bernard CAZENEUVE à ce micro hier, disait que vous, gouvernement, avez tort de dire non aux syndicats réformistes, je le cite, parce que quand on veut être un gouvernement réformiste, les deals en effet avec les syndicats réformistes, pas avec les parlementaires les plus conservateurs de la droite, pour se constituer une majorité à la faveur d'une réforme. Ça c'est une mauvaise stratégie disait Bernard CAZENEUVE. Sur ce point vous lui répondez quoi ?

OLIVIER VERAN
Alors, je ne vais pas, pardon, répondre en particulier à Bernard CAZENEUVE. J'aime quand Bernard CAZENEUVE a une position très claire pour faire la différence entre la gauche de gouvernement et la NUPES. Et Bernard CAZENEUVE, lui, n'ignore pas que les socialistes en place en Espagne, loin de revenir sur la réforme des retraites qui repousse l'âge de départ à 67 ans, l’a entérinée. Bon, parce qu’il savait que gouverner c'est choisir…

LEA SALAME
Olivier VERAN, hier, à ce micro, Bernard CAZENEUVE a été très sévère avec votre gouvernement, pas seulement avec la NUPES et les Insoumis.

OLIVIER VERAN
Il est sévère avec tout le monde, Bernard CAZENEUVE, mais c'est son droit, il fait de la politique et j'ai du respect pour l’homme. Bon. Je vous dis juste qu’il se distingue la NUPES par la gauche, le fait qu'il ait une gauche de gouvernement capable de prendre des décisions impopulaires et difficiles, il l'a fait par le passé, lorsque ça va dans l'intérêt supérieur du pays.

LEA SALAME
Même le MEDEF vous appelle à changer de méthode. Je ne sais pas si vous avez écouté Geoffroy ROUX de BEZIEUX mardi à ce micro. Votre méthode sur la réforme des retraites était ratée, il a dit, ça a manqué de concertation, ça manquait de tout, il faut changer de réforme… changer de méthode, j’ai fait un lapsus.

OLIVIER VERAN
Changer de méthode … de réforme. Eh bien écoutez, très bien, voilà. Non mais ne je vais pas commenter, pardon, les commentaires de Geoffroy ROUX de BEZIEUX sur la manière…

LEA SALAME
Vous ne pensez pas qu'il faut changer de méthode ?

OLIVIER VERAN
Non mais ce qui est sûr, c'est que, alors là-dessus je vais vous répondre bien volontiers. Ce qui est sûr, c'est que ce qu'on a voulu faire depuis quand même 6 mois, Léa SALAME, Nicolas DEMORAND, depuis plus de 6 mois, c'est que d'abord on a invité les syndicats, pour leur dire : il y a ce projet de réforme, pour laquelle le président de la République s'est engagé pendant la campagne. On veut la faire avec vous. On veut pouvoir discuter avec vous, des mises en place opérationnelles, de tout ce qu'on va mettre à côté. Ils ont dit : ok, on discute. Et d'ailleurs ils sont venus. Il y a eu pas mal de conférences, avec les syndicats, où on a pu avancer de manière très concrète, et d'ailleurs on a pris les propositions des syndicats, je cite la pénibilité, mais je pourrais citer les carrières longues, les fameux droits des stagiaires ou encore les droits pour des femmes, les congés parentaux etc. Et à la fin on a acté qu'il y avait un point de désaccord sur un élément. Là-dessus vous avez deux choix : où vous renoncez, ça veut dire que vous ne faites plus la réforme des retraites, et ensuite vous allez chercher d'autres modalités de financements, mais qui je vous l'assure, si on la présentait aux Français ne ferait pas beaucoup d'heureux, parce que les gens auraient, ou une hausse des impôts, ou une baisse des pensions pour les retraités, ou une explosion de la dette pour nos enfants. Parce que quand on discute avec les syndicats depuis des mois, et qu'on leur dit : est-ce que vous trouvez normal de chaque mois la France doive emprunter 1 ou 2 milliards d'euros sur les marchés financiers étrangers, pour pouvoir payer les retraites, et que c’est les générations d'après qui devront rembourser cet emprunt, ils disent : non ce n’est pas normal.

NICOLAS DEMORAND
Mais en fait, Olivier VERAN…

OLIVIER VERAN
Donc ce sont les solutions qui…

NICOLAS DEMORAND
En fait Olivier VERAN, si on vous comprend et si on vous entend, même s'il y a du monde dans les rues aujourd'hui, même s'il y a des violences, même s'il y a un hôtel de ville ou une mairie qui brûlent, ce qu'on entend c'est que vous ne bougerez pas. C’est ça ce que vous nous dites.

OLIVIER VERAN
Nicolas DEMORAND, je vais faire un distinguo fondamental à mes yeux. Je ne fais pas du tout le lien entre la présence de nombreux Français dans les rues, et ils sont nombreux, avec des manifestations bien cadrées, et je respecte, et ça s'appelle du conflit social. Et les violences auxquelles vous faites allusion. Et si la question c'est : faut-il que le gouvernement cède un jour, parce qu'il y a des violences dans la rue, qui sont prodiguées par des ultras qui ne sont pas là pour la question de l'âge de départ à la retraite, parce que je pense qu'ils n’en ont absolument rien à faire au fond, mais ils sont là pour déstabiliser les institutions, là-dessus on ne cède pas. On ne cède pas face aux violences, jamais.

LEA SALAME
Pardon, mais sous les Gilets jaunes vous avez retiré la taxe carbone, face aux violences.

OLIVIER VERAN
Le mouvement social des Gilets jaunes, était est un mouvement extrêmement particulier, qui correspondait à un aspect, auquel nous avons répondu par des mesures de pouvoir d'achat après un grand débat national, en consultant la population.

LEA SALAME
Mais vous avez reculé. Vous avez retiré la taxe carbone qui était à l’origine de…

OLIVIER VERAN
Et je n’ai pas fini de vous répondre sur la méthode Léa SALAME. La méthode c'est aussi cette méthode du avec vous, avec le magnifique exemple de la Convention citoyenne par exemple, sur la fin de vie, qui a fonctionné. On a clôturé la semaine dernière avec Agnès PANNIER-RUNACHER, une consultation de la population sur l'avenir du mix énergétique français. Vous savez, c'est formidable, il y a 35 000 contributions de Français, de citoyens sur cette question, quand on a fait le rendu des conclusions on a hélas dû avorter la conférence de Presse parce qu’il n’y avait personne. Donc on consulte énormément la population, on veut changer de méthode, on voudrait que ça se voit, ça prend parfois un peu de temps. Au-delà d'objets des 64 ans, les choses bougent dans ce pays.

LEA SALAME
Les oppositions ont déposé, vous le savez, au Conseil constitutionnel, une demande de RIP, de Référendum d'Initiative Partagée. Que se passera-t-il si le Conseil valide cette demande de RIP, et que vous disent vos juristes, à vous, à Matignon, sur ce RIP ? Est-ce que, à votre sens il est valide ?

OLIVIER VERAN
Alors, à mon sens ça n'a…

LEA SALAME
Non, au sens des juristes.

OLIVIER VERAN
Ça ne vaut rien, dans le sens où c'est au Conseil constitutionnel ? Vous savez, le respect des institutions ça veut dire que nous, on respecte totalement, et d'ailleurs tout le monde, j'ai entendu personne dire l'inverse, les syndicats y compris, respecte l'avis du Conseil constitutionnel, qui ne juge pas sur le fond mais qui juge sur la forme. Et donc là une question sur la forme est posée au Conseil constitutionnel : est-ce que la demande déposée de de RIP correspond au cadre constitutionnel fixé par le Conseil ? C’est à eux de répondre. Je ne vais pas faire de la politique fiction là-dessus.

LEA SALAME
Si jamais il le valide, est-ce qu'il y aura deux légitimités qui vont se faire face, entre une loi qui va être promulguée, et un RIP qui sera lancé ?

OLIVIER VERAN
Par définition, le Conseil constitutionnel est toujours légitime, quel que soit le choix et quel que soit la décision qu'il prend. Donc, encore une fois, on va le laisser juger tranquillement, je ne vais certainement pas donner le sentiment de préempter, d'anticiper, de redouter ou d'accueillir avec confiance. On attend.

LEA SALAME
Parce qu'on lisait dans Le Canard Enchaîné que Matignon pensait que ça n'était pas recevable.

OLIVIER VERAN
Eh bien écoutez on verra ce qu'en dira le Conseil.

NICOLAS DEMORAND
En tout cas aujourd'hui c'est la 11e journée de mobilisation intersyndicale, 3 TGV sur 4, un TER sur 2, trafic en nette amélioration, en tout cas par rapport aux journées précédentes. Dans l'Education nationale autour de 20 % des enseignants du primaire en grève selon le SNUIPP, épée 600 à 800 000 personnes attendues dans les rues. Est-ce que vous espérez, Olivier VERAN, que le mouvement s'essouffle et que les Français enfin se résignent ?

OLIVIER VERAN
La résignation n’est jamais l'option que je privilégie, sinon je ne ferais pas de politique. Ce que je veux, c'est qu'on arrive un jour à s'entendre et à se comprendre. Et je pense que ça prendra du temps, au-delà du conflit social, pour que chacun puisse appréhender le fait que cette réforme elle était nécessaire au moment où nous l'avons prise. Et je comprends que ce n'est pas le cas aujourd'hui, qu'on n'a pas réussi à convaincre, à l'heure à laquelle je vous parle, mais c'est un travail qui doit continuer dans la durée.

LEA SALAME
Hier, Emmanuel Macron depuis la Chine, a fait savoir que, je cite, « si les gens ne voulaient pas les 64 ans, il ne fallait pas me mettre en tête au 1er tour ». Ce à quoi Laurent BERGER l'appelle à garder ses nerfs et à arrêter avec les petites phrases provoc. Ça veut dire quoi cette phrase du président de la République ?

OLIVIER VERAN
On a parlé, je vous ai parlé tout à l'heure de la question de la crise démocratique. En fait quand, vous avez des syndicats qui confondent conflit social et crise démocratique, il est important de remettre l'église au milieu du village. Une crise démocratique ce n’est pas ça, et donc quand vous avez une proposition qui était annoncée, surtout dans une campagne, qui avait fait l'objet de 6 mois de concertation, qu'elle est amendée à je ne sais combien de reprises, vous nous l'avez même reproché parce que ça a complexifié la compréhension du projet de loi, lorsqu'il y a un débat au Parlement, lorsqu'il y a la mise en jeu de la légitimité de la Première ministre et du gouvernement et des parlementaires…

LEA SALAME
Donc c'est la réponse, pour être clair…

OLIVIER VERAN
… lorsque vous avez un avis du Conseil constitutionnel, eh bien vous avez ce qu'on appelle le chemin démocratique…

LEA SALAME
Donc la phrase d’Emmanuel MACRON, c'est une réponse à la crise démocratique de Laurent BERGER. On continue dans les réponses, Laurent BERGER - Emmanuel MACRON. C’est ça ?

OLIVIER VERAN
Alors, je n’interpréterai pas …

LEA SALAME
Mais c'est vous qui répondez, c'est vous qui dites que c'est ça.

OLIVIER VERAN
Oui, non mais ça, attendez, c'est du hors contexte. Mais je vous dis juste que je m'intéresse et j'écoute de très près ce que disent les uns et les autres, parce qu'on s'écoute figurez-vous, on ne fait pas que s'entendre comme ça une heure autour d'une table, on s'écoute et on se parle, c'est important de le faire, et là-dessus on a un point de désaccord.

NICOLAS DEMORAND
Olivier VERAN, il y a un certain nombre de sondages, d'enquêtes d'opinion, IFOP, Elabe, OpinionWay, qui estiment que si une présidentielle ou des législatives avaient lieu aujourd'hui, c'est Marine LE PEN qui arriverait en tête, et largement, au 1er tour et même selon Elabe, qu'elle remporterait une présidentielle au second tour face à Emmanuel MACRON, avec 55 % des voix. Vous prenez votre responsabilité dans cette poussée du Rassemblement national ? Telle que la mesure cet institut en tout cas.

OLIVIER VERAN
Je peux faire un distinguo entre les différents sondages ? Ce n’est pas la même chose. Le Elabe, pardon, il ne teste rien, du vent, parce que le président de la République il ne peut pas se représenter. Donc faire une élection fictive entre… Et d'ailleurs c'est bien parce que, je veux dire c'est quand même une importance fondamentale, et le président de la République l'a dit lui-même, il endosse une décision impopulaire pour l'avenir du pays et donc il ne fait pas à titre personnel. Après, qu'est-ce qu'on constate effectivement dans les sondages ? Que l'extrême droite est dans les intentions de vote. Mais pour pourquoi ? Pourquoi ?

LEA SALAME
Pourquoi ?

OLIVIER VERAN
Parce qu'elle ne dit rien. Parce qu'elle ne propose rien, et donc elle fait comme d'habitude, elle récolte les fruits de la colère. Et je vais vous dire ma conviction. La démagogie, l'immobilisme, c'est peut-être payant à court terme politiquement dans un contexte particulier, quand on la teste, mais ça n'a jamais gagné aux élections.

LEA SALAME
Dans son discours…

OLIVIER VERAN
Ce qui est certain, Léa SALAME, c'est que nous on avait la conviction, et je la garde d'ailleurs, qu’en faisant reculer le chômage on ferait reculer l'extrême droite. Qu'en baissant les impôts, on ferait reculer l'extrême droite. Manifestement il faut qu'on soit aussi capable de parler aux Français différemment et sur d'autres thématiques, pour pouvoir faire reculer durablement cette extrême droite. Et on continue de travailler et on assume. Vous savez, au moment des élections, les Français regardent en arrière, ils voient est-ce que le pays va mieux aujourd'hui que ce qu'il avait il y a 5 ans. Ouais, ça a été par moments compliqué, par moments on ne s’est pas compris, il y a cette décision dans là qui a été prise, on ne l'aurait pas fait de la même manière. Mais on regarde aussi les faits. Est-ce que notre pays a retrouvé la souveraineté, est-ce qu'on a réimplanter des usines, est-ce la France a réussi à implanter 100 % de fibre numérique, partout y compris en ruralité ? Est-ce qu'on a restauré des services publics de proximité ? Est-ce que les classes moyennes vont mieux aujourd'hui qu’elles allaient hier ? C’est tout ça.

LEA SALAME
Alors, pourquoi elle est si haute, Marine LE PEN ? Pourquoi elle est si haute, Marine LE PEN, si tout ce que vous dites, et vos convictions c'est que si on fait baisser le chômage, et vous l'avez fait baisser, Marine LE PEN devrait baisser, elle monte. Pourquoi alors ?

OLIVIER VERAN
Je vous dis qu’à l'évidence ça ne suffit pas et qu'il faut qu'on soit capable aussi de parler, d'aller attaquer Marine LE PEN sur ses propres thèses, quand elle en a, parce qu’elle n'en a honnêtement pas beaucoup. Si vous êtes capable de me dire ce que veut Marine LE PEN en matière de réforme des retraites, réduction de la dette et financement de l'emploi, bon courage. Moi je ne l'ai pas compris.

LEA SALAME
Mais dans son discours au Louvre en 2017, le soir de sa première élection, Emmanuel MACRON a déclaré, c'est vrai, je rappelle souvent cette phrase, parce qu’elle importante : « Je ferai en sorte qu'à la fin du quinquennat, aucun Français n'ait de raisons de voter pour les extrêmes ». Il disait ça il y a 6 ans. Conclusion Marine LE PEN fait un score record à la présidentielle 5 ans après, et aux législatives fait rentrer 89 députés. Et là si on en croit les sondages, qui ne sont qu'une photographie on est bien d'accord…

OLIVIER VERAN
A un moment particulier.

LEA SALAME
A un moment particulier, elle gagnerait la présidentielle, qui que ce soit face à elle, elle gagnerait la présidentielle. Il n’y a pas quelque chose qui a raté entre la promesse initiale d'Emmanuel MACRON, je viens, je change la donne, je renverse la table et je dirai aux Français, ils n'auront plus aucune raison de voter pour les extrêmes, et au bout de 6 ans, une extrême droite qui n'a jamais été aussi forte, jamais.

OLIVIER VERAN
Le paysage politique, a aussi été complètement chamboulé dans la période. Ce qui est marquant dans ce sondage, c’est que la droite de gouvernement fait 5. Que la gauche de gouvernement fait moins de 5, et donc en fait vous avez une extrême gauche qui pousse très fort, qui attaque très fort le gouvernement, en expliquant que ce qu'on fait entre pour le pays, d’accord, mais les Français qui du coup ressentent aussi de la colère ou de la gêne vis-à-vis de la politique qu'on mène, mais qui ne se sentent pas du tout trotskistes ou triste de la fin de l'URSS, qui ne se sentent pas d'extrême gauche du tout, se disent : eh bien, quelle est l'offre politique d'opposition ? Elle est où la gauche de gouvernement crédible aujourd'hui ? Celle d'Olivier FAURE, qui est complètement liée à MELENCHON ? Non. Celle d'une droite LR qui n'a pas été capable de s'organiser pour voter la proposition phare de leur propre programme ? Non. Donc il y a tout ça aussi qui fait qu’elle récupère, elle est le réceptacle sans rien faire, sans rien dire.

NICOLAS DEMORAND
Sur le Rassemblement national…

OLIVIER VERAN
On pourrait aller l’attaquer, on va l’attaquer sur ses thèses, on va l'attaquer sur le peu d'idées qu'elle met en place dans le débat public. Croyez-moi, enfin c'est l'origine de mon engagement politique. Et moi je crois profondément aussi que l'ennemi de l'extrême c'est le lien. Et le lien il est très fort dans notre pays.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 13 avril 2023