Texte intégral
ORIANE MANCINI
Notre invité politique ce matin, c’est Stanislas GUERINI.
STANISLAS GUERINI
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Bonjour. Merci d'être avec nous ministre de la Transformation et de la Fonction publique. On est ensemble pendant vingt minutes pour une interview en partenariat avec la presse régionale représentée par Stéphane VERNAY de " Ouest France ". Bonjour Stéphane
STEPHANE VERNAY
Bonjour, bonjour.
STANISLAS GUERINI
Bonjour à vous.
ORIANE MANCINI
On va parler de la réforme des retraites pour commencer, Stanislas GUERINI. C'est donc vendredi que le Conseil constitutionnel doit rendre sa décision sur ce texte. Est-ce que vous la redoutez, cette décision ?
STANISLAS GUERINI
Non, je pense que dans une démocratie, chacun doit attendre ce type de décision sereinement, sans commencer - comme je l'entends parfois – par remettre en cause par anticipation ce que dira le Conseil constitutionnel. C'est quand même un peu la petite musique à la mode en ce moment, de décrédibiliser par anticipation. De dire " est-ce qu'il serait légitime parce que telle ou telle personnalité ont un jour été ici ou là ? " Moi, je ne jouerai pas à ce jeu-là ; je crois que personne au Gouvernement. Et que l'ensemble du Gouvernement attendra respectueusement, respectera les décisions du Conseil constitutionnel tout simplement, je crois, ce qui convient de faire dans une démocratie.
ORIANE MANCINI
Mais vous redoutez que certaines oppositions ne la respectent pas, cette décision ?
STANISLAS GUERINI
Non, je commente ce que j'entends à l'instant T. Et moi, je crois qu'il faut être séquentiel, il ne faut pas céder les unes après les autres. Il ne faut pas chercher à mettre les wagons dans le mauvais sens. Donc, attendons ce que va dire le Conseil constitutionnel. Le pays ne doit pas s'arrêter à la décision du Conseil constitutionnel. Il y a beaucoup de choses qui avancent, qui continuent d'avancer. Cette réforme des retraites est une réforme, on l'a dit, qui est indispensable, qui n'est certes pas populaire mais qui est indispensable aussi pour pouvoir avancer et financer notre modèle social, financer notre modèle de retraite par répartition. Je crois qu’on doit continuer à s'intéresser à tous les sujets et il y en a de nombreux. Il y a beaucoup de choses à faire dans le pays, donc tout ne doit pas s'arrêter.
STEPHANE VERNAY
Mais ma décision du Conseil constitutionnel, quelle qu'elle soit, permettra-t-elle vraiment d'avancer, c'est-à-dire de tourner la page de cette réforme dans un sens ou dans un autre, à votre sens ?
STANISLAS GUERINI
Il le faut. C'est tout l'objet de ce que nous faisons pour essayer de reprendre aussi le dialogue avec les organisations syndicales. Le fil n'a jamais été complètement coupé. Je l’entends aussi parfois, on continue d'échanger, d'avancer. Il faut voir sur quel sujet on peut le faire pour pouvoir aussi redémarrer ce dialogue-là qui est indispensable. Vous savez, moi, quand je vais rencontrer des agents publics, on parle parfois des retraites, c'est vrai ; mais on parle de beaucoup d'autres sujets : on parle de pouvoir d'achat, on parle de conditions de travail, de pénibilité, de la façon dont on peut construire une carrière dans la Fonction publique, par exemple. Ce sont des sujets qui sont d'intérêt pour les agents. Et je crois que les syndicats sont conscients de ça.
STEPHANE VERNAY
Il a vraiment repris le dialogue ?
STANISLAS GUERINI
Et pour qu’ils puissent aussi redémarrer ce dialogue, s’intéresser à ce sujet.
STEPHANE VERNAY
Vous étiez à Matignon avec Elisabeth BORNE, le jour de la rencontre avec les syndicats. Elle n’a pas été formidablement réussie, cette rencontre. Est-ce qu'il y a vraiment dialogue quand personne ne s’écoute ?
ORIANE MANCINI
Est-ce que ça a été un échec pour vous ?
STANISLAS GUERINI
Quand nous nous sommes rencontrés la semaine dernière, c'était important qu'on puisse tout simplement s'écouter, dialoguer respectivement.
STEPHANE VERNAY
Ça a vraiment été le cas ?
STANISLAS GUERINI
Oui, ça a été le cas, vraiment dans un échange qui a été respectueux. Il ne faut pas oublier que nous étions dans un moment où parfois se manifestait des formes de violence, pas du tout celles des manifestants encadrés par les syndicalistes. Au contraire, la Première ministre a reconnu cette capacité des syndicats, justement, à mener une opposition forte dans la rue mais respectueuse de la démocratie. Moi, je crois que ces moments-là, ils ont aussi de la valeur tout simplement parfois pour ça ; pour montrer qu'en responsabilité, des électeurs peuvent se parler. Certains sujets ont été évoqués, ce que j'évoquais à l'instant : la nature du travail, la construction des carrières, celle du pouvoir d'achat.
ORIANE MANCINI
Vous avez parlé d’autres choses que de la réforme des retraites ?
STANISLAS GUERINI
Oui, mais en transparence. La Première ministre a elle-même reconnu qu'on n’avait pas pu approfondir ces sujets-là. Les syndicats ont dit des choses importantes. Certains d'entre eux ont dit « on se retrouvera pour parler de ces sujets quoiqu' il arrive sur la réforme des retraites, mais pas maintenant. Parce que nous avons une opposition fondamentale sur le recul de l'âge. Alors effectivement, la réunion n’a pas servi à permettre de régler ce désaccord-là. Et je pense que personne ne s'attendait à ce qu’on se mette d'accord sur le fait de reculer l'âge des retraites dans cette réunion.
ORIANE MANCINI
Vous la qualifiez d’échec aussi cette réunion ?
STANISLAS GUERINI
Non, je ne la qualifierais absolument pas d’échec.
ORIANE MANCINI
Vous regrettez que les syndicats l’aient qualifiée d’échec ?
STANISLAS GUERINI
Dans un moment où se manifestent un certain nombre de tensions et de violences dans le pays, que des acteurs en responsabilité, gouvernement et syndicats, puissent se parler, ça a de la valeur, ça a de la valeur aussi pour parler de nos accords et de nos désaccords, prendre acte aussi qu’on doit continuer à avancer, à faire avancer un certain nombre de sujets qui, encore une fois, sont absolument essentiels, à la fois pour l’avenir du pays, mais pour le quotidien aussi des salariés, des agents publics, et je crois que cette réunion elle a servi à ça, c’est une étape, et ce n’était pas plus qu’une étape.
ORIANE MANCINI
Mais il y a des syndicats qui sont prêts à discuter d’autres sujets même si vous ne retirez pas votre réforme des retraites ?
STANISLAS GUERINI
Vous voyez bien que nous sommes là dans un moment où effectivement, dans l’attente de la décision du Conseil constitutionnel, vous le disiez vous-même, des regards sont encore davantage tournés sur la réforme des retraites, c’est l’évidence, et moi je n’ai jamais considéré que c’était à nous de dire quand les gens avaient le droit d’être en colère ou plus le droit d’être en colère, voyez, c’est un moment où nous sommes encore dans une séquence autour des retraites. En ce qui concerne les organisations syndicales, elles cherchent à mobiliser, il y a une journée de mobilisation jeudi, et donc elles ne voulaient pas passer à autre chose, évidemment, mais tout ça, est dans une démocratie, un dialogue qui me semble plutôt normal. On devra effectivement retrouver ce chemin-là pour pouvoir avancer, et oui, je crois qu’il y a des possibilités de pouvoir le faire, avec des organisations syndicales, avec l’ensemble des partenaires sociaux, pour l’intérêt des salariés, pour l’intérêt des Français tout simplement, pour l’intérêt des agents publics parfois, en ce qui me concerne.
ORIANE MANCINI
On va en parler, mais vous pensez que le dialogue pourra reprendre normalement avec les syndicats, ou cette réforme des retraites elle a de doute façon laissé des traces dans le dialogue social ?
STANISLAS GUERINI
Mais, il le faut, c’est l’intérêt du pays qu’on puisse avancer sur ces sujets-là, donc, encore une fois, ne mettons pas les wagons dans le mauvais sens, écoutons ce que dira le Conseil constitutionnel vendredi, on verra s'il valide entièrement la loi, s'il la valide partiellement, tout ça nécessitera de continuer à dialoguer…
ORIANE MANCINI
Vous pensez qu’il peut la censurer totalement ?
STANISLAS GUERINI
Il y a beaucoup de sujets, vous savez, qui sont dans la réforme des retraites, et qui sont totalement liés aux sujets que nous discutons sur les parcours de carrière, la pénibilité, etc. Nous avons décidé, pour la fonction publique, d'introduire la retraite progressive, c'est-à-dire la capacité à se mettre à temps partiel en gardant sa rémunération, cde n’est pas une petite affaire ça, ça peut concerner beaucoup d'agents publics, les syndicats regardent avec intérêt ce type de mesures-là. Il y a beaucoup de mesures sur, notamment la portabilité des droits pour des agents qui sont catégorie active, pour qu'ils puissent mieux changer de métier demain, nous avons décidé de créer un fonds d'usure, 100 millions d'euros par an, un demi- milliard d'euros sur le quinquennat, ce ne sont pas des petits sujets ça, qu'est-ce qu'on fait de ça, et donc voyez, tous ces sujets-là ils nécessitent de se remettre à table, de discuter, de voir qu'est-ce qu'on en fait, parce qu'on a beaucoup à faire. Il faut passer d'une logique de réparation, celle qui consiste à partir un peu plus tôt à la retraite parce qu'on a un métier pénible, à, davantage, une logique de prévention professionnelle, c'est une révolution que nous devons mener ensemble, elle est culturelle, elle est managériale, elle est dans l'organisation du travail, ce sont des immenses chantiers.
ORIANE MANCINI
Mais est-ce qu’il n’aurait pas fallu faire les choses dans l’autre sens, Stanislas GUERINI, commencer par s’occuper de la question du travail et après de la question des retraites ?
STANISLAS GUERINI
Vous savez, de temps en temps j’entends ça comme si nous n’avions rien fait sur la question travail, évidemment ça ne correspond pas à la réalité, sur la formation professionnelle, sur la revalorisation de l'apprentissage, des métiers aussi manuels, beaucoup a déjà été fait, et donc on doit poursuivre…
ORIANE MANCINI
Beaucoup reste à faire, il y a une loi travail, est-ce que ça n’a pas été fait dans le mauvais sens ?
STANISLAS GUERINI
Evidemment, et vous ne m’entendrez pas le contester, aujourd’hui beaucoup reste à faire, mais mettons les mois qui sont devant nous – vous savez la réforme des retraites elle a vocation à s'appliquer à partir de septembre, après les mois d’été, eh bien mettons ce temps à profit pour qu’il soit un temps utile pour pouvoir travailler aux questions du travail, il y a effectivement une loi travail qui est en cours de préparation, moi-même je mène des chanter sur la fonction publique, sur les rémunérations, les parcours de carrière, l'accès à la fonction publique, les conditions de travail, il y a des questions essentielles, comment est-ce qu’on loge davantage de fonctionnaires, comment est-ce qu'on module mieux son temps de travail, comment on aménage les espaces de travail dans un monde où le télétravail se développe, comment on renforce la culture managériale dans la fonction publique, tout ça ce sont des questions qui sont absolument essentielles et que moi je souhaite traiter là, dans les semaines qui sont devant nous, c'est tout le sens de l'agenda social que j'ai construit avec les organisations syndicales. Alors aujourd’hui elles nous disent « là on est dans le temps des retraites, laissez-nous respirer, on n’a pas envie de parler de ces sujets-là », mais il faut bien redémarrer, on doit faire face à une inflation qui est importante, il y a des questions qui sont posées, les syndicats me disent « qu’est-ce que vous allez faire sur le point d’indice, sur la rémunération des agents », donc je sens aussi de l’appétence à pouvoir discuter ces sujets-là, et moi c’est avec eux que j’ai envie de discuter de ces sujets. On m’interroge parfois sur les plateaux de télévision en ce moment en disant " qu'est-ce que vous allez faire d'un point de vue salarial pour les agents publics en ce moment ? ", moi je réponds que c'est d'abord avec les organisations syndicales que je veux discuter de ces questions-là. Je constate que l’inflation…
ORIANE MANCINI
Mais tout est ouvert ?
STANISLAS GUERINI
Je constate qu’il y a une inflation qui est importante, au global en train de décélérer, mais qui est particulièrement accentuée sur les produits de première nécessité, qui est particulièrement accentuée sur l'alimentaire, où on voit encore des pourcentages à deux chiffres, et donc je crois que ceux qui sont les plus impactés par cette inflation-là ce sont plutôt les bas salaires, les entrées de grille dans la fonction publique, alors ça c'est une discussion qu'on doit avoir, comment est-ce qu’on concentre nos efforts peut-être, pour mieux accompagner ceux qui sont en entrée de grilles, qui viennent prendre de plein fouet l’impact de l’inflation.
ORIANE MANCINI
Plutôt qu’une revalorisation générale du point d’indice.
STANISLAS GUERINI
Ces questions, en tout cas, elles sont sur la table, et je crois qu’on doit les discuter avec les organisations syndicales.
ORIANE MANCINI
Mais ce sera sectorisé ou la revalorisation générale du point d'indice est ouverte ?
STANISLAS GUERINI
Là non plus on n’est pas au bout du chemin de la discussion qu'on doit mener, moi je pose un constat, qui est celui que je fais devant vous ce matin, et tout ça nécessite discussions, concertations, peut-être négociations, avec les organisations syndicales.
ORIANE MANCINI
A quelle échéance vous espérez avoir ces réponses ?
STANISLAS GUERINI
Le plus rapidement possible, mais là encore…
ORIANE MANCINI
Avant l’été ?
STANISLAS GUERINI
Oui, ce serait mon intention, mais j’entends, de la part de nos partenaires, des partenaires sociaux, aussi une forme de respect du rythme, il y a là un moment qui est sur les retraites, il y a eu un temps de dialogue social, moi j'insiste et j'en reparle souvent parce que c'est un temps qui a permis de mettre des mesures, pas de dépasser les désaccords sur l'âge, mais de mettre des mesures intéressantes dans le texte, j'en ai citées quelques-unes ce matin, il y a eu un temps de débat parlementaire, il fallait aussi le respecter, il y a un temps maintenant qui est plutôt constitutionnel, avec une décision sur la nature même du texte, et puis il faudra ensuite avancer.
ORIANE MANCINI
Sur le dialogue justement.
STEPHANE VERNAY
Sur le dialogue, Elisabeth BORNE prône l'apaisement en disant il ne faut pas que les syndicats sortent humiliés de cette séquence, comment on fait pourquoi les syndicats ne sortent pas humiliés de cette séquence ?
STANISLAS GUERINI
Voyez, d’abord…
STEPHANE VERNAY
C’est quoi la recette ?
STANISLAS GUERINI
Je dis ce matin, saluer leur responsabilité dans ce moment, qui a été un moment de conflit social, qui continue, puisqu'il y a encore des mobilisations qui sont prévues, mais qui a été fait dans une grande responsabilité, de pouvoir distinguer les acteurs, tout le monde n'a pas été aussi responsable dans le débat public, ça c'est peut-être la première étape du dialogue. La deuxième c'est d'être ouvert à pouvoir continuer à discuter, à dialoguer, c'était le sens de l'invitation de la Première ministre. La troisième condition, à mon sens, c'est aussi de respecter la temporalité que souhaitent les organisations syndicales, leur dire sur quels sujets est-ce qu'on se remet autour de la table, on ne souhaite pas leur imposer tout un agenda dans le dialogue social, regardons les sujets d’intérêt qui sont manifestés par les organisations syndicales, tout ça bout à bout. Je vous dis ça parce que moi je crois peu à la grand-messe qui met tout le monde autour de la table sur un calendrier, un agenda, qui aurait été entièrement déterminé par le gouvernement…
STEPHANE VERNAY
Ça veut dire que vous pourriez reprendre vos négociations avec qu’une partie des syndicats ? si vendredi le Conseil constitutionnel ne censure pas le texte et que le principe de l’âge de départ à la retraite est bien validé à 64 ans vous avez certains syndicats qui ne voudront pas reprendre les négociations, je pense notamment à la CGT, mais peut-être d'autres, comment vous faites pour renouer le dialogue social si vous restez dans une position de blocage ?
STANISLAS GUERINI
Moi je crois qu’il faut toujours repartir de l'intérêt des Français, l'intérêt des gens… intervenir chacun dans son rôle…
STEPHANE VERNAY
Mais vous pouvez reprendre des négociations avec uniquement une partie des partenaires sociaux, pas tous ?
STANISLAS GUERINI
Mais, vous voyez, il faut partir de là où il y a de la demande de discussion, les questions que nous sommes en train de discuter depuis ce matin, je pense que personne ne conteste qu'elles sont absolument essentielles et que, pour ce qui me concerne les agents publics, en ce qui concerne d'autres ministre les salariés, les Français de manière générale…
STEPHANE VERNAY
Donc elles vont se réimposer naturellement ?
STANISLAS GUERINI
Demandent qu’on puisse discuter de ces questions, demandent qu’on puisse avancer, je crois que c'est ça la vie politique aussi, de faire en partant de l'intérêt le plus profond du pays, c'est ça qui donne du poids à la capacité à pouvoir discuter, mais tout ça ce n’est pas être irrespectueux, c’est aussi respecter un tempo, un calendrier…
STEPHANE VERNAY
Est-ce qu’il y a besoin d’autres gestes politiques, de matérialiser cette ouverture ou cette volonté de se rapprocher et de passer à autre chose, est-ce que ça peut être matérialisé autrement ?
STANISLAS GUERINI
Mais partir des sujets d'intérêt, ce que veulent discuter les organisations syndicales, les agents, c'est déjà un geste d'ouverture, après moi je ne veux pas faire de politique fiction, on est souvent amené à commenter par anticipation ce qu’auront été les décisions du Conseil constitutionnel par exemple, quand on parle de la réforme des retraites, je pense qu'il faut, concernant la réforme des retraites, être, pardon, un peu patient, sage, cette semaine, c’est peut-être le mot qui convient, et puis ensuite en tirer, le plus collectivement possible, il n’y a pas d'autre intention de la part du gouvernement, les conséquences, avec nos partenaires les plus naturels que sont les partenaires sociaux.
ORIANE MANCINI
Quand Elisabeth BORNE dit qu’il ne faut pas que les syndicats sortent humiliés, qu’il faut respecter une période de convalescence, qu’il faut l’apaisement, c’est quand même une remise en question de la méthode d’Emmanuel MACRON.
STANISLAS GUERINI
Non, vraiment, sincèrement, je ne pense pas, j'ai vu, là aussi, chercher à opposer ce que serait la ligne de la Première ministre et la ligne du président de la République, c'est la même ligne, la volonté de faire avancer notre pays, il y a tant à faire encore, sur des sujets aussi clés…
ORIANE MANCINI
Mais est-ce qu’Emmanuel MACRON il ne va pas trop loin avec la CFDT ?
STANISLAS GUERINI
Que la transition écologique, que la question du travail, que celle des services publics, les deux ont cette même volonté de faire avancer notre pays, mais c'est le rôle de la Première ministre que d’être en première ligne du dialogue social aussi, avec des organisations syndicales…
ORIANE MANCINI
Donc pour vous il n’y a pas de différence de ligne ?
STANISLAS GUERINI
Elle l’a fait avec le ministre du Travail, elle l’a fait avec moi-même en ce qui concerne la fonction publique, et donc c’est son rôle de nouer ce dialogue-là, c’est ça aussi nos institutions, ce respect-là, donc il n’y a pas deux lignes différentes, il y a une seule volonté, celle de faire avancer le pays, il y a une Première ministre qui est en charge d'une mission difficile, qui est aussi celle de dialoguer, de trouver les voies et moyens justement pour pouvoir avancer.
ORIANE MANCINI
Est-ce qu’Emmanuel MACRON ne va pas trop loin avec la CFDT, est-ce qu'il n'est pas trop critique avec la CFDT, on sent que ça exaspère un peu Laurent BERGER ?
STANISLAS GUERINI
Mais, pardon, mais on fait aujourd’hui parler le président de la République à distance, moi je considère…
ORIANE MANCINI
Il a parlé, en Chine.
STANISLAS GUERINI
Je considère que le président de la République s’est toujours exprimé de façon respectueuse…
ORIANE MANCINI
Il a dit dans son interview que la CFDT n’avait pas fait de proposition, Laurent BERGER dit « ce sont des mensonges. »
STANISLAS GUERINI
Respectueux aussi des institutions. Le président de la République a dit aux Français, à la télévision, ce qu'il avait à leur dire, pour pouvoir justement faire redémarrer notre pays et avancer, le reste ce sont des commentaires.
ORIANE MANCINI
Sur les Français, parce que les Français ils contestent la réforme des retraites, mais il y a aussi d'autres sujets d'inquiétude, notamment la disparition des services publics, comment vous répondez à ça ?
STANISLAS GUERINI
Eh bien justement, en réinvestissant sur nos territoires, sur nos services publics, voyez, on ouvre aujourd'hui encore des Maisons France service pour ramener des services publics du quotidien sur nos territoires, en réinvestissant dans l'école, pour qu'on puisse mieux rémunérer nos professeurs, en réinvestissant dans l'hôpital, qui a tant de difficultés aujourd'hui, j’étais encore à Tours la semaine dernière, dans un hôpital, pour justement, avec les agents, travailler à ces questions, qui sont des questions capitales, ça c'est ce qui intéresse au quotidien. Moi je suis parfois frappé de la différence des discussions qu’il peut y avoir sur des plateaux de télévision, plutôt parisiens, et ce qu’on peut trouver comme réalité sur le terrain, et surtout comme attentes, beaucoup plus dépassionnées par rapport aux grands débats où il y a beaucoup d'opposition, il y a de la convergence qui peut se faire justement sur le terrain, moi je crois à ça, qu’en faisant pas à pas ce que les Français attendent de nous, c’est-à-dire remettre des services publics au quotidien, c'est comme ça aussi qu’on peut faire avancer notre pays, et les questions que vous posez sur les services publics je crois qu’elles sont absolument fondamentales et qu’elles doivent nourrir aussi l'agenda politique pour l'après-retraites d’une certaine façon, on doit s'intéresser…
ORIANE MANCINI
Avec de nouvelles mesures ?
STANISLAS GUERINI
Aux grands services publics, l’école, la santé, la justice, les attentes sont importantes, mais on doit aussi davantage, peut-être encore, s'intéresser aux fondamentaux des services publics, ce qui fait le quotidien de nos concitoyens, cette démarche administrative qui n’est pas facile à régler, ce téléphone où il n’y a personne qui décroche derrière, moi c'est ça le boulot qui, à mon avis, doit être prioritaire…
ORIANE MANCINI
Donc de nouvelles mesures pour simplifier les démarches, pour faciliter le quotidien des Français ?
STANISLAS GUERINI
Oui, toujours, simplifier en partant de la vie des gens, là encore. On a beaucoup fait de simplifications, pour la simplification, au fond en partant de nos contraintes à nous, administration, et en essayant de simplifier les choses, résultat, parfois on rajoute même des couches de complexité avec beaucoup de bonnes intentions initiales, eh bien moi je crois qu'il faut plutôt partir de la vie des Français, de la naissance jusqu'au décès, aux grands moments où on a des démarches administratives…
ORIANE MANCINI
Il y aura des nouvelles mesures ?
STANISLAS GUERINI
Essayer de les régler davantage, faire en sorte que, le gouvernement est à pied-d’œuvre sur ce sujet-là, on délivre les papiers d’identité plus rapidement, c'est un sujet de forte mobilisation, avec ma collègue Dominique FAURE, avec Gérald DARMANIN, en mobilisant tous les réseaux, en travaillant aussi avec les collectivités, parce que ces réponses-là on doit les faire dans une articulation très fine, les gens ils n’en n’ont rien à faire de savoir si c'est l'Etat, si c’est la région, si c'est le département, si c'est la commune, ils veulent qu'on leur règle leurs problèmes, donc ça, ça va concentrer toute notre attention.
ORIANE MANCINI
Mais il y aura des nouvelles mesures ou pas ?
STANISLAS GUERINI
Notamment sur ces grands chantiers, ces grands moments de vie, moi je mobilise, avec mes collègues du gouvernement, l'ensemble de la machine justement, pour régler ces questions-là, clés, dans les moments de vie qui constituent au fond les points de rencontre avec les Français, entre les Français et leur administration.
STEPHANE VERNAY
Dans ces points de rencontre, quand vous parlez de rencontre, c’est vraiment une rencontre physique, une vraie rencontre de terrain, de proximité ?
STANISLAS GUERINI
Oui, parfois téléphonique.
STEPHANE VERNAY
Je vous pose la question parce qu’il y a beaucoup de démarches qui peuvent être faites en ligne. On sait aujourd'hui qu'il y a 1 Français sur 3, d'âge adulte, qui est éloigné du numérique, ce qu'on appelle parfois « l’illectronisme », c’est 16 millions de personnes qui éprouvent des difficultés vis-à-vis de ces démarches, qu’est-ce que vous faites pour eux ?
STANISLAS GUERINI
Mais, je vais même aller un peu plus loin que vous, au-delà des 16 millions de personnes qui sont directement touchées et du mauvais côté de la barrière d’un point de vue de la fracture numérique, vous et moi, beaucoup de personnes ont rencontré à un moment donné une difficulté avec le numérique, parce que la démarche fonctionne mal, parce qu'on a besoin d'un coup de main tout simplement, et là on a besoin d'une alternative. Moi je crois que l'erreur ça serait d'arrêter le numérique, de dire : tout ça ne fonctionne pas, au fond, mettons tout à la poubelle…
STEPHANE VERNAY
Et l’alternative c'est quoi ? C’est de…
STANISLAS GUERINI
Vous savez, aujourd’hui il y a 2 milliards d'interactions, 2 milliards d'interactions tous les ans, entre les Français et une administration. Plus de 90% de ces interactions se font via le numérique. Donc évidemment il ne faut pas arrêter, il faut faire du bon numérique. D'abord, il faut commencer par ça. Du bon numérique, c'est du numérique où par exemple on ne vous demande pas 10 fois la même information, en fonction de l'administration que vous avez devant vous. Ça s'appelle le " Dites-le nous une fois ", et donc ça veut dire qu'il faut que les administrations partagent leurs données. Ça c'est le cœur de ma tâche. Du bon numérique, c'est du numérique inclusif, accessible aux personnes qui sont en situation de handicap. Parfois, quand on a un problème de déficience visuelle, eh bien on se retrouve justement, contre son gré, du mauvais côté de la barrière. Donc d'abord du bon numérique. Et puis ensuite, toujours penser à avoir une alternative tout simplement, réinvestir dans l'humain, parce que les gens, ce qu’ils veulent, c'est d'avoir des voix et des visages, derrière un guichet, derrière un numéro de téléphone. C'est pour ça qu'on ouvre des agences France services, 2600 aujourd'hui, 150 de plus sur l'année qui vient, on réinvestit par dizaines de millions d'euros, pour enrichir les services qu'on va pouvoir aller mener, pour développer aussi l'aller vers, on a su le faire pendant la vaccination, développer des bus, il y en a 135 aujourd'hui. Les bus mobiles, pour amener les services publics, mettre des gens, des spécialistes du numérique aussi, sur le terrain, on a créé les conseillers numériques France services, 4000 personnes qui sont déployées sur le terrain pour aller à la rencontre, former les Français, parfois ouvrir une adresse e-mail. Vous voyez c'est ça, cette politique, au-delà de tous les grands débats qu'on peut avoir, moi je crois vrai que c'est fondamentaux des services publics, c'est une clé pour aussi retrouver la confiance des Français.
ORIANE MANCINI
Un mot sur les élus locaux. David LISNARD alerte sur un nombre de démissions jamais atteint, au niveau des élus locaux, sur ce qui se passe dans nos mairies également. La semaine dernière, le Sénat a voté un texte pour revaloriser le statut des secrétaires de mairie, mais les sénateurs disent aussi « la balle est dans le camp du gouvernement ». Qu’est-ce que vous allez faire ?
STANISLAS GUERINI
Bien sûr. La balle, d’ailleurs, est dans le camp de tous les employeurs publics, employeurs territoriaux, comme le gouvernement. Et donc moi j'ai soutenu les mesures de bon sens, qui étaient issues de cette proposition de loi des sénateurs. Il faut s'intéresser aux compétences, aux recrutements et aux parcours de carrières et de rémunérations. Je veux faire des secrétaires de mairie, un bon exemple de justement notre capacité à faire bouger les lignes. C'est vrai, les secrétaires de mairie, il y en a un tiers qui vont partir à la retraite dans les 8 prochaines années. A chaque fois qu'on n’arrive pas à remplacer un secrétaire de mairie, on perd des services publics, c'est comme si on fermait une Maison France services. C’est-à-dire, pour tirer le fil de ce que je disais à l’instant. Et donc…
STEPHANE VERNAY
Ça, vous le dites souvent.
STANISLAS GUERINI
Oui, c'est vrai, mais parce que c'est une correction qui est très profonde, et donc…
ORIANE MANCINI
Mais du coup, est-ce que vous allez prendre des mesures pour revaloriser le statut ?
STANISLAS GUERINI
Oui, je veux qu'on puisse effectivement recruter plus facilement, élargir les filières de recrutement. Aujourd'hui, les secrétaires de mairie, elles sont recrutées dans les filières administratives simplement, il faut qu'on puisse recruter un plus grand nombre d'agents, mettre le paquet sur la formation, formation initiale, formation de professionnalisation, ça, ça se travaille, avec justement les acteurs, avec le CNFPT, avec les collectivités, et puis travailler à un parcours de carrière et de rémunération qui soient mieux adaptés aux secrétaires de mairie. Là aussi gens il y a des choses qui ont été…
ORIANE MANCINI
Et ça c'est pour quand ?
STANISLAS GUERINI
… faites, dans le dernier quinquennat, elles ont eu, pardon pour les termes techniques, mais ça parlera aux secrétaires de mairie, …MBI de 15 points, c'est environ 70, 80 € de plus par moi. Est-ce que c'est suffisant ? Certainement pas…
ORIANE MANCINI
Donc il y aura d’autres mesures. Pour quand ?
STANISLAS GUERINI
On doit construire ces solutions-là avec les collectivités. Moi j'ai pris un engagement devant les sénateurs…
STEPHANE VERNAY
Mutualiser aussi en zones rurales.
STANISLAS GUERINI
… c'est de le faire d'ici l'été et de donner les traductions concrètes dans le projet de loi de finances, parce que les employeurs, ce sont des emplois territoriaux. Oui, la question que vous me posez sur la mutualisation…
STEPHANE VERNAY
Encourager la mutualisation.
STANISLAS GUERINI
Bien sûr qu'elle est sur la table aujourd'hui, on voit les secrétaires de mairie, une des difficultés c'est que leur temps est partagé entre une, deux, trois, parfois quatre collectivités…
STEPHANE VERNAY
C'est du temps partiel à chaque fois.
STANISLAS GUERINI
Elles ont quatre employeurs en face d'elles. C'est compliqué pour elles, c'est compliqué d'ailleurs pour les collectivités aussi. Moi je crois que les centres de gestion, les intercos, peuvent plus facilement recruter des secrétaires de mairie et ensuite mettre leur temps à disposition, d'un point de vue partagé, peut-être, ça offrira des possibilités supplémentaires aussi en termes de rémunérations.
ORIANE MANCINI
Un dernier mot, puisque vous avez dirigé le parti présidentiel. Il y aura une convention de renaissance samedi sur la question de la fin de vie. Est-ce que c'est un sujet qui divise Renaissance, est-ce que vous, vous êtes favorable à la mise en place d'une aide active à mourir ?
STANISLAS GUERINI
Moi, je me prononce à titre absolument personnel, je suis favorable à ce qu'on puisse avancer et donner plus de possibilités de décider, mais je le dis à titre personnel, parce que justement le travail qui a été fait par la Convention citoyenne, est un travail absolument remarquable, qui permet de démêler des sujets, qui permet de de préparer aussi un consensus, et donc je crois qu'il faut être très respectueux du travail qui a été fait, et…
ORIANE MANCINI
Mais aller jusqu'à légaliser l’euthanasie, à titre personnel vous êtes pour ?
STANISLAS GUERINI
Moi je suis, à titre personnel, favorable à ce qu'on facilite sa capacité à choisir sa fin de vie. Mais cette question, elle doit être prise avec beaucoup de respect, dans un travail très minutieux, respectueux là encore, de ce qui a été fait par ces 184 citoyens qui ont permis de faire émerger des points de consensus forts, qui ont respecté aussi les dissensus qu'il pouvait y avoir, et qui préparent je crois formidablement bien le travail législatif qui maintenant s'ouvre, sans opposer la démocratie participative et la démocratie représentative. Je crois que l’on a réussi avec cette convention…
ORIANE MANCINI
Et ça divise Renaissance.
STANISLAS GUERINI
Non, très sincèrement je ne pense pas que ça sera un sujet de division, mais au contraire, à ce qui doit amener maintenant les acteurs politiques à mener ce travail pour construire la loi.
ORIANE MANCINI
Merci Stanislas GUERINI.
STANISLAS GUERINI
Merci à vous deux.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'avoir été notre invité.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 13 avril 2023