Texte intégral
PATRICK ROGER
Bonjour Olivier KLEIN.
OLIVIER KLEIN
Bonjour.
PATRICK ROGER
L’enquête sur l’origine du drame de Marseille, la piste de la fuite de gaz, les questions autour du logement en général, c’est ce que nous allons évoquer. Où en est-on précisément de la situation ce matin à Marseille justement, et tout d‘abord, peut-être dans la recherche des disparus ?
OLIVIER KLEIN
Tout d’abord, comme vous le savez, 4 personnes ont été identifiées, et je voudrais, une nouvelle fois, adresser mes condoléances aux familles, parce que c’est un drame, c’est un drame absolu que ces familles vivent. Dire aussi un mot de solidarité à ceux qui n’ont pas pu encore rentrer chez eux, c’est 300 personnes qui sont toujours ou dans des familles ou chez les amis ou logées à l’hôtel. Dire aussi un mot pour les marins-pompiers de Marseille et toutes les forces de secours qui font un travail formidable depuis de nombreuses heures maintenant, et dans des conditions extrêmement difficiles, parfois dangereuses, et ils sont extrêmement mobilisés, c’est plus de 100 marins-pompiers de Marseille qui sont mobilisés, des forces de police nationale et municipale, et aussi dire un mot aux Marseillais, leur dire au nom du gouvernement toute notre solidarité. Les recherches se poursuivent, il y a toujours deux disparus dans des conditions qui restent difficiles, et en même temps, l’enquête, pour essayer de comprendre les raisons de ce drame, a lieu avec la police judiciaire, qui recueille des indices, avec un travail là aussi des pompiers qui aident à cette recherche, qui séparent, imaginez, les gravats du premier immeuble, ceux du 17, et ceux du 15, pour pouvoir garder les pièces à conviction et les indices, et tout ça concourt à la vérité, parce que la vérité est nécessaire, mais en même temps, ne perdons pas de vue ce drame et ces personnes ou disparues ou décédées.
PATRICK ROGER
Oui, on va revenir, Olivier KLEIN, sur l’origine du drame dans un instant, mais avant ça aussi, parce que vous avez évoqué ces personnes qui ont été évacuées dans l’environnement, l’entourage. Quelles vont être les solutions pour elles, et que peut-il se passer aussi pour les logements et les bâtiments, les immeubles annexes ?
OLIVIER KLEIN
Alors, c’est aussi pour ça que je me suis rendu sur place lundi, pour travailler avec la ville de Marseille et la préfecture à ces solutions. Alors, il y a 300 personnes aujourd’hui qui sont toujours à l’extérieur, certains vont pouvoir regagner leur domicile, parce qu’une fois qu’on aura fait toutes les analyses de structure et qu’on se sera assuré que leur bâtiment est toujours solide, ils pourront y revenir. Bien évidemment, il faut aussi remettre l’électricité, le gaz, pour que les conditions de vie soient les plus acceptables possibles. Et puis, il y a des immeubles à proximité dont on sait d’ores et déjà qu’ils ne pourront probablement pas être réhabités, en tout cas, pas tout de suite, et là, il faut trouver des solutions de relogement, c’est de la responsabilité de la ville, de l’Etat, de chercher, en fonction des situations, il y a des gens qui sont propriétaires, il y a des gens qui sont locataires, donc les situations sont différentes, la composition familiale peut être différente…
PATRICK ROGER
Ça, ça peut prendre du temps…
OLIVIER KLEIN
Ça peut prendre du temps, mais il faut que…
PATRICK ROGER
Des mois, non ?
OLIVIER KLEIN
Alors, on va regarder, trouver des appartements qui correspondent, regarder la situation, quelqu’un qui est propriétaire qui paie encore un crédit à la banque, il faut regarder la situation, prendre contact avec la Banque de France, et je peux vous assurer que les services de la préfecture, les services de la ville seront aux côtés de toutes les familles tant qu’elles auront besoin de ce soutien…
PATRICK ROGER
Il peut y avoir des garanties, de l’aide de la part de l’Etat dans ces conditions ?
OLIVIER KLEIN
D‘abord, il faut qu’on prenne contact avec la Banque de France, s’il y a des prêts, et puis, il y a les assurances qui sont présentes, à nos côtés, pour accompagner ces familles, c’est tout ça qu’on doit coordonner, et c’est la responsabilité du gouvernement, la Première ministre y est très attentive, le président de la République aussi. On a échangé plusieurs fois sur la situation de Marseille, parce que c’est un drame qui dépasse la ville de Marseille, c’est un drame qui touche tous les Français.
PATRICK ROGER
Oui. L’origine du drame, c’est la fuite de gaz qui est privilégiée ?
OLIVIER KLEIN
Ecoutez, il y a une enquête. Aujourd’hui, la procureure a dit que le gaz fait partie des pistes privilégiées, il faut laisser faire cette enquête, comprendre comment une telle explosion a pu se produire, comment une telle explosion peut provoquer l’effondrement total d’un immeuble et d’un immeuble voisin, parce que c’est extrêmement important pour les victimes de comprendre, et puis, pour éviter qu’un tel drame puisse se reproduire.
PATRICK ROGER
C’est le compteur, avec le relevé qui est entre les mains de la procureure pour voir si, notamment de l’habitante du premier étage, puisqu’il y a le fils d’un couple de victimes qui a porté plainte pour homicide involontaire, qui accuse les services sociaux de ne pas avoir agi assez vite avec une habitante âgée, de 88 ans, et qui avait peut-être des problèmes de déplacement et même de vieillesse, quoi…
OLIVIER KLEIN
Il faut laisser faire l’enquête, la police judiciaire prend des témoignages, la police scientifique récupère les pièces, effectivement, pour regarder s’il n’y a pas une consommation excessive de gaz dans les 24h qui précèdent cette explosion, je n’ai aucun doute qu’aucune piste ne sera écartée, je comprends la douleur de ce monsieur, et c’est normal qu’il demande que toute la lumière soit faite sur ce drame qui le touche personnellement.
PATRICK ROGER
Au-delà de ça, est-ce que ça pose une vraie question sur le maintien de personnes âgées à leur domicile, et la présence par exemple de gaz et de feu ?
OLIVIER KLEIN
D'abord, le maintien à domicile fait partie des priorités du gouvernement, je pense qu’on doit tous avoir le droit et la possibilité de vieillir chez soi le plus longtemps possible, mais évidemment, hors isolement, j'ai compris que cette dame n'était pas isolée, il doit y avoir des services sociaux qui prennent en compte les situations personnelles, les risques, bien évidemment, on ne va pas mettre en cause le gaz d'un seul coup, vous savez, le gaz de ville a un parfum qui n'est pas naturel, il est parfumé pour repérer les fuites de gaz et éviter ce genre de drame, si jamais ce drame est lié au gaz. Donc, voilà, il y a une politique…
PATRICK ROGER
Mais c'est un enjeu de sécurité, parce que l'Assemblée nationale étudie actuellement justement la loi sur le bien vieillir, et il y a le maintien à domicile au maximum…
OLIVIER KLEIN
Bien sûr, et c’est juste…
PATRICK ROGER
Qui fait partie de ça…
OLIVIER KLEIN
Et c’est juste, je n'ai aucun doute que pour vieillir le mieux possible dans un environnement qui est le sien est important, et donc il faut continuer cette politique-là, mais bien évidemment, une politique en dehors de l'isolement, en accompagnement, les personnes qui restent à domicile, avec les services sociaux nécessaires, avec l'aide à domicile nécessaire, puisque le maintien à domicile passe aussi par un soutien, un soutien humain, et surtout pas de l’isolement.
PATRICK ROGER
Oui, alors, il n’est pas question d’insalubrité pour cet immeuble, ça a été dit dès le début, etc, mais tout de même, il y a à Marseille, on se souvient, il y a eu la rue d'Aubagne, il y a eu des problèmes quand même de certains logements, comment concilier, eh bien, les deux aujourd'hui, les ambitions de construire du logement, et puis, en même temps, de rénover également sur les mêmes endroits, sur les mêmes sites, quoi ?
OLIVIER KLEIN
Alors, vous avez raison, disons-le bien, il ne s'agit pas dans cette explosion et dans ce drame un lien avec l'habitat insalubre tel qu'on a pu le connaître dans d'autres quartiers, mais, oui, les questions d'habitats insalubres, d'habitats anciens en centre-ville est une question extrêmement importante, qui touche de nombreuses villes et pas seulement Marseille. Donc il est extrêmement important d'avoir tous les outils juridiques pour lutter contre cet habitat insalubre, les repérer, avec l'Agence Régionale de Santé, avec les services sociaux, empêcher que ces appartements puissent être mis en location, et trouver les moyens, comme à Marseille, d'avoir des organismes qui rachètent ces appartements, qui les restaurent si c'est possible, ou les détruisent si ce n'est pas possible. Et ça, c'est vraiment un enjeu qui est très important, je viens de confier une mission à la maire de Mulhouse, madame LUTZ, et au maire de Saint-Denis, Mathieu HANOTIN, sur l'habitat insalubre bien avant cette explosion, bien évidemment, pour travailler avec eux peut-être à un projet de loi, en tout cas, avoir des outils plus forts, plus rapides, pour lutter contre les habitats insalubres, même s’ils existent, vous savez, il y a déjà des résorptions d’habitats insalubres dans un certain nombre de villes et de quartiers, travailler sur la copropriété, travailler sur l'habitat insalubre, pour rénover, pour reconstruire la ville sur la ville, parce qu'il y a des enjeux écologiques qui sont extrêmement importants, on ne va pas continuer à ne pas faire preuve de sobriété, notamment de sobriété foncière. Donc c'est tout ça le rôle du ministre du Logement, bien évidemment. Mais le ministre du Logement aujourd'hui encore, 3 jours après ce drame, reste concentré sur ce drame et dans la proximité des familles…
PATRICK ROGER
Est-ce qu’il n’y a pas aussi dans les municipalités aujourd'hui une retenue pour construire, parce que beaucoup de normes, et donc, c'est parfois un petit peu complexe, le problème de financement, l'abandon de la taxe d'habitation, même s'il y a eu évidemment des recettes qui sont venues en échange de ça, mais ça complexifie les choses, et on a l'impression qu’il y a un ralentissement, plus la crise, qui est là, économique ?
OLIVIER KLEIN
Vous savez, on a tous besoin d’avoir un toit sur la tête, tous, donc évidemment, il faut redonner le goût de l'acte de construire, parce que, quand on est maire, ce qui a été mon cas, on le voit, quasiment 100 % de nos rendez-vous sont liés à une demande de logement, donc les maires, les habitants ont tous cette responsabilité d'accepter de voir de la construction se faire à côté de chez eux, mais pour ça, il faut faire preuve de sobriété foncière, il faut faire preuve d'attention sur la qualité des matériaux, la qualité architecturale pour que ces constructions soient acceptées et acceptables, et permettent de loger le plus grand nombre. Moi, je me définis comme le ministre du parcours résidentiel, il faut loger les plus fragiles, à travers l'hébergement d'urgence, il faut loger les personnes modestes, à travers le logement social, et il faut permettre aux autres d'acheter un appartement, aujourd'hui, c'est compliqué, parce qu'on n'a pas construit assez ces dernières années ; il faut vraiment accompagner les maires, les maires bâtisseurs ne doivent pas penser qu'ils vont perdre les prochaines élections, au contraire, ils doivent penser que construire, c'est bon pour leur population, c'est bon pour leur ville, ça fait de l'aménagement du territoire, et donc, c'est tout ça, c'est le rôle du ministre d'être présent à leurs côtés.
PATRICK ROGER
Oui, sauf que, évidemment, le prix des matières premières s'est envolé ces derniers mois, depuis même avant la guerre avec l'Ukraine, et donc ça, évidemment, ça renchérit le coût de ce logement, et ça, c’est compliqué…
OLIVIER KLEIN
Vous avez raison…
PATRICK ROGER
Et puis alors, les taux de crédit, en fait, qui s'envolent en fait aujourd'hui, enfin, du moins, d'emprunt…
OLIVIER KLEIN
Vous avez raison, aujourd’hui, l'acte d'achat d'un logement neuf est difficile, et on le voit, les promoteurs s'inquiètent, et ils ont raison de s'inquiéter, moi, je travaille à leurs côtés pour trouver des solutions à cette crise qui arrive, parce qu'une crise de la promotion et de l’achat, c’est demain une crise du bâtiment. Donc on travaille avec Bruno LE MAIRE, avec les banquiers pour limiter les taux d'intérêt, bien évidemment, et faire qu’on puisse accéder au crédit et ne pas trop interdire le nombre de crédits, parce que si on n'a pas de crédit, on n’achète pas, on travaille évidemment avec l'ensemble de la filière du bâtiment pour voir comment l’augmentation des coûts de la construction n’ont pas des effets trop importants. Et puis, on travaille sur la question du terrain et du foncier, parce que ce qui renchérit beaucoup le prix d'un appartement, c'est le prix du foncier, et donc c'est pour ça qu'on travaille à travers le bail réel, solidaire, qui est un moyen de séparer le logement de l'appartement, que l'Etat demande à recenser l'ensemble des terrains disponibles pour pouvoir offrir du logement, parce que les Français – et c'est normal – ont besoin d'habiter.
PATRICK ROGER
Olivier KLEIN, vous êtes ministre délégué à la Ville et au Logement, il y a aussi un autre sujet de préoccupation autour du logement et de la crise du logement, c'est le durcissement des normes écologiques, est-ce qu'il faut faire une pause, parce qu’on sait qu'il ne pourra pas y avoir une rénovation à temps en fait sur l'ensemble des immeubles, c'est quand même complexe ?
OLIVIER KLEIN
Moi, je ne crois pas qu'il faille faire une pause, parce que la rénovation du logement, ça a un double effet, ça a un effet pour la planète et ça a un effet pour le portefeuille et la qualité de vie de ceux qui habitent dans ces appartements, on ne peut pas laisser des gens vivre dans des passoires thermiques, on ne peut pas dire qu'on va lutter contre l'habitat insalubre et ne pas lutter en même temps contre ces passoires thermiques…
PATRICK ROGER
Ce n’est pas la même chose quand même entre insalubre et…
OLIVIER KLEIN
Souvent, non, mais vous savez, moi…
PATRICK ROGER
… Il n’est pas aux normes parce qu’il est encore au fuel en fait, au gaz, etc.
OLIVIER KLEIN
Mais il y a plusieurs…
PATRICK ROGER
C’est beaucoup plus complexe que ça, vous le savez, en fait…
OLIVIER KLEIN
Il y a les passoires thermiques, et c’est elles qui vont retirer de la location immédiatement, et moi, j'en ai visité, vous savez, quand il y a du moisi partout, quand il y a des fenêtres calfeutrées, ce n'est pas acceptable…
PATRICK ROGER
Et qu’est-ce qu’elles vont devenir alors… ?
OLIVIER KLEIN
Eh bien, d’abord, les propriétaires ont les informations, et savent quelles sont les différentes dates du calendrier, il y a MaPrimeRénov’ qui permet de réhabiliter ces logements, d'un point de vue… avec un soutien, qu’on soit propriétaire occupant, propriétaire-bailleur, on a droit aux mêmes aides, donc, quand on est propriétaire-bailleur, on reçoit le loyer, et en plus, on a les mêmes aides. Donc c'est de la responsabilité du propriétaire de faire ces travaux pour que les gens bien à l’intérieur…
PATRICK ROGER
Sauf que tout le monde n’est pas forcément d’accord pour faire des travaux de rénovation dans un immeuble, vous le savez, il y a plusieurs propriétaires…
OLIVIER KLEIN
Alors, pour un immeuble, absolument, c’est pour ça qu’on travaille beaucoup aux réglementations de la copropriété, avec le Garde des sceaux, on a plusieurs fois fait des réunions de travail déjà, parce que la démocratie dans la copropriété, la loi de 65, dépend du ministre de la Justice, donc on travaille sur ces questions de quorum, sur ces questions de majorité simple, qualifiée, pour simplifier la vie de la copropriété, permettre que ces travaux puissent avoir lieu, et on travaille beaucoup sur l'aide, parce que la décision de faire ou de ne pas faire les travaux est liée au reste à charge que chacun aura à payer. Et donc il faut que MaPrimeRénov’, et c'est ma volonté et celle du gouvernement, soit au rendez-vous et aide au maximum les copropriétaires pour que le reste à charge soit acceptable, et les banques doivent être aussi au rendez-vous avec l'éco-prêt, l’éco-prêt PTZ, qui doit être simplifié, il l'est déjà, aujourd'hui, quand on dépose ses papiers MaPrimeRénov’, eh bien, les documents sont transmis à la banque, et le prêt est plus facilement accessible.
PATRICK ROGER
Oui, parce qu'aujourd'hui, on en est où de la pénurie de logements, on parlait de 2 millions à peu près, c'est ça ?
OLIVIER KLEIN
Oui, à peu près, il y a 2 millions de demandeurs de logement, heureusement, ces personnes ne sont pas toutes à la rue, fort heureusement, et elles ont un logement, mais elles cherchent un logement plus grand, plus petit, et ça, c'est un travail que l'on doit mener en construisant plus de logements, plus de logements là où on en a le plus besoin, les zones tendues bien évidemment.
PATRICK ROGER
Merci Olivier KLEIN, le ministre…
OLIVIER KLEIN
Permettez-moi de redire encore une fois tout mon soutien aux Marseillais et aux forces de sécurité, aux marins-pompiers qui sont présents depuis de nombreuses heures maintenant, et avoir encore eu une pensée pour les familles touchées…
PATRICK ROGER
Est-ce que vous allez retourner sur place à Marseille ?
OLIVIER KLEIN
Pour l'instant, j’ai des échanges téléphoniques très réguliers avec la ville de Marseille et avec le préfet, si ma présence est nécessaire, j'y retournerai bien sûr, mais l’Etat est aux côtés des Marseillais, bien évidemment.
PATRICK ROGER
Merci Olivier KLEIN, ministre délégué à la Ville et au Logement, d'avoir été l'invité spécial de Sud Radio.
OLIVIER KLEIN
Merci à vous.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 17 avril 2023