Texte intégral
Monsieur le président de l’Ecole Polytechnique, cher Eric LABAYE,
Madame la Sénatrice,
Générale, Madame la directrice, chère Laura CHAUBARD,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs en vos grades et qualités,
Mesdames et Messieurs les élèves et étudiants des écoles de l’Institut Polytechnique,
[Introduction]
Je dois vous le dire : c’est la première fois que je viens ici, en tant que Ministre.
Je n’évoquerai pas ici d’autres venues sur le " platâl ", moins glorieuses, plus festives, soit pour participer aux fameux " Points gamma ", soit pour coller mes propres affiches et inciter les étudiants à se déplacer à quelques kilomètres pour venir faire la fête un peu plus loin sur le plateau de Saclay….
Je veux commencer par quelques remerciements. D’abord aux étudiants de la Tribune de l’X. Je viens d’une école où nous aimons bien tirer le portrait de nos invités – c’est toujours un peu étrange d’être de l’autre côté mais vous l’avez fait avec brio et bienveillance !
Ensuite, des remerciements très appuyés à l’Institut Polytechnique de Paris, à la Générale, directrice de l’Ecole Polytechnique, Laura CHAUBARD, d’avoir pris cette initiative particulièrement pertinente de lancer un forum de l’emploi public de l’Institut Polytechnique. Ce forum répond à un enjeu fondamental, celui du sens et de l’attractivité du service public, pour en promouvoir les métiers.
Et il me donne l’occasion de m’exprimer devant vous, celles et ceux sur lesquels notre nation compte plus particulièrement pour relever les grands défis de notre siècle.
J’ai tenu à ce que l’on puisse avoir un moment d’échanges à l’issue de ce propos. Je le fais très régulièrement avec des étudiants dans tout le pays, issus de grandes écoles, des instituts régionaux d’administration, de toutes les écoles du service public et je veux privilégier des moments d’échanges car vous avez sans doute des questions auxquelles je veux pouvoir vous apporter mes réponses, fondées sur mes convictions : pourquoi rejoindre le service public ? Quel sens pour chacune et chacun ? Quel accomplissement y trouver au plan professionnel ?
J’aurai volontairement un propos court qui se résumerait, au fond, à trois messages :
1. Le premier message c‘est qu’on a rarement eu autant besoin de vous.
2. Le deuxième message, c’est qu’il y a peu de carrières aussi passionnantes que celles qu’est capable de proposer la fonction publique aujourd’hui.
3. Le troisième message, c’est que la fonction publique est en train de se transformer plus vite et plus fort que ce qu’il est parfois trop convenu d’en dire dans le débat public.
I. Je vous le déclare :on a rarement eu autant besoin de vous :, parce que vous êtes des scientifiques autant que vous êtes des femmes et des hommes d’action
1.1 D’abord, parce que vous êtes des femmes et des hommes formés à la rigueur de la science.
Vous suivez des études scientifiques et d’ingénierie de très haut niveau, celles qui font l’excellence académique de notre pays.
Et à l’heure où notre société doit faire face à la propagation de fausses informations, comme le rapport BRONNER l’a prouvé lors du dernier quinquennat, et où la rationalité recule, nous avons plus que jamais besoin de la connaissance scientifique, d’esprits capables d’analyser et de comprendre la complexité de notre monde, et d’en tirer des solutions éprouvées par l’expérience et le raisonnement. Et plus encore, ce qui est une de vos marques de fabrique, quand c’est éclairé par les sciences humaines, l’histoire, la science politique …
Ce qui se joue actuellement, c’est bien l’évolution du débat d’idées dans notre société et avec lui la préservation des fondations de notre démocratie, construites sur la place donnée à la Raison et aux Lumières.
1.2 Nous avons ensuite besoin de vous parce que vous êtes des femmes et des hommes d’action, de décision, d’arbitrage.
La dimension militaire de votre formation n’y est évidemment pas étrangère… Comme je le disais il y a un instant, l’enseignement que vous recevez ici est nourri par l’Histoire. C’est-à-dire une succession de décisions, de la plus grande à la plus petite, qui ont construit notre pays, façonné notre société, dessiné notre démocratie : de la création de notre République il y a plus de deux siècles au développement du nucléaire dans l’ après-guerre, des actes que la France n’a cessé de poser dans le « concert des nations », à commencer par l’Europe en tant qu’espace de paix et de coopération, au lancement de l’immense chantier de décarbonation de nos économies qui devient notre nouvel horizon … Autant de rendez-vous de notre pays avec l’Histoire, qui s’est faite et qui se poursuit.
Notre pays se forge de ces décisions, et de notre capacité, à tous les niveaux, à décider.
Et c’est justement ce qui me frappe aujourd’hui. L’important ne me semble pas être les grands débats sur l’Etat-stratège, mais bien le risque d’affaiblissement de notre capacité à faire et de nos compétences en matière de " maîtrise d’ouvrage ". On a trop souvent opposé ceux qui pensent la décision stratégique et ceux qui la mettent en oeuvre. Et on a trop souvent valorisé les premiers au détriment des seconds.
J’utilise ce terme à dessein, " maîtrise d’ouvrage " alors même qu’il pourrait apparaître comme un peu réducteur ou moins valorisable que d’autres. Je crois au contraire, que c’est dans l’articulation entre la stratégie et son exécution que se trouve la clé de notre réussite face aux défis du siècle :
- Je pense à la transition écologique, un impératif, qui nécessite que nous transformions profondément notre production d’énergie, nos façons de nous déplacer, notre production agricole et notre économie tout entière.
Je ne prendrai qu’un exemple, celui de la rénovation énergétique des bâtiments : c’est près de 100 millions de m2 de surface à rénover pour l’Etat. Cela nécessite planification, minutie et organisation dans l’exécution.
- Je pense aussi, évidemment, à la transition numérique qui bouleverse notre quotidien, change les rapports entre nous et qui me parait devoir d’abord être adressée comme une immense source d’opportunités.
Ce lien entre stratégie et mise en oeuvre, vous êtes parmi les mieux placés pour l’incarner.
Le Président de la République le résume parfois très simplement : nous avons autant besoin de barreurs que de rameurs. Et nous avons besoin qu’ils se comprennent et qu’ils travaillent ensemble.
Plus que jamais, j’ai besoin de vous, nous avons donc besoin de vos profils, nourris par la science et mobilisés dans l’action. Je le dis à un moment où notre Première ministre est issue de l’Ecole Polytechnique et qu’elle a dans sa carrière à la fois utilisé ses compétences scientifiques et mis sa culture de la décision au profit de l’Etat dans des fonctions régaliennes et de conduite de politiques publiques plus " administratives", comme Préfète de la République.
Ce parcours ne s’oppose naturellement pas à ceux issus de filières telles que les administrateurs de l’Etat : mais il souligne combien nous avons intérêt à mieux nous appuyer encore sur l’ensemble des compétences apportées par les administrateurs et les ingénieurs.
[Transition]
C’est donc en tant qu’employeur public que je m’adresse à vous et je le fais à dessein dans un forum de l’emploi, qui n’est pas le seul que vous organisez ici, mais qui a la spécificité de valoriser l’emploi public. Vous ferez des choix qui, j’en suis certain, vous conduiront à servir l’intérêt général, parfois ailleurs que dans la fonction publique. Nous devons être humbles à cet égard : l’Etat n’a pas le monopole de l’intérêt général mais je suis certain d’une chose : il n’y a pas de plus bel endroit pour le servir que la fonction publique !
II. Parce que les défis que nous allons devoir relever ensemble, sont les plus passionnants qui soient.
2.1. Ce que nous vivons aujourd’hui, dans le temps long de l’Histoire, c’est bien un moment de bascule, fondamental.
Les choix que nous faisons seront décisifs pour les générations à venir. Comme rarement nous vivons l’entremêlement de cinq grandes crises : géopolitique, écologique, démographique, numérique et sociétale. Elles remettent en question la place de nos sociétés dans le monde et en bouleversent profondément le fonctionnement même.
C’est un moment gramscien : alors même que le vieux monde se meurt et que le nouveau tarde à paraître, dans ce clair-obscur, des " monstres ", comme il les appelait si bien, ont malheureusement déjà commencé à surgir.
2.2 Et relever le défi de ces transitions, de ces crises qui s’entremêlent c’est justement ce qui se joue au coeur de la fonction publique aujourd’hui.
Et je ne suis pas venu devant éclairer un chemin dessiné à l’avance. Cela peut paraître vertigineux, mais je n’ai pas toutes les clés : les solutions sont à inventer ensemble.
Nous vivons une période de retour du politique au sein le plus noble du terme. Le laisser-faire n’est plus une option. Le temps où l’Etat décide et fait tout, seul, face aux attentes des acteurs privés, face aux espérances et aux besoins de nos concitoyens, face aux évolutions de plus en plus rapides et structurantes de la société : c’est une période révolue.
Ni laisser-faire, ni faire seul : faire ensemble, c’est cela le défi qui vous sera proposé dans la fonction publique.
Je ne veux pas vous faire de fausse promesse sur les parcours dans la fonction publique. Tout n’est pas parfait. Ce que je sais vous promettre, c’est une carrière qui ne ressemblera à aucune autre.
C’est une carrière où vous pourrez travailler au Ministère de l’agriculture à la mise en oeuvre de la troisième révolution agricole.
Où vous pourrez, demain, être à la tête d’une préfecture pour représenter l’Etat dans un département.
Où vous pourrez, après-demain, être à l’avant-garde de la transition écologique dans nos Laboratoires de Recherches avant d’agir dans la transition numérique en prenant des fonctions stratégiques à l’ANSSI.
Vous aurez la possibilité d’exercer des métiers allant du niveau le plus stratège au plus opérationnel, en participant au développement de filières d’avenir. Je pense en particulier à la structuration de la filière cyber de l’Etat, face à des " monstres " comme l’attaque qui a frappé cet été l’hôpital de Corbeil-Essonnes, ou pour développer au plus haut niveau nos capacités de renseignement au sein des services.
Vous rencontrerez les enjeux les plus complexes en matière de numérisation pour permettre de passer de 90 000 usagers de France Connect à 42 millions de Français comme nous l’avons fait lors du dernier quinquennat.
III. Ce que je veux vous proposer, au fond, ce n’est pas d’être spectateurs des transformations et des crises qui arrivent vers nous, mais d’en être les acteurs. Et, plus encore, d’en profiter pour transformer de l’intérieur la fonction publique.
3.1 Cette transformation n’est pas qu’une promesse : elle est en cours.
La crise sanitaire nous a permis de redécouvrir ce que pouvait être la fonction et l’action publiques : nous avons été humbles face aux crises, nous avons raccourcie l’échelle de commandement, nous avons valorisé la prise de risque pour être plus rapides, plus créatifs, recentrés sur l’essentiel : servir et régler les problèmes.
Nous ne devons pas le perdre. Et tout ce que je souhaite porter est guidé par cette obsession : conserver cette dynamique et en profiter pour transformer l’essai.
3.2 La promesse que je porte comme employeur public, c’est que nous allons transformer la fonction publique pour diversifier les profils, libérer les énergies et responsabiliser les cadres de l’Etat.
D’abord diversifier les profils, pour de vrai, dans les faits : c’est un enjeu d’égalité, certes, mais c’est aussi et avant tout un enjeu d’efficacité, si l’on veut armer les services publics en compétences de pointe, et particulièrement en compétences numériques.
C’est pourquoi la présence d’étudiants de Telecom Paris et Telecom Sud Paris est signifiante ce soir : je suis heureux de voir tout l’Institut Polytechnique représenté.
Ensuite, valoriser les compétences et la performance, pour en faire le moteur de l’évolution des carrières, en axant prioritairement les travaux sur les compétences critiques qui font aujourd’hui en partie défaut à l’Etat : le nucléaire, la cybersécurité, la conduite de projets numériques, en associant très étroitement les directions interministérielles métiers. Vous y avez plus que jamais votre place.
Enfin, rendre les parcours de carrières et les rémunérations réellement attractifs. Je ne vous promets par que vous serez toujours mieux payés que dans le privé, mais je souhaite que la fonction publique soit attractive et qu’elle attire les meilleurs.
C’est l’ambition que je porte pour la réforme de l’attractivité de la fonction publique je porte, en symétrie de la réforme menée au sein de l’encadrement supérieur, notamment pour les ingénieurs de l’Etat.
Pour ne pas être plus long, j’en terminerai en reprenant simplement mes trois messages :
1. Nous n’avons jamais eu autant besoin de vous.
2. C’est dans la fonction publique que vous trouverez la carrière la plus passionnante.
3. Et c’est la fonction publique elle-même que vous contribuerez à changer, par votre venue, par votre singularité, par votre action, et par votre détermination.
Vive le service public, vive l’Ecole polytechnique.
Vive la République et vive la France !
Source https://www.transformation.gouv.fr, le 21 avril 2023